2. Le cadre juridique instauré par le traité de Bayonne
Dès l'article premier, le traité rappelle que la coopération transfrontalière suppose le respect du droit interne, les collectivités locales ne pouvant créer de droit supérieur aux lois des pays concernés, ainsi que le respect des engagements internationaux de chacune des parties. Il pose également le principe de la compétence commune, selon lequel l'accord entre des collectivités ne peut porter que sur un domaine relevant de leurs compétences en vertu du droit interne.
La coopération s'exerce par le biais de conventions de coopération transfrontalière, définies par l'article 3, qui doivent permettre aux collectivités territoriales, dans les domaines d'intérêt commun, de créer et de gérer des équipements ou des services publics et de coordonner leurs décisions.
Elles peuvent prévoir la création d'organismes de coopération dotés ou non de la personnalité juridique.
Les pouvoirs de police et de réglementation ainsi que ceux exercés au nom de l'État sont expressément exclus du champ de ces conventions.
L'article 4 précise que la convention détermine le droit qui lui est applicable, qui peut être soit le droit espagnol soit le droit français.
S'agissant des organismes de coopération, l'article 5 ouvre aux collectivités espagnoles la possibilité de participer aux groupements d'intérêt public de coopération transfrontalière ou au capital des sociétés d'économie mixtes locales dont l'objet est d'exploiter des services publics d'intérêt commun, que ces organismes aient déjà été créés en France ou qu'ils soient mis en place conjointement.
Par ailleurs , il autorise des collectivités locales françaises à participer à des "consorcios" espagnols, ces derniers étant des groupements dotés de la personnalité juridique, associant des personnes publiques et des personnes privées à but non lucratif en vue de gérer des services d'intérêt public.
Les décisions de participation des collectivités locales à ces organismes sont soumises au droit interne. Il faut rappeler que l'adhésion d'une collectivité française à un organisme étranger est soumise à plusieurs conditions, dont une autorisation par décret en Conseil d'État.
Les principales dispositions devant figurer dans les statuts des organismes de coopération sont énumérées par l'article 6 qui précise notamment qu'ils sont financés par des participations budgétaires de leurs membres ou par des recettes perçues au titre des services qu'ils rendent, à l'exclusion de tout prélèvement de nature fiscale.
On peut ajouter que l'article 7 mentionne la possibilité, déjà largement utilisée, de créer des organes communs sans personnalité juridique pour étudier des questions d'intérêt mutuel et formuler des propositions de coopération, étant précisé que ces organes ne peuvent adopter de résolutions contraignantes ni pour leurs membres, ni pour les tiers.
Au vu de ces différents éléments, on peut considérer que le traité de Bayonne est beaucoup plus complet que l'accord franco-italien de 1993. Il intègre, en les précisant, les apports des lois de 1992 et 1995 relatifs aux organismes de coopération, et devrait donc en favoriser l'application concrète.
Certains pourront cependant regretter que le traité de Bayonne reste en retrait par rapport à l'accord, postérieur il est vrai, de Karlsruhe qui instaurait au travers du groupement local de coopération transfrontalière un nouvel instrument, spécifiquement adapté aux nécessités de cette coopération.
On peut tout d'abord observer que le paragraphe 3 de l'article 5 du traité précise que ce dernier sera applicable aux organismes de coopération qui viendraient à être prévus, par le droit français ou par le droit espagnol, postérieurement à l'entrée en vigueur du traité. La situation n'est donc pas figée et le traité pourra couvrir les formes nouvelles de coopération qui viendraient à apparaître dans un domaine où le droit se révèle particulièrement évolutif.
Enfin, il faut indiquer que l'article 11 du traité confie le suivi de son application à la commission franco-espagnole de coopération transfrontalière entre collectivités territoriales, dont la création avait été décidée lors du sommet franco-espagnol de Foix en octobre 1994.
Cette commission qui se réunira quatre fois par an aura notamment pour tâche de s'informer des initiatives de coopération prises par les collectivités locales, d'étudier les problèmes d'application du traité, de formuler des propositions pour les résoudre ou pour améliorer le traité lui-même. Ses membres seront désignés par chacun des gouvernements, dans la limite de 6 par pays, et les représentants des collectivités territoriales ainsi que les experts compétents pourront participer aux réunions lorsque les sujets de l'ordre du jour le requièrent.
Votre rapporteur souhaite que cette commission franco-espagnole, par sa composition et ses méthodes de travail, soit le plus proche possible des préoccupations de terrain et qu'elle puisse constituer entre les collectivités pyrénéennes et les gouvernements un intermédiaire efficace afin de donner à la coopération transfrontalière les meilleures chances de réussite.
Ainsi le traité de Bayonne doit-il être considéré comme une première étape, importante et indispensable, en vue d'asseoir juridiquement la coopération transfrontalière franco-espagnole, qui appellera certainement, au vu de l'avancement concret des projets, des ajustements et des perfectionnements.