B- LE CONTENU DE LA RÉFORME PROPOSÉE : UNE RÉFORME PERTINENTE DANS SES PRINCIPES
La Commission pouvait s'appuyer sur plusieurs logiques pour reformer ces OCM. La plus radicale aurait été d'envisager une réforme profonde dans le sens d'une mise en place de droits à produire ou de quotas, à l'instar des autres productions. A l'examen, cette voie a été écartée en raison des difficultés de mise en oeuvre, de l'incertitude sur l'application effective de cette maîtrise de la production dans les autres Etats, de la difficulté d'attribution initiale de ces droits à produire, puis de leur transmission. Une telle politique aurait d'ailleurs risqué d'entraver la dynamique indispensable pour « suivre » le marché, surtout à un moment où la concurrence de l'extérieur se renforce.
Un système de libéralisme encadré a été préféré, fondé sur un marché fixant le prix payé au producteur et déterminant ses revenus, mais tempéré par une réglementation garantissant sa transparence et empêchant des déséquilibres excessifs.
1. Les objectifs recherchés
Le Commissaire européen à l'agriculture, M. Franz Fischler, a résumé ainsi les quatre objectifs essentiels de la proposition de réforme :
- améliorer l'efficacité et la qualité de la production, à l'avantage aussi bien des producteurs que des consommateurs ;
- amener les producteurs à faire mieux correspondre leur offre à la demande et réduire progressivement les quantités de produits retirés et détruits en rendant aux mécanismes d'intervention leur caractère de « filet de sécurité » et non pas de débouché ;
- stopper l'augmentation des coûts et mieux utiliser les crédits disponibles. Le coût de l'OCM resterait à peu près inchangé et se situerait autour d'1,6 milliard d'écus par an, mais les crédits seraient davantage destinés à l'amélioration des structures et à la promotion de la qualité des produits qu'au retrait des excédents ;
- appliquer correctement les accords de l'Uruguay round concernant la diminution progressive des droits de douane à l'importation (qui doivent diminuer de 36 % en six ans).
2. Les mesures envisagées
Afin d'atteindre ces objectifs, la Commission propose de combiner différents types de mesures.
a) Remédier aux insuffisances de l'OCM des fruits et légumes frais
• Le renforcement des organisations de
producteurs
Les organisations de producteurs (OP) deviennent la clef de voûte de la nouvelle OCM. Ce renforcement passe par l'introduction de nouvelles exigences relatives à la composition des organisations et aux moyens techniques et financiers dont elles disposeraient pour agir au niveau de la commercialisation. En particulier, ces organisations ou « groupements de producteurs rénovés » pourraient utiliser un nouvel instrument appelé fonds opérationnel cofinancé par les adhérents, l'Union et l'Etat membre (50 %, 40%, 10 %). Ce fonds financera les opérations de retrait communautaire, les compléments aux indemnités communautaires de retrait et les actions positives d'amélioration de la qualité et de mise en valeur commerciale. Ces différentes actions s'inséreraient dans un programme opérationnel, défini pour quatre ans, et qui devrait confirmer la vocation structurelle des actions de l'organisation : seuls 10% des montants du fonds seraient dévolus au retrait, à l'issue d'une période transitoire de cinq ans.
L'objectif de renforcement des OP conduit la Commission à prévoir que les producteurs ne pourraient adhérer qu'à une seule OP et les producteurs membres d'une OP devraient fournir à celle-ci au moins les neuf dixièmes de leur production.
Il est à noter que la Commission propose un régime plus favorable pour les OP opérant dans plusieurs Etats membres : la part des subventions publiques dans les opérations financées par leur fonds opérationnel passerait de 50 à 60 % des dépenses pour les opérations autres que celles relatives au retrait.
•
La diminution des coûts de
l'intervention
La Commission considère que, si le maintien du système de retrait se révèle nécessaire, ce dernier doit cependant constituer un filet de sécurité et non un débouché en lui-même. Le prix des indemnités de retrait serait ainsi doublement diminué. La première année, il serait égal à la moyenne des prix mensuels les plus bas, sans distinction de catégorie, ce qui pourrait pour certains produits constituer une diminution considérable (par exemple - 65 % pour les pommes). Par la suite, cette indemnité serait réduite de 15%. Les volumes mis au retrait seraient également diminués et ne pourraient représenter que 10% des volumes commercialisés par l'organisation.
La réduction des dépenses liées au retrait et à la réorientation des crédits communautaires vers l'amélioration des conditions de production et de commercialisation devrait, selon la Commission, permettre de stabiliser durablement le coût de l'OCM autour de 1,6 milliard d'écus par an.
• La délégation de la fonction
de classification des produits
La Commission prévoit, en mettant en avant un objectif de simplification, l'adoption des normes de qualité élaborées dans le cadre de la commission économique pour l'Europe de l'ONU, celles-ci étant généralement semblables aux normes communautaires. Toutefois, la \ proposition prévoit des exceptions dans certains cas (produits vendus par le producteur sur les marchés locaux ; produits vendus à des fins de préparation, conditionnement ou stockage ; existence, dans une région déterminée, de traditions culinaires ou d'habitudes de consommation spécifiques).
•
La reconnaissance des
interprofessions
L'OCM reconnaît officiellement les organisations interprofessionnelles dans leur rôle d'équilibre du marché, d'amélioration de la qualité, et d'actualisation des informations concernant le marché pour les producteurs. Une incitation financière à leur mise en place serait mise en place.
•
L'harmonisation et le renforcement des
contrôles nationaux et
communautaires
Le renforcement et l'harmonisation des contrôles sont des exigences maintes fois exprimées. Une mise en oeuvre efficace des accords du GATT et des orientations proposées n'est possible que s'il existe des dispositifs de contrôle adéquats tant au niveau national qu'européen.
Plus généralement, les orientations proposées vont dans le sens d'une simplification de la réglementation communautaire et d'une responsabilité accrue des producteurs et de leurs organisations. Leur mise en oeuvre nécessiterait donc, de la part des différentes administrations, des efforts de contrôle plus importants qu'aujourd'hui.
Ce renforcement des contrôles toucherait plus particulièrement la gestion des fonds de roulement par les organisations de producteurs, le respect des normes de qualité commerciales et sanitaires et le fonctionnement correct du régime des prix d'entrée. L'existence d'un noyau, réduit mais opérationnel, d'inspecteurs communautaires, contribuerait à garantir aux producteurs communautaires et des pays tiers, aux consommateurs et aux opérateurs de la filière l'application uniforme et non discriminatoire des contrôles.
b) Consolider le régime de l'OCM fruits et légumes transformés
L'organisation commune des marchés dans le secteur des produits transformés à base de fruits et légumes est définie par le règlement de base n° 426-86 du 24 février 1986.
La Commission propose de maintenir les principes de cette OCM fondée sur un régime d'aides versées aux transformateurs, sous réserve qu'ils aient payé aux producteurs un prix minimal qui détermine le revenu de ces derniers, en l'assortissant de quatre modifications. Ces mesures portent sur :
- la limitation de l'octroi des aides à la transformation aux seuls transformateurs ayant passé des contrats avec des organisations de Producteurs ;
- l'introduction d'un système plus flexible pour la gestion des quotas d aide à la transformation des tomates ;
- l'établissement d'une base juridique pour la mise en oeuvre d'actions spécifiques pour des produits d'importance locale ;
- la modification des conditions d'achat des raisins secs et des figues sèches par les organismes stockeurs.
En tout état de cause, la Commission a cherché à établir une relation équilibrée entre produits frais et transformés.