II. LA POSITION DE VOTRE COMMISSION
A. LES RECOMMANDATIONS DE VOTRE COMMISSION
Votre commission est convaincue de la nécessité
de parvenir à la définition, en droit français, d'un
dispositif cohérent et pérenne qui prenne en compte les
intérêts des chasseurs tout en assurant la mise en oeuvre des
objectifs de la directive du 2 avril 1979 sur la conservation des oiseaux
sauvages.
Conformément au principe de subsidiarité réaffirmé
à plusieurs reprises par la Commission européenne sur le sujet,
c'est aux Etats-membres d'adapter leur réglementation en fonction des
rythmes biologiques des différentes espèces et de leurs
périodes de passage sur leurs territoires respectifs.
Pour ces deux raisons -juridique et scientifique- il convient de rejeter avec
force l'idée d'une date de clôture de la chasse unique pour toute
l'Europe communautaire. Ceci remettrait en question l'équilibre
même de la directive qui repose sur la distinction entre espèces
protégées et espèces chassables, et ne serait pas conforme
au principe d'utilisation rationnelle des ressources que cette même
directive défend.
B. LE DISPOSITIF PROPOSÉ PAR LA COMMISSION COMPLÈTE LE CONTENU DES PROPOSITION DE LOI N°S 346 RECTIFIÉ ET 359
C'est pourquoi votre commission vous propose de reprendre le
contenu des propositions de loi n°
s
346 rectifié et
359, en y ajoutant un dispositif permettant d'assurer une gestion dynamique des
espèces pouvant être chassées au-delà du
31 janvier.
S'agissant des dates d'ouverture anticipée de la chasse, votre
commission vous propose d'adopter le tableau inscrit à l'article L.224-2
du code rural par les propositions de loi précitées et qui se
fonde sur la date moyenne des derniers envols constatés sur les
cinq années précédentes, ce qui correspond à
l'indépendance globale des oiseaux.
En ce qui concerne l'échelonnement des dates de fermeture du gibier
d'eau et des oiseaux de passage, la commission vous propose de retenir le
dispositif mis en place par la loi du 15 juillet 1994 et repris par
les deux propositions de loi précitées qui propose quatre dates
de fermeture échelonnées, à savoir le 31 janvier, le
10 février, le 20 février et le dernier jour du mois de
février.
Ce dispositif suit très exactement les propositions du comité
scientifique Ornis et n'a été récusé ni par la Cour
de Justice des Communautés européennes, ni par la Commission
européenne, qui en recommande au contraire la méthode, ni par les
tribunaux, pour ceux d'entre eux qui ont pris le soin de procéder
à un examen attentif du dossier.
S'agissant de la répartition des espèces autour de ces
différentes dates, il convient de s'assurer qu'elle est conforme aux
recommandations scientifiques et techniques les plus récentes pour
être inattaquable. Les dates proposées par les deux propositions
de loi répondant à ce souci, il vous est donc proposé de
les reprendre à l'exception de la sarcelle d'été dont la
date de fermeture resterait fixée au 20 février. Il s'agit
en effet de la seule espèce d'oiseau migrateur, dont la zone d'hivernage
se trouve exclusivement en Afrique. Tout passage d'oiseaux de cette
espèce correspond donc à un début de migration, sans que
l'on puisse prétendre à un chevauchement de zone. En
conséquence, conformément à l'objectif de protection
totale de l'espèce pendant la période de migration, il ne faut
pas allonger sa période de chasse au-delà du
20 février.
Votre commission vous propose, de plus, d'assortir ce mécanisme de
fermeture échelonnée de la chasse, de l'obligation de mettre en
place des plans de gestion pour les espèces ne bénéficiant
pas d'un statut de conservation favorable et chassées entre le
31 janvier et le 28 février.
Cette proposition s'inspire très directement de l'amendement
proposé par la commission de l'agriculture du Parlement européen
en mars 1996, qui pourrait d'ailleurs constituer la trame des nouvelles
propositions de modifications de la directive faites par la Commission
européenne.
Il s'agit d'une démarche qui présente des analogie avec les plans
de chasse, qui sont de droit sur tout le territoire national pour les grands
animaux tels que cerfs, biches, daims, mouflons et chevreuils et peuvent
être étendus à d'autres espèces, notamment les
chamois et isards dans les zones de montagne, par l'autorité
administrative (article L.225-3 du code rural).
Certains départements expérimentent également ce
mécanisme des plans de chasse afin de favoriser la protection et le
repeuplement du petit gibier. Il en est ainsi du département de la
Manche où les plans de chasse concernent la perdrix grise, le
lièvre, la bécasse et le gibier d'eau.
Ces plans de chasse fixent des jours et heures de chasse et déterminent
des prélèvements maximum autorisés. Ces quotas de
prélèvement sont d'ores et déjà en vigueur dans une
trentaine de départements s'agissant de la bécasse et de la grive.
Il s'agit en définitive, à travers des plans de gestion
appliqués aux espèces d'oiseaux, qui ne sont pas dans un
état de conservation satisfaisant et qui sont chassées au mois de
février de permettre une gestion rationnelle de ces espèces. En
se fondant sur l'état de conservation des espèces estimé
à partir des meilleures données scientifiques et locales
disponibles, une organisation équilibrée de la chasse,
décidée localement et arbitrée par l'autorité
administrative, permettrait d'agir en tant que de besoin sur les
périodes comme sur les prélèvements effectués,
ainsi qu'éventuellement sur la réglementation des modes de
chasse. Ces plans de gestion, au-delà des mesures limitant les heures de
chasse ou les prélèvements, pourront décider de mesures de
prévention ou de restauration des milieux en développant les
réserves de chasse, ou en décidant des mesures de sauvegarde des
biotopes.
C. LA POSITION RÉSERVÉE DE LA COMMISSION SUR LES DISPOSITIONS DIVERGENTES OU SUPPLÉMENTAIRES DE LA PROPOSITION DE LOI N° 153
A l'article premier, s'agissant du dispositif relatif
à l'ouverture et à la fermeture des périodes de chasse,
proposé par la proposition de loi n° 153, le tableau
légalisant les dates d'ouverture anticipée est identique à
celui des deux autres propositions de loi. Il est donc pris en compte dans la
proposition de la commission, sauf en ce qui concerne le département du
Calvados.
La commission observe par ailleurs que sa proposition de plan de gestion va
dans le sens des recommandations énoncées dans l'exposé
des motifs de la proposition de loi n° 153.
En revanche, à l'article 2, votre commission ne peut retenir
le dispositif simplifié d'échelonnement des dates de fermeture
autour du 31 janvier et du dernier jour de février, parce qu'il ne
correspond pas, selon elle, aux données scientifiques et techniques les
plus récentes.
En ce qui concerne la reconnaissance des modes de chasse traditionnels
proposés par le dernier alinéa de l'article 2 et
l'article 3, votre commission ne souhaite pas modifier le contenu de
l'article L.224-4 au code rural, qui donne autorité au ministre
chargé de la chasse pour fixer les conditions dans lesquelles les
chasses traditionnelles peuvent s'exercer.
A propos de l'article 4, qui modifie les règles relatives au
transport et à la vente de gibier d'eau, votre commission relève
qu'une réflexion est en cours au ministère de l'environnement sur
l'utilisation des appeaux et appelants vivants, et qu'il conviendrait d'en
attendre les conclusions, avant de légaliser sans restriction le
transport des appelants.
De plus, elle observe que la rédaction proposée par
l'article 4 de l'article L.224-6 -et non de l'article L.226-6-
du code rural interdit de fait la commercialisation autorisée
jusqu'à présent du canard colvert et du pigeon ramier.
S'agissant enfin de la légalisation de la liste des espèces
dont la chasse est autorisée, prévue par l'article 5, la
commission préfère s'en tenir au dispositif de
l'arrêté du 26 juin 1987 modifié, qui
présente l'avantage de pouvoir être plus aisément mis
à jour en fonction des dernières données scientifiques
disponibles. Plus précisément, il ne lui semble pas opportun
d'autoriser la chasse de la bernache cravant, alors qu'au regard de
l'annexe II de la directive du 2 avril 1979, il ne s'agit pas
d'une espèce reconnue comme chassable en France.
Enfin, elle rappelle que le bruant ortolan, le pinson du nord et le pinson des
arbres ne sont pas classés comme gibier au niveau européen.
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Votre commission des affaires économiques a conclu à l'adoption de la proposition de loi dans la rédaction qu'elle vous soumet.