Rapport n° 434 - Projet de loi portant mesures urgentes à caractère fiscal et financier
M. Alain LAMBERT, Sénateur
Commission des finances, du controle budgétaire, et des comptes économiques de la Nation - Rapport n°434 - 1996-1997
Table des matières
- AVANT-PROPOS
-
EXPOSÉ GÉNÉRAL
- I. UN CONSTAT, UNE STRATÉGIE ET DES MOTIVATIONS CONTESTABLES
- II. L'AUGMENTATION DE LA FISCALITÉ PESANT SUR LES ENTREPRISES N'EST PAS CONFORME AUX INTÉRÊTS À LONG TERME DE LA FRANCE
- EXAMEN DES ARTICLES
-
ARTICLE PREMIER
Contribution temporaire sur l'impôt sur les sociétés pour les entreprises réalisant au moins 50 millions de francs de chiffre d'affaires -
ARTICLE 2
Régime fiscal des cessions d'éléments d'actif pour les entreprises soumises à l'impôt sur les sociétés- I. LE DROIT EN VIGUEUR RÉSULTE D'AMÉNAGEMENTS SUCCESSIFS DE LA LOI DE 1965
-
II. LA REMISE EN CAUSE PARTIELLE D'UN SYSTÈME ÉQUILIBRE OUVRE UNE VOIE
PRÉOCCUPANTE POUR L'AVENIR
- A. LA REMISE EN CAUSE PARTIELLE D'UN SYSTÈME ÉQUILIBRE ACCROÎT LA COMPLEXITÉ DE LA FISCALITÉ
-
B. LES ARGUMENTS À L'ENCONTRE DE LA REMISE EN CAUSE DU RÉGIME DES PLUS-VALUES
À LONG TERME
- 1. La persistance de gains purement nominaux justifie le maintien du régime des plus-values à long terme
- 2. La remise en cause du régime des plus-values à long terme expose la France à la concurrence fiscale internationale
- 3. La suppression du régime des plus-values à long terme encourage l'inertie économique
- 4. La remise en cause partielle du régime des plus-values à long terme pour les entreprises assujetties à l'impôt sur les sociétés entraîne une distorsion de concurrence
- 5. La remise en cause partielle du régime des plus-values à long terme est rétroactive
-
ARTICLE 3
Versement anticipé de la contribution temporaire sur l'impôt sur les sociétés et modification du régime des acomptes -
ARTICLE 4
Statut patrimonial des ouvrages de transport d'électricité d'EDF -
ARTICLE 5
Possibilité pour les collectivités locales de contracter des emprunts sur ressources CODEVI -
ARTICLE 6
Mesures relatives à la Banque du développement des petites
et moyennes entreprises (BDPME) - EXAMEN EN COMMISSION
N° 434
SÉNAT
SESSION EXTRAORDINAIRE DE 1996-1997
Annexe au procès-verbal de la séance du 24 septembre 1997
RAPPORT
FAIT
au nom de la commission des Finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la Nation (1) sur le projet de loi, ADOPTÉ PAR L'ASSEMBLÉE NATIONALE , APRÈS DÉCLARATION D'URGENCE , portant mesures urgentes à caractère fiscal et financier,
Par M. Alain LAMBERT,
Sénateur,
Rapporteur général.
(1) Cette commission est composée de :
MM.
Christian Poncelet,
président
; Jean Cluzel, Henri Collard,
Roland du Luart, Mme Marie-Claude Beaudeau, MM. Philippe Marini,
René Régnault,
vice-présidents
; Emmanuel
Hamel, Gérard Miquel, Michel Sergent, François Trucy,
secrétaires
; Alain Lambert,
rapporteur
général
; Philippe Adnot, Bernard Angels, Denis Badré,
René Ballayer, Bernard Barbier, Jacques Baudot, Claude Belot,
Mme Maryse Bergé-Lavigne, MM. Roger Besse, Maurice Blin, Joël
Bourdin, Guy Cabanel, Auguste Cazalet, Michel Charasse, Jacques Chaumont, Yvon
Collin, Jacques Delong, Yann Gaillard, Hubert Haenel, Claude Haut,
Jean-Philippe Lachenaud, Claude Lise, Paul Loridant, Marc Massion, Michel
Mercier, Michel Moreigne, Joseph Ostermann, Jacques Oudin, Maurice Schumann,
Henri Torre, René Trégouët.
Voir les numéros
:
Assemblée nationale
(
11
ème législ.) :
201
,
204
et T.A.
4
.
Sénat
:
425
(1996-1997).
Politique économique.
AVANT-PROPOS
Mesdames, Messieurs,
Le présent projet de loi portant mesures urgentes à
caractère fiscal et financier comporte six articles. Les trois premiers
sont la traduction législative des mesures fiscales annoncées par
le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie, le
23 juillet dernier. Ces mesures sont consécutives à la
remise de l'audit des finances publiques réalisé par
MM. Jacques Bonnet et Philippe Nasse. Elles ont parfois été
présentées comme un "impôt européen" que les
entreprises seraient naturellement conduites à acquitter au motif
qu'elles "profiteront" de la monnaie unique.
Cette présentation est trop abrupte pour emporter
l'adhésion : la monnaie unique n'est pas faite pour les
entreprises, mais pour le pays tout entier, pour tous les agents
économiques. De surcroît, et conformément à une
tradition établie, ces mesures fiscales -ainsi que les mesures de
régulation budgétaire concomitantes- auraient du figurer dans une
loi de finances rectificative dans la mesure où les grandes lignes de
l'équilibre économique et financier se trouvent
bouleversées.
Les trois derniers articles sont issus du projet de loi portant diverses
dispositions d'ordre économique et financier, déposé sur
le bureau de l'Assemblée nationale le 2 avril 1997. Ils concernent
pour l'un (article 4), une disposition ayant un impact budgétaire
important et, pour les deux autres, des mesures ayant commencé à
produire des effets, et qu'il s'agit, pour l'essentiel, de valider.
EXPOSÉ GÉNÉRAL
Le présent projet de loi a essentiellement pour objet
de faire face au creusement du déficit des comptes publics de 35
à 51 milliards de francs, constaté par l'audit
réalisé par MM. Nasse et Bonnet qui ne nous permettrait pas
de faire face à l'échéance de la monnaie unique. Le
rapport évalue ainsi le déficit 1997 des administrations
publiques au sens de Maastricht dans une fourchette allant de 3,5 à
3,7 % du PIB.
Les trois premiers articles du présent projet de loi, qui constituent le
volet fiscal du plan de redressement, visent ainsi à instituer une
surtaxe temporaire sur le taux de l'impôt sur les
sociétés
pour les entreprises qui réalisent plus de 50
millions de francs de chiffre d'affaires, fixée à 15 % en
1997 et 1998 et à 10 % en 1999 (ce qui portera le taux de
l'impôt sur les sociétés à 41,66 % puis
à 40 %),
à élargir l'assiette de l'impôt
sur les sociétés
en y incluant les plus-values à
long terme (hors titres de participation) et, enfin à modifier le
régime des acomptes pour assurer le rendement de ces mesures dès
1997.
Outre que le constat sur lequel le Gouvernement se fonde pour accroître
la pression fiscale doit être nuancé, la stratégie qu'il
déploie pour réduire le déficit budgétaire
n'apparaît pas conforme aux intérêts à long terme de
la France. En effet, la lutte contre les déficits publics doit reposer
en priorité sur une réduction des dépenses et non sur un
accroissement des prélèvements. Rappelons que les dépenses
publiques représentent en France 54,6 % du PIB en 1996 contre 50,6
% dans l'Union européenne.
Deux arguments sont avancés pour justifier que l'on fasse porter
l'effort de solidarité nationale en priorité sur les grandes et
moyennes entreprises. Outre qu'elles seraient moins taxées que leurs
concurrentes étrangères si l'on considère le faible poids
de l'impôt sur les sociétés dans le PIB, leur bonne
santé apparente en ferait des contributeurs tout désignés.
Ces arguments reflètent une interprétation du comportement des
entreprises que ne partage pas votre rapporteur général.
Il convient au contraire de faire confiance aux entreprises et en leur
capacité de créer des emplois dès lors que toutes les
conditions sont réunies à cet effet. Et ce n'est pas en
accroissant le poids de leur prélèvement fiscal que l'on s'y
emploie. En effet, il existe une norme internationale de rentabilité des
fonds propres et toute réduction de la profitabilité dans un pays
peut entraîner des délocalisations et une chute de
l'investissement des grandes entreprises.
Au total, votre rapporteur général souscrit sans réserve
à la nécessité de respecter dès 1998 toutes les
conditions du passage à la monnaie unique et donc de réduire
à due concurrence le déficit budgétaire. Mais en
choisissant la solution de court terme consistant à alourdir la
fiscalité des entreprises plutôt que la politique vertueuse visant
à contenir les dépenses, le Gouvernement peut compromettre les
intérêts à long terme de la Nation en mettant en
péril les investissements et la croissance.
I. UN CONSTAT, UNE STRATÉGIE ET DES MOTIVATIONS CONTESTABLES
A. UN CONSTAT PESSIMISTE REPOSANT SUR DES HYPOTHÈSES MOUVANTES
L'audit réalisé par MM. Nasse et Bonnet met
notamment en exergue l'insuffisance des recettes fiscales qui conduirait
à un creusement du déficit budgétaire compris entre 15 et
17 milliards de francs, et évoque, s'agissant des dépenses, des
" dérapages localisés, bien identifiés et dont
l'ampleur reste sous contrôle ",
dont le montant peut être
évalué à 30 milliards de francs.
Néanmoins, il convient de nuancer le constat effectué par les
deux magistrats de la Cour des comptes. En effet, ainsi que l'écrivent
les rapporteurs eux-mêmes, leur
" examen de la situation de 1997,
ressortit beaucoup plus aux méthodes de la prévision qu'à
celles de l'observation comptable. "
Ils ont en effet confronté
l'évaluation globale du
dérapage
des dépenses
publiques effectuée par la Direction du Budget aux données
réunies par un échantillon de Contrôleurs financiers, ce
qui leur permet d'évaluer le supplément des dépenses
prévisibles en 1997 à une somme comprise entre 27 et 30 milliards
de francs.
Mais c'est oublier que l'exécution intra-annuelle de la loi de finances
suit un profil non linéaire comme l'indique le graphique
ci-après. En effet, les premiers mois de l'année enregistrent un
fort déficit, tant en raison du calendrier de recouvrement des recettes
que de l'effet différé des mesures de régulation. Un
jugement porté en mai 1995 ou en mai 1996 aurait sans doute
laissé pensé que les objectifs du Gouvernement ne pouvaient
être atteints. Et pourtant, ils l'ont été globalement, tant
en 1995 qu'en 1996. Au demeurant, et malgré les difficultés
rencontrées, le déficit d'exécution du budget se situe sur
une pente descendante, ce que ne manquent pas de constater MM. Nasse et
Bonnet : 349 milliards de francs en 1994, 323 milliards de
francs en 1995, 295 milliards de francs en 1996.
En outre, les deux auteurs se sont placés dans le contexte
macro-économique décrit par l'INSEE et dans le cadre de la loi de
finances pour 1997, qui ne sauraient constituer des données
définitives.
Mais sur le fond, il semble que les données relatives à
l'exécution budgétaire au 31 juillet 1997
présentées par le ministère de l'économie et des
finances le 15 septembre dernier nuancent le constat dressé par l'audit.
Il apparaît en effet que les recettes nettes du budget
général ont augmenté beaucoup plus vite entre juillet 1996
et juillet 1997 (+ 3,1 %) que les dépenses
(+ 0,5 %), ce qui a pour conséquence une amélioration
du solde budgétaire de 13,8 milliards de francs. Ainsi, le
déficit budgétaire s'établit-il à
259,8 milliards de francs à la fin juillet 1997 contre
273,6 milliards de francs à la fin juillet 1996.
Source : Situation
résumée des
opérations du Trésor
Si l'exécution se maintient sur une telle tendance, ce que la courbe
ci-dessus semble indiquer, le solde budgétaire à la fin de
l'année 1997 pourrait atteindre 282 milliards de francs, soit
3,2 milliards de francs de moins que l'objectif prévisionnel
figurant dans la loi de finances initiale pour 1997.
En outre, l'évolution des recettes du budget général
montre que parmi les quatre grands impôts d'Etat (impôt sur le
revenu, impôt sur les sociétés, taxe intérieure sur
les produits pétroliers et TVA), celui dont le rendement s'accroît
le plus fortement sur 12 mois est l'impôt sur les sociétés
net, avec une croissance de 5,1 %.
Enfin, le creusement du déficit de l'Etat chiffré par MM. Nasse
et Bonnet entre 27 et 37 milliards de francs est loin de rejoindre les
montants atteints en 1992 et 1993 (différentiel observé entre le
solde budgétaire fixé en loi de finances initiale et le solde
budgétaire observé après exécution), comme
l'indique le graphique ci-après :
Source : Cour des
comptes
* La dernière colonne intègre l'hypothèse haute du
déficit budgétaire figurant dans l'audit de MM. Nasse et Bonnet,
soit 37 milliards de francs.
Encore convient-il de préciser que depuis 1995, la réduction du
déficit est assurée sans l'appoint des recettes de privatisation,
qui avaient été mobilisées depuis 1991. En soustrayant
l'impact de ces dernières, le déficit d'exécution du
budget atteint 180,6 milliards de francs en 1993 et non pas 150.
B. LE REDRESSEMENT BUDGÉTAIRE DOIT REPOSER PRIORITAIREMENT SUR UNE MAÎTRISE DES DÉPENSES PUBLIQUES
Votre rapporteur général ne peut que souscrire
à la volonté affichée par le Gouvernement de respecter
toutes les conditions du passage de la France à la monnaie unique
dès la fin de l'année 1997. Il adhère également au
raisonnement du rapporteur général du budget de la commission des
finances de l'Assemblée nationale selon lequel il convient d'endiguer
l'effet " boule de neige " de la dette publique
1(
*
)
.
Néanmoins, le choix d'une politique de soutien de la demande
intérieure financée par une hausse de la fiscalité des
entreprises ne lui paraît pas approprié et le conduit à
réitérer les recommandations qu'il émettait dans le
rapport général du Sénat relatif au budget pour 1996.
Se fondant sur les conclusions d'une étude analysant les politiques
budgétaires menées de 1960 à 1992 dans une vingtaine de
pays de l'OCDE
2(
*
)
, votre rapporteur
général rappelait ainsi que
" les augmentations de
dépenses qui interviennent lors des phases expansives de la politique
budgétaire tendent à être permanentes et font le lit des
hausses d'impôt que nécessitent les phases de
rééquilibrage des finances publiques. "
Il apparaît en effet que
les politiques de redressement des comptes
publics sont dans la plupart des cas couronnées de succès
lorsqu'elles sont fondées sur la maîtrise des
dépenses
3(
*
)
alors que les politiques
axées sur l'augmentation des prélèvements sont en cause
dans la plupart des échecs.
De surcroît, dans les périodes de politique de soutien par les
finances publiques, les dépenses publiques qui s'accroissent le plus
sont les dépenses salariales et de transferts, tandis que dans les
périodes d'ajustement des finances publiques, l'investissement supporte
l'essentiel des inflexions.
En France, le haut niveau des dépenses publiques combiné avec
l'importance des prélèvements obligatoires invite à
rechercher les moyens d'optimiser la dépense publique sans alourdir
encore les prélèvements
. Il convient en particulier d'agir en
priorité sur les prestations sociales, les traitements et l'emploi
public, même si l'on mesure bien le caractère socialement
difficile de tels ajustements.
Cette recommandation est également celle qu'expriment MM. Nasse et
Bonnet dans leur rapport sur l'état des finances publiques. Après
avoir constaté la grande rigidité des dépenses publiques,
constituées à 90 % par des charges inéluctables
à législation constante, ils écrivent notamment :
" Pourtant, agir sur la dépense est le seul moyen de
réduire les déficits, comme la France s'y est engagée,
sans accroître des prélèvements obligatoires
déjà très lourds. Ce résultat ne pourra donc
être obtenu que par des actions de fond. Il faudra tout à la fois
rendre les services de l'Etat plus productifs et leur activité plus
efficace. Dans le premier cas, c'est l'organisation des services, centraux et
déconcentrés, et leur fonctionnement qui est en cause. Dans le
second, c'est l'instabilité, la complexité et
l'efficacité, souvent inconnue et parfois contestable, des
législations qui gouvernent les diverses interventions de
l'Etat. "
Votre rapporteur général renvoie à cet égard
à son rapport sur la proposition de résolution visant à ce
que soit mis un terme à la situation de déficit public excessif
en France du 19 juin 1996
4(
*
)
. Une étude
figurant en annexe de ce rapport recensait en effet les expériences
récentes de réduction de la dépense publique dans les pays
industrialisés et les analyses du FMI. Ce dernier parvenait notamment
aux conclusions suivantes :
Dans les pays industrialisés, le FMI démontre qu'une politique de
restriction budgétaire n'entraîne pas forcément de
récession. Il constate même qu'une politique rigoureuse,
menée par des dirigeants déterminés, peut conduire
à une baisse des taux d'intérêt, à des anticipations
favorables des entreprises et à une augmentation de l'investissement et
de la croissance.
Les politiques d'ajustement ayant permis une diminution du ratio dette
publique/PIB ont toutes comporté des mesures de réduction des
dépenses et, plus particulièrement, des dépenses sociales
et de transfert et des dépenses de personnel.
Un ajustement budgétaire réussi passe non seulement par la
réduction des dépenses à court terme
5(
*
)
mais
aussi par une réforme structurelle des
dépenses. Le FMI cite au nombre des réformes structurelles des
dépenses la redéfinition du champ d'intervention du secteur
public, la réforme de la gestion administrative de l'Etat et la
réforme des dépenses de transfert et des programmes sociaux.
Les expériences de la Nouvelle Zélande, du Canada, de l'Irlande
et de la Suède, pays qui ont choisi de préserver un modèle
de solidarité nationale développé, font notamment
apparaître l'importance des réformes structurelles dans la
réussite de leurs politiques de restriction budgétaire. En effet,
pour atteindre des objectifs ambitieux, leurs politiques se sont traduites par
des coupes importantes dans les dépenses et par une sensible
réduction de la taille de l'Etat. En outre, au Canada et en Nouvelle
Zélande, une rénovation des procédures
d'élaboration des budgets a été mise en uvre ainsi qu'une
réforme de la gestion de l'Etat fondée sur la substitution de la
notion de résultat à celle de moyen.
C. DES MOTIVATIONS CONTESTABLES
Deux arguments ont conduit le Gouvernement à
privilégier l'alourdissement de la taxation des entreprises :
- l'impôt sur les sociétés représente en France une
part plus faible des recettes fiscales compte tenu de l'étroitesse de
son assiette
6(
*
)
; ainsi, la France se situe
au troisième rang des pays dont le rendement de l'imposition sur les
sociétés est le plus faible (1,6 % du PIB), loin
derrière le Japon (4 %), l'Italie (3,7 %) ou les Etats-Unis
(2,5 %).
- les entreprises connaissent une bonne santé financière comme en
témoignent notamment leur taux d'autofinancement qui est passé de
94 % en 1990 à 123 % en 1996, le retour à des taux de
marge équivalents à ceux des années 1960, ou l'existence
d'un écart de 134 milliards de francs entre l'effort
d'équipement et l'excédent d'épargne des entreprises.
Aucun de ces arguments n'emporte vraiment la conviction.
En effet, s'agissant du poids de l'impôt sur les sociétés,
le taux facial d'imposition n'a aucune signification détaché de
l'assiette d'imposition. Or cette assiette varie d'un pays à un autre.
Ainsi, s'il est vrai que l'impôt sur les sociétés
pèse assez peu dans le PIB par rapport à nos principaux
concurrents, c'est qu'
a
contrario
les
autres charges assises
sur les entreprises
et qui sont déductibles de leurs
résultats (charges sociales certes, mais aussi taxe
professionnelle
7(
*
)
) obèrent leur
compétitivité. Les comparaisons internationales sont
délicates à établir ( notamment en raison des modes
de financement variables de la protection sociale), mais les
éléments disponibles illustrent assez bien cet écart.
Ainsi, la direction des études économiques du Crédit
commercial de France chiffre à 19,5 % du PIB le poids des
prélèvements obligatoires sur les entreprises en 1996, contre
14 % en Allemagne, 10,9 % au Royaume-Uni et 9,6 % aux Pays-Bas.
De même, le CNPF avait estimé en 1994 sur la base des statistiques
de l'OCDE que les prélèvements obligatoires pesant sur les
entreprises atteignaient 17,69 % du PIB (dont près de 12 %
pour les cotisations sociales employeurs) contre 11,32 % pour l'Allemagne,
9,87 % pour le Royaume-Uni et 8,96 % pour les Etats-Unis.
Le tableau suivant offre une comparaison internationale de la pression
fiscale :
Tableau comparatif de la pression fiscale et sociale
Source : Le Monde - Mercredi 13 août 1997
Alle-magne |
Belgi-
|
Espa-
|
France |
Irlande |
Italie |
Luxem-bourg |
Pays-Bas |
Royau-me-Uni |
Suède |
Suisse |
Etats-Unis |
||||
Impôts sur
|
30 % ou
45 %
|
40,17 % |
35 %
|
36,67 %
|
36 % |
53,2 % |
39,34 %
(1998 :
|
35 % |
31 %
|
28 % |
de 15 %
|
35 %
|
|||
Cotisations sociales (employeur) |
7,5 % et
|
40 % |
30,8 % |
40 % |
12 % |
env. 43 % |
21,1 % |
11,65 % |
10,2 % |
33,06 % |
6,35 % |
7,65 % |
|||
Cotisations sociales (employé) |
7,5 % et 13,4 % (4) |
13,07 % |
6,4 % |
20 % |
14,35 % |
9,89 % |
18,5 % |
12,4 % |
10 % |
0 % |
6,35 % |
7,65% |
|||
Impôt sur
|
|
53 % |
55 % |
56 % |
54 %
|
48 % |
51 % |
50 % |
60 % |
40 % |
56 % |
11,50 % (6) |
39,6 % |
||
|
33,5 % |
25 % |
20 % |
10,5 % (5) |
27 % |
10 % |
10 % |
37,5 % |
20 % |
31 % |
0,77 % (6) |
15 % |
|||
Plus-values mobilières (particuliers) |
0 %
|
0 %
|
Barème IR
|
20,9 % |
40 % |
Barème IR ou
|
0 %
|
0 %
|
Barème IR |
Barème IR |
0 %
|
28 % |
|||
(1) 30 % pour les bénéfices
distribués ; 45 % pour le non-distribué ;
|
(7) 0 % si la participation est détenue
depuis plus de six mois.
|
En second lieu, l'excédent d'épargne des
entreprises sur leur effort d'équipement démontre essentiellement
l'insuffisance de ce dernier. Les entreprises se désendettent et
constituent parallèlement un portefeuille de titres dans un contexte de
taux d'intérêt réels très élevés
depuis le début des années 80. De plus, la part des profits dans
la valeur ajoutée (taux de marge) s'est légèrement
effritée depuis 1989. La profitabilité des investissements est
donc directement concurrencée par les placements sur les marchés
financiers.
Le Gouvernement argue qu'après imputation sur leur épargne des
21 milliards de francs d'impôts supplémentaires
institués par le présent projet de loi, les entreprises
disposeront toujours d'un excédent d'épargne de
113 milliards de francs. Cet argument repose sur un raisonnement
économique discutable. La bonne santé financière des
entreprises n'est en effet pas un déterminant de l'investissement
contrairement aux anticipations de la demande, au niveau des taux
d'intérêt ou aux perspectives de profit. En revanche, le poids des
prélèvements obligatoires dégrade le taux de rendement
interne de ces investissements.
Au demeurant, le taux de progression des taux de marge ou des taux
d'autofinancement sur les dix dernières années n'est pas
pertinent si on ne le place pas en perspective. Il importe, en effet, de
comparer les moyens dont dispose la France dans un contexte de
compétition économique mondiale. Or, avec 7 % de retour sur
fonds propres (résultats nets sur capitaux propres), les entreprises
françaises affichent un niveau de rentabilité inférieur de
moitié à celui des entreprises américaines, qui a atteint
15 % en 1994.
Enfin, la bonne santé financière des entreprises doit être
nuancée au regard de la dégradation globale de leurs
résultats d'exploitation en 1996, comparables aux résultats
enregistrés en 1990, année du retournement du cycle
économique. Elle s'explique par la quasi-stagnation de la valeur
ajoutée des entreprises non financières, qui s'est accrue de
0,5 % seulement, alors que le PIB progressait de 1,5 %, et surtout
par le laminage des marges dû à l'accentuation de la concurrence.
II. L'AUGMENTATION DE LA FISCALITÉ PESANT SUR LES ENTREPRISES N'EST PAS CONFORME AUX INTÉRÊTS À LONG TERME DE LA FRANCE
En portant à 41,2/3 % le taux de l'impôt sur
les sociétés et en supprimant, même partiellement, le
mécanisme de taxation réduite des plus-values à long
terme, le présent projet de loi placera la France dans le trio de
tête des pays européens les plus sévères fiscalement
à l'égard de leurs entreprises.
Non seulement une telle majoration de la pression fiscale pesant sur les
entreprises va à contre-courant des tendances européennes, mais
elle est anti-économique et ne respecte pas plusieurs principes
essentiels de bonne législation.
Enfin, l'expérience montre que loin d'accroître le rendement d'un
impôt, la hausse des taux nominaux a souvent pour conséquence une
diminution de l'assiette sur laquelle est assise l'impôt, et, au final,
une contraction du rendement attendu.
A. UNE MESURE DE DIVERGENCE FISCALE PRÉJUDICIABLE À LA COMPÉTITIVITÉ DES ENTREPRISES FRANÇAISES
Le présent projet de loi va à
contre-courant
des politiques fiscales menées par les principaux
partenaires de la France. L'Allemagne, le Royaume-Uni et l'Italie se sont en
effet engagés sur la voie d'une baisse de l'impôt sur les
sociétés. Ainsi, l'Italie vient-elle d'annoncer l'institution
d'un taux de taxation réduit de 19 % pour les
bénéfices réinvestis. L'Allemagne prévoit
d'harmoniser la fiscalité des bénéfices distribués
et non distribués pour les ramener à 30 et 28 % en 1998 puis
au taux unique de 25 % en 1999. Enfin, la Grande-Bretagne a ramené
son taux d'imposition marginal de 33 à 31 % et prévoit de
substituer un taux unique au régime progressif actuel.
S'agissant des plus-values à long terme, la suppression du régime
fiscal de faveur, qui a pour effet de multiplier par deux le taux effectif de
taxation des plus-values, expose la France à la concurrence fiscale
internationale.
En effet, la taxation au taux de droit commun des plus-values à long
terme est certes retenue par les législations fiscales de certains de
nos partenaires économiques, mais avec une clause d'exonération.
Les plus-values sur cessions d'actifs immobilisés faites par les
entreprises bénéficient, dans la généralité
des pays, d'un régime d'imposition particulier, ces profits
étant, compte tenu de leur nature propre, soit soumis à un taux
d'imposition réduit lorsque l'actif cédé est détenu
depuis un certain temps par l'entreprise au moment de sa cession, soit
exonéré sous condition de remploi. Les Etats-Unis, le Japon et la
Belgique ont, de façon presque constante appliqué la
première de ces solutions, alors que l'Allemagne, l'Espagne, les
Pays-Bas, la Grande-Bretagne et l'Italie retiennent au contraire la seconde.
En outre, certains régimes étrangers de
sociétés-holdings existant aux Pays-Bas et, dans une moindre
mesure, au Luxembourg, en Belgique et dans certains cas en Allemagne,
exonèrent totalement les plus-values sur les cessions de participations.
La suppression du régime de taxation réduite des plus-values
en France irait donc à contre-courant des législations fiscales
de la plupart de nos partenaires économiques et placerait nos
entreprises en situation anti-concurrentielle.
B. DES CONSÉQUENCES ANTI-ÉCONOMIQUES
L'accroissement de la fiscalité pesant sur les entreprises risque non seulement de conforter l'attentisme des entreprises en matière d'investissements, mais aussi de renforcer la tendance à la délocalisation des activités, de pénaliser les épargnants et de poser aux entreprises des problèmes de trésorerie.
1. Un risque de report des investissements
De nombreux économistes s'accordent pour faire de
l'investissement industriel la variable clé de la reprise de
l'activité. Deux causes leur semblent à l'origine de la paralysie
des investissements en France, malgré la situation financière
plutôt favorable des entreprises : la faible rentabilité des
fonds propres qui reste trop éloignée des normes
américaines et internationales (2 à 3 % contre 6 à 8
%) en raison du niveau élevé des charges des entreprises, d'une
part ; l'atonie de la demande d'autre part.
Une autre cause est fréquemment évoquée par les
économistes : il s'agit du facteur confiance. Ce serait
l'incertitude des chefs d'entreprise sur les prélèvements que
l'Etat peut effectuer sur les firmes et sur certains ménages dans le
futur qui peut les dissuader d'investir malgré des conditions
plutôt favorable. Avec un tel manque de visibilité, les firmes
n'investissent que si elles sont assurées d'un rendement
supérieur aux 4,5 % de taux d'intérêt réel
à long terme des placements financiers.
Or, en portant le taux nominal de taxation des bénéfices à
41,66 % en 1997 et en 1998, le présent projet de loi induit ce que
la théorie économique appelle un "
choc
externe
" tendant à réduire le taux de rendement interne
des investissements et conduisant les chefs d'entreprise à contracter
ces derniers.
Selon une enquête à paraître réalisée par le
cabinet Ernst & Young, les entreprises jugent moins prometteuses qu'au
début de l'été les perspectives de croissance de
l'économie française. En effet, l'augmentation de l'impôt
sur les sociétés dégrade leurs perspectives de profit et
contrarie leurs projets d'investissements.
C'est également ce que conclut une étude intitulée
" Retrouver le chemin de l'investissement industriel ",
réalisée pour la Commission permanente de concertation de
l'Industrie par le Centre de recherches pour l'expansion de l'économie
et de développement des entreprises (Rexecode). Selon cette
étude, si la profitabilité de l'industrie française s'est
améliorée en 1996, ce redressement reste menacé par
d'éventuelles "
fausses manoeuvres
" alourdissant ses
coûts et risquant de reporter à plus de six mois le
redémarrage de l'investissement.
2. Un risque de délocalisation des activités
Par ailleurs, le poids des prélèvements obligatoires devient un élément déterminant du choix de l'implantation des entreprises . Il est à craindre que non seulement l'accroissement de la pression fiscale pesant sur les entreprises rende les groupes étrangers encore plus frileux lorsqu'il s'agit d'implanter des activités en France, mais également que des entreprises françaises, notamment parmi les plus innovantes, délocalisent certains services commerciaux, leurs directions de la trésorerie ou des unités de recherche, voire de production.
3. Un dispositif pénalisant pour les épargnants
La fixation du taux de l'impôt sur les
sociétés à 33,1/3 % n'est pas anodine. Elle
résulte mécaniquement du mode de calcul de l'avoir fiscal qui
permet de supprimer la double imposition des bénéfices
distribués par les sociétés relevant de l'impôt sur
les sociétés. L'avoir fiscal constitue à la fois un revenu
imposable (il est à rajouter aux dividendes) et un instrument de
paiement (il vient en déduction de l'impôt exigible).
Suivant les dispositions de l'article 158
bis
du code
général des impôts, cette créance sur le
Trésor est égale à la moitié du dividende net. En
fixant à 33,1/3 % le taux de l'impôt sur les
sociétés, l'avoir fiscal correspondait donc strictement au
montant de l'impôt acquitté par la société sur le
bénéfice mis en distribution.
L'exemple ci-après illustre le phénomène :
Soit une société ayant réalisé un
bénéfice de 15.000 francs et souhaitant distribuer
l'intégralité de ce bénéfice à son seul
actionnaire. Ce dernier disposera du dividende suivant :
Bénéfice imposable 15.000
Impôt sur les sociétés à 33,1/3 %
- 5.000
Dividende distribué à l'actionnaire 10.000
Avoir fiscal correspondant +
5.000
Dividende imposable 15.000
Impôt sur le revenu au taux de 50 % 7.500
Imputation de l'avoir fiscal -
5.000
Impôt à payer 2.500
Revenu net de l'actionnaire (10.000 - 2.500) 7.500
En portant le taux de l'impôt sur les sociétés à
41,66 % le présent article ne permet plus à l'avoir fiscal
de compenser le poids de l'impôt sur les sociétés. Dans
l'exemple précédent, l'actionnaire voit ainsi son revenu net
diminuer de près de 1.000 Francs :
Bénéfice imposable 15.000
Impôt sur les sociétés à 41,66 %
6.250
Dividende distribué à l'actionnaire 8.750
Avoir fiscal correspondant +
4.375
Dividende imposable 13.125
Impôt sur le revenu au taux de 50 % 6.562
Imputation de l'avoir fiscal -
4.375
Impôt à payer 2.187
Revenu net de l'actionnaire (8.750 - 2.187) 6.562
Ainsi, en taxant davantage les entreprises, on pénalise également
les épargnants et les actionnaires, ce qui nuit au bon fonctionnement du
marché des capitaux.
Les relations entre les sociétés étrangères et
leurs filiales françaises pourraient également connaître
des difficultés pour la même raison. En effet, un
relèvement trop important du taux de l'impôt sur les
sociétés rend le mécanisme de l'avoir fiscal insuffisant
pour permettre à une maison-mère d'éviter d'être
doublement taxée sur les dividendes qu'elle reçoit de ses
filiales. Cela peut avoir des répercussions sur la stratégie
à long terme du groupe.
4. Un dispositif pénalisant pour la trésorerie des entreprises
Enfin, la facture supplémentaire qu'auront à
payer les moyennes et grandes entreprises pourrait poser des
problèmes de trésorerie
. En effet, les entreprises
pourraient se voir notifier à l'automne une sorte de
" rappel " d'impôt sur les sociétés assis sur
leurs résultats de 1996, présentés au cours du premier
semestre de cette année, ou encore, un acompte au 15 novembre
prochain, sur leur contribution due au titre de 1997 et payable au printemps
1998. Dans les deux cas de figure, la base de référence reste la
même, c'est-à-dire le résultat fiscal de 1996. Mais pour
amortir l'échéance, les entreprises ont des choix
limités : les dividendes 1996 ont déjà
été distribués, et ne peuvent servir de variable
d'ajustement.
Un problème de même nature se pose pour le versement à la
réserve de participation des salariés et à la
réserve spéciale des plus-values à long terme. En effet,
dans le premier cas, le calcul de la participation est assis sur le
bénéfice après imputation de l'impôt sur les
sociétés au taux de base de 33,33 % et ne tient donc pas
compte de l'accroissement du taux effectif de l'impôt sur les
sociétés. Il en est de même pour la réserve
spéciale des plus-values à long terme. En conséquence, les
entreprises devront concéder un effort de trésorerie
supplémentaire.
C. UN CHIFFRAGE SUJET À CAUTION
Selon l'étude d'impact jointe au présent projet
de loi, les deux dispositions devraient rapporter respectivement 14,4 et
6,7 milliards de francs de recettes supplémentaires au budget de
l'Etat, soit
21 milliards de francs
en 1997. Le rendement attendu
en 1998 est de 18 milliards de francs.
L'estimation du rendement de la surtaxe temporaire sur l'impôt sur les
sociétés repose sur deux méthodes d'évaluation
différentes. La première consiste, à partir du fichier
central des bilans de 1995, à appliquer un différentiel de taux
de l'impôt sur les sociétés de 5 points (41,66 % -
36,66 %) au bénéfice fiscal des entreprises de plus de
50 millions de francs de chiffre d'affaires. Le rendement issu de cette
méthode s'élève à
16,4 milliards
de
francs.
La seconde consiste à prendre la contribution brute de 10 %
acquittée en 1996 sous déduction des excédents de
versements ; ces derniers ont été arbitrés selon le
même pourcentage que celui constaté en impôt sur les
sociétés, soit 17%. A partir de cette contribution nette
majorée d'un tiers (15/10), il a été appliqué :
- une réfaction de 28 %, poids des PME dans l'impôt sur les
sociétés,
- une majoration de 4 % pour tenir compte de l'augmentation du rendement de la
contribution de 1997 par rapport à 1996 et du poids des mères et
des filiales faisant partie d'un groupe et donc le chiffre d'affaires est
inférieur à 50 millions de francs.
Selon cette dernière méthode, les recettes issues de la
contribution exceptionnelle de 15 % en 1997 atteindraient
14,4 milliards
de francs.
Or, le rendement devrait, en réalité, être plus
aléatoire que ces chiffres ne le laissent penser.
C'est ce que la société de bourse Transbourse indiquait dans une
étude réalisée le 4 août dernier : en
diminuant leurs bases imposables en France, les 40 sociétés du
CAC 40 prévoyaient de ne payer que 2,5 milliards de francs
supplémentaires d'impôt sur les sociétés en 1997 et
2,6 milliards en 1998 contre respectivement 5,6 et 6,5 milliards de
francs de recettes prévisionnelles.
De même, le chiffrage du rendement de la suppression partielle du
régime des plus-values à long terme ne prend pas en compte les
éventuelles moins-values à long terme provenant de cessions
d'éléments d'actifs désormais exclus du champ
d'application du régime, qui pourraient venir s'imputer d'une part sur
des plus-values de même nature, et d'autre part sur le résultat de
l'exercice.
Il convient donc de prendre avec circonspection les évaluations
chiffrant à
6,7 milliards de francs
en 1997 et à
2,5 milliards de francs en 1998 les recettes issues de la suppression
partielle du régime particulier des plus-values à long terme des
sociétés.
Cette estimation, qui figure dans la note d'impact jointe par le Gouvernement
au présent projet de loi, repose sur les hypothèses
suivantes :
Plus-values à long terme qui auraient été taxées
à 33,33 % en 1995 42.000 MF
Plus-values à long terme effectivement taxées à 19 % en
1995 46.000 MF
Pourcentage des titres de participation 50 %
Pourcentage des produits de la propriété industrielle 12,5 %
Poids des concessions de licences 83 %
Poids des PME dans l'IS 28 %
Le maintien dans le régime des plus-values à long terme des
titres de participation et des produits de la propriété
industrielle revient à réduire l'assiette des plus-values
imposées au taux de droit commun de l'IS de :
50 % + (12,5 % x 83 %) = 60,37 %
Le calcul de l'incidence de la suppression partielle du régime des
plus-values à long terme figure dans le tableau ci-après :
D. LE DISPOSITIF PROPOSÉ NE RESPECTE PAS PLUSIEURS PRINCIPES DE BONNE LÉGISLATION
1. Un dispositif complexe
L'institution d'une contribution exceptionnelle sur
l'impôt sur les sociétés devrait avoir pour effet de
créer
trois taux d'imposition différents pour les
entreprises
: les petites entreprises qui font moins de
50 millions de francs de chiffre d'affaires continueront à
bénéficier du taux de faveur de 19 % (soit 20,9 %
si l'on ajoute la contribution Juppé de 10 %) si elles
réinvestissent leurs bénéfices à hauteur de 200.000
francs, conformément au " plan PME pour la France " ;
les
autres PME resteront imposées au taux de 36,66 % ; les
entreprises réalisant plus de 50 millions de francs de chiffre
d'affaires verront quant à elles leurs bénéfices
taxés au taux de 41,66 % si l'on inclut la contribution
exceptionnelle de 10 % instituée en août 1995 et la surtaxe
de 15 % prévue par le présent projet de loi (40 % en
1999).
Par ailleurs, en ne supprimant que partiellement le régime des
plus-values à long terme, l'article 2 du présent projet de loi ne
facilite pas la tâche des entreprises. En effet, ces dernières
devront déterminer l'origine de leurs plus ou moins-values pour savoir
quel régime de taxation appliquer. Les plus-values à long terme
provenant de la cession de titres de participation et le résultat net de
la concession de licences d'exploitation de brevets ou d'inventions brevetables
continueront à bénéficier du taux réduit de
19 % (avant les majorations additionnelles), tandis que les plus-values
à long terme afférentes à la cession des autres
éléments de l'actif (y compris les brevets), deviendraient
taxables au taux normal de 33,1/3 % (avant les majorations additionnelles).
En outre, compte tenu de sa date d'effet (plus-values dégagées au
cours des exercices ouverts à compter du 1
er
janvier 1997),
cette aggravation n'affecte pas l'impôt des exercices qui ont
été clos en 1996 ni celui des exercices de douze mois qui seront
clos en 1997 (jusqu'au 30 novembre) continueront elles aussi de relever du taux
de 19 %, mais sauf dans le cas de ces PME, cet impôt supportera
outre la contribution de 10 %, une majoration additionnelle de 15 %
d'où un taux effectif de 23,75 %. En revanche, celles
dégagées le 31 décembre 1997 deviendront passible de
l'impôt au taux normal de 33,1/3 %, d'où un taux effectif de
41,66 % en cas d'application simultanée des majorations de
10 % et de 15 %, ou de 36,66 % en cas d'application de la seule
contribution de 10 % (PME exemptées de la majoration de 15 %).
2. Un dispositif rétroactif à rendement immédiat
Le
caractère rétroactif de la suppression
partielle du régime des plus-values à long terme renforce la
caractère incertain de notre fiscalité, qui est, rappelons le, un
des facteurs de l'atonie des investissements En effet, la modification du
régime fiscal des plus-values à long terme s'appliquerait
à des
opérations réalisées
non
seulement depuis le 1
er
janvier dernier, mais également avant
cette date, si l'on considère les plus-values dont l'imposition a
été reportée.
Cette instabilité du droit fiscal
interdit à tout acteur économique de faire des prévisions
valables à moyen et long terme
.
Par ailleurs, pour assurer le rendement immédiat de l'accroissement de
l'impôt sur les sociétés, les entreprises verseraient
dès le 15 décembre 1997 un acompte sur les plus-values devenues
imposables au taux normal et réalisées au cours de l'exercice
ouvert à compter du 1
er
janvier 1997. Cet acompte serait
calculé d'après les plus-values de même nature
imposées au titre de l'année précédente, soit plus
de 40 milliards de francs en 1996. En outre, les entreprises devraient
désormais verser un acompte fixé à 19 % du
résultat net de la concession d'exploitation de brevets ou d'inventions
brevetables imposées au titre de l'exercice précédent.
De la même manière, les sociétés assujetties
à la contribution temporaire de 15 % devraient acquitter à
la même date un acompte sur cette contribution, sur une base provisoire
1996 tenant compte de la réduction du champ d'application du
régime des plus-values à long terme.
Bien que le projet de loi prévoie que la surtaxe de 15 % ne
s'applique qu'aux seuls profits réalisés au cours de
l'année 1997 et suivantes, la majoration devrait également
toucher certains des profits réalisés en 1996 par les entreprises
dont l'exercice fiscal n'est pas calqué sur l'année civile (soit
environ un quart des entreprises). En contrepartie, ces entreprises sortiront
du système plus tôt que celles dont l'exercice fiscal correspond
avec l'année civile. La surtaxe serait acquittée pour la
première fois avec l'acompte d'impôt sur les
sociétés appelé le 20 novembre 1997.
3. Un dispositif fondé sur la discrimination
La fixation d'un seuil de 50 millions de chiffre
d'affaires comme plafond d'exonération appelle plusieurs remarques.
En premier lieu, votre rapporteur général avait
déjà émis des réserves lors de l'institution d'un
taux de taxation réduit pour les bénéfices des PME
réinvestis. En effet, il ne lui semblait
pas de bonne
législation d'introduire ainsi une discrimination entre petites et
moyennes entreprises et grandes entreprises
, ces dernières
étant toujours exclues des mesures de faveur, ou ici en l'occurrence,
frappées prioritairement par les appels à la solidarité
nationale. En outre, ce type de conditions donne prise à des effets de
seuil néfastes et source de contentieux.
En deuxième lieu, le chiffre d'affaires ne reflète pas vraiment
la taille d'une entreprise. Tout dépend en effet du secteur
d'activité dans lequel elle exerce. Ainsi, de même que le seuil de
chiffre d'affaires donnant droit au bénéfice du forfait varie
selon que l'activité de l'entreprise est la vente de marchandises,
l'exploitation d'hôtels de restaurants ou de cafés ou la
prestation de services,
il conviendrait, pour être juste, d'adapter le
plafond de chiffre d'affaires aux différents secteurs
.
Enfin,
votre rapporteur général déplore vivement qu'un
tel mécanisme pénalise en dernier ressort les entreprises
moyennes
. En effet, la plupart des grandes entreprises et multinationales
françaises réalisent aujourd'hui plus de la moitié de leur
chiffre d'affaires à l'étranger. En conséquence, et compte
tenu des règles de territorialité de l'impôt,
l'augmentation de l'impôt sur les sociétés aura un impact
probablement atténué pour elles. En revanche, les entreprises
moyennes et ne possédant qu'une assise française subiront
intégralement l'accroissement de la pression fiscale, sans que leur
taille leur permette d'envisager une installation à l'étranger ni
de songer à des montages fiscaux sophistiqués.
En outre, la suppression partielle du régime des plus-values à
long terme ne concerne que les entreprises assujetties à l'impôt
sur les sociétés, ce qui induit une rupture de
l'égalité des entreprises devant l'impôt, les entreprises
assujetties à l'impôt sur le revenu demeurant taxées au
taux de 19 % pour les plus-values à long terme provenant de leurs
cessions d'actifs.
Ainsi, il apparaît que les
entreprises moyennes
, souvent
localisées dans les villes moyennes de province, les plus
exposées et fragiles qui ne peuvent réduire leur imposition ni
par l'assiette (en agissant sur leurs bases imposables), ni par le taux (seules
les entreprises réalisant moins de 50 millions de francs de chiffre
d'affaires, peuvent jouir du taux réduit de taxation des
bénéfices en cas d'incorporation des bénéfices au
capital)
sont les mal aimées du système fiscal français
alors même que ce sont probablement les plus créatrices
d'emplois.
EXAMEN DES ARTICLES
ARTICLE PREMIER
Contribution temporaire sur
l'impôt sur les sociétés pour les entreprises
réalisant au moins 50 millions de francs de chiffre d'affaires
Commentaire : Le présent article prévoit
d'instituer, pour les exercices clos à compter du 1
er
janvier
1997, une contribution temporaire sur l'impôt sur les
sociétés, pour les sociétés qui réalisent au
moins 50 millions de francs de chiffre d'affaires, fixée à
15 % en 1997 et en 1998 et à 10 % en 1999.
Cette contribution temporaire, qui s'ajouterait à l'actuelle
contribution de 10 %
8(
*
)
, aurait pour
conséquence de porter, à titre provisoire, le taux effectif de
l'impôt sur les sociétés de 36,66 % à
41,66 % pendant deux ans (39,99 % en 1999) et le taux réduit
d'imposition des plus-values à long terme de 20,9 % à
23,75 % (22,8 % en 1999).
Cette réforme devrait avoir pour effet de créer
trois taux
d'imposition différents pour les entreprises
: les petites
entreprises qui réalisent moins de 50 millions de francs de chiffre
d'affaires continueront à bénéficier du taux de
19 % (soit
20,9 %
si l'on ajoute la contribution de
10 %) si elles réinvestissent leurs bénéfices
à hauteur de 200.000 francs, conformément au " plan PME pour
la France "
9(
*
)
; les autres PME
resteront imposées au taux de
36,2/3 %
; les
entreprises réalisant plus de 50 millions de francs de chiffre
d'affaires verront quant à elles leurs bénéfices
taxés au taux de
41,2/3 %
.
I. ECONOMIE DU DISPOSITIF
La surtaxe de 15 % sur l'impôt sur les sociétés est
calquée sur la contribution exceptionnelle de 10 % assise sur
l'impôt sur les sociétés prévue par l'article 235
ter
ZA du code général des impôts.
L'article 235
ter
ZB inséré dans le code
précité par le présent article renvoie en effet
explicitement, dans son premier alinéa, aux conditions prévues
aux II à V de l'article 235 ter ZA. Cette surtaxe s'en distingue
néanmoins sur deux points :
- son caractère
temporaire
est mieux affirmé ;
- son
champ d'application
est plus
restreint
.
1. Durée d'application
A la différence de l'article premier de la loi de finances rectificative
d'août 1995 qui ne fixait pas de date butoir pour l'application de la
contribution de 10 %, le présent article limite dans le temps
l'application de la surtaxe en précisant que cette fraction de 15 %
de l'impôt sur les sociétés sera réduite à
10 % pour 1999 (soit un taux d'IS de 40 %).
Néanmoins, bien que le dispositif de la surtaxe de 10 % ne
fût pas borné dans le temps, le secrétaire d'Etat au budget
avait, à la demande de votre rapporteur général,
réitéré en séance publique l'engagement du
Gouvernement de proposer au Parlement la suppression ou l'atténuation de
cette charge conjoncturelle dès que le redressement des finances
publiques le permettrait. Il avait émis le souhait de voir
disparaître la surtaxe dès 1998.
Votre rapporteur général avait en particulier soulevé le
problème que posait l'absence de terme de la contribution de 10 %
aux entreprises françaises de taille internationale qui sont soumises
aux normes comptables américaines ou qui présentent des comptes
consolidés. En effet, ces entreprises sont contraintes de provisionner
la charge que représente une taxation supplémentaire pour toute
la durée de son application, ce qui entraîne une
dégradation de leurs résultats purement artificielle dans le cas
d'une contribution temporaire.
2. Champ d'application
La contribution exceptionnelle concerne les seules personnes morales
assujetties, de plein droit ou sur option, à l'impôt sur les
sociétés dans les conditions de droit commun.
Concrètement, il s'agit des sociétés ou autres organismes
dont les résultats courants sont imposés au taux de
33,1/ 3 %. A contrario, les personnes morales
bénéficiant d'un régime spécifique, telles les
collectivités sans but lucratif, ou celles qui sont
exonérées totalement d'impôt sur les sociétés
ne sont pas dans le champ d'application.
Pour le calcul de la contribution de 15 % comme pour celui de la
contribution de 10 %, il est proposé de faire abstraction des
régimes dérogatoires du bénéfice mondial ou du
bénéfice consolidé, afin d'éviter les perturbations
liées à la prise en compte de résultats
réalisés hors de France. Chaque entreprise française,
mère ou filiale concernée, devra donc acquitter
séparément sa contribution, celle-ci étant assise sur un
résultat déterminé dans les conditions de droit commun.
Par ailleurs, alors que la contribution exceptionnelle de 10 %
était d'application générale, le présent article
prévoit d'exonérer de la surtaxe de 15 % les petites
entreprises
10(
*
)
.
S'inspirant du dispositif de taxation réduite institué par la loi
de finances pour 1997 en faveur des petites entreprises qui incorporent une
partie de leurs bénéfices à leur capital
11(
*
)
,
le Gouvernement a repris, pour qualifier les petites
entreprises, deux des conditions prévues par la recommandation de la
Commission européenne du 3 avril 1996 concernant la définition
des petites entreprises. Il s'agit des entreprises :
- dont le chiffre d'affaires n'excède pas 50 millions de francs de
chiffre d'affaires ;
- et qui respectent le critère d'indépendance mesuré
à l'aune de la propriété du capital : sont ainsi
considérées comme indépendantes les entreprises
détenues à plus de 75 % par des personnes physiques.
Pour l'application de cette dernière condition, la Commission
européenne considère les sociétés publiques de
participation, les sociétés de capital-risque ou les
investisseurs institutionnels comme des personnes physiques à la
condition qu'ils n'exercent, à titre individuel ou conjointement, aucun
contrôle sur l'entreprise.
Soucieux de renforcer les fonds propres des entreprises innovantes, le
Gouvernement a tenu compte de l'exception autorisée par la Commission en
prévoyant explicitement que les sociétés de
capital-risque, les sociétés de développement
régional et les sociétés financières d'innovation
seront assimilées à des personnes physiques. Le présent
article ayant omis dans cette énumération les fonds communs de
placement à risque, l'Assemblée nationale a réparé
cet oubli.
En outre, alors que le présent article renvoyait le lecteur au f du I de
l'article 219 du code général des impôts
12(
*
)
-
c'est-à-dire au dispositif du taux
réduit de taxation pour les PME - pour retrouver les conditions
d'exonération, les députés ont
préféré, pour des raisons de lisibilité, rappeler
ces conditions dans le corps du texte du présent article.
Les députés ont également précisé les
conditions d'appréciation du seuil de 50 millions de francs de
chiffre d'affaires.
Enfin, alors que dans sa rédaction initiale le présent article
prévoyait que l'exonération ne concernait pas les
sociétés mères d'un groupe fiscalement
intégré, l'Assemblée nationale a
réintégré ces sociétés dans le
périmètre de l'exonération à condition que la somme
des chiffres d'affaires de chacune des sociétés membres de ce
groupe n'excède pas 50 millions de francs.
Au total, le Gouvernement chiffre à 19.165 le nombre d'entreprises
visées par la mesure, soit 2,8 % du total des entreprises
assujetties à l'impôt sur les sociétés et 5,7 %
du total des entreprises acquittant effectivement l'IS.
La répartition des entreprises en fonction du secteur d'activité
dans lequel elles exercent est la suivante :
Secteur d'activité |
Entreprise dont CA 50 millions de francs |
Total d'entreprises du secteur |
% |
Agriculture, sylviculture,
pêche
|
130
|
6.650
|
1,95
|
TOTAL |
25.050 |
650.000 |
3,85 |
Source : Secrétariat d'Etat aux PME, au commerce et à l'artisanat.
3. Assiette et taux
La contribution est assise sur la totalité de la cotisation brute
d'impôt sur les sociétés à raison de ses
différents résultats imposables de l'exercice. Cette assiette
représente donc la somme de deux éléments distincts :
- l'impôt dû à raison du résultat courant de
l'exercice, avant imputation des éventuels crédits d'impôt
dont peut bénéficier l'entreprise ;
- l'impôt afférent aux éventuelles plus-values à
long terme réalisées au cours de la même période de
référence.
En outre, les avoirs fiscaux ou crédits d'impôt de toute nature,
la créance née du report en arrière des déficits et
l'imposition forfaitaire annuelle ne sont pas imputables sur la contribution.
II. UNE MESURE INOPPORTUNE
A. UNE MESURE ACCENTUANT LES DIFFÉRENCES DE TRAITEMENT FISCAL ENTRE
LES PETITES ENTREPRISES ET LES ENTREPRISES MOYENNES ET GRANDES
La fixation d'un seuil de 50 millions de chiffre d'affaires comme plafond
d'exonération appelle plusieurs remarques.
Votre rapporteur général réaffirme qu'il n'est
pas de
bonne législation d'instituer une discrimination entre petites et
moyennes entreprises et grandes entreprises
, ces dernières
étant toujours exclues des mesures de faveur, ou ici en l'occurrence,
frappées prioritairement par les appels à la solidarité
nationale. En outre, ce type de conditions donne prise à des effets de
seuil néfastes et se révèle source de contentieux.
En deuxième lieu,
le chiffre d'affaires ne reflète pas
vraiment la taille d'une entreprise
. Tout dépend en effet du secteur
d'activité dans lequel elle exerce. Ainsi, de même que le seuil de
chiffre d'affaires donnant droit au bénéfice du forfait varie
selon que l'activité de l'entreprise est la vente de marchandises,
l'exploitation d'hôtels de restaurants ou de cafés ou la
prestation de services, il conviendrait sans doute d'adapter le plafond de
chiffre d'affaires aux différents secteurs, au risque bien
évidemment de substituer un système vraiment inextricable
à un système déjà difficile.
En troisième lieu, l'argument communautaire pour justifier ce seuil est
dans le cas d'espèce extrait de son contexte. En effet, s'il est vrai
que dans une recommandation du 3 avril 1996, la Commission européenne
fixe à 7 millions d'écus le plafond du chiffre d'affaires
à ne pas excéder pour être considéré comme
une petite entreprise, il faut préciser que cette recommandation
s'inscrit dans le cadre des aides d'Etat aux petites et moyennes entreprises.
Or il ne s'agit pas ici de favoriser telle ou telle catégorie
d'entreprises, mais d'exclure d'un mécanisme de surtaxation temporaire
les petites et moyennes entreprises.
De surcroît, la recommandation de la Commission fixe à
40 millions d'écus (280 millions de francs) le plafond de chiffre
d'affaires définissant les PME, et non à 7 millions
d'écus.
Enfin, votre rapporteur général déplore qu'un tel
mécanisme pénalise en dernier ressort les entreprises moyennes.
En effet, si les grandes entreprises et les multinationales françaises
réalisent l'essentiel de leur chiffre d'affaires à
l'étranger et ne subiront pas tous les effets de cette hausse de
l'impôt sur les sociétés, ce n'est pas le cas des
entreprises moyennes et captives, ne possédant qu'une assise
française et peu au fait des subtilités de l'ingénierie
fiscale de haut niveau.
Ainsi, il apparaît que les entreprises moyennes "captives" du
marché national et qui ne peuvent réduire leur imposition ni par
l'assiette (en agissant sur leurs bases imposables), ni par le taux (seules les
entreprises réalisant moins de 50 millions de francs de chiffre
d'affaires peuvent jouir du taux réduit de taxation des
bénéfices en cas d'incorporation des bénéfices au
capital) sont les mal aimées du système fiscal français
alors même que ce sont probablement les plus créatrices d'emplois.
B. UNE MESURE À CONTRE-COURANT DE L'ÉVOLUTION DES
FISCALITÉS EUROPÉENNES
Les chiffres avancés par le Gouvernement pour justifier l'augmentation
de l'impôt sur les sociétés doivent être
examinés avec la plus grande circonspection au vu, d'une part de
l'ensemble des prélèvements fiscaux et sociaux pesant sur les
entreprises, et surtout des réformes envisagées par nos
principaux partenaires économiques.
Ainsi, le Gouvernement annonce-t-il qu'avec un taux de 41,66 %, la France
devrait se situer juste derrière l'Italie et l'Allemagne. En effet,
l'Italie impose ses entreprises au taux de 53,2 % mais ce taux incorpore
outre le taux de l'imposition d'Etat de 37 %, un taux d'imposition locale
de 16,2 %. Quant à l'Allemagne, elle distingue entre
bénéfice distribué, taxé au taux de 30 %, et
bénéfice non distribué imposé au taux de 45 %.
A ces deux taux, s'ajoute une surtaxe de solidarité de 7,5 %
portant le taux marginal à 48,37 %.
Au surplus, il convient pour analyser objectivement le poids des
prélèvements obligatoires pesant sur les entreprises de prendre
en compte tous les éléments de la fiscalité (taxe
professionnelle comprise) ainsi que les charges sociales. Or, la direction des
études économiques du CCF chiffre à 19,5 % du PIB le
poids des prélèvements obligatoires sur les entreprises en 1996,
contre 14 % en Allemagne, 10,9 % au Royaume-Uni et 9,6 % aux
Pays-Bas. Ces comparaisons peuvent être discutées, en raison
notamment du mode de financement de la protection sociale, mais elles font
apparaître des écarts indiscutables.
Le graphique ci-après offre une comparaison internationale de la
pression fiscale :
Or la France avait, sous l'impulsion de M. Bérégovoy,
montré l'exemple en matière d'harmonisation de la
fiscalité des entreprises en portant progressivement le taux de
l'impôt sur les sociétés de 42 % en 1989 à
33,1/3 % en 1993.
Cette réforme s'est en effet organisée autour de trois axes :
- une baisse régulière du taux de l'impôt qui a ainsi
été ramené par étapes de 50 % en 1985 à
33,1/3 % en 1993 ;
- un élargissement de l'assiette, par l'intégration dans la base
taxable au taux normal de différents produits de placements financiers
bénéficiant auparavant du régime des plus-values ;
- la mise en place de régimes spécifiques (fiscalité de
groupe notamment) qui ont contribué à moderniser de façon
importante notre législation et à la rendre plus attractive,
notamment au regard de nombreux dispositifs étrangers.
Lors de la discussion du projet de loi de finances pour 1992, Pierre
Bérégovoy déclarait :
" La baisse de
l'impôt sur les sociétés vise à favoriser la
constitution de fonds propres, favorisant la sphère productive au
détriment de la sphère financière et cette réforme
restera comme une grande réforme de la fiscalité des
entreprises ".
A cette même tribune, cette fois lors de la discussion du projet de loi
de finances pour 1993, M. Martin Malvy, alors ministre du budget,
déclarait quant à lui :
" Nous venons au cours de
ces dernières années, de ramener de 42 % à
33,1/3 % le taux de l'impôt sur les sociétés. Nous
devrions nous en féliciter car c'est une démarche en faveur de
l'activité économique et de l'emploi. "
Il est regrettable, cinq ans plus tard, d'infléchir cette tendance
à l'heure même où nos principaux partenaires
économiques suivent l'exemple initialement donné par la France en
réduisant substantiellement la fiscalité pesant sur leurs
entreprises.
Ainsi, l'Italie vient-elle d'adopter un décret qui prévoit
l'institution d'un taux de taxation réduit (19 %) pour les
bénéfices réinvestis dans l'entreprise et pour les
sociétés souhaitant entrer en Bourse. L'Allemagne envisage
d'harmoniser la fiscalité des bénéfices distribués
et non distribués pour les ramener à 30 et 28 % en 1998 puis
au taux unique de 25 % en 1999. Enfin, la Grande-Bretagne a ramené
son taux d'imposition marginal de 33 à 31 % et prévoit de
substituer un taux unique au régime progressif actuel.
C. UNE MESURE PÉNALISANTE POUR LES ACTIONNAIRES
L'augmentation de l'impôt sur les sociétés
déséquilibre le mécanisme de l'avoir fiscal
et fait
renaître des phénomènes de double taxation. En effet, en
portant le taux de l'impôt sur les sociétés à
41,66 %, le présent projet de loi ne permet plus à l'avoir
fiscal de compenser le poids de l'impôt sur les sociétés
(cf. exposé général page 14).
Décision de la commission : sous le bénéfice de
ces observations, votre commission vous propose de supprimer cet article.
ARTICLE 2
Régime fiscal des cessions
d'éléments d'actif pour les entreprises soumises à
l'impôt sur les sociétés
Commentaire : Le présent article prévoit
de supprimer le régime des plus ou moins-values à long terme pour
l'imposition du résultat provenant de la cession de l'ensemble des
éléments de l'actif immobilisé, à l'exception des
titres de participation et de la concession d'éléments de la
propriété industrielle (licences d'exploitation de brevets ou
d'inventions brevetables).
Le régime d'imposition des plus-values provenant de la cession des
éléments de l'actif immobilisé repose sur la distinction
entre, d'une part, les plus et moins-values à long terme soumises
à un régime de taxation réduite et de déduction
spécifique et, d'autre part, les plus ou moins-values à court
terme qui sont comprises dans le résultat d'exploitation imposable dans
les conditions et au taux de droit commun.
Ce régime s'est substitué en 1965 au
système de
l'exonération des plus-values professionnelles sous condition de
remploi
, en raison de la trop grande complexité de ce dernier. Mais
ce dernier système
demeure la règle de droit commun dans la
plupart des pays concurrents de la France
.
Arguant de la faiblesse de l'inflation, le Gouvernement souhaite, en mettant
partiellement fin au régime plus que trentenaire de taxation des
plus-values à long terme, élargir l'assiette de l'impôt sur
les sociétés en y incluant les plus-values à long terme
réalisées à l'occasion de la cession d'actifs
immobilisés tels que des immeubles, des terrains ou des brevets, afin
d'accroître le rendement de l'IS.
Un tel dispositif revient à multiplier par deux le taux d'imposition des
plus-values à long terme pour les entreprises assujetties à
l'impôt sur les sociétés.
Le supplément de
recettes issu de cette réforme est ainsi estimé à
6,7 milliards de francs en 1997.
Six arguments conduisent cependant votre commission à ne pas approuver
la suppression partielle du régime des plus-values à long
terme :
- la suppression d'un tel régime irait
à
contre-courant
des législations fiscales de la plupart de nos partenaires
économiques
qui continuent à exonérer ou à
reporter l'imposition des plus-values à long terme sous condition de
remploi, ce qui encouragerait les délocalisations ;
- en renchérissant le coût des mutations, la taxation des
plus-values à long terme au taux de droit commun aurait pour
conséquence d'
encourager l'inertie économique
, en rendant
moins fluides les mouvements économiques nécessaires à
l'adaptation des structures industrielles ;
- la suppression du régime des plus-values à long terme pour les
entreprises assujetties à l'impôt sur les sociétés
est susceptible de se heurter au
principe de l'égalité devant
l'impôt
, dans la mesure où les entreprises assujetties
à l'impôt sur le revenu continueraient à
bénéficier du régime de faveur ;
- le
changement en cours d'année du régime fiscal des
plus-values à long terme pénaliserait d'autant plus les
entreprises qu'il s'appliquerait à des
opérations
déjà réalisées :
il concernerait en effet
les cessions effectuées depuis le 1
er
janvier dernier, voire
avant ;
- la modification du régime des plus-values à long terme
serait la 14
ème
modification de ce régime en
11 ans ;
- enfin, le
maintien d'un taux réduit de taxation des plus-values
à long terme
pour contrer les effets de l'inflation est
toujours
justifié
pour les plus-values provenant de la cession de biens
acquis depuis une longue période.
Au total, votre commission des finances constate une nouvelle fois que la
modification du périmètre d'application du taux réduit
d'imposition obère la compétitivité de nos entreprises et
semble de nature à alimenter des demandes tendant à
recréer des catégories spécifiques ou même à
réintroduire un dispositif d'exonération en cas de remploi.
I. LE DROIT EN VIGUEUR RÉSULTE D'AMÉNAGEMENTS SUCCESSIFS DE LA LOI DE 1965
A. LES GRANDS PRINCIPES DU RÉGIME DE TAXATION DES PLUS-VALUES À LONG TERME
Le système fiscal français considère de
longue date que les plus-values provenant de la cession des
éléments de l'actif immobilisé sont un
bénéfice exceptionnel généralement destiné
à être réinvesti dans l'entreprise, et que le montant de la
plus-value provient pour une part des effets de la hausse
générale des prix.
En conséquence, depuis l'adoption de la loi n° 65-566 du 12
juillet 1965, qui a mis fin à un dispositif difficilement gérable
d'exonération des plus-values en cas de remploi, le régime
français est fondé sur la distinction entre plus ou moins-values
à court terme et plus ou moins-values à long terme, ces
dernières étant soumises à un régime d'imposition
moins sévère
13(
*
)
que celui des
bénéfices courants de l'entreprise. La distinction entre les deux
catégories de plus ou moins-values s'opère en fonction de la
durée de détention du bien et de son caractère
amortissable ou non, comme le rappelle l'encadré ci-après.
Cession d'immobilisations non amortissables
La plus-value, ou éventuellement la moins-value, est à court
terme lorsque l'immobilisation cédée figure au bilan depuis moins
de deux ans. Elle est à long terme au delà.
Cession d'immobilisations amortissables
Deux hypothèses sont à envisager :
- si le bien est inscrit au bilan depuis moins de deux ans, la plus-value est
nécessairement à court terme ;
- si le bien est inscrit au bilan depuis plus de deux ans, la plus-value est
à court terme dans la limite des amortissements pratiqués et
à long terme pour le surplus.
Mais, s'agissant d'immobilisations amortissable, la moins-value est toujours
à court terme, même si le bien figure au bilan depuis plus de deux
ans.
Le tableau ci-après rappelle les grands principes du régime des
plus-values dégagées par les sociétés.
Les plus ou moins-values à long terme dégagées au cours
d'un même exercice sont ventilées entre les différentes
catégories prévues par la législation - titres de
trésorerie, titres de participation, titres de placement, terrains
à bâtir, produits de la propriété industrielle,
autres éléments d'actifs - chacune d'entre elles étant
assortie d'un taux d'imposition différent.
Dans un premier temps, les plus ou moins-values afférentes à une
même catégorie font l'objet d'une compensation qui permet de
dégager une plus ou moins-value nette.
La plus-value nette dégagée au titre d'une catégorie
d'actifs peut alors être utilisée pour compenser :
- le déficit d'exploitation de l'exercice ou les déficits
antérieurs encore reportables ;
- les moins-values nettes relevant d'un taux différent mais
supérieur.
A l'issue de ces opérations, le solde de chaque plus-value nette est
soumis à l'impôt au taux correspondant, le résultat net
devant être porté à la réserve spéciale des
plus-values. Si la société décide ultérieurement de
distribuer des dividendes par prélèvement sur la réserve
spéciale, elle devra acquitter un complément d'impôt.
Les moins-values nettes à long terme ne sont pas imputables sur les
résultats imposables au taux normal. Elles pourront seulement être
imputées sur des plus-values à long terme au cours des dix
exercices suivants celui au titre duquel elles ont été
constatées.
B. LES AMÉNAGEMENTS SUCCESSIFS DE LA LOI DE JUILLET 1965
Au cours de la période récente, le taux, mais
aussi l'assiette de l'impôt sur les plus-values à long terme, ont
connu des modifications sensibles.
S'agissant du taux, initialement fixé à 10 %, il a
été relevé à 15 % en 1973 puis, en 1974, un
taux de 25 % a été créé pour les terrains
à bâtir. Ces taux sont restés identiques jusqu'en 1989. La
loi de finances rectificative pour 1989 a relevé le taux de taxation de
15 à 19 %, mais en excluant les produits de la
propriété industrielle (brevets) qui demeurent taxés
à 15 %. La loi de finances pour 1990 a relevé le taux
d'imposition des plus-values à caractère financier (qui concerne
tous les titres sauf les actions) pour les soumettre au taux de l'impôt
sur les sociétés à 25 %. Enfin, la loi de finances
rectificative pour 1991 a ramené le taux de taxation des plus-values
à 18 %.
S'agissant du champ d'application, la loi de finances pour 1991 a exclu du
régime les opérations à caractère financier (sauf
les ventes d'actions) pour les soumettre à l'impôt sur les
sociétés au taux normal. Puis, l'article 11 de la loi de finances
pour 1992 a extrait du régime des plus-values les gains nets
retirés de la cession de " titres de
trésorerie "
14(
*
)
.
Enfin, l'article 25 de la loi de finances pour 1995 a exclu de ce régime
de faveur tous les éléments du portefeuille de valeurs
mobilières des sociétés autres que ceux revêtant le
caractère de titres de participation sur le plan comptable
15(
*
)
.
De fait, le schéma arrêté en 1995 à la fin de ce
processus de réforme s'appuie sur une imposition des plus-values
à long terme au taux de 19 %, auquel s'ajoute, depuis le
1
er
janvier 1995, la contribution exceptionnelle de 10 %,
portant le taux réel d'imposition à 20,9 %.
Le résultat net de la cession ou de la concession de brevets ou
inventions brevetables relève également du régime des
plus-values à long terme.
Le tableau ci-après résume les vicissitudes subies par le
régime des plus-values à long terme depuis dix ans.
Taux en pourcentage
Exercices |
1986 |
1987 |
1988 |
1989 |
1990 |
1991 |
1992 |
1993 |
1994 |
1995 |
|||||||
Taux normal de l'IS
|
45 |
45 |
42 |
39
|
37
|
34
|
34 |
33,33 |
33,33 |
33,33 |
|||||||
Nature de la plus-value |
avant le 20/10 |
après le 20/10 |
avant le 1/7 |
après le 1/7 |
|||||||||||||
Titres de
trésorerie
|
15
|
15
|
15
|
15
|
19
|
25
|
25
|
(1)
|
18
|
18
|
(1)
|
19
|
(1) Intégré dans la base imposable au taux normal
II. LA REMISE EN CAUSE PARTIELLE D'UN SYSTÈME ÉQUILIBRE OUVRE UNE VOIE PRÉOCCUPANTE POUR L'AVENIR
A. LA REMISE EN CAUSE PARTIELLE D'UN SYSTÈME ÉQUILIBRE ACCROÎT LA COMPLEXITÉ DE LA FISCALITÉ
1. La remise en cause partielle d'un système équilibré...
A l'issue de ces réformes, le régime des
plus-values à long terme semblaient enfin avoir trouvé son
équilibre : en effet, en restreignant le champ d'application du
régime des plus-values à long terme aux seules plus-values de
cessions d'éléments d'actif et de titres de participation,
à l'exclusion de toutes les plus-values réalisées sur des
cessions de titres de trésorerie et de placement, les lois de finances
pour 1991, pour 1992 et pour 1995 ont mis fin à l'avantage fiscal indu
dont bénéficiaient les placements financiers.
Votre commission des finances, qui avait été à
l'initiative de plusieurs de ces articles, s'était alors réjouie
de la stabilisation autour d'un taux unique d'un
régime
modifié treize fois en dix ans
, et de l'arrivée à
maturité de son champ d'application.
Aujourd'hui, le Gouvernement propose de réduire encore le champ
d'application du régime des plus-values à long terme en le
réservant aux seules plus-values issues de la cession de titres de
participation ou de parts de fonds commun de placement à risque ou de
sociétés de capital-risque
16(
*
)
,
et au résultat net de la concession d'éléments de la
propriété industrielle (brevets, inventions brevetables).
Le Gouvernement opère à cet égard une distinction entre la
cession de brevets et la concession de brevets. Il considère en effet
qu'il est légitime de taxer au taux normal les plus-values à long
terme issues de la cession de brevets dans la mesure où il convient de
ne pas encourager les entreprises à se déposséder de leur
savoir-faire.
Quant au résultat net provenant de la concession de brevets, il s'agit,
en continuant à le taxer à taux réduit, de ne pas
favoriser la fuite des brevets à l'étranger, sachant que dans ce
cas, l'invention reste dans le patrimoine de la société.
Montant du résultat net de la concession de brevets en 1995 :
Sachant que les concessions de licence représentent 83 % des
produits de la propriété industrielle, qui entrent
eux-mêmes à hauteur de 12,5 % dans le montant des plus-values
à long terme soumis au taux réduit de 19 %, les
résultats de concession de licences représentent 83 % x
12,5 % = 10,37 % du montant des plus-value à long terme,
soit 42 mdsF x 10,37 % =
4,36 milliards de francs
Deux arguments justifient par ailleurs selon le Gouvernement la suppression du
régime des plus-values à long terme pour les cessions d'actifs.
En premier lieu, il conviendrait
" de ne pas avantager les
résultats exceptionnels provenant de la cession d'actifs par rapport
à ceux résultant de l'exercice normal de l'activité de
l'entreprise ".
En second lieu,
" cette suppression
est
d'autant plus légitime que l'inflation est faible ".
En revanche, les plus-values provenant de la cession de titres de participation
étant issues en partie de la capitalisation de bénéfices
déjà imposés provenant de l'activité des filiales,
le maintien d'un taux de taxation réduit semble retrouver une
légitimité
17(
*
)
. Il convient de
remarquer que les titres de participation sont à l'origine de la
moitié des plus-values à long terme en valeur, soit plus de 20
milliards de francs.
Le
risque de délocalisation
motive également le maintien
du taux réduit pour les titres de participation compte tenu de la
souplesse des régimes de taxation de ces titres à
l'étranger (cf. comparaisons européennes ci-après).
Enfin, le maintien du régime de faveur pour les plus-values à
long terme issues de la cession de parts de Fonds commun de placement à
risque ou capital-risque reflète la préoccupation du Gouvernement
d'encourager le capital-risque.
2. ... accroît la complexité de notre système fiscal
En ne supprimant que partiellement le régime des
plus-values à long terme, le Gouvernement entretient une
complexité nuisible à la bonne lisibilité de la
législation fiscale.
En effet, dans la mesure où elles proviennent de cessions
d'éléments d'actifs autres que les titres de participation, les
moins-values à long terme en instance de report à l'ouverture de
l'exercice ayant débuté en 1997 auraient dorénavant deux
terrains d'imputation possibles pendant la période de dix ans suivant
l'exercice de leur constatation :
- d'une part, et prioritairement, les plus-values de l'exercice continuant de
bénéficier de l'imposition au taux réduit (imputation
franc pour franc) ;
- d'autre part, le résultat de l'exercice taxable au taux plein.
Cependant, l'imputation se limiterait à 19/33,33
ème
de
la moins-value, en sorte qu'une moins-value de 100 serait seulement porteuse
d'une économie de 19 sur l'impôt de 33,1/3 grevant la plus-value
de 100 sur laquelle elle viendrait s'imputer. D'autre part, l'imputation serait
plafonnée à la fraction du montant du résultat
représentative des plus-values à long terme nouvellement exclues
du bénéfice de l'imposition au taux réduit et ne pourrait
donc en aucun cas générer un déficit. Le solde non
imputé serait alors reporté sur les plus-values à long
terme puis, le cas échéant, sur le résultat imposable de
l'exercice suivant selon les mêmes modalités.
La mise en uvre de ce dispositif est de nature à soulever une
difficulté particulière liée au fait que seules les
moins-values nettes subies à raison des biens autres que les titres de
participation pourraient être partiellement imputées sur les
résultats relevant du taux de droit commun. Les entreprises devraient
donc déterminer au préalable l'origine de leurs moins-values
reportables afin de ne pas imputer sur du résultat taxable au taux de
droit commun la moindre part de moins-value à 19 %, nonobstant le
ratio à 19/33,33. Cette opération pourraient s'avérer
particulièrement délicate lorsque des imputations partielles ont
été effectuées au cours des exercices
précédents.
Dans son rapport relatif au projet de loi de finances pour 1992, votre
rapporteur général avait déjà relevé la
complexité engendrée par la coexistence de plusieurs taux
différents d'imposition des plus-values à long terme. Une telle
situation est en effet
" à l'origine de phénomènes
complexes de compensation entre plus ou moins-values à long terme
relevant de taux différents, une plus-value nette catégorielle ne
pouvant être apurée que par une moins-value relevant d'un taux
supérieur. "
Mais plus encore, les arguments avancés par le Gouvernement ne
semblent pas décisifs pour justifier la suppression, même
partielle, du régime des plus-values. En outre, cette mesure aurait un
certain nombre d'effets pervers.
B. LES ARGUMENTS À L'ENCONTRE DE LA REMISE EN CAUSE DU RÉGIME DES PLUS-VALUES À LONG TERME
1. La persistance de gains purement nominaux justifie le maintien du régime des plus-values à long terme
Selon le ministre de l'économie et des finances, la
suppression de la taxation réduite des plus-values serait
justifiée par le ralentissement de la hausse des prix qui limite la
prise en compte de plus-values purement nominales. Cet argument est
évidemment contestable pour les éléments d'actif acquis
depuis une longue période (immeubles notamment) et pourrait susciter de
nouvelles demandes tendant à la prise en compte de l'érosion
monétaire.
En effet, ce problème est réglé dans les
législations fiscales de certains de nos partenaires européens
par la valorisation des plus-values en fonction du coût d'acquisition
actualisé, et non du coût historique.
De surcroît, dans son rapport de 1994 sur la fiscalité des
entreprises, le Conseil des impôts relevait l'originalité du
régime français d'imposition des plus-values à long terme
et
concluait de la façon suivante :
" Le mécanisme français d'imposition des plus-values
diffère sensiblement de celui de nos partenaires mais s'inscrit aussi
dans un contexte fiscal différent.
Sans une étude
approfondie apportant des éléments nouveaux, sa remise en cause
ne paraît pas justifiée
. "
2. La remise en cause du régime des plus-values à long terme expose la France à la concurrence fiscale internationale
En effet, la taxation au taux de droit commun des plus-values
à long terme va à contre-courant des législations fiscales
de la plupart de nos partenaires économiques.
Les plus-values sur cessions d'actifs immobilisés
réalisées par les entreprises bénéficient, dans la
généralité des pays, d'un régime d'imposition
particulier, ces profits étant, compte tenu de leur nature propre, soit
soumis à un taux d'imposition réduit lorsque l'actif
cédé est détenu depuis un certain temps par l'entreprise
au moment de sa cession, soit exonéré sous condition de remploi.
Les Etats-Unis, le Japon et la Belgique ont, de façon presque constante,
appliqué la première de ces solutions, alors que l'Allemagne,
l'Espagne, les Pays-Bas et la Grande-Bretagne retiennent au contraire la
seconde.
Régime de taxation des plus-values. Comparaison européenne 18( * )
Dans les Etats membres de l'Union européenne, les
plus-values professionnelles réalisées par les personnes morales
relevant de l'impôt sur les sociétés sont, de
manière générale, imposables au taux de l'impôt sur
les sociétés de droit commun.
La base d'imposition de la plus-value est dans la majorité des cas
constituée par la plus-value comptable ; certains Etats pratiquent
des ajustements (coefficient d'érosion monétaire, indexation du
prix d'achat,...).
Des Etats appliquent des régimes dérogatoires, sous certaines
conditions, tenant à la nature des actifs cédés
(Grèce). Trois Etats appliquent un régime particulier
(Suède, Danemark, Finlande) : exonération des plus-values
sur cessions de biens corporels amortissables regroupés, pour le calcul
des amortissements, en "pool", mais le prix de cession vient diminuer
la valeur
amortissable du "pool", ce qui revient à une forme d'étalement de
la taxation de la plus-value. L'Irlande applique un taux proportionnel plus
important que le taux maximum d'impôt sur les sociétés.
S'agissant plus particulièrement des plus-values sur cession de droits
sociaux, on constate une certaine diversité des modes de taxation qui
vont de l'exonération totale à l'imposition au taux d'impôt
sur les sociétés de droit commun, en fonction de la nature des
droits cédés, du pourcentage détenu, du lieu de
résidence de la filiale, de la durée de détention, etc.
Par ailleurs, nos partenaires européens appliquent aux plus-values un
traitement fiscal de faveur en cas de remploi, à l'exception de l'Italie
qui permet l'étalement de l'imposition.
Le régime de faveur en cas de remploi consiste
généralement soit en un report d'imposition de la plus-value
jusqu'à la cession du bien acquis en remploi, soit en une
exonération lors de la réalisation de la plus-value, mais avec
réintégration au rythme de l'amortissement des biens acquis en
remploi.
Il est applicable sous certaines conditions tenant :
- au délai de remploi (Luxembourg et Grèce :
2 ans, Autriche et Danemark : 3 ans, Finlande et Portugal :
2 ou 3 ans, Belgique : 3 ou 5 ans, Espagne, Irlande, Pays-Bas et
Royaume-Uni : 4 ans) ;
- à la nature des actifs concernés (exclusion, sauf
règles particulières, des titres : Belgique, Danemark,
Espagne, Finlande, Grèce, Irlande, Portugal, Royaume-Uni) ;
- à la nature des actifs acquis en remploi (par exemple, biens de
même type que l'actif cédé : Autriche, Danemark,
Espagne, Finlande, Grèce, Irlande, Portugal, Royaume-Uni, ou biens
remplissant la même fonction économique que l'actif
remplace : Pays-Bas) ;
- au délai de détention des actifs cédés
(Allemagne 6 ans, Autriche : 7 ou 15 ans, Belgique :
5 ans, Luxembourg : 1 ou 5 ans) ou acquis en remploi (Espagne :
7 ou 10 ans).
En outre, certains régimes étrangers de
sociétés-holdings existant aux Pays-Bas et, dans une moindre
mesure, au Luxembourg, en Belgique et dans certains cas en Allemagne,
exonèrent totalement les plus-values sur les cessions de participations.
La suppression du régime de taxation réduite des plus-values
en France placerait en conséquence nos entreprises en situation
anti-concurrentielle.
Le rapporteur général de la commission des finances de
l'Assemblée note ainsi : "
dans douze Etats de l'Union
européenne sur quinze, les sociétés peuvent
bénéficier de l'exonération de la plus-value en
réemployant son montant dans l'acquisition d'actifs similaires. Dans ce
cas, la plus-value est exonérée lors de sa réalisation
mais est réintégrée au rythme de l'amortissement des biens
acquis en remploi, sauf en Irlande et au Royaume-Uni qui reportent l'imposition
de la plus-value à la cession du bien acquis en remploi. "
Il ajoute : "
le régime d'imposition français demeurerait
distinct de celui de nos partenaires, du fait de l'absence en France de
régime d'exonération ou de report d'imposition en cas de remploi
de la plus-value. "
Enfin, l'imposition des plus-values de cession de brevets ou d'inventions
brevetables au taux normal de 41,2/3 % est de nature à pénaliser
lourdement les entreprises françaises et aurait pour conséquence
immédiate des risques de délocalisation, voire d'accentuation de
la dépendance technologique de la France vis-à-vis des principaux
pays européens innovants. En effet, les régimes
d'exonération sous condition de remploi de la plupart de ces derniers
s'appliquent à l'ensemble des actifs incorporels tels que les brevets.
3. La suppression du régime des plus-values à long terme encourage l'inertie économique
En renchérissant le coût des mutations, la
taxation des plus-values à long terme au taux de droit commun aurait
pour conséquence de
faire obstacle aux mouvements
économiques.
En risquant de freiner les cessions d'actifs, une telle mesure est de nature
non seulement à faire obstacle à la mobilité des biens et
à l'adaptation des structures industrielles, mais également
à réduire l'assiette d'imposition des plus-values, ce qui va
à l'encontre de l'objectif recherché en terme de rendement de
l'impôt sur les sociétés.
4. La remise en cause partielle du régime des plus-values à long terme pour les entreprises assujetties à l'impôt sur les sociétés entraîne une distorsion de concurrence
L'adoption du présent article conduirait à une
rupture de l'égalité devant l'impôt
entre
entreprises assujetties à l'impôt sur les sociétés
et entreprises assujetties à l'impôt sur le revenu dans la mesure
où ces dernières continueraient à bénéficier
du taux réduit d'imposition.
Il n'est bien sûr pas question d'étendre la mesure aux
entrepreneurs individuels et aux professions libérales. La suppression
du régime des plus-values à long terme pour les entreprises
assujetties à l'impôt sur le revenu
pénaliserait en
effet non seulement la mobilité des fonds de commerce mais
compromettrait leur développement
.
Il convient donc de maintenir en l'état le régime de taxation
réduite des plus-values à long terme.
5. La remise en cause partielle du régime des plus-values à long terme est rétroactive
Le
changement en cours d'année du régime
fiscal des plus-values à long terme pénaliserait d'autant plus
les entreprises qu'il s'appliquerait à des
opérations
déjà réalisées
:
il concernerait
en effet les cessions effectuées depuis le 1
er
janvier
dernier. Cette rétroactivité bouleverse les résultats
financiers des opérations d'investissement et de modernisation
réalisées pour des motifs économiques.
Ainsi, par exemple, pour faire face à des besoins de trésorerie
destinés à soutenir la croissance, et notamment des filiales en
difficulté, des entreprise ont pu décider, au premier semestre
1997, de réaliser des opérations de crédit-bail immobilier
(lease-back). Elles ont ainsi cédé des immeubles qui figurent
à leur actif, parfois depuis plusieurs années, dégageant
une plus-value taxable initialement à 20,9 % et qui serait
taxée en définitive à 41,66 %.
La rétroactivité porte encore sur une plus longue période
si l'on considère les plus-values dont la taxation peut être
légalement différée pendant deux ans. C'est le cas par
exemple des indemnités perçues en cas d'expropriation d'une
immobilisation ou en cas de sinistre lorsque le bien est assuré. La
surimposition risque dans ce cas de compromettre la réinstallation de
l'entreprise qui, en dehors des graves conséquences de la
procédure d'expropriation, devra supporter une augmentation de
l'impôt à caractère rétroactif sur les plus-values
professionnelles.
Le nouveau régime s'appliquera également à toutes les
plus-values à long terme qui ont fait l'objet d'un sursis d'imposition
à la suite d'une opération intercalaire telle qu'une fusion, une
scission, un échange de titres à la suite d'une OPE ou un apport
partiel d'actif.
6. Un chiffrage sujet à caution
Le Gouvernement évalue à
6,7 milliards de francs
en 1997
et à 2,5 milliards de francs en 1998 les recettes issues de la
suppression partielle du régime particulier des plus-values à
long terme des sociétés.
Or,
ce gain doit être relativisé par le montant des
moins-values provenant de la cession d'actifs désormais exclus
du
régime des plus-values à long terme que les entreprises auront
désormais le loisir d'imputer sur le résultat taxable au taux de
droit commun.
En effet, ainsi que l'écrit le rapporteur général de la
commission des finances de l'Assemblée,
" l'appréciation
du rendement du présent article est extrêmement aléatoire,
en raison du fait que les gains nets de cession d'éléments de
l'actif immobilisé sont, par définition, irréguliers,
puisqu'ils constituent pour l'entreprise des profits
exceptionnels. "
Décision de la commission : sous le bénéfice de
ces observations, votre commission vous propose de supprimer cet article.
ARTICLE 3
Versement anticipé de la
contribution temporaire sur l'impôt sur les sociétés et
modification du régime des acomptes
Commentaire : Le présent article a pour objet
de préciser les modalités de calcul et de paiement de la nouvelle
contribution temporaire sur l'impôt sur les sociétés
institué par l'article premier, et de modifier le régime des
acomptes afin de tenir compte de la suppression partielle du régime des
plus-values à long terme.
Les sociétés assujetties à l'impôt sur les
sociétés verseraient dès le 15 décembre 1997
un
acompte complémentaire d'impôt sur les
sociétés
afférent aux plus-values devenues
imposables au taux normal
et réalisées au cours de l'exercice
ouvert à compter du 1
er
janvier 1997. Cet acompte serait
calculé d'après les plus-values de même nature
imposées au titre de l'année précédente, soit plus
de 40 milliards de francs en 1996. En outre, les entreprises devraient
désormais verser un acompte fixé à 19 % du
résultat net de la concession d'exploitation de brevets ou d'inventions
brevetables imposé au titre de l'exercice précédent.
Par ailleurs, les sociétés assujetties à la
contribution temporaire
de 15 % devraient acquitter cette surtaxe
de façon anticipée à la même date, sur une base
provisoire 1996 tenant compte de la réduction du champ d'application du
régime des plus-values à long terme.
I. DROIT EN VIGUEUR
En principe, les acomptes que doivent verser les entreprises assujetties
à l'impôt sur les sociétés au cours d'un exercice se
calculent en fonction du bénéfice imposable au taux normal de
l'exercice précédent. Il est donc fait abstraction des
plus-values à long terme. C'est ce que l'on appelle le
bénéfice de référence. Chacun des quatre acomptes
à verser est égal à 8,1/3 % du bénéfice
de référence. Les acomptes doivent être payés au
plus tard aux dates suivantes : 15 mars, 15 juin, 15 septembre et 15
décembre
19(
*
)
.
Par ailleurs, la liquidation définitive de la contribution
exceptionnelle d'un exercice est liée à celle de l'impôt
afférent à la même période. Elle intervient donc
lors du dépôt de la déclaration de résultat,
c'est-à-dire dans les trois mois suivant la clôture de l'exercice.
L'application stricte de la règle de principe conduirait toutefois les
entreprises qui clôturent leur exercice en fin d'année à
reporter leur versement à l'année suivante.
Enfin, les entreprises peuvent moduler, dans l'attente du paiement du solde de
l'impôt sur les sociétés, le paiement de leurs acomptes
selon le bénéfice prévisionnel qu'elles anticipent de
l'exercice en cours. Ainsi, en vertu de l'article 1168 du code
général des impôts, une société pourra cesser
de verser de nouveaux acomptes si elle pense que le montant des acomptes
versés excède la plus élevée des sommes
suivantes :
- l'impôt correspondant au résultat prévisionnel imposable
au taux normal, après imputation des avoirs fiscaux et crédits
d'impôt ;
- l'impôt global prévisionnel, y compris celui correspondant aux
plus-values à long terme.
II. LES MODIFICATIONS APPORTÉES PAR LE PRÉSENT ARTICLE
Le présent article tend à aménager les deux régimes
précités afin d'assurer un rendement immédiat aux deux
dispositions instituées par les articles 1
er
et 2 du
présent projet de loi.
A. AMÉNAGEMENT DU RÉGIME DES ACOMPTES POUR LES EXERCICES OUVERTS À COMPTER DU 1ER JANVIER 1998
C'est l'objet du premier paragraphe du présent article.
Ce dernier modifie l'article 1668 du code général des
impôts, afin de soumettre au régime des acomptes le
résultat net de la concession de licences d'exploitation des produits de
la propriété industrielle (brevets, inventions brevetables) qui
en était jusqu'à présent exclu.
Cette mesure serait la contrepartie du maintien des concessions de licences de
brevets ou d'inventions brevetables dans le champ du régime de taxation
réduite des plus-values à long terme. En outre, le
résultat net de la concession de licences d'exploitation
d'éléments de la propriété industrielle est un
résultat régulier à la différence des plus-values
de cession d'éléments d'actif. Son maintien hors de l'assiette de
l'acompte n'avait dès lors pas de justification.
Par ailleurs, le paragraphe I du présent article inscrit au premier
alinéa de l'article 168 la définition du bénéfice
de référence qui figurait auparavant au 4
ter
du
même article. En conséquence, le 4
ter
est supprimé.
Enfin, le présent paragraphe propose une nouvelle rédaction du 4
bis
de l'article 1668 du CGI qui prévoit qu'une entreprise peut
se dispenser de nouveaux versements d'acomptes si elle estime que le montant
des acomptes déjà versés au titre d'un exercice est
supérieur à la cotisation totale d'impôt dont elle serait
redevable, déterminée en appliquant respectivement au
bénéfice et au résultat de concession de brevet de
l'exercice considéré, les taux de 33,1/3 % et 19 %.
Dans l'hypothèse où, par exemple, une entreprise estimerait
qu'elle va réaliser un bénéfice et un résultat de
concession de brevet inférieurs à ceux de l'exercice
précédent, ces dispositions devraient donc lui permettre de se
dispenser de versements d'acomptes, alors même qu'elle aurait par
ailleurs réalisé d'importantes plus-values à long terme.
L'Assemblée nationale a adopté un amendement
réintégrant dans l'assiette de la cotisation d'impôt
prévisible les produits de la cession continuant à relever du
régime des plus-values nettes à long terme.
B. MODALITÉS DE RECOUVREMENT DE LA CONTRIBUTION TEMPORAIRE
Le paragraphe II du présent article ajoute un article
1668 C au code général des impôts, afin de
déterminer les modalités de recouvrement de la contribution
temporaire sur l'impôt sur les sociétés instituée
par l'article premier du présent projet de loi.
En vertu de cet article 1668 C, les modalités de recouvrement de la
contribution exceptionnelle sont les mêmes que les modalités de
recouvrement de la contribution de 10 % issue de la loi de finances
rectificative d'août 1995.
Il importe de rappeler à cet égard que l'Assemblée
nationale avait, à l'occasion de l'examen de la loi
précitée, adopté un dispositif de recouvrement de la
contribution exceptionnelle de 10 % évitant aux entreprises d'avoir
à consentir un effort de trésorerie excédant 10 % de
l'impôt de référence.
L'article 1668 C s'inspire de ce dispositif.
En particulier, la contribution temporaire devrait faire l'objet d'un versement
spontané accompagné d'un bordereau avis au comptable du
Trésor, sans émission préalable d'un rôle, au plus
tard à la date de paiement du solde de l'impôt sur les
sociétés et de la contribution de 10 % déjà en
vigueur.
Pour les entreprises qui clôturent leur exercice au cours des mois de
mars à décembre, un versement anticipé (acompte) devrait
être payé spontanément, en même temps que le dernier
acompte d'impôt sur les sociétés et que l'acompte sur la
contribution de 10 %.
Ce versement anticipé devrait être déterminé par
application du taux de contribution temporaire applicable au titre de
l'exercice en cours (15 % pour les exercices clos en 1997 et 1998 et
10 % pour les exercices clos en 1999) au montant de l'impôt sur les
sociétés, déterminé dans les conditions de droit
commun, de l'exercice précédent.
Les entreprises pourraient, sous leur responsabilité, limiter le montant
de l'acompte dont elles estiment être finalement redevables. Si la
déclaration remise à cette occasion par l'entreprise est reconnue
par la suite inexacte, la majoration de 10 % prévue au 1 de
l'article 1762 du code général des impôts est
appliquée.
En outre, et par dérogation, les sociétés qui
clôturent leur exercice en janvier ou février sont
dispensées de paiement de l'acompte de contribution.
Les trois paragraphes suivants comportent des dispositions temporaires non
codifiées destinées à régler, pour l'année
1997, les cas des sociétés dont la situation fiscale a
été modifiée par les articles premier et 2 du
présent projet de loi.
C. DISPOSITIONS TEMPORAIRES
1. Mode de recouvrement des acomptes complémentaires d'impôt sur les sociétés afférents à la modification du régime des plus-values
En régime de croisière, les modifications
apportées au régime des plus-values à long terme seraient
prises en compte lors du versement des acomptes et du solde de l'impôt
sur les sociétés aux échéances habituelles.
En revanche, l'application des nouvelles dispositions aux exercices ouverts en
1997 conduirait à distinguer le cas où la société
n'a ouvert qu'un seul exercice en 1997 (cas général) et le cas
où elle en a ouvert plusieurs.
Ainsi, pour les
exercices ouverts en 1997 et clos à compter du
1
er
septembre
de la même année, le A du
paragraphe III prévoit le versement d'un
acompte
complémentaire
d'impôt sur les sociétés au plus
tard le 15 décembre 1997 pour tenir compte du nouveau régime
applicable aux plus-values à long terme. Ce versement serait par
conséquent égal à :
- 33,1/3 % de la fraction du résultat de l'exercice
précédent correspondant aux produits de la cession
d'éléments d'actif désormais exclus du régime des
plus-values à long terme ;
Cela impliquerait donc que les entreprises qui ont cédé au cours
de l'exercice précédent, des éléments d'actif
dorénavant exclus du taux réduit, déterminent quel aurait
été le résultat de cet exercice, imposable au taux de
33,1/3 % en application du nouveau dispositif, et le comparent au
résultat effectivement taxé à 33,1/3 %. Le premier
élément de l'acompte complémentaire serait alors le
résultat du produit obtenu par application du taux de 33,1/3 % à
la différence ainsi constatée entre ces deux chiffres.
- 19 % du résultat net de la concession de licences d'exploitation
de brevets ou d'inventions brevetables, le cas échéant
porté à douze mois.
Cette disposition a pour objet de prendre en compte le cas des entreprises qui,
ayant clos leur exercice 1997 le 30 septembre ou le 31 octobre, ont en principe
réglé le dernier acompte d'impôt sur les
sociétés le 15 septembre
20(
*
)
et
n'ont donc pas pu intégrer dans ce dernier les modifications du mode de
calcul des acomptes issues du présent article.
Le B du paragraphe III comporte une disposition importante. Il s'agit de
l'interdiction
faite aux entreprises visées ci-dessus
de
moduler leur acompte complémentaire d'impôt sur les
sociétés en fonction du résultat définitif
qu'elles anticipent. Une telle disposition met les entreprises dans
l'obligation de prendre pour base de leur acompte complémentaire le
dernier exercice dont les résultats ont été
déclarés, le cas échéant ramené à
douze mois, et non l'exercice ouvert en 1997, qui servira à
déterminer l'assiette définitive de l'impôt sur les
sociétés. Cette mesure permet d'assurer un rendement certain
à la contribution complémentaire.
Les sociétés membres d'un groupe fiscal seraient tenues au
versement de cet acompte complémentaire au cours du premier exercice
d'intégration.
Le
paragraphe IV
a pour objet de s'assurer, pour les exercices ouverts
en 1997 et clos à compter du 1
er
septembre 1997, que le
versement anticipé des deux contributions temporaires (de 10 % et
de 15 %) assises sur l'impôt sur les sociétés tient
compte de la modification du champ d'application du régime des
plus-values à long terme. En conséquence, il conviendra pour les
entreprises visées de réintégrer dans l'assiette de ces
contributions les produits réalisés au cours de l'exercice
précédent et désormais exclus du régime des
plus-values à long terme.
L'Assemblée nationale a exclu de cette disposition les entreprises qui,
ayant clos leur exercice le 30 septembre ou le 31 octobre, doivent, en vertu de
l'article 1668 B du CGI, s'acquitter du versement anticipé de la
cotisation exceptionnelle de 10 % au plus tard le 15 septembre,
c'est-à-dire avant la promulgation de la présente loi.
2. Contribution temporaire sur l'impôt sur les sociétés
Le
paragraphe V
du présent article
prévoit que pour les entreprises dont l'exercice est clos avant le
1
er
septembre 1997, la contribution temporaire de 15 % sur
l'impôt sur les sociétés est versée au plus tard le
15 décembre.
Cette précision est nécessaire pour s'assurer que les entreprises
qui auraient clos leur exercice avant septembre et liquidé le solde de
leur impôt sur les sociétés avant la date de promulgation
de la présente loi, acquittent quand même la contribution
temporaire en 1997.
Une société qui aurait par exemple clos son exercice le
31 avril aurait eu jusqu'au 31 juillet pour déposer sa
déclaration de résultat et jusqu'au 15 août pour
verser le solde de l'impôt sur les sociétés. En
conséquence, en l'absence de la présente disposition, aucun moyen
de recours légal n'aurait pu l'obliger à acquitter la
contribution complémentaire.
Le même paragraphe V prévoit que le
versement anticipé
de la contribution temporaire
de 15 % doit être effectué au
plus tard le 15 décembre pour les entreprises dont l'exercice est clos
entre le 1
er
septembre et le 31 décembre 1997 ou dont la
période d'imposition est arrêtée au 31 décembre 1997.
3. Déclaration rectificative
Enfin, le
paragraphe VI
prévoit le cas des
entreprises dont l'exercice ouvert à compter du 1
er
janvier
1997 a été clos avant le 1
er
septembre et pour
lesquelles le délai de dépôt de la déclaration
(trois mois en principe) est expiré avant la publication de la
présente loi. Ces entreprises sont tenues de déposer au plus tard
le 30 novembre 1997 une déclaration rectificative prenant en compte les
modification du régime des plus-values à long terme, et de
procéder à une nouvelle liquidation de l'impôt sur les
sociétés et de la contribution temporaire de 10 %.
Décision de votre commission : Votre commission vous propose de
supprimer cet article dans la mesure où il définit les
modalités de recouvrement de la contribution temporaire qu'elle vous
demande de supprimer.
ARTICLE 4
Statut patrimonial des ouvrages de
transport d'électricité d'EDF
Commentaire : Le présent article a pour objet
de constater le transfert à EDF de la propriété des
ouvrages de transport d'électricité du réseau
d'alimentation générale (RAG) de l'Etat, jusqu'à
présent propriétaire concédant.
Cette opération, accompagnée d'une
restructuration du
bilan
de l'établissement public, vise à mettre fin à
l'incongruité de la structure capitalistique d'EDF qui se
caractérisait jusqu'à présent par une disproportion
frappante entre des capitaux propres inférieurs à
24 milliards de francs et des actifs qui avoisinent 680 milliards de
francs. Aux terme de l'opération, le montant des capitaux propres
devrait plus que tripler pour atteindre près de 80 milliards de
francs. En outre, EDF devrait être en mesure d'acquitter pour la
première fois l'impôt sur les sociétés à
hauteur de 3 milliards de francs.
Elle répond également aux
observations de la Cour des
comptes
, qui, dans un rapport particulier sur les concessions d'EDF datant
d'octobre 1994, mettait en cause le traitement comptable exorbitant du droit
commun des ouvrages concédés par la puissance publique. Ce
traitement dérogatoire qui a pour conséquence la constitution de
substantielles provisions pour renouvellement permettait en outre à EDF
d'échapper à l'impôt sur les sociétés.
Elle permet enfin à l'Etat de
respecter l'engagement inscrit dans le
contrat d'entreprise Etat-EDF
signé le 8 avril 1997 de restructurer
le bilan d'EDF.
En conséquence, il conviendra désormais de distinguer, pour leur
traitement comptable, les installations appartenant au réseau
d'alimentation générale (haute et très haute tension) -
qui seront amorties comme des immobilisations propres d'EDF - et les
ouvrages du réseau de distribution (c'est-à-dire ceux qui
distribuent, en moyenne et basse tension, l'électricité jusqu'aux
consommateurs finaux), qui, en tant qu'ouvrages concédés par les
collectivités locales propriétaires, continueront à faire
l'objet de provisions de renouvellement.
Une telle disposition figurait, à un alinéa près, à
l'article 45 du projet de loi portant diverses dispositions d'ordre
économique et financier (DDOEF) d'avril 1997 dont l'examen par le
Parlement a été interrompu par la dissolution de
l'Assemblée nationale.
I. LA FIN D'UNE CONTRADICTION
Le présent article tend à mettre fin à une ambiguïté qui se traduisait par une contradiction entre le traitement patrimonial implicite et le traitement comptable réel des ouvrages du réseau d'alimentation générale en énergie électrique. En effet, si les ouvrages du RAG étaient implicitement considérés comme appartenant à EDF, ils étaient traités comptablement comme des ouvrages concédés par l'Etat à EDF et faisaient en conséquence l'objet de provisions injustifiées.
A. THÉORIQUEMENT, LA CONCESSION DES OUVRAGES DE TRANSPORT D'ÉLECTRICITÉ À EDF L'AUTORISE À APPLIQUER UN TRAITEMENT COMPTABLE DÉROGATOIRE
Jusqu'au contrat d'entreprise signé entre l'Etat et EDF
le 8 avril 1997
21(
*
)
, la distribution
d'électricité était placée en France sous le
régime de la concession. C'est ce que la loi du 15 juin 1906 sur les
distributions d'énergie électrique, toujours en vigueur,
spécifiait.
Il convient à cette étape de préciser que les ouvrages de
transport public d'électricité peuvent être
concédés à EDF par deux types de
collectivités : les ouvrages du réseau d'alimentation
générale sont concédés par l'Etat, tandis que les
collectivités territoriales sont les autorités concédantes
des installations du réseau de distribution. L'article 3 de la loi du 15
juin 1906 dispose en effet que :
" La concession d'une distribution publique d'énergie est
donnée,
soit par la commune ou par un syndicat formé entre
plusieurs communes
, si la demande de concession ne vise que le territoire
de la commune ou du syndicat, ou par le département dans
l'étendue de celui-ci,
soit par l'Etat
dans les autres cas .
Toute concession est soumise aux clauses d'un cahier des charges conforme
à l'un des types approuvés par décret
délibéré en Conseil d'Etat,
sauf dérogations
ou modifications qui seraient expressément formulées dans les
conventions passées au sujet de ladite concession. "
La loi n° 46-628 du 8 avril 1946 maintint ce principe et confia la
gestion des entreprises nationalisées d'électricité
à Electricité de France (EDF) " Service national ",
établissement public de caractère industriel et commercial. Le
cahier des charges type de la concession à EDF du réseau
d'alimentation générale en énergie électrique fut
approuvé par le décret n° 56-1225 du 28 novembre 1956.
Un décret du 23 décembre 1994 lui a récemment
substitué un nouveau cahier des charges type.
Ainsi, EDF est devenu concessionnaire de l'Etat lui-même pour la gestion
de la production hydraulique et le transport d'électricité, et
des collectivités locales pour la distribution.
La distinction Réseau d'alimentation générale /
réseau de distribution
En vertu de l'article 2 du décret du 23 décembre 1994 modifiant
le cahier des charges type de la concession à EDF du réseau
d'alimentation générale en énergie électrique,
relèvent du réseau d'alimentation générale :
" les installations de tension supérieure ou égale
à 63 kV, à laquelle peuvent être
intégrées, par exception, celles des installations, de tension
inférieure, dont la fonction de répartition de l'énergie,
ou de desserte de plusieurs concessions, a été reconnue par
l'ingénieur en chef chargé du contrôle après avis
des autorités organisatrices de la distribution
concernées. "
Par exception, sont exclues du RAG et relèvent par conséquent du
réseau de distribution, propriété des collectivités
territoriales :
" les autres installations de tension inférieure à
63 kV ainsi que, sur autorisation de l'ingénieur en chef
chargé du contrôle, les installations de tension supérieure
ou égale à 63 kV et inférieure à 225 kV
ou, sur autorisation du ministre chargé de l'électricité,
les installations de tension supérieure ou égale à
225 kV, qui sont situées sur le territoire des entreprises de
distribution, dont la fonction se limite à la distribution locale, et
qui permettent d'abaisser les coûts de cette distribution, tout en
préservant l'intérêt économique
général. "
Compte tenu des contraintes auxquelles doivent faire face les concessionnaires
et notamment du principe de pérennité des services publics,
le
guide comptable des entreprises concessionnaires
approuvé par le
Conseil national de la comptabilité en 1975,
autorise les
concessionnaires à appliquer des principes comptables
dérogatoires du droit commun
pour assurer le traitement comptable
des immobilisations mises en concession.
Outre l'obligation d'enregistrer sous une rubrique spécifique à
l'actif du bilan du concessionnaire les immobilisations mises en concession par
le concédant ou par le concessionnaire, le plan comptable de 1982
énonce le principe suivant :
" Le maintien au niveau exigé par le service public, du
potentiel productif des installations concédées, doit être
recherché par le jeu des amortissements, ou éventuellement, celui
des provisions adéquates. Dans la mesure où la valeur utile d'une
installation peut être conservée par un entretien convenable,
ladite installation ne fait pas l'objet, au niveau des charges d'exploitation
du concessionnaire, de dotations aux amortissements pour
dépréciation. Les provisions utilisables pour viser au maintien
du potentiel productif sont des provisions pour renouvellement. "
Effectuées pour le compte du concédant, les provisions pour
renouvellement viennent en déduction des résultats de
l'entreprise, et sont dotées au cours de chaque exercice en fonction du
coût prévisionnel - et ajusté chaque année - de
remplacement à l'identique de l'immobilisation devant être
renouvelée pendant la durée de la concession. Elle est
calculée pour un montant égal à la différence entre
le coût estimé de remplacement et le coût d'achat du bien.
Les différentes catégories de biens mis en
concession
Quelle que soit leur origine, c'est la destination finale des biens en fin de
concession qui permet d'identifier leur propriétaire :
Affectés d'une clause de retour obligatoire à la
collectivité concédante, les
biens de retour
sont la
propriété de celle-ci dès la période de la
concession, et non la propriété du concessionnaire, qui en a
seulement la jouissance.
En revanche, les
biens de reprise
, que la collectivité
concédante a la faculté de reprendre en fin de concession, et non
pas l'obligation, restent la propriété du concessionnaire tant
que l'option finale n'a pas été levée.
Enfin, EDF est propriétaire des biens acquis et aménagés
par elle directement. C'est le cas des centrales thermiques, classiques ou
nucléaires.
Le traitement comptable des immobilisations mises en concession
Les immobilisations mises en concession par le concessionnaire relèvent
d'un traitement comptable différent selon qu'il s'agit d'immobilisations
renouvelables pendant la durée de la concession ou d'immobilisations non
renouvelables pendant cette durée, et selon qu'elles sont remises
gratuitement au concédant à la fin de la concession ou qu'elles
lui sont remises, moyennant le versement d'une indemnité.
Les
immobilisations non renouvelables
peuvent faire l'objet d'un
amortissement de caducité permettant à l'entreprise de
récupérer leur coût déductible des résultats,
à l'exclusion des amortissements pour dépréciation qui ne
sont pratiqués que pour présenter l'immobilisation au bilan
à sa valeur actuelle.
Les
immobilisations renouvelables
font l'objet d'un amortissement pour
dépréciation, de provisions pour renouvellement, de provisions
pour grosses réparations et d'amortissement de caducité.
Forte de ces principes, Electricité de France a , selon des
modalités et dans des conditions prévues à son plan
comptable particulier
22(
*
)
, mis en pratique les
recommandations du régime comptable des entreprises concessionnaires
pour le traitement de l'ensemble des ouvrages du réseau de transport de
l'électricité à partir de 1987.
Ainsi, comme le retrace la Cour des Comptes dans son rapport particulier sur
les concessions d'Electricité de France du 10 octobre 1994 :
" A compter de 1987, le régime comptable des entreprises
concessionnaires, qui n'était jusqu'alors appliqué qu'aux seules
concessions de distribution publique concédées par les
collectivités locales, a été étendu à
l'ensemble des concessions consenties par l'Etat, et les modalités de
calcul des provisions de renouvellement ont été modifiées,
entraînant la constitution de provisions de rattrapage. Dans le
même temps, le principe de l'amortissement de caducité
était abandonné, et les participations des tiers étaient
comptabilisées en compte de bilan alors qu'antérieurement elles
figuraient en compte de résultat. "
B. DANS LA RÉALITÉ, LE STATUT PATRIMONIAL DES OUVRAGES DU RÉSEAU D'ALIMENTATION GÉNÉRALE EST PLUS AMBIGU ET NE JUSTIFIE PAS UN TRAITEMENT COMPTABLE DÉROGATOIRE
Mais, dans son rapport particulier d'octobre 1994 la Cour des
Comptes écrit également :
" Les principes comptables dérogatoires du droit commun trouvent
leur fondement dans l'existence d'un véritable terme au contrat de
concession, qui, seul permet de faire la différence entre
immobilisations renouvelables et immobilisations non renouvelables. La prise en
compte de ce terme constitue la raison d'être du mécanisme
comptable. Elle conditionne la possibilité de remise des immobilisations
du domaine concédé à l'autorité concédante,
et justifie l'existence des droits du concédant au passif du bilan. Elle
fonde l'existence et la déductibilité de la provision pour
renouvellement, qui permet de constater la charge que constitue pour le
concessionnaire la remise au concédant de la dernière
immobilisation devenue non renouvelable. "
Or, la situation de monopole et le caractère d'établissement
public tirés de la loi font d'EDF le seul concessionnaire possible et
permanent du service national de distribution électrique et retirent aux
concessions l'essentiel de leur caractère contractuel.
En effet, trois éléments conduisent à fragiliser le
fondement théorique de l'application du régime comptable des
entreprises concessionnaires aux ouvrages du réseau d'alimentation
générale en électricité.
En premier lieu, l'article 6 de la loi de nationalisation de
l'électricité du 8 avril 1946 dispose que
" l'ensemble
des biens, droits et obligations des entreprises qui ont pour activité
principale la production, le transport ou la distribution de
l'électricité ou du gaz (...) est intégralement
transféré aux services nationaux ".
En outre, bien que
l'article 29 du cahier des charges fixe à 75 ans la durée de la
concession, le contrat de concession n'a en réalité pas de terme
définitif puisque l'article 31 du même cahier des charges rend
automatique le renouvellement de la concession un an avant la date de son
expiration.
En deuxième lieu, aucun article du cahier des charges n'indique les
conditions et les modalités du transfert éventuel des ouvrages du
domaine concédé à l'Etat concédant.
Enfin, la distinction juridique entre domaine propre et domaine
concédé ne recouvre aucune réalité. En effet,
" en présence d'un établissement public concessionnaire
permanent de l'Etat en raison de la loi de nationalisation elle-même, on
ne peut que s'interroger sur la réalité de la distinction
opérée dans les comptes entre patrimoine de la concession et
patrimoine du concessionnaire, et souligner que l'absence de terme à la
concession n'autorise pas l'application des recommandations du guide comptable
des entreprises concessionnaires "
, écrit la Cour des comptes.
Ainsi, le raisonnement déductif conduit à considérer
les ouvrages de transport d'électricité du réseau
d'alimentation générale comme appartenant au patrimoine d'EDF
ab initio
. C'est ce que le présent article affirme de
façon désormais explicite
en énonçant :
" Les ouvrages du réseau d'alimentation générale
en énergie électrique, à l'exclusion de ceux
affectés à la distribution publique, sont réputés
constituer la propriété d'Electricité de France depuis que
la concession de ce réseau lui a été
accordée. "
Cela revient pour EDF à revenir à la position qu'elle retenait
avant 1987 puisque les concessions de force hydraulique et de réseau
d'alimentation générale étaient, jusqu'à cette
date, inscrits en tant que biens propres à l'actif du bilan de
l'établissement public et faisaient l'objet d'un traitement comptable de
droit commun. En particulier, leur amortissement était effectué
conformément à la méthode du coût historique.
Profitant de l'ambiguïté relative à leur statut patrimonial,
EDF a modifié, à partir de 1987, le traitement comptable de ces
biens et a pu déduire de ses résultats plus de 32 milliards de
francs de dotation aux provisions de renouvellement au titre de la
période 1987-1992.
De surcroît, l'établissement public a retenu des solutions
comptables dérogeant au guide des concessionnaires. Ainsi, la Cour des
comptes indique qu'
" à défaut de pouvoir respecter
l'exigence de distinction des apports entre ceux réalisés par le
concessionnaire et ceux réalisés par le concédant en
raison de la méconnaissance de l'origine des biens antérieurs
à 1946, EDF considère depuis 1987 que tous les biens ont
été mis en concession par le concessionnaire et ne respecte pas
l'obligation de dégager un résultat concession par concession.
L'établissement public considère également que toutes les
immobilisations mises en concession sont renouvelables. "
Le présent article conduit donc à mettre un terme au flou et
à l'ambiguïté qui caractérisaient le régime
juridique des concessions d'EDF et permet à l'établissement
public d'afficher un bilan plus conforme à sa situation
économique réelle.
Cependant, la frontière entre RAG et réseau de distribution
demeure floue : outre les installations de distribution qui sont
classées comme RAG dans les documents comptables d'EDF, certains
ouvrages peuvent être transférés du réseau de
distribution publique au RAG et inversement.
Soucieuse de préserver la propriété des
collectivités territoriales sur les ouvrages du réseau de
distribution d'électricité, l'Assemblée nationale a
explicitement exclu ces ouvrages de la réforme patrimoniale
et
comptable mise en uvre par le présent article. En conséquence, un
ouvrage du réseau de distribution qui, par suite d'un reclassement,
entrerait dans le périmètre du réseau d'alimentation
générale, ne ferait pas l'objet d'un transfert de
propriété de la collectivité territoriale à EDF
mais resterait concédée à EDF par la collectivité
locale concernée, et réciproquement.
II. LA RESTRUCTURATION COMPTABLE
A. LE TRAITEMENT COMPTABLE DES IMMOBILISATIONS AVANT LA RÉFORME PROPOSÉE PAR LE PRÉSENT ARTICLE
Le bilan d'EDF au 31 décembre 1996 se présente
ainsi :
A l'actif, les biens mis en concession sont comptabilisés au poste
" Immobilisations corporelles du domaine concédé " pour
un montant de 285,7 milliards de francs, dont environ 90 milliards de francs au
titre du réseau d'alimentation générale.
Le flou juridique caractérisant le statut patrimonial des biens mis en
concession, a conduit EDF à considérer depuis 1987 que tous les
ouvrages mis en concession constituent des immobilisations renouvelables. En
conséquence, les dotations aux provisions pour renouvellement ont
été étendues aux concessions de force hydraulique et de
réseau d'alimentation générale et s'ajoutent aux
amortissements pratiqués sur ces mêmes biens. Le stock de
provisions ainsi constituées s'élevait en 1996 à 93,6
milliards de francs, dont 38,5 milliards de francs au titre du RAG.
Constatant que l'absence de date réelle d'expiration des concessions
permet au concessionnaire de ne jamais remettre les immobilisations du domaine
concédé au concédant et, par conséquent, de ne
jamais apurer les provisions figurant au passif du bilan, la Cour des comptes,
dans son rapport d'octobre 1994, concluait que le mécanisme comptable
retenu par EDF lui permettait de constituer de véritables
réserves en franchise d'impôt.
Au passif, le poste " contre-valeur des biens mis en
concession "
enregistre toutes les dépenses de renouvellement des biens mis en
concession. Il s'agit en réalité de reprises de provisions pour
renouvellement, qui ne transitent pas par le compte de résultat. Ce
poste s'élève à 145,2 milliards de francs en 1996
dont 18,3 milliards de francs au titre du RAG.
La Cour des Comptes dénonçait dans son rapport l'excessif montant
des dotations aux provisions par rapport aux dépenses de renouvellement
prévisionnelles telles qu'elles sont évaluées dans le plan
de renouvellement des installations, ce qui gonflait mécaniquement le
solde des provisions pour renouvellement disponible au bilan.
Au total, et compte tenu de l'ampleur du poste " contre-valeur des
biens mis en concession ", la structure du bilan d'EDF est
caractérisée par la faiblesse des capitaux propres (24,2
milliards de francs) par rapport à la dette (132 milliards de francs)
d'une part, et par rapport à la taille de l'actif (696 milliards de
francs) d'autre part.
B. LES INCIDENCES COMPTABLES DE LA CLARIFICATION DU STATUT JURIDIQUE DES OUVRAGES DU RÉSEAU DE TRANSPORT D'ÉLECTRICITÉ
Le paragraphe II du présent article modifie le bilan
d'EDF afin de le rendre conforme au bilan d'une entreprise propriétaire
en propre de ses biens. Ainsi, au passif du bilan, il tend à reclasser
le montant figurant au poste " contre-valeur des biens en nature mis
en
concession du RAG " en " dotations en capital ".
Cette
requalification s'opère " nette des écarts de
réévaluation ".
En conséquence, sur les 18,3 milliards de francs correspondant à
la contre-valeur des biens en nature mis en concession du réseau
d'alimentation générale, 14,12 milliards de francs de biens
fabriqués par le concessionnaire (il s'agit de provisions pour
renouvellement affectées) viendraient se cumuler aux 36,6 milliards de
francs
de dotations en capital
pour former un montant total de
50,7
milliards de francs
.
Quant au solde de 4,226 milliards de francs correspondant aux écarts de
réévaluation relatifs aux réévaluations
légales de 1959 et 1976, ils seraient inscrits au poste
" écarts de réévaluation " au sein des capitaux
propres. Cette mesure n'est pas autorisée explicitement dans le projet
de loi dans la mesure où elle en constitue une conséquence
logique.
Par ailleurs, les 38,5 milliards de francs de provisions pour renouvellement
non utilisés viendraient apurer le report à nouveau
déficitaire à hauteur de 18,4 milliards de francs, le reste
étant mis en réserve, c'est-à-dire 20,2 milliards de
francs. Cette dernière opération ayant depuis la date du
dépôt du projet de loi portant diverses dispositions d'ordre
économique et financier (DDOEF), reçu l'aval du Conseil national
de la comptabilité
23(
*
)
, elle ne figure
plus dans le texte du présent article alors que son principe
était inscrit dans le DDOEF.
Au terme de ces réaménagements, le montant des capitaux
propres s'élèvera à plus de 79 milliards de francs, soit
plus de trois fois le chiffre antérieur.
Conformément au titre 3 du contrat d'entreprise signé le 8 avril
1997 entre l'Etat et EDF, cette restructuration comptable prend effet le
1
er
janvier 1997.
Le tableau ci-après récapitule l'incidence de la restructuration
comptable induite par le II du présent article :
C. LES CONSÉQUENCES DE LA MESURE POUR EDF
Après les transferts récapitulés
ci-dessus, le bilan d'EDF au 1
er
janvier 1997 devrait se
présenter de la façon suivante :
Le " toilettage " du bilan devrait avoir deux types de
conséquences pour EDF : il rendra d'une part la comparaison avec
les structures bilantielles de ses concurrents plus aisée ; il
clarifiera d'autre part les relations financières d'EDF avec l'Etat.
Avec près de 80 milliards de francs de capitaux propres rapportés
à un peu plus de 500 milliards de francs d'actifs immobilisés -
soit un ratio de 1 pour 6 contre 1 pour 21 auparavant -, EDF devrait voir sa
crédibilité accrue auprès de la communauté
financière et auprès de ses partenaires potentiels. Cette remise
aux normes est d'autant plus essentielle que le coût de
renégociation de sa dette est fortement dépendant de la situation
bilantielle de l'établissement public et du ratio dette nette / capitaux
propres.
Par ailleurs, en contrepartie des recettes fiscales que l'établissement
public procurera désormais à l'Etat, le contrat d'entreprise
signé le 8 avril 1997 pour les années 1997 à 2000
prévoit une légère réduction des versements d'EDF
à l'Etat.
En effet, bien que bénéficiaire depuis 1990, EDF ne payait pas
d'impôt sur les sociétés en raison des reports à
nouveau déficitaires accumulés les années
précédentes. L'apurement du report à nouveau du groupe
pour l'année 1996 grâce, notamment, à l'imputation positive
de la provision pour renouvellement de 38,5 milliards devrait rendre EDF
redevable de l'IS à hauteur de 3 milliards de francs en 1997.
En conséquence, les relations financières entre l'Etat et EDF ont
été revues à la baisse. En effet, en vertu du dernier
contrat d'entreprise, la rémunération de l'Etat actionnaire se
compose de deux éléments :
- une rémunération des dotations en capital à un taux
d'intérêt fixé annuellement ;
- une rémunération complémentaire égale à
40 % du résultat comptable net de l'entreprise.
Or, le taux d'intérêt de cette la première
rémunération, fixé à 5 % dans le
précédent contrat d'entreprise, a été ramené
à 3 % pour tenir compte de l'accroissement des dotations en capital
que le présent article avait pour objet d'induire ;
Le contrat d'entreprise précise en outre que le montant annuel total de
ces deux composantes ne peut excéder 6 % du montant des dotations
en capital, soit 3.044 millions de francs après restructuration du bilan.
Au total, les versements d'EDF à l'Etat devraient augmenter, en
raison surtout du montant de l'impôt sur les sociétés que
l'établissement public devra désormais acquitter
. Le tableau
ci-après retrace l'incidence de la réforme comptable sur les
relations financières entre l'Etat et EDF.
Décision de la commission : Sous le bénéfice de
ces observations, votre commission vous propose d'adopter cet article sans
modification.
ARTICLE 5
Possibilité pour les
collectivités locales de contracter des emprunts sur ressources
CODEVI
Commentaire : Le présent article proroge de deux
ans, à compter du 31 décembre 1996, le dispositif
prévu par la loi n° 96-209 du 14 mars 1996
24(
*
)
, autorisant, à titre transitoire, les
établissements de crédit à accorder aux
collectivités locales des prêts sur ressources CODEVI pour
réaliser des investissements destinés à accompagner le
développement ou l'implantation des petites et moyennes entreprises.
Les fonds déposés sur les comptes pour le développement
industriel (CODEVI) servent en principe au financement des petites et moyennes
entreprises, à partir d'un livret d'épargne administrée,
dont votre commission a analysé le fonctionnement en détail
25(
*
)
.
A l'initiative de notre collègue député Alain Gest, une
proposition de loi a été adoptée le 6 mars 1996,
en vue notamment de déroger au principe du financement des PME, mais
avec une logique similaire, puisqu'il s'agit d'investissement des
collectivités locales destinés indirectement aux PME.
Le dispositif est relativement complexe, ce qui est justifié par la
nécessité de ne pas dénaturer l'objet du Codevi et aussi
d'encadrer son utilisation. La prolongation demandée, qui figurait
déjà dans le projet de loi portant diverses dispositions d'ordre
économique et financier
26(
*
)
présenté par le précédent gouvernement, est
davantage motivée par la nécessité de valider des
prêts accordés en 1997 (la prolongation ayant été
annoncée) que par le succès de la mesure. Faute de mise en oeuvre
des préconisations de votre commission sur la gestion de
l'épargne administrée, celui-ci se révèle
très modeste, ainsi que le rapporteur de la proposition de loi, Philippe
Marini, l'avait prévu.
I. UN DISPOSITIF DONT LA COMPLEXITE EST JUSTIFIÉE PAR L'OBJET DU CODEVI
La justification de la dépense fiscale associée à la détention d'un compte pour le développement industriel, livret liquide, rémunéré à 3,5 %, plafonné à 30.000 F et exempt de fiscalité, est un but d'intérêt général : l'investissement dans les PME. On ne saurait trop s'éloigner de cet objectif sans remettre en cause le financement du Codevi par le contribuable, à raison d'1,9 milliard de francs en 1996 27( * ) . C'est pourquoi le dispositif dérogatoire prévu par la loi "Gest" est relativement complexe.
A. L'UTILISATION ORDINAIRE DES FONDS DEPOSES SUR LES CODEVI
Les établissements autorisés à ouvrir
à leur clientèle des comptes pour le développement
industriel doivent affecter les ressources ainsi collectées à
trois utilisations :
- les
"titres de développement industriel"
(TDI),
émis par la Caisse des Dépôts et Consignations. Ces titres
ont une valeur nominale de 100.000 F et sont émis au pair. Ils
portent un intérêt annuel, dont le taux, actuellement de 5 %
est révisable et égal à la somme du taux
d'intérêt du livret A et d'un second taux fixé par
décision du ministre de l'économie. La contrainte d'emploi en TDI
est de 6,5 % pour le système bancaire généraliste et
le Crédit mutuel, 50 % pour les caisses d'épargne et
100 % pour les comptables du Trésor et La Poste.
- Les
"prêts bancaires aux entreprises"
(PBE), que les
établissements peuvent effectuer directement, ou par rétrocession
de ressources à d'autres établissements. La contrainte d'emploi
dans ce type d'utilisation est de 86,5 % au moins (89 % au plus) pour
les banques et pour le Crédit mutuel et 43 % pour les Caisses
d'épargne.
L'arrêté du 20 décembre 1995 (J.O. du 16 janvier
1996), signé Jean Arthuis, est venu clarifier les contours des PBE,
jusqu'alors mal définis. Ils ne peuvent être accordés
qu'à des entreprises réalisant moins de 500 millions de
francs de chiffres d'affaires, non détenues directement ou indirectement
par des entreprises de taille supérieure à cette limite, et dont
l'activité se situe dans l'un des secteurs définis par
l'arrêté. Jusqu'à la publication de la loi du 14 mars
1996, les prêts bancaires aux entreprises ne pouvaient être
accordés directement, mais devaient transiter par des titres
particuliers, les "obligations Codevi". Cette contrainte résultait du
caractère mal défini du fonctionnement du Codevi à sa
création en 1983, ses promoteurs considérant à
l'époque que les dépôts devaient être employés
en valeurs mobilières. A l'initiative du rapporteur au Sénat de
la loi de 1996, notre collègue Philippe Marini, il a été
mis fin à cet archaïsme devenu sans objet : les fonds
déposés sur les Codevi ne transitent plus aujourd'hui par des
valeurs mobilières.
- les
fonds en instance d'emploi
placés en
liquidités dans une proportion égale à 4,5 % au moins
et à 7 % au plus de l'actif total. Cette contrainte de
liquidité est destinée à permettre aux organismes
collecteurs de faire face aux demandes de retrait des épargnants. Les
proportions sont les mêmes pour tous les réseaux (à
l'exception du Trésor public et de La Poste, dont la Caisse des
dépôts assure la liquidité).
Depuis la publication de la loi du 14 mars 1996, et à
l'initiative de votre commission, l'objet du Codevi est le financement des
petites et moyennes entreprises, sans aucune ambiguïté.
Toutefois, ce principe posé, la loi précitée a
créé une exception transitoire en faveur des collectivités
locales.
B. LE DISPOSITIF PREVU PAR LA LOI DU 14 MARS 1996
Le détail du dispositif est régi par le
décret n° 96-282 du 3 avril 1996.
Compte-tenu des errements qu'a pu connaître l'utilisation des ressources
Codevi par le passé, votre commission a insisté pour que le
dispositif prévu par la loi du 14 mars 1996 soit
précisément encadré
28(
*
)
.
De fait, il est assez complexe. Mais ce n'est pas à cause de cela qu'il
fonctionne mal, votre rapporteur général y reviendra.
1. Les collectivités concernées et les dépenses éligibles
Par dérogation au droit commun du Codevi, qui
prévoit que seules les PME puissent bénéficier d'un
prêt sur ressources Codevi, la loi du 14 mars 1996 ouvre une
fenêtre en faveur des collectivités locales et de leurs
groupements. En pratique, il s'agit essentiellement des communes et des
groupements de communes (districts, communautés urbaines,
communautés de communes, syndicats intercommunaux...).
Les dépenses que la collectivité ou le groupement peut
réaliser à l'aide du prêt ainsi obtenu sont strictement
définies :
il s'agit de dépenses
nouvelles
d'équipements
à l'exclusion de dépenses déjà votées au
sein d'un programme pluriannuel décidé avant le
31 décembre 1995, et à l'exclusion d'un refinancement
de dette.
Il s'agit de dépenses destinées à
accompagner le
développement ou l'implantation de PME
définies comme celles
pouvant bénéficier d'un prêt Codevi, c'est-à-dire
réalisant un chiffre d'affaires inférieur à
500 millions de francs.
Les dépenses concernées sont donc des investissements en
infrastructures locales en faveur des entreprises, mais qui ne doivent pas se
substituer aux investissements des entreprises elles-mêmes.
Chaque collectivité ou groupement peut obtenir plusieurs prêts,
mais ils sont globalement plafonnés selon trois limites :
1 million de franc par an et par collectivité ou groupement
comprenant moins de 10.000 habitants,
2 millions de francs par an et par collectivité ou groupement
comprenant plus de 10.000 habitants,
3 millions de francs par an et par collectivité ou
groupement, sans critère de population, lorsque les prêts
financent des usines-relais, ateliers-relais ou bureaux-relais pour des
entreprises en création.
Les collectivités locales peuvent rétrocéder leurs droits
à prêt aux groupements auxquels elles adhèrent.
2. Les établissements de crédit concernés et les caractéristiques des prêts
Les établissements de crédit souhaitant
distribuer des prêts Codevi sous cette forme doivent être
agréés par le ministère chargé de
l'économie. A la fin de 1996, treize établissements avaient
reçu un agrément.
Liste des établissements de crédit agréés
Confédération Nationale du Crédit Mutuel
Crédit Lyonnais
Banque Nationale de Paris
Centre National des Caisses d'Epargne et de Prévoyance
Crédit Local de France
Société Générale
Banque Scalbert Dupont
Lyonnaise de Banque
Caisse Nationale de Crédit Agricole
Société Bordelaise de CIC
Chambre syndicale des Banques Populaires
Société Générale Alsacienne de Banque
Crédit du Nord.
L'agrément peut être octroyé à des
établissements qui ne collectent pas de dépôts (et donc qui
ne distribuent pas le Codevi). Il existe en effet une asymétrie assez
forte entre la collecte de Codevi, souvent effectuée massivement par des
établissements peu présents sur le marché des
collectivités locales, et les crédits aux collectivités
locales, dominés par un établissement non-collecteur de
dépôts, Dexia (ex-Crédit Local de France).
Les prêts Codevi peuvent ainsi être accordés selon deux
cheminements :
- directement
- indirectement, par un établissement déficitaire en
ressource Codevi (en général non collecteur) sollicitant la
ressource d'un établissement collecteur excédentaire.
La procédure de circulation de la ressource entre établissements
déficitaires et établissements excédentaires revêt
la forme de conventions de gré à gré.
Le montant total des prêts Codevi accordés dans ce cadre ne peut
dépasser 10 % de l'encours total de cette épargne
administrée, ce qui représentait de l'ordre de 18 à
19 milliards de francs au moment de la promulgation de la loi, et pourrait
représenter près de 21 milliards de francs aujourd'hui
29(
*
)
.
Votre commission avait insisté pour que cette limite soit
appréciée au niveau de chaque établissement collecteur,
afin d'éviter -le cas échéant, en cas de succès de
l'opération- que quelques-uns d'entre eux ne mobilisent la plus grande
partie de l'enveloppe. Aussi la limite de 10 % s'apprécie-t-elle en
rapportant les prêts directs et le montant de la ressource
accordée à un autre établissement à l'encours de
collecte Codevi au 31 décembre 1995.
Chaque établissement doit rendre compte tous les mois au ministre de
l'économie des prêts qu'il a attribué directement, de ceux
qu'il a attribué sur ressources obtenues d'un autre établissement
et des ressources qu'il a accordées à un autre
établissement.
La quotité du prêt ne peut excéder 70 % hors taxes de
l'investissement à réaliser.
La durée maximale d'un prêt ainsi financé ne pouvait
initialement excéder 10 ans. Mais les professionnels et notre
collègue Alain Gest ont fait valoir que la durée des prêts
d'équipement aux collectivités locales était
traditionnellement de 15 ans. Aussi un décret du 17 septembre 1996
(J.O. du 24 septembre 1996) est-il venu rectifier la durée maximale en
ce sens.
Le contrat de prêt sur ressource Codevi doit être clairement
identifié comme tel, ce qui répond à la critique
d'opacité entourant l'utilisation de cette ressource que votre
commission avait formulée.
3. Contrôles et sanctions
L'octroi du prêt fait l'objet d'un contrôle
préalable des trésoriers-payeurs généraux et des
receveurs des finances, assorti d'une décision implicite d'acceptation
sous trois jours francs ouvrables.
En cas de manquement à leurs obligations :
les collectivités ou groupements doivent rembourser le prêt
contracté
les établissements de crédit peuvent se voir retirer
l'agrément d'octroi de ces prêts.
4. Limitation de la durée du dispositif
Aucune date limite n'est prévue pour la signature des
contrats de prêts. En revanche, l'engagement des dépenses est
assorti d'une double limite temporelle :
- 25 % des dépenses devaient avoir été
engagés avant le 31 décembre 1996 ;
- la totalité des dépenses doit être engagée
avant le 31 décembre 1997.
II. UNE PROLONGATION QUI NE SUFFIRA PAS A ASSURER LE SUCCES DU DISPOSITIF
Initialement, le présent article proposait de proroger le dispositif de la loi Gest jusqu'au 31 décembre 1997. A l'initiative de sa commission des finances, l'Assemblée nationale a ajouté un an supplémentaire, tout en précisant à juste titre qu'il s'agit d'une prorogation à compter de l'entrée en vigueur de la loi du 14 mars 1996 et non d'une réactivation à compter de celle du présent texte. Cet article ne rectifie néanmoins aucun des défauts qui avaient motivé les critiques de votre commission et qui expliquent le relatif insuccès du dispositif.
A. LA PROLONGATION DU DISPOSITIF
Le présent article reporte au 31 décembre
1998 la date d'expiration du dispositif. Une prorogation jusqu'à la fin
de 1997 avait été annoncée par le précédent
gouvernement au printemps dernier. Elle était contenue dans le projet de
loi portant diverses dispositions d'ordre économique et financier.
Compte tenu de cette annonce et de la montée en charge relativement
lente du dispositif initial, il est très probable
qu'établissements de crédit et collectivités locales ont
continué à contracter ce type de prêts en 1997
30(
*
)
.
Dans la rédaction initiale de l'article,
il s'agissait donc surtout d'une validation
, la publication de la
prolongation intervenant très tardivement au cours de 1997 (même
si aucune disposition n'interdit explicitement l'octroi de prêts en 1997).
Le décret d'application devrait reporter homothétiquement la
double limite temporelle du dispositif :
- le quart des dépenses devra avoir été engagé
avant fin 1998 ;
- la totalité des dépenses devra avoir été
engagée avant fin 1999.
Ce report pourrait avoir pour effet d'augmenter légèrement
l'enveloppe de crédits potentiels et créera de nouveaux droits
à prêt.
D'une part, le plafond de l'enveloppe demeurera de 10 % de l'encours de
Codevi des établissements collecteurs. Cet encours pourrait
néanmoins être comptabilisé au 31 décembre 1996
et non au 31 décembre 1995 ce qui ferait passer l'enveloppe globale
de 19,3 milliards de francs à 20,2 milliards de francs.
D'autre part, les limites de prêts que les collectivités ou
groupements peuvent souscrire aux termes de l'article 3 du décret
étant annuelles, celles et ceux qui auront épuisé leurs
droits en 1996 les verront se reconstituer pour 1997 et 1998.
B. UN SUCCES TRES MITIGE, LIE A DES IMPERFECTIONS DEJA DENONCEES PAR VOTRE COMMISSION
Le succès de l'opération a été
modeste, sans toutefois être insignifiant.
A la fin de 1996, 2.325 prêts avaient été accordés
dans 90 départements, pour un montant global de 1,30 milliards
de francs, soit une moyenne de 560.000 francs par prêt. Ce montant
doit être rapproché des 207 milliards de francs
d'investissements directs et indirects réalisés par les
administrations locales en 1996.
Le département le plus demandeur était l'Isère, avec
95 prêts pour 64 millions de francs. En conséquence,
Rhône-Alpes venait en tête des régions avec 269 prêts
pour 163 millions de francs, devant Aquitaine (217 et 108 millions
de francs) et Midi-Pyrénées (196 et 88 millions de francs).
Le montant global des prêts accordés n'atteint donc que 6,7 %
de l'enveloppe initialement allouée, ce qui signifie que le potentiel de
la mesure avait été très largement surestimé.
Des tendances de fond expliquent en partie cette situation, comme la
préférence pour le désendettement au détriment de
l'investissement dont font actuellement preuve les collectivités
locales, après des années d'effort soutenu. Cette tendance
s'accompagne aussi d'un accroissement de l'autofinancement (par la
fiscalité) au détriment des emprunts.
Un retard dans la montée en charge du dispositif a certainement
été à déplorer, car la durée des emprunts
était initialement limitée à 10 ans, ce qui est
généralement trop bref. D'ailleurs, à la mi-septembre
1996, 96 % des prêts atteignaient la durée maximale. Celle-ci
n'a été portée à 15 ans que ce même mois.
Ces explications ne suffisent toutefois pas à justifier
l'insuccès du dispositif. En effet, il était destiné
à fournir des ressources privilégiées aux
collectivités locales, et à défaut d'entraîner une
augmentation sensible de l'investissement, il aurait dû au moins se
substituer à des modes de financement plus coûteux.
Or, votre commission, tout en étant réservée sur le
principe même de ce dispositif qui favorise la dépense publique
plutôt que l'initiative des entreprises, avait émis deux
préconisations importantes, qui étaient de nature à
favoriser le succès de l'opération, mais qui n'ont pas
été suivies.
La première était
d'assurer une redistribution efficace de la
ressource Codevi
entre les établissements collecteurs
excédentaires ou non spécialistes des collectivités
locales et les établissements bien placés sur ce marché,
mais non collecteurs du Codevi. A cette fin, votre commission avait
proposé un système transparent d'adjudications effectuées
par la Caisse des dépôts et consignations, sans augmenter la
centralisation auprès de cette dernière, et ne faisant appel
qu'aux excédents de ressources Codevi que connaissent la
quasi-totalité des établissements collecteurs. Ce système
aurait permis de drainer une ressource abondante à coût peu
élevé.
Le gouvernement lui a préféré des négociations de
gré à gré entre établissements concurrents n'ayant
aucun intérêt objectif à s'entendre, favorisant ainsi la
rétrocession des ressources au coût le plus élevé
possible et en quantité la plus réduite possible
31(
*
)
.
La seconde recommandation était de
modifier le processus de
décision régissant les taux d'intérêt de
l'épargne administrée
, de façon à ce que le
Codevi reste réellement une ressource privilégiée,
c'est-à-dire inférieure au taux du marché monétaire
compte tenu de coûts de gestion non négligeables. Votre rapporteur
général a eu maintes occasions de rappeler cette doctrine : les
taux administrés devraient être révisés
périodiquement par le comité de la réglementation bancaire
et financière, un avis public du Conseil de la politique
monétaire étant également régulièrement
rendu sur le sujet.
La très heureuse baisse des taux à court et long terme que l'on
observe depuis fin 1995 n'a pas été suivie, faute d'un mode de
décision adapté, par celle des taux de l'épargne
administrée. Le taux du Codevi est aujourd'hui supérieur de
0,3 points au taux interbancaire au jour le jour. Compte tenu de
coûts de gestion (compris entre 1 et 2 points) beaucoup plus
élevés que la ressource interbancaire,
non seulement il ne
constitue pas une ressource privilégiée de financement de
l'économie française, mais il entrave lourdement la baisse du
coût du crédit dans notre pays
32(
*
)
. Ironie
de l'histoire : la Banque de France,
jugée longtemps responsable d'une gestion de la monnaie trop
restrictive, a réduit ses taux d'intérêt à un niveau
inférieur à celui des taux maitrisés par le pouvoir
politique, qui pourtant devraient être privilégiés.
Aussi n'est-il pas étonnant que les taux d'intérêt des
crédits ainsi accordés aux collectivités locales et
à leurs groupements se situent sur 15 ans entre 6,2 % et
6,3 % ; ce qui est moins bon que les taux des crédits à taux
fixe accordés sur ressources de marché mais surtout nettement
plus mauvais que le taux des crédits à taux variable que peuvent
obtenir les collectivités locales, et qui sont couramment
inférieurs à 5 %.
La conjonction de ces deux facteurs négatifs -circuit financier visqueux
et taux trop élevé- est à l'origine de l'échec
relatif du dispositif. Faute d'amélioration sur ces deux points, votre
commission perçoit mal comment il pourrait être plus efficace
à l'avenir.
Décision de la commission : votre commission vous propose d'adopter
le présent article dans la rédaction de l'Assemblée
nationale.
ARTICLE 6
Mesures relatives à la Banque du
développement des petites
et moyennes entreprises (BDPME)
Commentaire : Le présent article a pour objet de
rendre applicable la loi de 1983 relative à la démocratisation du
secteur public à la Banque du développement des petites et
moyennes entreprises (BDPME), créée à la fin de
l'année 1996.
Le précédent gouvernement avait élaboré fin 1995 un
"Plan PME pour la France", comportant 42 mesures, dont l'une était la
mise en place d'une véritable banque de développement des P.M.E.,
par un rapprochement du CEPME et de la SOFARIS. Créée fin 1996,
la BDPME est un établissement de place (intervenant en appui du
système bancaire, et non en concurrence), chargé du financement
et de la garantie du risque PME, afin de faciliter l'accès au
crédit de ces dernières.
La BDPME se présente comme une société de participations
("holding"), contrôlée par l'Etat, et dont le CEPME et la SOFARIS
sont les filiales.
Le présent article, qui figurait déjà dans le projet de
loi portant diverses mesures d'ordre économique et financier (article
18), apporte les quelques adaptations nécessaires à l'application
de la loi n° 83-675 du 26 juillet 1983 relative à la
démocratisation du secteur public à la BDPME, de façon
à assurer une continuité de traitement avec le CEPME, dont elle
est le successeur.
I. BREFS RAPPELS SUR LA GENÈSE DE LA BDPME
Le précédent gouvernement avait jugé
nécessaire de réformer le CEPME, sous le feu des critiques
à la fois du fait de pertes importantes depuis 1993 (encore 700 millions
de francs en 1996), et d'une activité concurrentielle qui,
renflouée par des fonds publics, nuisait à l'ensemble du
système bancaire.
L'objectif est de faire de la BDPME un établissement de place,
intervenant en appui des banques du secteur concurrentiel, sur les segments que
le marché peine à assumer : la garantie, le financement long, les
fonds propres des PME.
A. LA CONSTITUTION DE LA BDPME
La BDMPE a été constituée fin 1996 par
apport des participations que détenaient l'Etat, la Caisse des
dépôts et consignations (via ses filiales CDC - participations et
SODEVE) et la Caisse centrale des banques populaires dans le CEPME et la
SOFARIS.
Plusieurs augmentations de capital (pour un montant total de 850 millions
de francs) ont ensuite eu lieu, essentiellement pour remédier à
la détérioration des fonds propres du CEPME, qui ne respectait
plus le ratio européen de solvabilité. Les appels de fonds ont
été financés par l'Etat et la Caisse des
dépôts et consignations.
A la suite de ces augmentations de capital, l'organigramme de la BDPME est le
suivant :
La BDPME bénéficiera par ailleurs de ressources CODEVI à
hauteur de 18 milliards de francs de 1997 à 1999, financées par
prélèvement sur la partie centralisée à la Caisse
des dépôts de ce livret réglementé (dont l'encours
est de 208,4 milliards de francs fin juin 1997).
La BDPME constitue, avec ses filiales CEPME et SOFARIS, un groupe bancaire,
dont chaque organe a le même président, actuellement
M. Jacques-Henri DAVID, promoteur du projet. Il s'agit d'une
société anonyme à conseil de surveillance et directoire.
C'est la création même de cette structure de groupe qui
nécessite les adaptations législatives qui vous sont soumises.
B. L'ACTIVITÉ DE LA BDPME
La BDPME reprendra les activités de financement du
CEPME et les activités de garantie de la SOFARIS. Ces dernières,
qui ne sont pas concurrentielles, permettent de faire de la nouvelle banque un
établissement de place intervenat en complément des autres. La
manifestation concrète de cette mission a pris la forme d'un
accord-cadre de partenariat avec l'Association française des banques
(AFB) le 18 février dernier. Chaque banque pourra ainsi signer des
accords avec la BDPME en vue de cofinancer des types d'intervention
déterminés à l'avance.
La BDPME orientera son action dans quatre directions :
- la garantie de crédits aux PME,
- le cofinancement de prêts à moyen et long terme,
- les interventions en fonds propres et quasi-fonds propres,
- le financement des délais de paiement des commandes publiques.
M. Jacques-Henri DAVID a présenté au Conseil de surveillance du
10 février 1997 un plan d'affaires aux termes duquel il espère
que la BDPME sera à l'équilibre en 1998.
Au 31 juillet 1997, la BDPME avait accordé 3,8 milliards de francs de
cofinancements avec les autres banques.
Il peut paraître insatisfaisant de faire se prononcer le Sénat sur
des aspects certes importants, mais somme toute secondaires, de l'organisation
de la BDPME, alors que le Parlement n'a pas à être saisi du
principe même de la création d'une telle structure originale,
engageant des fonds publics, et instrument non négligeable de politique
économique.
Cela étant, votre commission s'est prononcée favorablement
à l'existence d'établissements bancaires publics, dès lors
que le secteur concurrentiel n'est pas en mesure d'assumer certaines missions
d'intérêt général
33(
*
)
. L'accès au crédit des
PME fait partie
de ces missions.
II. LES CONDITIONS D'APPLICATION DE LA LOI DE 1983 À LA BDPME
Le présent article a trois objets :
- appliquer la loi de démocratisation du secteur public à la
BDPME dans les mêmes conditions qu'elle l'était auparavant au
CEPME.
- permettre une représentation des salariés de SOFARIS dans les
organes dirigeants du groupe.
- tirer les conséquences du nouveau de statut de filiale du CEPME.
A. L'APPLICATION DE LA LOI DE 1983 A LA BDPME
Le champ d'application de la loi de 1983 est défini
dans son article premier, qui distingue cinq catégories d'organismes
auxquelles s'appliquent le texte.
En l'absence de disposition législative expresse, la BDPME entre dans la
troisième catégorie: "entreprises nationales,
sociétés nationales, sociétés d'économie
mixte ou sociétés anonymes dans lesquelles l'Etat détient
directement ou indirectement plus de la moitié du capital social ainsi
que les sociétés à forme mutuelle nationalisée".
Or le CEPME fait partie -en application de l'article 54 de la loi n°
96-314 du 12 avril 1996 portant diverses dispositions d'ordre économique
et financier- de la cinquième catégorie
34(
*
)
,
qui est plus favorable en terme de
représentation et de compétences des salariés dans les
organes sociaux.
Le présent paragraphe situe donc la BDPME dans la continuité du
CEPME. Votre commission s'était prononcée favorablement à
une intégration du CEPME dans la cinquième catégorie de la
loi de 1983.
Le conseil de surveillance de la BDPME sera ainsi composé :
- 7 représentants des actionnaires,
- 3 représentants de l'Etat,
- 5 représentants des salariés.
B. LA REPRÉSENTATION DES SALARIÉS DE LA SOFARIS DANS LES ORGANES DIRIGEANTS DE LA BDPME
Aux termes de la loi de 1983, deux conditions sont requises
pour que les salariés d'une filiale puissent être électeurs
au conseil de surveillance de la société mère :
- la mère détient la majorité du capital social
depuis plus de six mois ;
- la filiale emploie plus de 200 salariés.
Or, pour être éligible au conseil de surveillance (5
salariés y figurent aux termes du paragraphe I du présent
article), il faut être électeur.
La première condition est déjà remplie puisque la
constitution du groupe BDPME (à l'époque sous le nom de RSA) date
du 28 novembre 1996.
La seconde condition n'est remplie que pour le CEPME qui compte plus de 1.000
salariés, mais pas pour la SOFARIS, qui n'en compte que 175.
Or la BDPME forme un groupe intégré, les activités des
deux filiales sont complémentaires, et il n'y a aucune raison
d'écarter les salariés de SOFARIS d'une représentation au
sein du groupe.
C. LE CHANGEMENT DE STATUT DU CEPME
Le CEPME est désormais une filiale de la BDPME,
elle-même détenue par l'Etat à plus de 50 %, ce qui le
fait entrer
ipso jure
dans la cinquième catégorie de la
loi de 1983.
Or, lors du débat sur le projet de loi portant DDOEF en 1996,
l'Assemblée nationale avait souhaité le préciser
explicitement, car le CEPME était détenu à 43 % par
la Caisse des dépôts et 39 % par l'Etat, ce qui pouvait
laisser planer un doute, puisque le statut très particulier de la Caisse
des dépôts et consignations ne permet pas de la considérer
comme un établissement public de l'Etat.
Cette précision devient donc inutile, et c'est pourquoi le
paragraphe III du présent article propose de l'abroger.
Décision de la commission : votre commission vous propose d'adopter
cet article sans modification.
EXAMEN EN COMMISSION
Réunie le mercredi 24 septembre 1997, sous le
présidence de M. Christian Poncelet, président, la
commission a procédé, sur le
rapport de
M. Alain
Lambert, rapporteur,
à l'examen du
projet de loi portant mesures
urgentes à caractère fiscal et financier
(n° 425,
1996-1997) adopté par l'Assemblée nationale, après
déclaration d'urgence.
M. Alain Lambert, rapporteur général
, a tout d'abord
présenté les six articles du projet de loi. Il a indiqué
que les trois premiers articles visaient respectivement à instituer une
surtaxe temporaire sur le taux de l'impôt sur les sociétés
pour les entreprises qui réalisent plus de 50 millions de francs de
chiffre d'affaires, fixée à 15 % en 1997 et 1998 et à
10 % en 1999 (ce qui portera le taux de l'impôt sur les
sociétés à 41,66 % puis à 40 %), à
élargir l'assiette de l'impôt sur les sociétés en y
incluant les plus-values à long terme (hors titres de participation),
et, enfin, à modifier le régime des acomptes pour assurer le
rendement de ces mesures dès 1997.
Il a précisé que ces dispositions devaient rapporter
respectivement 14,4 et 6,7 milliards de francs de recettes
supplémentaires au budget de l'Etat, soit un total de 21 milliards
de francs en 1997 et que le rendement attendu en 1998 était de
16,5 milliards de francs.
Puis après avoir rappelé que le Gouvernement justifiait cet
accroissement de la pression fiscale pesant sur les entreprises par le
dérapage des finances publiques constaté par l'audit
réalisé par MM. Nasse et Bonnet, le faible poids de
l'impôt sur les sociétés dans le PIB et la bonne
santé apparente des entreprises, le rapporteur général a
désapprouvé la stratégie poursuivie par le Gouvernement
pour faire face à l'échéance de la monnaie unique, et
relativisé le constat dressé par l'audit sur l'état des
finances publiques.
Il a fait valoir que la plupart des politiques victorieuses de réduction
des déficits publics conduites par certains pays de l'OCDE, au cours des
dix dernières années, avaient mis l'accent sur la maîtrise
des dépenses, et que cette priorité devait devenir celle de la
France à l'heure où les dépenses publiques
représentent 54,6 % du PIB contre 50,6 % en moyenne, dans
l'Union européenne. Il a souligné à cet égard que
cette nécessité était également rappelée par
les auteurs de l'audit.
Le rapporteur général a ensuite indiqué que le constat
pessimiste établi par MM. Nasse et Bonnet semblait
relativisé par les données budgétaires au 31 juillet
1997 qui mettent en évidence une amélioration du solde
budgétaire de 13,8 milliards de francs par rapport à juillet
1996. Il a ajouté que l'optimisme du ministre de l'économie et
des finances sur le rythme de la croissance en 1997 ne devait pas inciter
à revoir ces données à la baisse.
Puis,
M. Alain Lambert, rapporteur général,
a
regretté qu'en portant le taux de l'impôt sur les
sociétés à 41,66 % et en supprimant le régime
de taxation réduite des plus-values de cessions d'actifs
immobilisés, le projet de loi aille à contre-courant des
politiques fiscales menées par les principaux partenaires
européens de la France qui entreprennent de réduire les
impôts pesant sur leurs entreprises. Il a estimé paradoxale,
à cet égard, la position du ministre de l'économie et des
finances qui, tout en plaidant à Mondorf en faveur d'une harmonisation
des fiscalités européennes, et notamment de la fiscalité
des entreprises, présentait un projet de loi contenant des mesures de
divergence fiscale. Il s'est inquiété que la France ait dans
quelques années à en subir les conséquences qui pourraient
prendre la forme de délocalisations de ses entreprises et d'un reflux
des investissements étrangers en France, comme l'Allemagne en avait fait
l'amère expérience.
Il a rappelé que l'aggravation de la pression fiscale était
assimilée, dans la théorie économique, à un choc
externe tendant à réduire le taux de rendement interne des
investissements et conduisant les chefs d'entreprise à contracter ces
derniers. Il a fait observer qu'une telle mesure n'était pas de nature
à relancer la croissance et à encourager les chefs d'entreprises
à renouveler leurs capacités de production, dans un contexte
caractérisé par un déclin de l'investissement qui a
baissé de 5,8 % entre 1992 et 1996 alors qu'il a progressé
de près de 35 % aux Etats-Unis.
Il a enfin fait valoir que si l'impôt sur les sociétés
pesait très peu dans le PIB français par rapport à nos
principaux concurrents, c'est qu'
a
contrario
les autres charges
assises sur les entreprises et qui sont déductibles de leurs
résultats (charges sociales certes, mais aussi taxe professionnelle)
pèsent d'un poids tout à fait excessif
.
Il n'a donc pas
estimé opportun d'accroître le poids de ces
prélèvements, en rappelant que seules des entreprises en bonne
santé financière et disposant d'un environnement fiscal et social
favorable sont susceptibles de maintenir ou de créer des emplois.
Par ailleurs,
M. Alain Lambert, rapporteur général,
a
rappelé que les mesures proposées, en introduisant une
discrimination entre les entreprises en fonction de leur chiffre d'affaires,
n'étaient pas de bonne législation. Il a craint que les
entreprises les plus pénalisées soient, en dernier ressort, les
entreprises moyennes réalisant l'essentiel de leur chiffre d'affaires
sur le territoire national et qui ne pourront échapper à
l'impôt, à l'inverse des multinationales qui peuvent
délocaliser leurs bases imposables.
Il a regretté que l'augmentation de l'impôt sur les
sociétés rende en partie caduc le mécanisme de l'avoir
fiscal, aux dépens des actionnaires et des sociétés
mères de filiales, et fasse renaître des phénomènes
de double taxation injustifiés. Enfin, il a déploré la
rétroactivité de ces dispositions, qui interdit à tout
acteur économique de faire des prévisions valables à moyen
et long terme, ainsi que leur complexité et leur manque de
lisibilité.
M. Alain Lambert, rapporteur général,
a alors
indiqué qu'il proposerait à la commission d'adopter des
amendements tendant à la suppression des trois premiers articles du
projet de loi.
S'agissant des trois derniers articles du projet de loi,
M. Alain Lambert,
rapporteur général
a rappelé que ces dispositions
figuraient dans le projet de loi portant diverses dispositions d'ordre
économique et financier présenté par le
précédent Gouvernement et que leur inclusion dans ce texte
était surtout justifiée par la nécessité de
procéder à certaines validations.
Il a indiqué que l'article 4 avait pour objet de transférer
à EDF la propriété des ouvrages de transport
d'électricité du réseau d'alimentation
générale (RAG) dont l'Etat était, jusqu'à
présent, le propriétaire concédant. Il a
précisé que cette opération, accompagnée d'une
restructuration du bilan de l'établissement public, visait à
mettre fin à l'incongruité de la structure capitalistique d'EDF
qui se caractérisait jusqu'à présent par une disproportion
frappante entre des capitaux propres inférieurs à 24 milliards de
francs et des actifs qui avoisinent 680 milliards de francs. Il a
souligné qu'au terme de l'opération, le montant des capitaux
propres devait plus que tripler pour atteindre près de 80 milliards
de francs et qu'EDF devrait acquitter pour la première fois, en 1997,
l'impôt sur les sociétés à hauteur de
3 milliards de francs.
Il a approuvé cette mesure, conforme au contrat d'entreprise
signé le 8 avril dernier entre l'Etat et EDF, en faisant observer
qu'elle assurait la lisibilité des comptes d'EDF auprès de la
communauté économique internationale, et notamment auprès
des partenaires financiers d'EDF.
Puis, il a indiqué que l'article 5 prorogeait de deux ans, à
compter du début de 1997, le dispositif de la "loi Gest" qui permet
aux
collectivités locales d'emprunter sur ressources Codévi pour
financer des équipements destinés à favoriser
l'implantation et le développement des PME. Il a toutefois
souligné que la gestion politique des taux administrés privait
aujourd'hui ce dispositif de tout intérêt pour les
collectivités emprunteuses. Il a indiqué que l'amendement qu'il
proposait et tendant à rappeler la position constante de la commission
en matière de taux administrés, serait pour le Sénat
l'occasion d'une nouvelle démonstration pédagogique dans
l'intérêt du pays.
Enfin, le rapporteur général a indiqué que l'article 6,
relatif à la Banque de développement des petites et moyennes
entreprises (BDPME), successeur du CEPME, consistait en plusieurs adaptations
formelles destinées à permettre l'application de la loi de 1983
sur la démocratisation du secteur public dans les mêmes conditions
qu'au CEPME auparavant. Il a regretté à, cet égard, que le
Sénat n'ait pas eu à se prononcer sur la création
même de la BDPME et a rappelé que le groupe de travail sur le
système bancaire s'était prononcé en faveur de l'existence
d'organismes publics dits " de place " pour faciliter
l'accès
au crédit des PME.
M. Michel Mercier
a observé qu'il était inexact d'affirmer
que l'augmentation du taux de l'impôt sur les sociétés ne
toucherait que les grandes entreprises en soulignant que dans sa commune,
toutes les entreprises de plus de trente salariés réalisaient un
chiffre d'affaires supérieur à 50 millions de francs.
Il a ajouté que le volet fiscal du projet de loi devait être
examiné à la lumière, non seulement du système
fiscal en vigueur, mais également des modifications envisagées
dans le projet de loi de finances pour 1998. Il a cité à cet
égard l'exemple des épargnants qui pâtiraient non seulement
du "basculement" du financement de l'assurance maladie sur la CSG,
mais aussi
de la moindre performance du mécanisme de l'avoir fiscal
consécutive à la hausse du taux nominal de l'impôt sur les
sociétés.
Approuvant les observations du rapporteur général sur la
nécessaire diminution des dépenses publiques,
M. Joël
Bourdin
a cité l'exemple du Canada et du Québec qui ont
ramené leur déficit de 5 % du PIB à
l'équilibre en cinq ans, permettant ainsi aux entreprises,
allégées d'un certain nombre de prélèvements,
d'augmenter leurs parts de marché mondial. Déplorant
l'augmentation du poids des prélèvements obligatoires par rapport
au PIB français, il a exprimé sa crainte de voir la France
transformée en pays de consommateurs.
M. René Régnault
a rappelé que les mesures fiscales
du projet de loi étaient justifiées par le dérapage du
solde budgétaire mis en évidence par l'audit de MM. Nasse et
Bonnet et que, compte tenu du moindre rendement des impôts, cette
année, l'augmentation de l'impôt sur les sociétés
n'accroîtrait pas le poids global des prélèvements
obligatoires dans le PIB.
M. Paul Loridant
a regretté "l'opposition frontale" dont
faisait
montre le rapporteur général sur le premier texte à
caractère fiscal et financier soumis par le nouveau Gouvernement. Il a
rappelé que ce dernier devait adapter en milieu d'année un budget
initial dont il n'avait pas la paternité et que son intention
n'était pas d'accroître les dépenses. Il a enfin fait part
de ses inquiétudes au sujet de l'article 4 du projet de loi.
Mme Marie-Claude Beaudeau
a relativisé la portée
de l'augmentation de l'impôt sur les sociétés en indiquant
que la charge supplémentaire pour les entreprises représentait
moins d'une journée d'activité. Elle a souligné que
80 % des entreprises seront épargnées par cette mesure. Elle
s'est réjouie que l'actuel Gouvernement rompe avec la tendance
précédente visant à diminuer les charges pesant sur les
entreprises en rappelant que le taux d'autofinancement des entreprises
atteignait 118 % et que 50 % de leurs profits "nourrissaient la
spéculation". Elle a enfin souligné la faiblesse du poids de
l'impôt sur les sociétés par rapport au PIB.
M. Jean-Philippe Lachenaud
a contesté les hypothèses de
rendement du dispositif d'augmentation de l'impôt sur les
sociétés en arguant que les entreprises ajustait leur situation
comptable et fiscale à toute hausse de la fiscalité, ce qui
conduisait à un rendement moindre que le rendement estimé
mécaniquement. Il s'est par ailleurs déclaré hostile
à toute augmentation de l'impôt sur les sociétés
à l'heure où tous les instituts de prévision rendent la
faiblesse des investissements responsable de la mollesse de la croissance. Il a
constaté enfin que cette mesure aurait pour conséquence
d'accroître le prélèvement fiscal pesant sur
l'épargne, ce qu'il a déploré compte tenu de la prochaine
hausse de la CSG.
Enfin,
M. Christian Poncelet, président,
a fait part de ses
craintes que les mesures fiscales prévues dans le projet de loi ne
"cassent la croissance" qui redémarre.
M. Alain Lambert, rapporteur général
, a ensuite
répondu aux différents intervenants.
Rebondissant sur l'observation de
M. Michel Mercier
, il a
répété qu'il était dangereux d'établir une
distinction entre les entreprises en fonction de leur taille, et, qu'en tout
état de cause, certaines petites entreprises seraient également
pénalisées par la hausse de l'impôt sur les
sociétés.
Il a ensuite faite sienne la remarque de
M. Joël Bourdin
en
soulignant que l'harmonisation fiscale ne devait pas se limiter à
l'Union européenne sous peine de voir l'Europe se transformer en un
espace dévitalisé.
Répondant à
M. Paul Loridant
, il a indiqué que sa
conception de la politique le conduisait à guider plutôt
qu'à suivre, et a observé que ses concitoyens, en choisissant une
nouvelle majorité à l'Assemblée nationale, ne lui avaient
pas demandé de renoncer à ses opinions. Il a rappelé que
les chiffres de l'exécution budgétaire au 31 juillet 1997
montraient une croissance du rendement de l'impôt sur les
sociétés de 5,1 % par rapport à juillet 1996, ce qui
tendait à démontrer que les rentrées de recettes
s'effectuaient de manière satisfaisante.
Enfin, à
Mme Marie-Claude Beaudeau
, le rapporteur
général a indiqué qu'il convenait pour être objectif
de comparer l'ensemble des charges pesant sur les entreprises françaises
par rapport à leurs concurrentes, et pas seulement le poids de
l'impôt sur les sociétés dans le PIB.
La commission a ensuite procédé à l'examen des articles du
projet de loi.
A l'
article premier
, (institution d'une surtaxation de l'impôt sur
les sociétés), le rapporteur général, a
rappelé à
M. Guy Cabanel
que le dérapage des
finances publiques constaté par l'audit devait être
relativisé par des données récentes sur l'exécution
du budget 1997. Il a indiqué qu'en tout état de cause, il
appartenait au Gouvernement d'exécuter le budget conformément aux
objectifs fixés en loi de finances initiale, le cas
échéant en annulant des crédits. Il a rappelé
à cet égard que les annulations nettes de crédits avaient
atteint 28,6 milliards de francs en 1995, puis 22,4 milliards de
francs en 1996.
La commission a alors adopté un amendement tendant à la
suppression de cet article.
Puis, la commission a adopté deux amendements tendant respectivement
à la suppression de l'
article 2
(inclusion des plus-values
professionnelles dans l'assiette de l'impôt sur les
sociétés) et de l'
article 3
(aménagement du
régime des acomptes).
A l'
article 4
relatif au statut patrimonial des ouvrages de transport
d'électricité d'EDF,
M. Paul Loridant
a observé que
la restructuration du bilan d'EDF, qui conduisait à accroître le
montant des capitaux propres, avait pour conséquence l'apurement des
reports à nouveau comptables et fiscaux déficitaires, ce qui
devrait mettre EDF en situation d'acquitter l'impôt sur les
sociétés. Il s'est inquiété par ailleurs du
démantèlement d'EDF qu'une telle réforme pouvait laisser
envisager dans le cadre des dispositions du Traité de Maastricht
concernant l'harmonisation des réseaux.
A
M. Jean-Philippe Lachenaud
, qui s'interrogeait sur la portée de
la modification apportée par l'Assemblée nationale, le rapporteur
général a indiqué que cette mention avait pour objet de
confirmer que les collectivités territoriales conservaient la
propriété des ouvrages du réseau de distribution qu'elles
concèdent à EDF.
La commission a alors adopté cet article sans modification.
A l'
article 5
, dont l'objet est de proroger de deux ans, à
partir du 1
er
janvier 1997, le dispositif permettant aux
collectivités locales de contracter des emprunts sur ressources
Codévi, un large débat s'est ouvert au cours duquel sont
intervenus
MM. Paul Loridant, Joël Bourdin, Michel Charasse,
Emmanuel Hamel, Jean-Philippe Lachenaud, Michel Moreigne, Michel Mercier, Alain
Lambert, rapporteur général et Christian Poncelet,
président.
Tout en se déclarant favorable à la prorogation de ce dispositif,
M. Alain Lambert, rapporteur général,
a
néanmoins exprimé des doutes sur son efficacité compte
tenu du taux d'intérêt actuel du Codévi. Celui-ci,
égal à 3,5 % auxquels s'ajoutent notamment les frais de
collecte et gestion, ne permet pas aux établissements de crédit
de prêter aux collectivités locales à moins de 6,2 % sur
quinze ans.
Aussi,
M. Alain Lambert, rapporteur général,
a-t-il
présenté un amendement tendant un examen semestriel des taux de
l'épargne administrée par le comité de la
réglementation bancaire et financière, de façon à
ce que le Gouvernement puisse ajuster ces taux d'intérêt en
fonction de l'évolution du marché. Cet amendement, a-t-il
expliqué, est la reprise de la proposition de loi n
o
301
(1996-1997) relative à la détermination des taux
d'intérêt de l'épargne administrée, qu'il a
cosignée en mars 1997 avec MM. Paul Loridant et Philippe Marini. Il
a également rappelé qu'un amendement similaire avait
été adopté par le Sénat, lors de la discussion, au
printemps 1996, du projet de loi portant diverses dispositions d'ordre
économique et financier.
Après s'être déclaré favorable à la
prolongation du dispositif en faveur des collectivités locales, et
à l'amendement présenté par le rapporteur
général,
M. Paul Loridant
a estimé aberrant que les
taux administrés soient supérieurs à ceux du marché
monétaire. Il a jugé que cette situation ne pourrait pas durer.
Il s'est même prononcé pour une réflexion sur une
éventuelle indexation des taux administrés sur l'inflation.
M. Joël Bourdin
s'est opposé à l'amendement, estimant
qu'il faudrait insérer un tel dispositif dans une réflexion plus
large sur l'épargne.
M. Michel Charasse
a estimé inopportun le dépôt de
cet amendement sur le projet de loi portant mesures urgentes à
caractère fiscal et financier, et a considéré qu'il aurait
davantage sa place dans le débat sur le projet de loi de finances pour
1998. Il s'est inquiété des risques pouvant peser sur les petits
épargnants, et a estimé qu'une libération des taux
administrés devrait s'accompagner d'un relèvement des plafonds du
Livret A et du Codévi, et d'une prime d'Etat sur les petits livrets.
Après avoir considéré qu'il était indispensable de
protéger l'épargne populaire,
M. Emmanuel Hamel
a
exprimé son opposition à l'amendement.
M. Jean-Philippe Lachenaud
s'est inquiété de voir le
Gouvernement privé de son pouvoir de fixer les taux de l'épargne
administrée et a considéré que le verbe "réviser"
contenu dans l'amendement, suggérait que les taux devaient être
"revus" à la baisse.
M. Michel Moreigne
a indiqué qu'il voterait contre l'amendement.
M. Michel Mercier
s'est prononcé pour l'amendement, en
considérant qu'il était susceptible de rendre efficace un
dispositif qui ne pouvait l'être en l'absence d'une baisse du taux
d'intérêt du Codévi.
En réponse aux intervenants,
M. Alain Lambert, rapporteur
général,
a rappelé que son amendement
n'empiétait pas sur la compétence du Gouvernement pour fixer les
taux de l'épargne administrée, mais qu'il introduisait une
"clause de rendez-vous" en instituant un examen semestriel des taux
destiné à "dédramatiser" les décisions relatives
à ces taux. Il a également expliqué que cette
révision périodique ne se ferait pas nécessairement
à la baisse, mais pourrait, le cas échéant, se faire
à la hausse.
M. Christian Poncelet, président,
a rappelé que, comme
lors des débats précédents, la présentation de cet
amendement avait pour objet de provoquer la réflexion du Gouvernement
sur une question, dont l'introduction de la monnaie unique précipitera
vraisemblablement l'évolution.
A l'issue de ce débat,
M. Alain Lambert, rapporteur
général,
a retiré son amendement. La commission a
alors adopté l'article 5 dans la rédaction de
l'Assemblée nationale.
Puis, la commission a adopté, sans modification,
l'article
6
relatif à l'application à la Banque de développement des
petites et moyennes entreprises (BDPME) des dispositions de la loi de
démocratisation du secteur public.
Enfin, la commission a décidé de proposer au Sénat
d'adopter le projet de loi ainsi amendé.
1
Rapport Assemblée nationale
n° 204 enregistré à la présidence le 10
septembre 1997, Didier Migaud.
2
" Fiscal Expansions and Adjustments in OECD
Countries "
par Alberto Alesina et Roberto Perrotti, Economic Policy, octobre 1995.
3
80 % de la réduction des déficits
résulte d'une baisse des dépenses : les dépenses
baissent en moyenne de 2,19 points de PIB alors que les impôts ne
s'élèvent que de 0,5 points de PIB.
4
Rapport de la Commission des Finances du Sénat n° 447
sur la proposition de résolution présentée en application
de l'article 73 bis du Règlement par M. Alain Lambert, sur une
recommandation de la Commission en vue d'une recommandation du Conseil visant
à ce que soit mis un terme à la situation de déficit
public excessif en France.
5
le FMI distingue à cet égard deux types de
dépenses à court terme : les mesures d'attente, qui ne font
que différer les réformes en profondeur (réductions
forfaitaires de crédits, réduction des dépenses
d'investissement public et blocage des rémunérations), et les
mesures constructives tendant d'une part à réduire les effectifs
et d'autre part à éliminer les dépenses improductives.
6
après déduction entre autres de la taxe
professionnelle.
7
Selon les prévisions pour 1996, le produit de la taxe
professionnelle effectivement perçu par les collectivités
territoriales s'élève à 168 milliards de francs. Sur ce
montant, la charge de taxe professionnelle effectivement supportée par
les redevables s'élève à 125 milliards de francs, à
comparer à un montant d'impôt sur les sociétés de
171 milliards de francs.
8
Article premier de la loi de finances rectificative pour 1995
n° 95-885 du 4 août 1995.
9
Article 10 de la loi de finances pour 1997 codifié au f du
I de l'article 219 du CGI.
10
Et non pas les petites et moyennes entreprises comme l'indique
l'exposé des motifs du présent projet de loi.
11
Article 10 de la loi de finances pour 1997 codifié au f
du I de l'article 219 du CGI.
12
Qui est lui-même amendé par le présent
projet de loi pour préciser que les participations des
sociétés de capital risque, des fonds communs de placement
à risque, des sociétés de développement
régional et des sociétés financières d'innovation
sont assimilées à des personnes physiques.
13
Même si le taux d'imposition des plus-values à long
terme, initialement fixé à 10 % a été
relevé à 15 % en 1973, à 19 % en 1989 et
à 20,9 % en 1995 (si l'on inclut la contribution exceptionnelle de
10 %).
14
Il s'agit :
- de l'ensemble des obligations ou titres assimilés, ainsi que des bons
de souscription d'obligations ;
- des titres d'organismes de placement collectif en valeurs
mobilières à l'exception des parts de fonds communs de
placement à risque ;
- des parts ou actions de sociétés dont l'actif est
principalement composé de titres jusqu'alors soumis au taux de 25 %
ou dont l'activité consiste essentiellement à gérer, pour
leur propre compte, de tels actifs.
15
L'article 2 de la loi n° 95-885 du 4 août
1995 définit les titres de participation comme étant
" les parts ou actions de sociétés revêtant ce
caractère sur le plan comptable. Il en va de même des actions
acquises en exécution d'une offre publique d'achat ou d'échange
par l'entreprise qui en est l'initiatrice, ainsi que des titres ouvrant droit
au régime des sociétés mères si ces actions ou
titres sont inscrits en comptabliité au compte de titres de
participation ou à une subdivision spéciale d'un autre compte du
bilan correspondant à leur qualification comptable. "
16
qui sont détenues par l'entreprise depuis au moins cinq
ans.
17
En poussant à l'extrême cette logique, on
pourrait même concevoir que les plus-values soient
exonérées d'imposition en tout ou partie.
18
Il n'existe pas de régime spécifique de
taxation des plus-values aux Etats-Unis et au Japon. Le Canada ne retient dans
l'imposition de droit commun que les 3/4 du montant de la plus-value.
19
En principe, les dates d'exigibilité sont le 20
février, le 20 mai, le 20 août et le 20 novembre, mais en
pratique, les sociétés peuvent opérer leur versement sans
pénalité jusqu'au 15 du mois suivant.
20
Le dernier acompte exigible au titre d'un exercice est celui
dont l'échéance légale précède
immédiatement la date de clôture de cet exercice.
21
qui fait obligation au Gouvernement de soumettre une mesure
législative au Parlement afin de modifier le régime patrimonial
des ouvrages d'alimentation générale en électricité.
22
approuvé par les autorités de tutelle le 25
février 1987 sur la base de l'avis de conformité accordé
par le Conseil national de la comptabilité le 19 décembre 1984.
23
dans un avis relatif aux changements comptables du 18 juin 1997,
le CNC autorise la remontée directe des provisions pour renouvellement
devenues injustifiées sur les reports à nouveau
déficitaires, sans transiter par le compte de résultat.
24
Loi n° 96-209 du 14 mars 1996 visant à
étendre aux collectivités locales et à leurs groupements
l'accès aux prêts distribués à partir des fonds
déposés sur les comptes pour le développement industriel
afin d'accompagner le développement ou l'implantation des petites et
moyennes entreprises et à créer une obligation d'information sur
l'utilisation de ces fonds.
25
"Les Codevi : une nécessaire remise en ordre" -
Sénat n° 298, 1994-1995, annexe au procès-verbal de la
séance du 24 mai 1995 - Paul LORIDANT, Philippe MARINI.
26
n° 3492. Enregistré à la présidence de
l'Assemblée nationale le 2 avril 1997 - Article 8.
27
Source : Fascicule "Voies et moyens" (tome II) du
projet de loi
de finances pour 1997.
28
9% des dossiers de prêts, non conformes à la
règlementation, ont été rejetés par les
trésoriers-payeurs -généraux.
29
L'encours de Codevi à fin juin 1997 s'élève
à 208,4 milliards de francs (+ 7,3 % sur un an).
30
L'encours de prêts s'est accru de 100 millions de francs du
31 décembre 1996 au 30 juin 1997.
31
Les trois principaux distributeurs sont à ce jour : le
Crédit agricole (500 millions de francs), les Caisses
d'épargne (300 millions de francs), tous deux collecteurs, et Dexia
(275 millions de francs), non collecteur. Cette répartition est
éloignée du partage du marché des collectivités
locales en général.
32
La Banque de France a observé un renforcement du
refinancement à taux administrés dans le bilan des
établissements de crédit : il est passé de 27 %
à 33,6 % du passif d'un échantillon rerésentatif de
douze grandes banques de fin 1995 à fin 1996.
33
"Banques : votre santé nous intéresse".
Sénat n° 52. 1996-1997 - Alain Lambert pages 151 et 152
34
"Autres sociétés anonymes dans lesquelles plus de
la moitié du capital social est détenu, directement ou
indirectement depuis plus de six mois, conjointement par l'Etat, ses
établissements publics ou les sociétés mentionnés
au présent article, et dont le nombre de salariés employés
en moyenne au cours des vingt-quatre derniers mois est au moins égal
à 200".