ANNEXE
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COURRIER DU PRÉSIDENT
DU CONSEIL D'ADMINISTRATION DE
LA CNAF
MOTION PRÉSENTÉE PAR M. Charles DESCOURS
AU NOM DE LA
COMMISSION DES AFFAIRES SOCIALES TENDANT À OPPOSER L'EXCEPTION
D'IRRECEVABILITÉ
Considérant qu'en première lecture, le
Sénat a profondément modifié le projet de loi de
financement de la sécurité sociale pour 1998 selon trois
orientations principales : sauvegarder la politique familiale, contenir
l'aggravation des prélèvements sociaux et rétablir un
véritable objectif de maîtrise des dépenses d'assurance
maladie opposable à tous et d'économies de gestion ;
Considérant que l'Assemblée nationale a adopté, en
nouvelle lecture, deux amendements d'une exceptionnelle importance, l'un et
l'autre pourtant déposés en séance par le Gouvernement,
sans examen préalable de la commission compétente ; le premier
supprime la taxe de santé publique sur les tabacs et aggrave ainsi dans
l'immédiat le déficit de la sécurité sociale de
1,4 milliard de francs ; le second porte validation de la base mensuelle
des prestations familiales pour 1996, justifie ainsi
a posteriori
l'évolution des prestations familiales, telle que le Gouvernement l'a
arrêtée en 1998 dans son projet de loi initial mais conduit
à s'interroger sur les conditions dans lesquelles le Parlement a
débattu de l'équilibre de la sécurité sociale en
première lecture ;
Considérant que pour les autres dispositions du projet de loi
l'Assemblée nationale est revenue pour l'essentiel au texte
adopté par elle en première lecture ;
Considérant qu'elle a notamment rétabli, à l'article 19 du
projet de loi, la mise sous condition de ressources des allocations familiales,
supprimant ainsi le droit à ces prestations pour les très
nombreuses familles dont les ressources dépassent un plafond fixé
par voie réglementaire ;
Considérant que cette disposition a fait l'objet d'une opposition
unanime des organisations familiales, patronales et syndicales au sein du
conseil d'administration de la Caisse nationale d'allocations familiales au
motif qu'il était grave pour l'avenir de la famille et l'avenir de nos
systèmes de protection sociale qu'une partie des familles n'ait droit
à aucune reconnaissance de la collectivité et aucun retour de son
effort contributif, que d'autres déficits ou d'autres contraintes
externes pourraient justifier demain de mêmes mesures dans les autres
branches de la sécurité sociale créant les conditions
d'une contestation de fond de tous nos mécanismes de
solidarité ;
Considérant que cet article remet en cause le principe ancien et
constant de l'universalité des allocations familiales, selon lequel ces
dernières constituent un droit attaché à l'enfant, du seul
fait de son existence, et que ce droit est identique pour tous les enfants,
quels que soient les revenus de leurs parents ; que ce principe,
affirmé à maintes reprises, notamment dans le décret-loi
du 12 novembre 1938 sur les allocations familiales, le décret-loi du 29
juillet 1939 relatif à la famille et à la natalité
françaises et l'ordonnance du 4 octobre 1945 portant organisation de la
sécurité sociale et jamais démenti depuis lors, s'est
agrégé à la tradition juridique et constitue comme tel un
principe fondamental reconnu par les lois de la République ;
Considérant, en outre, qu'en privant certaines familles et donc certains
enfants des allocations familiales, qui constituent à la fois un des
instruments par lesquels la Nation assure à toutes les familles les
conditions nécessaires à leur développement ainsi qu'un
des moyens de la sécurité matérielle garantie à
tous les enfants, l'article 19 méconnaît les droits de l'enfant et
de la famille tels qu'ils sont proclamés par le Préambule de la
Constitution du 27 octobre 1946, lequel affirme, dans son dixième
alinéa, que
" La Nation assure à l'individu et à
la famille les conditions nécessaires à leur
développement "
et, dans son onzième alinéa,
qu'elle
" garantit à tous, notamment à l'enfant, à
la mère et aux vieux travailleurs, la protection de la santé, la
sécurité matérielle, le repos et les loisirs. " ;
Considérant, pour ces deux raisons, que l'article 19 du projet de loi
est contraire à la Constitution, dès lors, de surcroît, que
sa portée effective sera déterminée par voie
réglementaire ;
Considérant, que le rapport, annexé à l'article premier du
projet de loi, relatif aux objectifs qui déterminent les conditions
générales de l'équilibre financier de la
sécurité sociale pour l'année 1998 précise que
" le Gouvernement entend (...) prendre les mesures qui permettent
un
équilibre financier durable... (qu'il) entend faire un effort net
supérieur à 20 milliards de francs à travers des
économies et des recettes nouvelles. " ;
Considérant qu'une part substantielle de cet
"
effort
"
repose précisément sur l'"
économie
"
attendue de la mise sous condition de ressources des allocations familiales
évaluée, par le Gouvernement lui-même, à
4 milliards de francs ;
Considérant, sans qu'il soit besoin d'aborder, du point de vue de leur
conformité à la Constitution, les autres articles du projet de
loi, que cette seule disposition constitue un élément essentiel
déterminant les conditions générales de l'équilibre
financier de la sécurité sociale soumis au Parlement et est,
à ce titre, indissociable de l'ensemble du projet de loi ;
Le Sénat, en application de l'article 44, alinéa 2, du
Règlement, déclare irrecevable le projet de loi de financement de
la sécurité sociale pour 1998 adopté par
l'Assemblée nationale en nouvelle lecture.