ARTICLE 19
Aménagement du régime des fonds
communs
de placement dans l'innovation
Commentaire : les fonds communs de placement dans
l'innovation (FCPI) ne peuvent investir que dans des entreprises
détenues majoritairement, directement ou indirectement, par des
personnes physiques. Pour l'appréciation de cette condition, le
présent article propose de neutraliser la participation d'organismes
ayant vocation à soutenir le capital-investissement et l'innovation.
I. LE RÉGIME ACTUEL DES FCPI
Les fonds communs de placements dans l'innovation (FCPI) sont une
sous-catégorie de fonds communs de placements à risques (FCPR).
Ils ont été créés par la loi de finances pour 1997
(article 102). Ils présentent deux caractéristiques :
des contraintes de gestion et d'investissement spécifiques par rapport
aux FCPR, un régime fiscal plus avantageux entre les mains des
détenteurs de parts.
A. UNE ALLOCATION D'ACTIFS SPÉCIFIQUE
Les fonds communs de placements dans l'innovation (FCPI) viennent se placer au
sein des FCPR, eux-mêmes placés au sein des FCP, eux-mêmes
placés au sein des OPCVM.
L'ensemble des règles afférentes à ces différents
types d'instruments financiers est applicable aux FCPI (statut juridique,
gestion, division des risques...) sous réserve de quelques règles
propres.
Dans ce but, l'article 102 de la loi de finances pour 1997 a
créé un chapitre IV bis nouveau et un article 22-1 nouveau
dans la loi du 23 décembre 1988.
La spécificité des FCPI au sein des FCPR porte exclusivement sur
leurs contraintes d'allocations d'actifs. Ils doivent en effet composer leur
actif pour 60 % au moins de titres répondant à certaines
conditions. Les 40 % restant sont soumis aux règles
générales des FCPR.
La partie d'actifs soumise à conditions particulières (les
60 %) doit être exclusivement composée de valeurs devant
entrer dans l'actif d'un FCPR aux termes de l'article 22 de la loi du
23 décembre 1988, et émises par des entreprises soumises
à l'impôt sur les sociétés, c'est-à-dire des
sociétés ayant leur siège en France.
On peut donc à ce stade définir deux conditions d'ordre
général pour qu'un FCPR puisse être qualifié de
FCPI :
- la proportion de l'actif "à risques" doit être de 60 %
et non de 40 % ;
- les valeurs de cet actif "à risques" doivent être
émises par des sociétés françaises (ayant leur
siège en France), ce qui exclut les valeurs étrangères
(mais pas les filiales établies en France des sociétés
étrangères, dès lors qu'elles sont soumises à
l'impôt sur les sociétés).
Ces conditions se justifient car les FCPI ont vocation à soutenir la
recherche industrielle nationale. On peut observer que la
référence à l'article 22 de la loi de 1988,
élimine de la partie "à risques" les titres cotés au
Nouveau marché, qui est un marché réglementé. Cela
ne pose guère de difficultés : d'une part, la cotation au Nouveau
marché permet en général aux FCPR de céder leur
participation ; d'autre part, une société introduite en bourse
peut continuer à figurer dans l'actif "à risques" pendant cinq
ans. Dans le cas contraire, ces titres peuvent entrer dans les 40 %
d'actifs "libres".
La seconde condition d'ordre général se subdivise en quatre
sous-conditions, dont les deux dernières sont alternatives.
Ainsi, les sociétés dont les titres composent 60 % de
l'actif de FCPI doivent :
- compter moins de 500 salariés ;
- avoir leur capital majoritairement détenu par des personnes
physiques ou par des personnes morales détenues par des personnes
physiques ;
- et avoir réalisé, au cours des trois exercices
précédents, des dépenses de recherche donnant accès
au régime de l'article 244
quater
B du code
général des impôts, d'un montant au moins égal au
tiers du chiffre d'affaires le plus élevé réalisé
au cours des trois exercices précédents ;
- ou être reconnues comme sociétés innovantes par
l'ANVAR.
La condition relative aux 500 salariés permet de concentrer les
FCPI sur les PME, et donc d'éliminer les grandes entreprises, même
très innovantes, mais dont on peut supposer qu'elles n'ont pas de
problèmes spécifiques d'accès à un financement en
fonds propres, qui est un problème lancinant pour les PME
françaises.
Il n'existe pas de critère parfait pour définir une PME. Le seuil
de 500 salariés fait partie des critères utilisés par
la BDPME ou les SDR. La loi n° 83-607 du 8 juillet 1983 relative
au Codevi retient un seuil de chiffre d'affaires fixé à
500 millions de francs. S'agissant d'entreprises innovantes fortement
concentrées en "matière grise" et avec peu de personnel, le
critère de 500 salariés paraît pertinent, sachant que
concrètement, ces deux critères se recouvrent largement.
Pour s'assurer que la société est bien une PME, le
deuxième critère vient compléter le premier : la
société doit être détenue majoritairement par des
personnes physiques, ou à la rigueur majoritairement par des personnes
morales, elles-mêmes détenues en totalité par des personnes
physiques.
Dans le cas du Codevi, on s'assure du critère en ne
rendant pas éligible au prêt Codevi les filiales d'entreprises qui
ne sont pas elles-mêmes des PME (parce que leur chiffre d'affaires
dépasse 500 millions de francs). Là encore, cette condition
ne garantit pas le bénéfice exclusif de la mesure à de
pures PME indépendantes. Un grand groupe familial, dont le capital
serait détenu par des personnes physiques, pourrait créer une
société filiale dont les titres seraient éligibles au FCPI.
Les deux critères suivants sont alternatifs et portent sur le coeur du
dispositif : la recherche et l'innovation.
Le troisième critère est d'appréciation directe et
objective et porte sur un seuil quantitatif d'effort de recherche que doit
accomplir la société.
Pour être éligible au FCPI, une société devra avoir
réalisé, au cours des trois exercices précédant la
prise de participation par le FCPI, des dépenses de recherche dont le
total cumulé devra être au moins égal au tiers du chiffre
d'affaires le plus élevé de ces trois exercices. Par
conséquent, en moyenne sur trois exercices, ces dépenses se
seront élevées à 10 % du chiffre d'affaires.
Les dépenses de recherche en cause sont définies aux "a" à
"f" du II de l'article 244
quater
B du code général
des impôts. Ce sont les dépenses prises en compte pour le
crédit d'impôt recherche. Cependant, ce critère ne recouvre
pas exactement le champ d'application du crédit d'impôt recherche,
puisque deux types de dépenses sont exclus :
- les dépenses de normalisation afférentes aux produits de
l'entreprise ;
- les dépenses liées à l'élaboration de
nouvelles collections par les entreprises industrielles du secteur textile
habillement cuir.
Ces deux derniers types de dépenses ne sont pas considérés
comme liés à l'innovation technologique.
Le quatrième critère est d'appréciation plus subjective.
Il porte sur le caractère innovant de l'entreprise, la pertinence
économique de cette innovation, et l'opportunité d'y contribuer
par une aide publique. Cette appréciation est portée par un
établissement public éprouvé en la matière :
l'agence nationale pour la valorisation de la recherche (ANVAR).
L'agrément que l'ANVAR est ainsi amenée à délivrer
porte sur trois ans.
L'intérêt de ce quatrième critère est qu'il peut
permettre, le cas échéant, à des entreprises dont les
dépenses n'entrent pas dans le champ d'application du crédit
d'impôt recherche, en particulier les entreprises nouvelles, d'être
reconnues par l'ANVAR comme ayant vocation à faire entrer un FCPI dans
leur capital.
B. UNE RÉDUCTION D'IMPÔT SUR LE REVENU
Le paragraphe II de l'article 102 définit l'avantage fiscal
supplémentaire auquel donne droit la souscription de parts de FCPI. Il
se réfère à un dispositif éprouvé :
la réduction d'impôt au titre des souscriptions en
numéraire au capital de sociétés non cotées.
La réduction d'impôt propre aux FCPI est égale à
25 % de la souscription, celle-ci étant prise en compte dans une
limite annuelle de 75.000 francs pour une personne seule et
150.000 francs pour un couple marié soumis à imposition
commune.
Les versements pris en compte doivent être faits du 1er janvier 1997
au 31 décembre 1998. Ils sont soumis aux mêmes limites que
dans le cas d'une souscription au capital d'une société non
cotée.
Le bénéfice de cet avantage fiscal est exclusif du plan
d'épargne en actions.
Très classiquement, une reprise d'impôt est prévue lorsque
les conditions pour bénéficier de l'avantage fiscal ne sont plus
remplies. Outre les conditions propres au FCPI, celles-ci sont de deux
ordres :
- l'engagement de conserver les parts pendant au moins cinq ans ;
- l'interdiction de détenir en famille plus de 10 % des parts
du fonds ou plus de 25 % des droits sur les bénéfices des
sociétés figurant dans l'actif du fonds, et ce depuis au moins
cinq ans avant la souscription au fonds ou l'intégration des titres
considérés dans le fonds.
Ces deux conditions sont très proches de celles retenues pour le droit
commun des FCPR. Elles sont destinées à favoriser la
détention de titres à long terme, nécessaire à la
logique du financement en fonds propres, et à éviter le
détournement du dispositif à des fins d'optimisation fiscale.
II. LE DÉVELOPPEMENT ACTUEL DES FCPI
Dans un pays où il est universellement admis comme légitime de
s'enrichir par des jeux de loterie tandis que l'enrichissement par production
de valeur ajoutée est suspect et frappé de
prélèvements toujours plus pesants, les jeux de hasard drainent
une cinquantaine de milliards de francs par an, et le capital-investissement
cinq et demi.
Aussi ne peut-on s'émouvoir que les FCPI, produit complexe à
monter et dont les investissements sont soumis à des conditions
multiples, n'aient pas connu un démarrage fulgurant, malgré un
avantage fiscal intéressant. De plus, le décret d'application
n'est paru que le 16 mars 1997. On ne peut donc guère créer
un FCPI que depuis huit mois.
Deux établissements de crédit ont à ce jour obtenu le visa
de la commission des opérations de bourse pour créer un
FCPI : le groupe des Banques populaires et la filiale française du
groupe néerlandais ABN-Amro. Deux filiales spécialisées se
sont chargées du montage ; respectivement, la société
de participations et d'études financières (SPEF) et ABN-Amro
Venture. Les ambitions des deux fonds en termes de levée de
capitaux sont limitées pour le moment: 100 à
150 millions de francs pour la SPEF ; 80 à 100 millions
de francs pour ABN-Amro-Venture.
III. L'ASSOUPLISSEMENT DES CONDITIONS DE DÉTENTION DES ENTREPRISES
ÉLIGIBLES AU FINANCEMENT PAR UN FCPI
Le régime des FCPI est bâti pour bénéficier à
d'authentiques jeunes PME innovantes, de façon à éviter
son détournement au profit de filiales créées de toutes
pièces à cette fin par de grands groupes, risque qui existe dans
la plupart des dispositifs réservés aux PME.
C'est pourquoi une entreprise ne peut être financée que si elle
est détenue majoritairement par des personnes physiques ou par des
personnes morales elles-mêmes détenues totalement par des
personnes physiques.
A l'expérience, cette condition est jugée draconienne par les
établissements de crédit tentés de se lancer dans
l'aventure. En effet, la principale difficulté du capital-investissement
est la sélection des entreprises où investir : celles ayant
un fort potentiel sont rares par nature et cette rareté est
accentuée par les conditions législatives et
réglementaires.
Aussi le présent article propose-t-il de ne pas tenir compte, pour
l'appréciation du critère de détention par les personnes
physiques, de l'éventuelle participation de deux types
d'investisseurs
:
- certaines sociétés, à savoir : les
sociétés de capital-risque, les sociétés de
développement régional et les sociétés
financières d'innovation. Ces trois types de sociétés ont
en effet pour objet de prendre des participations dans des PME, notamment
innovantes. La levée de la condition n'intervient toutefois que s'il n'y
a pas de lien de "dépendance" entre l'entreprise à financer par
le FCPI et l'une ou l'autre de ces sociétés. Par
dépendance on entend un lien de détention majoritaire du capital,
ou un lien de subordination (majorité des droits de vote, pouvoir de
contrôle), ou l'appartenance à un même groupe de
sociétés ;
- les fonds communs de placements à risque et les fonds communs de
placements dans l'innovation eux-mêmes. Votre rapporteur
général rappelle à ce sujet que les FCP sont des
copropriétés de valeurs, donc dénués de la
personnalité morale. Ils peuvent toutefois être eux-mêmes
détenus majoritairement par des personnes morales (caisses de retraite,
compagnies d'assurance, entreprises...). C'est très souvent le cas des
FCPR.
Votre rapporteur général observe que cet assouplissement est
analogue aux conditions posées par les articles 50 et 51 du projet
de loi de finances pour bénéficier respectivement du
régime des bons de souscription de parts de créateurs
d'entreprises et du report d'imposition des plus-values mobilières en
cas de remploi des fonds dans une PME nouvelle.
Ce dispositif lèvera très certainement un obstacle important aux
possibilités d'investissement des FCPI : les PME françaises
innovantes sont peu nombreuses et les mêmes investisseurs en capital ont
tendance à se retrouver dans les différents tours de table.
De plus, cet assouplissement sera de nature à rassurer les personnes
physiques plaçant une fraction de leur épargne dans un FCPI, car
il est toujours plus confortable de savoir que plusieurs professionnels du
capital investissement ont la même analyse des possibilités d'une
entreprise.
Toutefois, votre rapporteur général considère qu'on
devrait aller plus loin dans deux directions
.
L'une est législative et relève du présent article
.
D'une part, l'assouplissement proposé devrait s'étendre aux
instituts régionaux de participation
mis en place par les
conseils régionaux et dont les activités sont très proches
de celles des SDR, et aussi aux
établissements publics à
caractère scientifique et technologique
13(
*
)
. Cette extension paraît
particulièrement souhaitable dans ce dernier cas. La Cour des comptes a
consacré, en juin dernier, un intéressant rapport aux EPST dans
lequel il apparaît que les prises de participations et les
créations de filiales font partie des instruments de valorisation de la
recherche utilisés par les établissements publics. Il y
apparaît également que dans certains cas des fonctionnaires
salariés des établissements publics détournent à
leur profit les résultats de recherche obtenus par
l'établissement en les commercialisant au sein d'entreprises qu'ils ont
créées eux-mêmes.
Il y a apparaît enfin, en filigrane, qu'il serait nécessaire de
développer les modes de passage à l'exploitation commerciale des
résultats de la recherche publique.
Celle-ci n'a aucunement vocation
à être non rentable par nature. L'association des EPST et du
secteur privé, au travers de FCPI, permettrait sans doute de faciliter
ce passage, grâce à l'obtention de financements qui font
défaut aux établissements publics et aussi grâce à
la fibre entreprenariale propre au secteur privé que nos chercheurs
n'ont pas nécessairement spontanément (ceux qui en sont
dotés ont malheureusement tendance à s'exiler).
D'autre part,
l'assouplissement devrait aussi s'étendre aux fonds
d'épargne retraite
créés par la loi
n° 97-277 du 25 mars 1997 créant les plans
d'épargne retraite. De par le monde aujourd'hui, les principaux
investisseurs dans les entreprises sont les fonds de pension américains,
britanniques et japonais. Une fraction, même minime, de leur actif est
placée dans le capital-investissement. Ce sont des partenaires patients,
souvent recherchés par les PME en phase de développement. Il sera
naturel que les fonds de pension français investissent dans les PME
innovantes
14(
*
)
. Il serait
dommage d'en interdire l'entrée aux FCPI sous ce motif.
Votre rapporteur général vous propose deux amendements en ce sens.
L'autre direction est réglementaire et concerne le délai dont
disposent les FCPI pour atteindre le seuil de 60 % d'actifs à
risques. Le décret d'application (n° 97-237 du 14 mars
1997) prévoit que le FCPI doit atteindre ce seuil avant la fin de
l'exercice suivant celui au cours duquel il est constitué
15(
*
)
, soit, deux ans, au plus. Ce
délai peut paraître suffisant à qui de sa vie n'a pas
géré un franc. Il est en revanche trop bref lorsqu'on
connaît les difficultés de montage, le temps d'expertise, les
recherches qui sont nécessaires à l'investissement de montants
toujours relativement faibles (quelques millions de francs) dans des PME, qui
plus est devant répondre aux multiples conditions
d'éligibilité aux FCPI. Ces délais sont coûteux et
pour les financer, il ne serait pas incohérent que les
sociétés de gestion disposent d'un an supplémentaire de
placements à moindre risque au sein du FCPI.
Décision de la commission : votre commission vous propose
d'adopter cet article ainsi amendé.