B. UNE RÉFORME DONT LE SUCCÈS RESTE CONDITIONNEL
En effet, cette réforme de l'OCM, si nécessaire soit-elle, se heurte à deux obstacles majeurs : le premier est la persistance des distorsions sociales, fiscales et monétaires, le second est l'absence de politique commerciale communautaire claire et équilibrée à l'égard des pays tiers.
Ainsi, même dans l'hypothèse où les mécanismes de la nouvelle OCM seraient substantiellement améliorés, la multiplication d'accords bilatéraux et multilatéraux dans lesquels ne serait pas respecté le principe de la préférence communautaire risque d'aboutir à une véritable faillite du secteur européen des fruits et légumes.
1. Le handicap des distorsions sociales, fiscales et monétaires
a) Entre Etats membres
Sur le plan strictement national, le secteur des fruits et légumes en France a subi, de plein fouet, les dévaluations monétaires compétitives de la livre et, surtout, de la lire et de la peseta.
Les producteurs français évaluent leurs pertes à 4 milliards de francs en 1995 compte tenu des fluctuations monétaires et de leurs conséquences notamment sur le coût du salaire horaire en France (base 100).
Pays |
Août 1992 |
Moyenne 1994 |
Mars 1995 |
France |
100,0 |
100,0 |
100,0 |
Italie |
102,0 |
79,9 |
68,9 |
Le principe de l'attribution des aides communautaires aux différents Etats membres calculées en unité de compte et non en monnaie nationale vient accroître ces distorsions monétaires en favorisant les Etats qui pratiquent des dévaluations compétitives.
Cependant, le dumping social -dont les conséquences sur les coûts horaires du travail sont loin d'être négligeables-, fiscal et monétaire pénalise le secteur dans son ensemble, créant des distorsions de concurrence et désorganisant la production sur l'ensemble du marché communautaire qui se trouve, de ce fait, affaibli face à la concurrence des pays tiers.
b) Entre la Communauté européenne et les pays tiers
La Commission, alors qu'elle estime que seule la monnaie unique est à même de permettre un développement harmonieux du secteur des fruits et légumes, multiplie les zones de libre échange ne comportant aucun engagement des pays partenaires quant à la répudiation des manipulations monétaires et des distorsions sociales et fiscales. Afin de faire face à ce dumping social, fiscal et monétaire qui provoque des disparités de coût de production, il est urgent que la Communauté engage une politique commerciale claire et équilibrée.
2. La nécessaire mise en place des mécanismes de protection du marché communautaire
Le secteur agricole, et notamment celui des fruits et légumes, se révèle être une monnaie d'échange commode dans la plupart des accords bilatéraux ou multilatéraux conclus par la Communauté avec les pays tiers.
La réforme des OCM de cette filière peut s'avérer totalement inopérante si la Communauté ne réaffirme pas, tout d'abord, le principe de la préférence communautaire et ne décide pas à mettre en oeuvre les mécanismes de protection de ce marché.
L'une des mesures qui permettrait de réaffirmer la préférence communautaire serait, dans un premier temps, de favoriser la conclusion d'accords avec des pays tiers portant sur des productions complémentaires.
La réforme de l'OCM reprend à l'identique le régime des échanges avec les pays tiers défini par un règlement du Conseil CE n° 3290/94 à la fin de 1994, à la suite de la signature des accords de Marrakech. Ces accords ont prévu l'établissement de prix d'entrée, à partir desquels s'appliquent des droits fixes additionnels à la place des droits variables existant auparavant.
Or, la Commission européenne s'est jusqu'à présent montrée très réservée quant à la mise en oeuvre des certificats d'importations et de la clause spéciale de sauvegarde « prix et volume » . La Communauté européenne a accepté, seulement très récemment, d'établir des certificats d'importation pour les pommes et les poires.
Le régime de certification est généralement identique pour l'ensemble des secteurs :
- le certificat est délivré par les Etats membres à tout intéressé établi dans la Communauté ;
- le certificat est valable dans toute la Communauté ;
- la délivrance du certificat est subordonnée au dépôt d'une garantie qui n'est pas remboursée intégralement si l'opération (importation ou exportation), sauf cas de force majeure, n'est pas entièrement réalisée ;
- les modalités d'application, y compris la période de validité et la liste des produits (lorsque le certificat n'est pas rendu obligatoire par l'OCM), seront définies par la Commission en comité de gestion.
Cependant, le régime d'importation des fruits et légumes reste très particulier.
Comme le montant des droits à l'importation inscrit dans le tarif douanier commun (TDC) dépend, pour certains produits, du prix d'entrée, la réalité du prix d'entrée sera vérifiée sur la base d'une valeur forfaitaire à l'importation, elle-même calculée par la Commission par origine et par produit sur la base de la moyenne pondérée des cours des produits concernés sur les marchés représentatifs d'importation.
La mise en place des certificats d'importations permettrait, dans un premier temps, pour les produits les plus exposés, de remédier à la méconnaissance, tout à fait anormale, des flux d'entrée réels en permettant de disposer enfin de statistiques douanières fiables sur les volumes de marchandises entrant dans la Communauté.
Si la mise en oeuvre de certificats d'importation se révèle nécessaire, elle devrait être suivie dans les meilleurs délais par l'adoption d'un règlement permettant l'instauration de la clause spéciale de sauvegarde prévue par les accords de Marrakech.
Deux conditions peuvent déclencher l'application de la clause de sauvegarde et les droits additionnels :
- lorsque le prix mondial du jour se situe au-dessous d'un prix de référence mondial, une clause de sauvegarde « prix » peut être déclenchée ;
- lorsque les importations annuelles dépassent un certain volume, une clause de sauvegarde « volume » peut être mise en place. Le niveau de déclenchement de la clause de sauvegarde est fonction du niveau des importations déjà réalisées par le pays exportateur.
Les modalités d'application, y compris la liste des produits soumis à perception de droits additionnels de la clause de sauvegarde, sont définies par la Commission en comité de gestion.
Le refus de la Commission, tant dans des accords bilatéraux que multilatéraux, d'envisager la mise en oeuvre des mécanismes de préférence communautaire et sa propension à sacrifier sur « l'autel du libre-échange » le secteur des fruits et légumes pourrait ainsi interdire à la réforme de ces organisations communes de marché de produire les effets positifs espérés.
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Compte tenu des observations qui précèdent, votre commission vous demande d'adopter la proposition de résolution ci-après.