PREMIÈRE PARTIE -
DE LA DIFFICULTÉ DE RÉGLEMENTER
UN PHÉNOMÈNE NATUREL COMPLEXE
I. UN CONTENTIEUX JURIDIQUE QUI REPOSE SUR UNE INTERPRÉTATION RESTRICTIVE DE LA DIRECTIVE DU 2 AVRIL 1979 SUR LA CONSERVATION DES OISEAUX SAUVAGES
A. LES OBJECTIFS DE LA DIRECTIVE DU 2 AVRIL 1979 INTERPRÉTÉS DE FAÇON RESTRICTIVE PAR L'ARRÊT DE LA COUR DE JUSTICE EUROPÉENNE DU 19 JANVIER 1994
1. Les objectifs de conservation des oiseaux sauvages fixés par la directive du 2 avril 1979
La directive du 2 avril 1979 sur la conservation
des oiseaux sauvages s'applique à toutes les espèces d'oiseaux
vivant naturellement à l'état sauvage sur le territoire
européen des Etats membres de la Communauté. Les Etats ont pour
obligation, selon l'article 2 de la directive, de prendre
"
toutes
les mesures nécessaires pour maintenir ou adapter la population de
toutes les espèces d'oiseaux visées à l'article 1er
à un niveau qui corresponde notamment aux exigences écologiques,
scientifiques et culturelles,
compte tenu des exigences économiques
et récréationnelles "
. Afin d'atteindre cet objectif
de conservation des oiseaux sauvages, la directive précise aux Etats
membres le cadre dans lequel doivent être prises les mesures portant sur
la protection, la gestion, la régulation et l'exploitation des
espèces animales en question.
L'exigence de protection porte tant sur la protection des habitats que sur les
espèces elles-mêmes, en interdisant la destruction des nids, des
oeufs, ainsi que leur perturbation durant la période de reproduction et
de dépendance "
pour autant que la perturbation
ait un effet
significatif eu égard aux objectifs
de la directive
".
Les mesures à prendre s'appliquent aux différents facteurs qui
peuvent agir sur le niveau de population des oiseaux.
La pratique de la chasse constitue l'un des facteurs qui influent sur le
niveau de population des oiseaux, mais il s'agit également d'une
activité économique et récréationnelle dont il faut
tenir compte, selon l'article 2 de la directive, lors de la mise en oeuvre
de l'objectif de conservation des oiseaux.
- Dans l'esprit de la directive, la chasse est donc une activité
" admissible ", qui contribue par ses prélèvements
à la régulation de la population d'oiseaux sauvages, et qui a, de
plus, des effets secondaires favorables sur les espèces, notamment par
l'entretien des habitats naturels auquel contribuent les chasseurs.
- Néanmoins, pour respecter l'objectif de conservation des
espèces d'oiseaux sauvages, la directive précise que les
"
Etats membres doivent veiller à ce que la chasse de ces
espèces ne compromette pas les efforts de conservation entrepris dans
leur aire de distribution
" et respecte "
les
principes d'une
utilisation raisonnée et d'une régulation
équilibrée du point de vue écologique des espèces
d'oiseaux concernées
".
Le paragraphe 4 de l'article 7 de la directive précise les
éléments essentiels du régime d'encadrement de la pratique
de la chasse en indiquant que les espèces chassables ne doivent pas
être chassées pendant la période nidicole, ni pendant les
différents stades de reproduction et de dépendance.
De plus, s'agissant des espèces migratrices, celles-ci ne doivent pas
être chassées pendant leur période de reproduction et
pendant leur trajet de retour vers leur lieu de nidification.
Il convient donc de souligner que, conformément à l'article 189
du Traité CEE, la directive fixe des objectifs et décrit les
éléments essentiels d'un encadrement de la pratique de la chasse
permettant de s'assurer du respect des objectifs fixés, mais qu'elle ne
règle pas les modalités de mise en oeuvre de la directive. En
particulier, elle ne se prononce pas sur un calendrier d'ouverture et de
fermeture des périodes de chasse.
2. L'interprétation " apparemment restrictive " de l'arrêt de la Cour de justice des Communautés européennes du 19 janvier 1994
Recourant au mécanisme de " coopération
directe " institué par l'article 177 du traité
instaurant la Communauté européenne, le tribunal de Nantes a
posé, par jugement du 17 décembre 1992, trois questions
préjudicielles relatives à l'interprétation de
l'article 7, paragraphe 4, de la directive du 2 avril 1979,
concernant la conservation des oiseaux sauvages.
Ces questions préjudicielles étaient posées à
l'occasion de recours contre des arrêtés préfectoraux
fixant les dates de fermeture de la période de chasse, pris selon les
dispositions en vigueur avant l'adoption de la loi du 15 juillet 1994.
Les litiges portaient sur la conformité des dates de fermeture avec les
dispositions de la directive instituant la protection des oiseaux migrateurs
pendant leur trajet de retour vers leur lieu de nidification.
Les dates de fermeture de chasse fixées par ces arrêtés
préfectoraux appliquaient le principe posé par le commissaire du
Gouvernement Maryvonne de Saint Pulgent et repris par la jurisprudence du
Conseil d'Etat, en particulier dans une série d'arrêts rendus le
25 mai 1990. Selon ce principe, on pouvait considérer que la
protection des oiseaux sauvages était raisonnablement assurée,
dès lors que la date de fermeture proposée correspondait au
début de la période du " maximum d'activité
migratoire ", c'est-à-dire au moment où une proportion
" significative " d'oiseaux -environ 10 % de l'espèce-
prenait son envol vers les lieux de nidification. Ce qui voulait dire, a
contrario, qu'au moins 90% d'une espèce était
protégée.
L'arrêt de la Cour de justice des Communautés européennes
du 19 janvier 1994 se présente comme explicitant le principe
de protection complète des espèces en confirmant un
précédent arrêt qui avait condamné l'Italie, au
motif que cet Etat membre ne garantissait pas la protection " d'une
majorité d'oiseaux "
1(
*
)
.
En réaffirmant l'obligation d'une protection complète des oiseaux
migrateurs et du gibier d'eau pendant la période de migration
prénuptiale, la Cour considère que "
les méthodes
qui aboutissent à ce qu'un pourcentage donné des oiseaux d'une
espèce échappent à cette protection ne sont pas conformes
à cette disposition
".
Mais, au-delà de la condamnation de la " méthode des
10 % " appliquée par les préfets, la Cour ne propose
pas une méthode à l'exclusion de toute autre ; au contraire,
faisant une stricte application du principe de subsidiarité, elle
rappelle, ainsi que l'invitait l'avocat général, que "
le
choix de la méthode concrète servant à fixer la date de la
clôture de la chasse incombe aux Etats membres
".
Plus précisément, si la Cour reconnaît qu'une date unique
de clôture correspondant à celle fixée pour l'espèce
qui migre le plus tôt " garantit en principe " la
réalisation de l'objectif de protection complète de
l'espèce, elle admet expressément l'échelonnement des
dates de fermeture, à condition qu'il soit dûment motivé.
Dans ce cas en effet, la charge de la preuve appartient à l'Etat membre
; ce dernier, " sur la base de données scientifiques et techniques
appropriées à chaque cas particulier, doit prouver qu'un
échelonnement des dates de clôture de la chasse n'empêche
pas la protection complète des espèces d'oiseaux
concernées par cet échelonnement ".
B. LA PERSISTANCE DES CONTENTIEUX ADMINISTRATIFS MALGRÉ L'ADOPTION DE LA LOI DU 15 JUILLET 1994
1. Le contenu de la loi n° 94-591 du 15 juillet 1994 fixant les dates de clôture de la chasse des oiseaux migrateurs
Dans l'attente d'une modification de la directive
européenne sur la conservation des oiseaux sauvages, cette loi ajoute un
alinéa à l'article L.224-2 du code rural selon lequel il est
interdit de chasser "
en dehors des périodes d'ouverture de la
chasse fixées par l'autorité administrative
".
Ce nouvel alinéa, s'agissant des dates de clôture de chasse pour
les espèces de gibier d'eau et d'oiseaux de passage, s'inspire des
recommandations du Comité Ornis, qui seront rappelées ci-dessous,
pour fixer des dates de fermeture échelonnées sur l'ensemble du
territoire métropolitain.
Quatre dates sont ainsi retenues, qui tiennent compte de l'état de
conservation de l'espèce et de son statut de migrateur précoce ou
tardif selon que le début de la migration intervient avant ou
après le 20 février. Selon les espèces, la fermeture
est fixée au 31 janvier, au 10 février, au
20 février ou au dernier jour du mois de février.
Enfin, la loi du 15 juillet 1994 conserve un pouvoir
d'appréciation au préfet qui, après avis du Conseil
départemental de la chasse et de la faune sauvage, peut avancer les
dates de fermeture à condition que celles-ci interviennent avant le
31 janvier.
S'agissant des dates d'ouverture de chasse, dont le régime n'est pas
modifié par la loi du 15 juillet 1994, on peut rappeler, selon
les articles R-224-3, R-224-4 et R-224-6 du code rural, qu'en dehors des
périodes d'ouverture générale et s'agissant du gibier
d'eau, le ministre chargé de la chasse peut en autoriser la chasse avant
la date d'ouverture générale sur le domaine public maritime et
sur les fleuves, rivières, lacs, étangs et marais non
asséchés.
L'objet de cette loi était de faire cesser les contentieux en adoptant,
pour les dates de clôture du gibier d'eau, la méthode
proposée par le Comité Ornis. Force est de constater que le
contentieux n'a pas cessé, mais que les tribunaux sont loin d'être
unanimes dans leurs décisions.
2. La persistance des contentieux administratifs
a) Le contentieux sur l'ouverture anticipée de la chasse au gibier d'eau et aux oiseaux de passage
Comme il a été indiqué plus haut, la loi
du 15 juillet 1994 n'a rien modifié quant au régime
juridique des ouvertures anticipées de la chasse au gibier d'eau. Le
contentieux porte donc sur l'arrêté du ministre en charge de la
chasse qui fixe, pour chaque département, des dates d'ouverture
anticipée. On peut ainsi citer l'arrêt récent du Conseil
d'Etat en date du 13 juin 1997, qui, sur la requête de la Ligue
française pour la protection des oiseaux, annule l'arrêté
du 11 juillet 1990 du Secrétaire d'Etat auprès du
Premier ministre chargé de l'environnement, fixant la période
d'ouverture spécifique de la chasse au gibier d'eau dans le
département de la Côte d'Or.
Le Conseil d'Etat annule l'arrêté ministériel pour
méconnaissance partielle des objectifs de la directive du Conseil sur la
conservation des oiseaux sauvages, en se fondant sur un rapport conjoint du
Museum national d'histoire naturelle et de l'Office national de la chasse
établi en 1989 et d'un rapport d'experts établi en
octobre 1990. Selon ces rapports, il ressort que dans le
département de la Côte d'Or, en août, les canards colverts
n'ont pas achevé leur période de reproduction et de
dépendance, ce qui interdit de les chasser à partir du
4 août.
b) Le contentieux sur les dates de clôture de la chasse
La loi du 15 juillet 1994 n'a pas mis fin aux
recours déposés par les tribunaux, qui visent soit directement
l'arrêté préfectoral " recopiant " les
dispositions de l'article L.222-4 du code rural, soit la décision
du préfet qui, usant du pouvoir discrétionnaire que lui
reconnaît ce même article L.222-4, refuse de modifier ces
dates. Depuis le jugement du tribunal administratif de Grenoble du
12 décembre 1994, une trentaine de jugements ont
été rendus, mais il faut souligner, au vu de ces jugements, que
la question de la contradiction ou de la compatibilité entre la loi de
1994 et la directive du 2 avril 1979 sur la conservation des oiseaux
sauvages est loin d'avoir été tranchée de la même
manière par tous les tribunaux.
- Les tribunaux, excepté dans trois jugements, ont rejeté
comme irrecevable le recours direct présenté contre
l'arrêté préfectoral " recopiant " le contenu de
l'article L.222-4 du code rural.
- En revanche, les tribunaux ont accepté d'examiner les refus
explicites ou implicites opposés aux associations qui avaient
demandé au préfet de faire usage de son pouvoir
discrétionnaire pour avancer les dates de fermeture.
- Sur le fond, et en faisant application de la jurisprudence du Conseil
d'Etat depuis l'arrêt Nicolo rendu le 20 octobre 1989, le
tribunal considère qu'une loi jugée comme non compatible avec une
directive ne peut servir de fondement à un acte administratif qui se
trouve alors privé de base légale.
Mais les jugements n'ont pas tous eu la même appréciation de la
compatibilité ou de la non-compatibilité de la loi avec la
directive, car certains ont considéré comme scientifiquement et
techniquement fondées des analyses rejetées par d'autres.
- Les jugements des tribunaux administratifs sont également
partagés sur le point de savoir à qui incombe la charge de la
preuve. Certains considèrent que les associations n'apportent pas la
preuve que des circonstances locales justifiaient de déroger au
régime général de fermeture prévu par
l'article L.224-2 du code rural
2(
*
)
, alors que d'autres soulignent que le
préfet ne démontrait pas que l'échelonnement des dates
permettait dans son département ou en général une
protection complète des espèces
3(
*
)
. En pratique, tout dépend de la
valeur que les tribunaux confèrent aux analyses scientifiques du
Comité Ornis.
On peut donc conclure, à l'examen de ces différents jugements,
que la situation juridique est encore loin d'être claire s'agissant de la
pratique de la chasse au gibier d'eau en France, eu égard aux
obligations de la directive européenne.
C. AU NIVEAU EUROPÉEN, UNE PRISE DE CONSCIENCE DES DIFFICULTÉS D'APPLICATION DE LA DIRECTIVE SUR LA CONSERVATION DES OISEAUX SAUVAGES, QUI CONTRASTE AVEC L'ATTITUDE TRÈS NÉGATIVE DU GOUVERNEMENT FRANÇAIS
1. En 1994, la Commission européenne fait des propositions de modification qui se heurtent à l'hostilité du Parlement européen
a) La proposition de modification de l'article 7 paragraphe 4 de la directive du 2 avril 1979 sur la conservation des oiseaux sauvages transmise en février 1994
Consciente des difficultés d'interprétation
soulevées par l'interdiction de la chasse des espèces migratrices
pendant leur période de reproduction et pendant leur trajet de retour au
lieu de modification, la Commission européenne a proposé au
Parlement européen une modification de la directive. Il s'agissait pour
la Commission de préciser, dans un souci de clarté juridique et
de respect du principe de subsidiarité, le pouvoir d'appréciation
des Etats membres, tout en l'encadrant de critères précis.
Ces critères, fondés sur les conclusions du Comité Ornis
et des travaux d'experts scientifiques publiés en novembre 1993 devaient
permettre une gestion dynamique des espèces et assurer leur protection
complète pendant les périodes de reproduction et les trajets de
retour. La Commission proposait ainsi d'incorporer en annexe à la
directive les dispositions suivantes :
- dans le cas des espèces qui sont dans un bon état de
conservation et dont la migration débute avant le
20 février, la fin de la période de chasse intervient au
plus tard dans la décade qui suit la décade du début du
passage ;
- dans le cas des espèces qui sont dans un bon état de
conservation et dont la migration débute après le
20 février, ou dans le cas des espèces qui ne sont pas dans
un bon état de conservation et dont la migration débute avant le
20 février, la fin de la période de chasse intervient au
plus tard dans la même décade que le début du passage ;
- dans le cas des espèces qui ne sont pas en bon état de
conservation et dont la migration débute après le
20 février, la fin de la période de chasse intervient au
plus tard dans la décade qui précède le début du
passage.
b) Le rejet de cette proposition par le Parlement européen en février 1996 ne ferme pas néanmoins toute possibilité d'évolution
A une très faible majorité de 192 voix
contre 183, le Parlement européen a rejeté la proposition faite
par la Commission en adoptant la proposition du rapporteur, Mme Van Putten qui,
au mépris du principe de subsidiarité, durcit le texte du
paragraphe 4 de l'article 7 de la directive en imposant aux Etats
membres de clôturer la saison de la chasse pour les espèces
migratrices au 31 janvier au plus tard.
Cette proposition n'a pas été reprise par la Commission et le
Conseil des ministres, mais le débat n'est pas clos car la Commission
cherche à modifier sa proposition pour dégager une solution
acceptable par tous et conforme aux objectifs de la directive.
Dans l'attente de cette modification, la Commission recommande toujours aux
Etats membres d'utiliser la méthode dont les critères
étaient définis dans le projet d'annexe VI, comme l'indique une
réponse faite le 15 mars 1996 par Mme Bjerregard au nom de la
Commission à une question écrite posée par un
parlementaire européen
4(
*
)
.
Alors que ce dernier demandait si la Commission avait l'intention de
décider de la clôture de la chasse aux oiseaux migrateurs à
la fin du mois de janvier, la réponse réaffirme, au nom du
principe de subsidiarité, la compétence des Etats membres et
rappelle que "
la Commission a proposé le
1er mars 1994 des critères que les Etats membres peuvent
utiliser pour déterminer la fin des périodes de chasse pour les
espèces migratrices
".
Enfin, il convient d'indiquer que la Commission de l'Agriculture, avait
déposé un amendement sur les propositions de Mme Van Putten lors
des débats au Parlement européen. Cet amendement introduisait
pour les Etats-membres un régime dérogatoire au principe de
fermeture de la chasse au 31 janvier, qui autorisait la chasse d'une
espèce migratrice pendant une période maximale de quatre semaines
à compter du 31 janvier, à condition que cela n'emporte pas de
conséquences négatives sur la conservation de l'espèce
ainsi chassée et que cette dernière fasse l'objet d'un plan de
gestion.
L'amendement déposé par M. Hallam et la commission de
l'agriculture définissait également, dans une proposition
d'annexe VI de la directive, la définition de ces plans de gestion : en
se fondant sur les meilleurs données disponibles concernant
l'espèce visée, ils doivent prévoir un système de
recherche et de suivi et inclure au besoin des mesures destinées
à compenser l'impact de la chasse sur la reproduction des espèces
à savoir, prévoir des zones interdites de chasse ou encore des
limitations des heures de chasse ou des quotas de prélèvements.
Il est donc loin d'être prouvé que la commission
européenne s'oriente vers un durcissement de la directive sur la
conservation des oiseaux sauvages s'agissant de la pratique de la chasse. Il
est encore possible d'obtenir que, dans le respect du principe de
subsidiarité, les Etats membres puissent mieux tenir compte des
circonstances locales, tout en respectant les objectifs de la directive.
En ce qui concerne la France, on peut rappeler qu'elle fait une stricte
application des recommandations du comité Ornis à travers la loi
du 15 juillet 1994, mais qu'elle se trouve, dans le même temps,
attaquée pour non respect de la directive. Or, à l'examen des
griefs énoncés par la Commission à son encontre, on est
surtout frappé par l'attitude inexplicable et inacceptable du
Gouvernement français qui n'a transmis aucun des éléments
d'information demandés par la commission.
2. L'Etat français mis en demeure pour non-transposition de la directive sur la conservation des oiseaux sauvages
En novembre 1997, la Commission européenne estimant,
dans l'état actuel de son information, que la République
française ne transposait pas correctement la directive du Conseil sur la
conservation des oiseaux sauvages, adresse au Gouvernement français une
mise en demeure à laquelle il doit répondre dans un délai
de deux mois.
Il s'agit de la première étape dans la procédure de
contentieux en droit communautaire, qui peut conduire à la condamnation
de la France par la Cour de justice des Communautés européennes,
assortie d'une astreinte, dont la Commission propose le montant.
Premièrement, dans cette lettre de mise en demeure, la Commission
critique les modes de fixation des périodes de chasse en France.
- S'agissant des dates d'ouverture anticipée, la commission
relève que l'article R 224-6 du code rural ne transpose pas le
principe général relatif à l'interdiction de la chasse
pendant la période nidicole et pendant les périodes de
reproduction et de dépendance. Elle considère alors qu'il n'est
pas possible de déterminer si les arrêtés
ministériels d'ouverture anticipée sont pris en fonction
d'éléments scientifiques et techniques qui assurent une
protection complète des espèces chassées.
- En ce qui concerne les dates de clôture de la chasse, la
commission prend acte des modifications intervenues dans la loi du
15 juillet 1994 et fixant un régime échelonné de
fermetures de la chasse selon les espèces.
Mais, en se fondant sur les travaux les plus récents du comité
Ornis (septième réunion du groupe de travail scientifique du
comité Ornis du 26 novembre 1996), elle considère que
vingt espèces migratrices chassables en France sont dans un état
de conservation défavorable et qu'a priori, selon l'article L.224-2
du code rural, douze d'entre elles sont chassables jusqu'au
28 février, ce qui est contraire aux recommandations du
comité.
De plus, elle dénonce le caractère facultatif du pouvoir dont
dispose le préfet pour déroger aux dates fixées par la
loi, en soulignant que rien n'oblige le préfet à avancer les
dates de clôture, même en présence de données
scientifiques et techniques prouvant le début d'une migration.
Deuxièmement, la Commission souligne l'attitude très
négative des autorités françaises dans leur refus de
transmettre les éléments d'informations qu'elle demandait.
Ainsi, il est fait référence à une réunion sur les
précontentieux environnementaux, tenue à Paris en mai 1997,
au cours de laquelle les services de la Commission ont demandé
communication du rapport d'information, prévu par l'article 2 de la
loi du 15 juillet 1994 et des rapports scientifiques
rédigés par l'Office national de la Chasse et le Museum National
d'Histoire naturelle, devant servir de base au rapport destiné au
Parlement. Or, ces rapports n'ont jamais été transmis.
S'agissant du rapport prévu par l'article 2 de la loi du
15 juillet 1994, il faut déplorer, alors même qu'il aurait
dû être déposé en juillet 1996 sur le bureau des
Assemblées qu'il ne soit toujours pas rédigé ; mais
le plus pénalisant, dans le contentieux qui oppose la France à la
Commission européenne, c'est que le Gouvernement français n'a pas
transmis en mai 1997 les deux rapports scientifiques publiés en
décembre 1996 pour celui de l'Office national de la chasse, et en
mars 1997 pour celui du Museum National d'Histoire naturelle.
Ce manque de transparence affaiblit très fortement la position de notre
pays vis-à-vis de la Commission, et on peut même se demander si le
Gouvernement français n'a pas renoncé volontairement à
négocier, au risque d'être condamné au niveau
européen, pour pouvoir imposer ensuite en droit français un
dispositif juridique unique simplificateur et terriblement réducteur eu
égard à la complexité du phénomène des
migrations.