Rapport n° 177 (1995-1996) de M. François BLAIZOT , fait au nom de la commission des lois, déposé le 23 janvier 1996

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N° 177

SÉNAT

SESSION ORDINAIRE DE 1995-1996

Annexe au procès-verbal de la séance du 23 janvier 1996.

RAPPORT

FAIT

au nom de la commission des Lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du Règlement et d'administration générale (1) sur la proposition de loi de MM. José BALARELLO, Guy CABANEL, Jean-Pierre CAMOIN et René MARQUÈS, relative à la prorogation de la suspension des poursuites en faveur des rapatriés réinstallés.

Par M. François BLAIZOT.

Sénateur.

(1) Cette Commission est composée de MM Jacques Larché, président ; René-Georges Laurin, Germain Authié, Pierre Fauchon, François Giacobbi, vice-présidents ; Robert Pagès, Michel Rufin, Jacques Mahéas, Jean-Jacques Hyest, secrétaires ; Guy Allouche, Jean-Paul Amoudry, Robert Badinter, Pierre Biarnès, François Blaizot, André Bohl, Christian Bonnet, Mme Nicole Borvo, MM Philippe de Bourgoing, Charles Ceccaldi-Raynaud, Raymond Courrière, Jean-Patrick Courtois, Charles de Cuttoli, Luc Dejoie, Jean-Paul Delevoye, Christian Demuynck, Michel Dreyfus-Schmidt, Patrice Gélard, Jean-Marie Girault, Paul Girod, Daniel Hoeffel, Charles Jolibois, Lucien Lanier, Paul Masson, Daniel Millaud, Georges Othily, Jean-claude Peyronnet, Claude Pradille, Louis-Ferdinand de Rocca Serra, Jean-Pierre Schosteck, Jean-Pierre Tizon, Alex Tùrk, Maurice Ulrich.

Voir le numéro

Sénat : 161 (1995 - 1996)

Rapatriés

PROPOSITIONS DE LA COMMISSION

Lors de sa réunion du mardi 23 janvier 1996, la commission des Lois, présidée par M. Germain Authié, vice-président, a examiné, sur le rapport de M. François Blaizot la proposition de loi relative à la prorogation de la suspension des poursuites en faveur des rapatriés réinstallés.

Après avoir rappelé les différents aspects de l'action entreprise par L'État en faveur des rapatriés, le rapporteur a exposé plus particulièrement les dispositions prises à l'égard des rapatriés connaissant des difficultés financières en raison des dettes contractées pour leur réinstallation. Il a ensuite indiqué que la proposition de loi avait simplement pour objet de proroger d'une nouvelle année le bénéfice de la suspension des poursuites accordées à ceux de ces rapatriés qui avaient demandé des remises de dettes ou des prêts de consolidation, afin de permettre aux commissions départementales d'aide aux rapatriés réinstallés (CODAIR) de régler les quelques cinq cents dossiers encore en souffrance.

M. Blaizot a souhaité que cette prorogation soit effectivement la dernière. Puis il a invité la commission à approuver la proposition de loi sous réserve de la compléter pour préciser que la prorogation de la suspension des poursuites s'appliquera aux instances en cours y compris aux affaires pendantes devant la Cour de cassation.

Mesdames. Messieurs.

Constatant que les commissions départementales d'aide aux rapatriés réinstallés (CODAIR) n'avaient pas achevé le traitement des dernières situations de difficultés financières rencontrées par des rapatriés en raison des dettes contractées pour leur réinstallation, nos quatre collègues MM. José Balarello, Guy Cabanel, Jean-Pierre Camoin et René Marquès, ont déposé la proposition de loi soumise à notre examen pour proroger, jusqu'au 31 décembre 1996, le bénéfice de la suspension des poursuites à l'égard des dettes professionnelles en cours de traitement par les CODAIR initialement prévue par l'article 67 de la loi n° 89-18 du 19 janvier 1989 portant diverses mesures d'ordre social, et prorogée sans discontinuer depuis lors, afin de permettre l'examen de la situation des rapatriés dans l'incapacité de rembourser les dettes liées à leur réinstallation professionnelle.

Dans la mesure où, comme votre commission des Lois l'a pensé, il convient de limiter le plus possible la période de discontinuité introduite dans la suspension des poursuites depuis le 1 er janvier 1996, cette proposition de loi doit être adoptée dans les meilleurs délais.

1. Le dispositif d'aide à la réinstallation

Pour permettre aux agriculteurs, aux commerçants et aux artisans rapatriés de reconstituer en France des exploitations agricoles ou des entreprises comparables à celles qu'ils axaient dû abandonner, des prêts de reclassement ou de réinstallation, à taux bonifié, ont été mis en place dans le cadre de la loi du 26 décembre 1961.

La charge de l'endettement professionnel de ces rapatriés, généralement alourdie par des prêts complémentaires importants, surtout pour les agriculteurs, contractés aux conditions du marché, a placé certains des intéressés dans des situations de surendettement insupportables à l'égard desquelles l'État a pris des mesures de remises partielles de prêts et mis en place des aides à la consolidation des dettes.

La persistance de grandes difficultés pour 800 à 1 000 personnes a par ailleurs conduit à la mise en place d'une procédure de traitement individualisé.

a) Des remises partielles de prêts

ï Le décret du 26 septembre 1977 a permis l'effacement de 62 millions de francs de prêts de réinstallation, répartis entre 928 bénéficiaires.

ï La loi n° 82-4 du 6 janvier 1982 portant diverses dispositions relatives à la réinstallation des rapatriés a permis 3 570 mesures de remises partielles de prêts pour un montant total de 500 millions de francs.

ï L'article 44 de la loi n° 86-1918 du 30 décembre 1986 portant loi de finances rectificative pour 1986 a ouvert une nouvelle procédure d'effacement des prêts de réinstallation consentis par des établissements conventionnés par l'État, et des prêts complémentaires de réinstallation contractés avant le 31 décembre 1985.

D'après le rapport de la commission des Finances du Sénat sur le projet de loi de finances pour 1996 (n° 77, Tome III, annexe 37) au 31 décembre 1991, 9 358 dossiers avaient fait l'objet d'une décision favorable pour un montant de 918 millions de francs. Cette situation aurait peu évolué depuis lors.

b) Des aides a la consolidation des dettes

La loi n° 87-549 du 16 juillet 1987 relative au règlement de l'indemnisation des rapatriés a prévu une mesure de consolidation des dettes contractées avant le 31 décembre 1985 par les rapatriés dont l'exploitation se heurte à de graves difficultés économiques et financières. Les demandes devaient être déposées avant le 31 juillet 1988.

Les dettes consolidâmes sont les arriérés de cotisations sociales, les dettes aux fournisseurs et les encours bancaires non éligibles à la remises des prêts. En sont exclues les dettes fiscales.

La consolidation est effectuée au moyen de prêts bonifiés sur 15 ou 20 ans, garantis, le cas échéant par l'État, et consentis après examen des dossiers par les commissions départementales du passif des rapatriés (CODEPRA).

c) Des traitements individualisés de l'endettement professionnel global

Un recensement effectué en 1993 a fait apparaître qu'il subsistait un nombre non négligeable de rapatriés réinstallés, évalués entre 800 et 1 000, en grande difficulté et n'ayant pu bénéficier pleinement des mesures antérieurement prises en leur faveur.

C'est pourquoi un décret et une circulaire du 28 mars 1994 ont institué des commissions départementales d'aide aux rapatriés réinstallés (CODAIR), chargées d'assurer l'examen, au cas par cas, des dossiers des rapatriés réinstallés encore en difficulté, en vue de parvenir, autant que faire se peut, à leur désendettement professionnel définitif.

Les CODAIR ont donc pour mission non seulement d'examiner les demandes de prêts de consolidation mais également de conduire l'élaboration de plans d'apurement des dettes négociés avec les créanciers.

2. La suspension des poursuites

Afin de protéger, durant le temps nécessaire à l'examen de leur dossier les rapatriés ayant demandé le bénéfice des remises de dettes et des prêts de consolidation, l'article 67 de la loi n° 89-18 du 19 janvier 1989 pourtant diverses mesures d'ordre social a institué une mesure de suspension de plein droit des poursuites jusqu'au 31 décembre 1989.

Depuis lors cette mesure a été prorogée :

- jusqu'au 31 décembre 1990, par l'article 34 de la loi n° 89-1010 du 31 décembre 1989 relative à la prévention et au règlement des difficultés liées au surendettement des particuliers et des familles ;

- jusqu'au 31 décembre 1991, par l'article 39 de la loi n ° 91-73 du 18 janvier 1991 portant diverses dispositions relatives à la santé publique et aux assurances sociales.

L'article 37 de la loi n° 91-1406 du 31 décembre 1991 portant diverses dispositions d'ordre social a prorogé à nouveau ces dispositions jusqu'à 30 juin 1993, au profit des personnes dont la demande de prêts n'avait pas fait l'objet d'une décision définitive à la date du 31 décembre 1991, ainsi que pour celles ayant usé, avant cette date, d'une voie de recours contre les décisions de rejet prises à leur encontre.

L'article 81 de la loi n° 93-121 du 27 janvier 1993 portant diverses mesures d'ordre social a prorogé ces mesures jusqu'au 31 décembre 1993 au bénéfice des personnes ayant déposé un dossier de consolidation de leurs dettes en application de l'article 7 de la loi n° 82-4 du 6 janvier 1982 ou de l'article 10 de la loi n° 87-549 du 16 juillet 1987.

Enfin, en dernier lieu, l'article 22 de la loi n° 93-1444 du 31 décembre 1993 portant diverses dispositions relatives à la Banque de France, à l'assurance, au crédit et aux marchés financiers, a prorogé ces mesures jusqu'au décembre 1995 au bénéfice des rapatriés ayant dépose un dossier de candidature de leurs dettes en application de l'article 7 de la loi de 1982 ou de l'article 10 de la loi de 1987, d'une part, des personnes ayant sollicité un remise de prêt sur le fondement de l'article 44 de la loi de finance rectificative pour 1986 et de l'article 12 de la loi de 1987, d'autre part.

3. La nécessité de proroger une nouvelle fois le bénéfice de suspension des poursuites

Au 31 décembre 1995, 1 100 dossiers avaient été déposés auprès des CODAIR et 750 avaient fait l'objet d'un examen à l'issue duquel 350 avaient été déclarés éligibles tandis que 400 étaient rejetés. Sur les 350 dossiers retenus, 110 étaient définitivement traités.

Il reste donc à examiner la recevabilité de 350 dossiers et à mettre au point un plan d'apurement du passif pour les 240 dossiers déjà retenus auxquels s'ajouteront les dossiers admis sur les 350 dossiers restant examiner.

Face à ce retard, la nouvelle prorogation de la suspension des poursuites proposée par nos collègues s'impose sans conteste. Gageons qu'elle sera la dernière et qu'à la fin de l'année 1996 l'ensemble des dossiers aura été traité.

Votre commission des Lois souhaitant que les CODAIR se mobilisent le plus rapidement possible, elle a chargé son rapporteur de recueillir toutes assurances à cet égard auprès du Gouvernement lors de l'examen de la proposition de loi en séance publique.

4. Le sort des poursuites engagées entre le 1er janvier 1996 et la nouvelle prorogation de la suspension

La proposition de loi précise expressément que les mesures de suspension des poursuites prévues par l'article 22 de la loi du 31 décembre 1993 sont prorogées « au-delà du 31 décembre 1995, et jusqu'au 31 décembre 1996 » . Autrement dit, elle introduit une solution de continuité entre le 31 décembre 1995 et sa date d'entrée en vigueur susceptible, le cas échéant, de produire des effets suspensifs rétroactifs sur les poursuites reprises pendant la période d'interruption du bénéfice de la suspension des poursuites, dont il reste à souhaiter qu'elle soit la plus brève possible.

Reste toutefois le cas des procédures pendantes devant la Cour de cassation dans la mesure où l'application des lois nouvelles aux instances en cours ne concerne de plein droit que les instances au fond. La Cour de cassation n'est en effet pas un troisième degré de juridiction et elle n'a pas, de ce fait, mission de juger le litige, mais seulement les décisions qui lui sont déférées. Autrement dit, si elle était saisie d'une décision d'appel intervenue entre le 1er janvier 1996 et la date d'entrée en vigueur de la prorogation de la suspension des poursuites, elle ne pourrait faire application de cette prorogation.

Il convient donc, pour prévenir de telles situations, que la loi précise expressément qu'elle s'applique aux instances pendantes devant la Cour de cassation. Tel est l'objet du second alinéa que votre commission des Lois se propose d'ajouter au texte de l'article unique de la proposition de loi.

Sous le bénéfice de ces observations, votre commission des Lois vous demande d'adopter et de cette adjonction le texte de la proposition de loi et donc de voter les conclusions reproduites ci-après.

CONCLUSIONS DE LA COMMISSION

PROPOSITION DE LOI RELATIVE A LA PROROGATION DE LA SUSPENSION DES POURSUITES ENGAGÉES A L'ENCONTRE DES RAPATRIES RÉINSTALLÉS

Article unique.

Les dispositions de l'article 22 de la loi n° 93-1444 du 31 décembre 1993 portant diverses dispositions relatives à la Banque de France, à l'assurance, au crédit et aux marchés financiers sont prorogées au-delà du 31 décembre 1995, et jusqu'au 31 décembre 1996.

Ces dispositions s'appliquent dès la publication de la présente loi aux instances en cours, y compris aux affaires pendantes devant la Cour de cassation.

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