N° 88
SÉNAT
SESSION ORDINAIRE DE 1996-1997
Annexe au procès-verbal de la séance du 21 novembre 1996.
AVIS
PRÉSENTÉ
au nom de la commission des Affaires culturelles (1) sur le projet de loi de finances pour 1997, ADOPTÉ PAR L'ASSEMBLÉE NATIONALE,
TOME V
INDUSTRIE
Par M. Francis GRIGNON,
Sénateur.
(1) Cette commission est composée de : MM. Adrien Gouteyron, président ; Pierre Laffitte, Albert Vecten, James Bordas, Jean-Louis Carrère, Jean-Paul Hugot, Ivan Renar, vice-présidents ; André Égu, Alain Dufaut, André Maman, Mme Danièle Pourtaud, secrétaires ; MM. Philippe Arnaud, Honoré Bailet, Jean Bernadaux, Jean Bernard, Jean-Pierre Camoin, Jean-Claude Carle, Robert Castaing, Marcel Charmant, Marcel Daunay, Jean Delaneau, André Diligent, Ambroise Dupont, Daniel Eckenspieller, Alain Gérard, Pierre Jeambrun, Alain Joyandet, Philippe Labeyrie, Jean-Pierre Lafond, Henri Le Breton, Jacques Legendre, Guy Lemaire, François Lesein, Mme Hélène Luc, MM. Pierre Martin, François Mathieu, Philippe Nachbar, Soséfo Makapé Papilio, Michel Pelchat, Louis Philibert, Jean-Marie Poirier, Guy Poirieux, Roger Quilliot, Jack Ralite, Victor Reux, Philippe Richert, Claude Saunier, Franck Sérusclat, René-Pierre Signé, Jacques Valade, Marcel Vidal, Henri Weber.
AVANT-PROPOS
Mesdames, Messieurs,
Après les grèves de décembre 1995, la production industrielle et l'investissement se sont redressés dans l'ensemble des secteurs, au début de 1996, exception faite des biens d'équipement. Il reste que l'objectif de croissance fixé à 1,3 % pour 1996 paraît difficile à atteindre.
• Alors que son rapporteur pour avis affirmait, en
décembre 1995,
« qu `il nous faut absolument cultiver
notre politique industrielle dans le plus de domaines possibles pour garder une
indépendance relative optimale »
1
(
*
)
,
votre commission accueille avec
intérêt la volonté d'agir dont témoigne l'actuel
ministre de l'industrie et les priorités définies
par
lui dès janvier 1996 : positionnement sur les secteurs les plus
porteurs ; préservation des secteurs exposés à haute
technologie ; aide particulière aux petites et moyennes
industries.
Elle accueille, de même, avec intérêt la mise en place, en juin 1996, d'une commission permanente de concertation de l'industrie, présidée par le ministre.
Mais la politique industrielle en 1997 restera, pour une large part, fonction de la capacité de notre pays à réduire le déficit budgétaire de l'État au prix de réformes structurelles et à abaisser les taux d'intérêt tout en maintenant notre monnaie à un niveau fort. Autant dire qu'il s'agit, pour une société « bloquée » et sensible aux charmes de la facilité monétaire comme la nôtre, de résoudre la quadrature du cercle.
• L'année 1995-1996 a
été marquée par l'accentuation de la lutte contre la
contrefaçon.
Le 5 avril 1995, en application de la loi du 5 février 1994, le comité national Anti-contrefaçons a été créé. Le comité national est placé sous l'égide du ministère de l'industrie. C'est un lieu de concertation et d'information entre les administrations et les industriels impliqués dans la lutte contre la contrefaçon. L'une des missions principales du comité national Anti-contrefaçons est de dresser un bilan annuel des actions menées en matière de contrefaçons. Ce bilan devait être prêt dans le courant du mois de mai 1996 et permettre de faire le point sur l'application de la loi du 5 février 1994.
Votre commission accueille avec intérêt la progression en un an des saisies d'articles contrefaits en douane.
•
L'exercice sous revue a, par ailleurs,
été marqué par la poursuite relativement malaisée
du programme des privatisations d'entreprises industrielles
publiques.
On se souvient qu'en mai 1993, le Gouvernement de M. Édouard Balladur avait publié un programme de vingt et une entreprises privatisables, dont douze industrielles. La moitié de ces dernières est désormais dans le privé (Rhône Poulenc, Elf-Aquitaine, la Seita, Usinor-Sacilor, Bull et Pechiney) et l'ouverture du capital de Renault a été engagée.
Mais les six entreprises industrielles publiques restant à privatiser étaient, parfois, dans une situation délicate (Air France, Compagnie générale maritime, Aérospatiale, Snecma et Thomson SA). Pour nombre d'entre elles, seule une procédure de gré à gré était envisageable.
En outre, les recettes supplémentaires susceptibles d'être tirées de la cession -fût-elle partielle- de ce que détient encore l'État dans Elf Aquitaine ou dans Renault restent fonction du marché boursier et de la conjoncture.
Dans ces conditions, l'objectif du rattrapage, en 1996, du retard pris en 1995 en matière de privatisations -c'est-à-dire de cession de l'ordre de 40 milliards de francs d'actifs- est apparu, en cours d'année, bien ambitieux. Toute la question est de savoir de quelle marge on dispose alors que la tension sur les taux d'intérêts subsiste et que l'argent est relativement rare.
Votre commission a, pour finir sur ce point, pris connaissance avec intérêt du Deuxième rapport au Parlement sur la mise en oeuvre des privatisations rendu public en janvier 1996 en application de l'article 24 de la loi du 19 juillet 1993.
• L'année 1996 illustre surtout la
nécessité impérieuse de l'adaptation de notre appareil
industriel à l'exportation.
La France reste insuffisamment présente sur les marchés en forte croissance. Alors que les produits français représentent 1,7% des importations des pays d'Asie, les produits italiens en représentent 1,8% et les produits allemands 5,4%. Sur les importations des pays d'Europe de l'Est, la France pèse 4,2 %, alors que l'Italie pèse 8,1 % et l'Allemagne 28,2 %.
L'ensemble des pouvoirs publics devrait aussi avoir à coeur, en toutes circonstances, de promouvoir les produits industriels français. La préparation de l'exportation mérite d'être améliorée : prospection, recherche de partenaires, analyse des marchés.
De ce point de vue, le rôle de la Direction des relations économiques extérieurs (DREE) et de ses postes d'expansion à l'étranger devrait être renforcé.
Il existe aujourd'hui un déséquilibre dans la répartition des postes d'expansion économique dépendant de la DREE. Nous sommes présents en Europe, mais pas encore assez sur les marchés en croissance rapide, qui nécessitent davantage d'intelligence économique. Il paraît logique de redéployer nos efforts.
Il semble en outre souhaitable que l'État ne poursuive pas à l'excès la réduction des budgets d'aide à l'exportation. Depuis quatre ou cinq ans, ils ont diminué de plus de 25 % et se situent actuellement aux alentours de 700 millions de francs. Sait-on que le soutien public aux expositions est quatre fois supérieur en Allemagne, où il est en croissance permanente ?
Les petites et moyennes entreprises ont un besoin urgent d'informations sectorielles. La spécialisation sur les biens d'équipement de cinq attachés commerciaux dans des pays estimés prioritaires, pour l'expansion de nos industries, est une décision très positive obtenue des pouvoirs publics, que les titulaires des postes puissent rester de six à huit ans dans le même pays, contre seulement trois ans aujourd'hui. Car avec la durée, ils gagneront en efficacité.
La suggestion récente de M. le Président du Sénat, de confier à des centaines de jeunes volontaires du service national (non militaire) à l'étranger la mission de prospection et de contact paraît à cet égard excellente et mérite d'être mise en oeuvre d'urgence.
À titre de comparaison, il faut savoir qu'en Grande-Bretagne, en 1992, le Department of Trade and Industry a engagé une centaine de technico-commerciaux, venus du secteur privé, et les a chargés de prospecter dans les pays émergents. Devant le succès de l'opération, le gouvernement a demandé aux entreprises de détacher soixante-dix personnes, spécialisées dans le conseil aux PME. Ces gens sont allés à la rencontre de huit mille entreprises pour analyser leur offre en liaison avec les résultats de la prospection. Ils ont ainsi pu dispenser des conseils pour la conquête des marchés extérieurs.
• L'innovation apparaît enfin comme
l'impératif absolu pour notre industrie.
L'évolution récente de secteurs comme l'automobile ou l'électroménager montre que, dans une situation de concurrence tendue, l'innovation reste le seul moyen de vendre.
Le rapport du groupe des fédérations industrielles (GFI), rendu public en juin 1996, mérite d'être médité.
Le document recommande d'orienter l'effort public de recherche vers les besoins des marchés. « La question doit être posée en permanence d'un redéploiement de la recherche publique vers la recherche industrielle, de la recherche vers l'innovation et des dépenses publiques vers les allégements de charges. » Pour le GFI, une solution serait de transformer le crédit d'impôt-recherche en crédit d'impôt-innovation.
La France consacre chaque année près de 180 milliards de francs à la recherche et au développement (R & D), soit 2,4 % de son produit intérieur brut (PIB). Si la moitié de cette somme est assumée par les entreprises, plus de 80 milliards sont dispensés par l'État à travers divers organismes publics (CNRS, CEA, Anvar...) ou indirectement (près de 3 milliards pour le crédit impôt recherche).
Or, jusqu'à présent, tirée par le secteur militaire, la recherche française souffre parfois d'être trop théorique et peu tournée vers le développement de nouveaux produits et procédés appliqués, ainsi que vers la commercialisation des produits de la recherche. Des quatre grands pays industrialisés, la France est celui où la recherche fondamentale est la plus développée : 26,3 % des dépenses totales de recherche y sont consacrées, contre 19,8% en Allemagne et 14,8% aux États-Unis. C'est là où le bât blesse, selon le rapporteur du GFI : « Nous sommes trop bons en sciences » .
* 1 JO Sénat 7.12.1995 -P. 3949.