N° 66

SÉNAT

SESSION ORDINAIRE DE 1996-1997

Annexe an procès-verbal de la séance du 6 novembre 1996

RAPPORT

FAIT

au nom de la commission des Affaires sociales (1) sur le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 1997. ADOPTÉ PAR L'ASSEMBÉE NATIONALE.

TOME IV

EXAMEN DES ARTICLES

Par M. Charles DESCOURS,

Sénateur.

1 Cette commission est composée de MM. Jean-Pierre Fourcade, président ; Jacques Bimbenet, Mmes Michelle Demessine, Marie-Madeleine Dieulangard, MM. Claude Huriet, Bernard Seillier, Louis Souvet, vice-présidents : Jean Chérioux, Charles Descours, Roland Huguet, Jacques Machet, secrétaires : François Autain, Henri Belcour, Jacques Bialski, Jean Bizet, Paul Blanc, Mme Annick Bocandé, MM. Louis Boyer, Jean Pierre Cantegrit, Francis Cavalier-Benezet, Gilbert Chabroux, Philippe Darniche, Georges Dessaigne, Mme Joëlle Dusseau, MM. Guy Fischer, Alfred Foy, Serge Franchis, Mme Jacqueline Fraysse Cazalis, MM. Alain Gournac, André Jourdain, Pierre Lagourgue, Dominique Larifla, Dominique Leclerc, Marcel Lesbros, Jean Louis Lorrain, Simon Loueckhote, Jean Madelain, Michel Manet, René Marquès, Serge Mathieu, Georges Mazars, Georges Mouly , Lucien Neuwirth, Mme Nelly Olin, M. André Pourny, Mme Gisèle Printz, MM Henri de Raincourt, Gerard Roujas, Martial Taugourdeau, Alain Vasselle, Paul Vergès, André Vezinhel.

Voir les numéros :

Assemblée nationale (10 ème legisl.) : 3014 , 3053 , 3064 et T. A. 589

Sénat : 61 et 68 (1996- 1997).

TRAVAUX DE LA COMMISSION

I. AUDITION DE M. JACQUES BARROT, MINISTRE DU TRAVAIL ET DES AFFAIRES SOCIALES ET DE M. HERVÉ GAYMARD, SECRÉTAIRE D'ÉTAT À LA SANTÉ ET À LA SÉCURITÉ SOCIALE

Le mardi 5 novembre 1996, sous la présidence M. Jean-Pierre Fourcade, président, la commission a procédé à l'audition de M. Jacques Barrot, ministre du travail et des affaires sociales, accompagné de M. Hervé Gaymard, secrétaire d'Etat à la santé et à la sécurité sociale, sur le projet de loi n° 61 (1996-1997) relatif au financement de la sécurité sociale.

M. Jacques Barrot, ministre du travail et des affaires sociales, a d'abord présenté les principales orientations du projet de loi de financement sur la sécurité sociale.

Il a indiqué que le projet de loi avait été élaboré à partir des prévisions tendancielles des comptes sociaux établis par la Commission des comptes de la sécurité sociale. Ils font apparaître que le déficit du régime général baissera d'un montant de l'ordre de 15 milliards de francs en 1996 par rapport à 1995, que la progression des dépenses de prestations sociales s'est infléchie cette année et que les dispositions de la loi famille de 1994 s'avèrent bien plus coûteuses que prévues. Dans le même temps, les prestations de retraite continuent de croître à un rythme rapide.

M. Jacques Barrot a présenté les trois points principaux du projet de loi de financement : la fixation d'un objectif national d'assurance maladie, la prise en compte des priorités dégagées par la Conférence nationale de santé et la réforme du financement de l'assurance maladie.

Il a estimé qu'avec 600,2 milliards de francs, il était possible d'assurer à tous les Français des soins de qualité, sans aucun rationnement mais en recherchant à tout moment et à tous les niveaux le juste soin.

Il a évoqué plusieurs priorités définies par la Conférence nationale de santé, notamment la lutte contre l'alcoolisme et le tabagisme et la réduction des inégalités régionales en matière d'offre de soins. Il en a été tenu compte dans l'élaboration du projet de loi de financement.

Il a indiqué que l'élargissement de l'assiette de la contribution sociale généralisée (CSG) qui serait mis en oeuvre en 1997 permettrait de faire contribuer les revenus du capital au financement de la sécurité sociale en fonction de ce qu'ils représentent réellement dans les revenus des ménages.

Enfin, M. Jacques Barrot a évoqué les mesures d'économie ou de financement prévues par le projet de loi qui contribueront à ramener le déficit du régime général de 51,5 milliards de francs cette année à 30,4 milliards en 1997.

M. Hervé Gaymard, secrétaire d'Etat à la santé et à la sécurité sociale, a rappelé que pendant cinquante ans, les questions de sécurité sociale et de santé avaient été traitées séparément. Il a souligné l'importance de la réconciliation entre sécurité sociale et santé qui est favorisée par le projet de loi de financement.

Il a indiqué que la Conférence nationale de santé avait dû se réunir très tard et qu'il fallait considérer que l'année 1996 était de ce point de vue une année de transition. En effet, la Conférence se réunira l'an prochain dès le mois de juin, à une date qui permettra au Gouvernement et au Parlement de mieux tenir compte de ses conclusions.

M. Charles Descours, rapporteur, a estimé qu'il n'était pas bon de focaliser l'attention sur le seul déficit de l'assurance maladie. Il a demandé au ministre de chiffrer le déficit supplémentaire résultant des amendements adoptés par l'Assemblée nationale, d'évaluer les conséquences du retrait de l'article 6 sur l'assujettissement des travailleurs frontaliers à la CSG et à la contribution au remboursement de la dette sociale (CRDS), de préciser les modalités du financement du solde cumulé du régime général. Il lui a aussi demandé si la déductibilité de la CSG lui paraissait justifiée et s'il n'eût pas été préférable d'harmoniser les assiettes de la CSG et de la CRDS. Il a interrogé le ministre sur la réforme des cotisations patronales.

Evoquant l'assurance maladie, il a interrogé le ministre sur le carnet de santé, la médicalisation de l'objectif des dépenses d'assurance maladie, sur la politique de maîtrise des dépenses de santé applicable aux cliniques privées et sur les mesures nouvelles en faveur de la fonction publique hospitalière qui viendront s'ajouter aux charges des hôpitaux.

Ensuite, M. Jacques Machet, rapporteur pour la famille, a demandé à M. Jacques Barrot, ministre du travail et des affaires sociales, de combien seraient augmentées les prestations familiales au 1er janvier 1997. Il a souhaité connaître quelles pouvaient être les raisons qui expliquaient la mauvaise évaluation de l'impact financier de la loi relative à la famille et le sentiment du Gouvernement quant aux critiques adressées par la Cour des Comptes concernant les aides à l'accueil de la petite enfance. Il s'est inquiété des conséquences sur les formules d'accueil collectif de l'accroissement très significatif des aides aux modes de garde individuels.

De même, M. Jacques Machet, rapporteur pour la famille, s' est interrogé sur les risques d'exclusion des personnes peu aisées des dispositifs d'aide au logement dans le cadre de la réforme de ces derniers et sur les conditions d'entrée en vigueur, au 1er janvier 1997, de ladite réforme. Il s'est enquis du bilan de la conférence de la famille à laquelle il aurait souhaité que les parlementaires soient davantage associés et a remarqué qu'il aurait été plus expédient que le Parlement puisse disposer des rapports élaborés par les différents groupes de travail constitués à l'issue de cette conférence avant d'examiner le présent projet de loi de financement de la sécurité sociale.

Puis M. Alain Vasselle, rapporteur pour l'assurance vieillesse, a demandé à M. Jacques Barrot, ministre du travail et des affaires sociales, de combien seraient augmentées les pensions de vieillesse au 1er janvier 1997 et si l'effet dit « Chamard » serait intégralement appliqué. Il a souhaité connaître l'état d'avancement des textes réglementaires devant permettre de mettre en oeuvre, dès le 1er janvier 1997, la prestation spécifique dépendance créée par la proposition de loi sénatoriale.

M. Alain Vasselle, rapporteur pour l'assurance vieillesse, s'est interrogé sur le calendrier relatif à la proposition de loi sur l'épargne-retraite -texte dans lequel il aurait souhaité voir incluse une disposition identique à celle présentée par M. Jean Chérioux dans le cadre de la proposition de loi relative à la prestation spécifique dépendance et ayant trait aux contrats d'assurance dépendance- ainsi que sur le contenu des propositions du Gouvernement concernant celle-ci. Il a également souhaité connaître l'avis du Gouvernement sur les modalités à retenir afin de permettre aux retraités de mieux faire entendre leur voix ainsi que sur les conclusions du rapport de la commission des finances de l'Assemblée nationale relatif au régime de retraite des fonctionnaires dit rapport « de Courson ».

M. Alain Vasselle, rapporteur pour l'assurance vieillesse, s'est demandé, enfin, si la loi du 22 juillet 1993 serait suffisante pour rééquilibrer à moyen et long termes, la branche vieillesse du régime général.

Répondant à M. Charles Descours, rapporteur, M. Jacques Barrot, ministre du travail et des affaires sociales, a estimé que le manque à gagner pour les régimes résultant de la diminution, par l'Assemblée nationale, des droits sur les alcools s'établissait à 650 millions de francs et à 300 millions de francs pour la CSG applicable aux casinos.

S'agissant du taux directeur qui pourrait être applicable au secteur médico-social, il a souhaité que soit prise en compte la réforme de la loi de 1975 qui doit prochainement intervenir.

En ce qui concerne le carnet de santé, il a rappelé que celui-ci avait avant tout un objectif pédagogique.

S'agissant de la déductibilité, il a estimé qu'elle résultait de la substitution de la CSG à la cotisation sociale d'assurance maladie et qu'une évolution était également possible pour la CSG affectée aux branches famille et vieillesse.

S'agissant des frontaliers, il a précisé que le retrait de l'article les assujettissant à la CSG n'aurait aucune incidence financière sur le produit de cette contribution car il n'avait pas été pris en compte.

Le ministre a indiqué que le processus conventionnel de maîtrise de dépenses des cliniques privées se poursuivrait et que les agences régionales d'hospitalisation concluraient des contrats avec chaque clinique privée. Les enveloppes régionales de l'hospitalisation comprendront une provision destinée à gager les mesures prises en faveur de la fonction publique hospitalière.

Il a indiqué qu'il avait confié une mission à M. Jean-François Chadelat, chargé d'étudier la réforme des cotisations patronales, la difficile réforme des cotisations patronales.

M. Jacques Barrot, ministre du travail et des affaires sociales, a indiqué qu'il n'existait pas de désaccord entre son ministère et la caisse nationale d'assurance maladie.

En réponse à M. Jacques Machet, rapporteur pour la famille, M. Jacques Barrot, ministre du travail et des affaires sociales, a reconnu que les effets de la loi relative à la famille auraient dû être évalués plus précisément et qu'il ne serait plus possible, désormais, de mettre en oeuvre des dispositions sans disposer du financement correspondant, tout en estimant que ces dispositions hautement familiales étaient tout à fait positives.

S'agissant de la Conférence de la famille, dont il a rappelé que la coordination des travaux avait été confiée à Mme Hélène Gisserot, il a mentionné que les rapports des différents groupes de travail seraient remis au début du mois de décembre. Il a estimé que le travail accompli par lesdits groupes était sérieux et solide et a souligné l'apport du mouvement familial. Il a précisé que la réforme des aides au logement ferait l'objet d'une large concertation y compris avec les parlementaires.

En réponse à M. Alain Vasselle, rapporteur pour la branche vieillesse, M. Jacques Barrot a estimé que, dans la mesure où les retraités seraient déjà assez sollicités, il ne convenait pas de pousser la logique de l'effet dit « Chamard » jusqu'à son terme.

S'agissant de l'épargne-retraite, M. Jacques Barrot, ministre du travail et des affaires sociales, a précisé que, eu égard à ses fonctions, il ne souhaitait pas que l'assiette des cotisations soit réduite par une exonération supplémentaire. Concernant l'accroissement de la représentation des retraités, il a rappelé que ces derniers figuraient déjà dans les conseils d'administration des caisses régionales d'assurance maladie (CRAM) et dans les caisses primaires au titre des personnalités qualifiées. Soulignant l'accroissement du nombre des personnes âgées, il a également mentionné l'initiative du Président de la République concernant la représentation des retraités au sein du Conseil économique et social.

S'agissant de la question des retraites dans la fonction publique, M. Jacques Barrot, ministre du travail et des affaires sociales, a remarqué que celle-ci demandait à être examinée de manière approfondie. Quant à la loi du 22 juillet 1993, il a estimé que, montant lentement en puissance, elle n'avait pas encore produit tous ses effets, et a mentionné l'exemple allemand où l'âge de la retraite était progressivement prolongé pour atteindre l'âge de 65 ans.

M. Jean-Pierre Fourcade, président, a évoqué la nécessité d'un plafonnement des versements par la Caisse nationale de retraite des agents des collectivités locales (CNRACL) au titre du système des compensations dont le montant total atteint environ la moitié des prestations servies par ce régime.

Le ministre a estimé qu'une telle mesure aurait des conséquences financières pour l'Etat car il faudrait augmenter les subventions d'équilibre versées aux régimes privés de ces versements. Il a considéré également que les transferts de compensation diminueraient à l'avenir en raison de l'évolution du rapport démographique.

M. Jean-Pierre Fourcade, président, a fait observer que ce régime disposait encore, et pour de nombreuses années, du meilleur rapport démographique de l'ensemble des régimes de sécurité sociale.

M. Jean Madelain a exprimé le regret que le projet de loi de financement de la sécurité sociale prévoie un prélèvement sur l'excédent de la branche « accidents du travail » au profit de l'assurance maladie. Il a estimé qu'une telle mesure, qui va à l'encontre de la séparation des branches, ne devrait pas être institutionnalisée. Il a souhaité que les employeurs soient en mesure d'inscrire sur les bulletins de paie une seule ligne correspondant à la CSG et à la contribution au remboursement de la dette sociale (CRDS).

M. François Autain a observé que le déficit prévu par le projet de loi de financement de la sécurité sociale était très aggravé par rapport aux prévisions gouvernementales. Il a regretté que ce projet de loi retienne une approche comptable, sans médicalisation des objectifs.

Evoquant la CSG et la politique de maîtrise médicalisée des dépenses qui avaient été mises en place par les gouvernements de gauche, il a regretté que le projet de loi de financement se contente de transférer un peu plus d'un point d'assurance maladie sur la CSG.

Il a interrogé le ministre sur les perspectives des relations entre les médecins et les caisses de sécurité sociale, sur les aménagements qui pourraient être apportés au processus de préparation du projet de loi de financement et sur le financement du déficit cumulé.

Il lui a également demandé les raisons pour lesquelles la compétence des agences régionales ne dépassait pas le champ de l'hospitalisation et s'est associé à la question posée par M. Jacques Machet au sujet des aides au logement.

M. Dominique Leclerc a interrogé le ministre sur le montant des frais de gestion de la Caisse nationale d'assurance maladie (CNAM).

M. Alain Vasselle a regretté que le projet de loi de financement décrive une sécurité sociale encore en déficit en 1997.

M. Paul Blanc a demandé s'il n'aurait pas été possible d'inscrire au verso du carnet de santé que, s'il n'était pas présenté au médecin, le remboursement des soins pouvait être suspendu.

Il a regretté que la politique de maîtrise des dépenses de santé semble négliger le malade et l'hôpital et ne s'intéresser qu'aux médecins libéraux.

Il a également interrogé le ministre sur l'assujettissement des revenus des travailleurs frontaliers à la CSG.

M. Serge Franchis a demandé au ministre s'il accepterait que le Sénat réduise la taxe sur les alcools forts.

Il a observé que ce sont les générations qui étaient aujourd'hui victimes du chômage qui risquaient de souffrir, plus tard, de la diminution du montant des retraites. Il a enfin évoqué l'importance des infections nosocomiales.

M. Jacques Barrot, ministre du travail et des affaires sociales, a indiqué à M. Jean Madelain que les transferts entre la branche maladie et la branche accidents du travail étaient légitimes compte tenu du caractère évolutif de certaines prises en charge et de la connaissance des origines des affections ainsi couvertes. Il a précisé qu'un amendement adopté à l'Assemblée nationale prévoyait qu'un groupe d'experts serait consulté sur le montant de ces versements.

Répondant à M. François Autain, il a considéré que les objectifs des dépenses n'étaient pas irréalistes, que les hypothèses de croissance étaient raisonnables et que la maîtrise des dépenses hospitalières serait facilitée par un mécanisme de péréquation. Il a écarté tout risque d'étatisation compte tenu de la répartition des rôles réalisée par voie conventionnelle.

A M. Alain Vasselle, il a précisé qu'une marge de souplesse existait grâce aux lois de financement rectificatives et a indiqué qu'il espérait que le texte issu du Sénat permettrait d'améliorer les recettes prévisionnelles pour 1997.

Il a indiqué à M. Paul Blanc qu'il souhaitait approfondir la réflexion sur l'assujettissement des travailleurs frontaliers à la CSG en raison de la disparité des règles applicables dans les différents Etats voisins concernés.

M. Hervé Gaymard, secrétaire d'état à la santé et à la sécurité sociale, a précisé qu'à l'avenir, malgré un calendrier d'élaboration du projet de loi très serré, le Gouvernement procéderait à une meilleure concertation avec tous les acteurs concernés par les questions de santé.

Il a considéré que le carnet de santé aurait dû être mis en place plus tôt. Il a confirmé que sa présentation au médecin était bien obligatoire, mais qu'aucune sanction automatique n'était prévue en cas de défaut de présentation. Il a précisé que le conseil d'administration de la CNAM avait souhaité la mise en place de sanctions à compter du 1er juillet 1997. Le Gouvernement s'est engagé à mettre en place un comité de suivi dès le 1er janvier prochain.

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