B. LA MISE EN OEUVRE DE LA COOPÉRATION FRANCO-ALBANAISE
Le traité évoque successivement les diverses coopérations dont la mise en oeuvre est encouragée, dans les domaines de la culture et de la francophonie, de l'économie et de la finance, des institutions publiques, de la police, ainsi qu'en matière militaire.
1. La coopération culturelle et la francophonie : des atouts à valoriser
L'article 10 du traité vise les actions de
coopération dans les domaines de la science, de la technique et de la
culture en mettant l'accent sur les actions de formation. Il mentionne les
formations linguistiques, la coopération entre établissements
d'enseignement supérieurs et de recherche, la communication
audiovisuelle et la diffusion du livre et de la presse.
Il convient de souligner que
les relations culturelles avec l'Albanie n'ont
jamais été interrompues
, notamment en raison du maintien de
bourses de longue durée qui permettaient à des étudiants
albanais de se former en France.
Favorisé par le lycée français de Korca, entre 1917 et
1939,
l'enseignement du français
s'est poursuivi sous la
dictature d'Enver Hoxha, lui même enseignant dans ce lycée. On
estime qu'aujourd'hui,
plus de 30 % de la population parle le
français
, la langue française occupant une place de tout
premier ordre chez les principaux dirigeants politiques du pays. Même
s'il a perdu sa première place au profit de l'anglais,
le
français est étudié par le tiers des collégiens et
des lycéens
, ainsi que par plus de 1300 jeunes enfants
bénéficiant de l'opération "français
précoce". L'Albanie compte 700 enseignants de français
regroupés dans l'Association des professeurs de français
d'Albanie. L'Albanie vient d'être admise comme observateur dans les
structures des Etats ayant le français en partage.
En regard de cette permanence remarquable du fait francophone,
les moyens
dévolus à notre coopération culturelle, scientifique et
technique paraissent très modestes pour ne pas dire très
insuffisants
, l'ouverture de l'Albanie à l'extérieur risquant
paradoxalement de réduire la place du français,
préservée durant les années d'isolement.
Les crédits d'intervention
au titre de la coopération
culturelle, scientifique et technique
n'ont cessé de se
réduire
, passant de 8,1 millions de F en 1994 à 5,8
millions de F en 1995, 5,6 millions de F en 1996 puis 4,1 millions de F en
1997. Cette évolution très défavorable résulte
à la fois du contexte budgétaire général mais aussi
de mesures de régulation qui ont affecté de manière plus
sévère les actions de coopération avec l'Albanie. Il est
vrai que dans les années qui ont suivi l'accession de l'Albanie à
la démocratie, celle-ci était relativement
privilégiée, avec une aide par habitant des plus
élevée pour la région. L'évolution des
crédits depuis 1994 a ramené l'Albanie à un niveau
comparable à celui d'autres pays de la région dans lesquels,
cependant, on ne retrouve pas une aussi forte position du français Cette
orientation ne paraît donc pas opportune dans un pays où le fait
francophone constitue une réalité trop ignorée.
L'enveloppe spécifiquement consacrée à la
coopération linguistique en 1996 est de l'ordre de 1,4 million de F.
Elle est consacrée à l'octroi de bourses pour des
professeurs-formateurs, à l'opération "français
précoce" dans l'enseignement primaire, à la diffusion de livres
dans les lycées, à la mise en place de cours de français
de spécialité et au soutien aux établissements enseignant
le français
Une Alliance française est installée à Tirana depuis 1992.
Elle dispose de deux antennes dans le nord (Shkodra) et le centre (Elbasan) du
pays, une troisième devant être ouverte dans le sud-est
(Korça). L'Alliance française accueille plus de 1 600
étudiants.
Il n'existe pas de
centre culturel français
en Albanie.
Toutefois, il est envisagé de créer à Tirana un espace
culturel réunissant le bureau de coopération linguistique et
éducative, un centre de ressource et l'Alliance française, dans
de nouveaux locaux. On doit souligner que compte tenu de la possibilité
de recruter du personnel local francophone, le coût de fonctionnement
d'un centre culturel ne serait pas considérable, et paraît
même tout à fait à la portée de notre pays. Il
répond à un besoin évident lié à la fois
à la place remarquable du français en Albanie et à
l'absence d'infrastructures culturelles de qualité. Il y aurait donc
tout intérêt à ce que la création d'un centre
culturel français doit désormais une priorité pour notre
coopération.
La
création d'un établissement d'enseignement
franco-albanais
, sous la forme d'une réouverture du lycée
français de Korça, est régulièrement
évoqué par les autorités albanaises. Compte tenu du
coût de réalisation et de fonctionnement d'un tel
établissement, et de l'absence d'une communauté française
expatriée en Albanie, à l'exception du personnel de l'ambassade
et de quelques coopérants, cette création ne semble pas
envisageable à court terme. Il paraît en revanche tout à
fait réaliste de développer des
filières d'enseignement
en français
, avec des enseignants albanais ayant
bénéficié de stages de formation en France. Ces
filières pourraient voir le jour dans un lycée de Tirana et
également à Korça. Votre commission souhaite la mise en
oeuvre effective, et dans les meilleurs délais, de cette solution
pragmatique, qui permettrait d'obtenir des résultats rapides
répondant aux aspirations des autorités albanaises, très
attachées à la présence d'un enseignement en
français en Albanie.
Dans le domaine audiovisuel, un programme d'installation de
réémetteurs est en cours afin de favoriser la retransmission de
TV5 par voie hertzienne. Parallèlement, un accord avec la
télévision albanaise permet la diffusion d'émissions de
CFI.
Il faut enfin signaler qu'un nombre important de projets de coopération
scientifique et universitaire ont vu le jour entre des universités
françaises et l'université albanaise dans le domaine des sciences
exactes, de la géologie, de la philosophie et des sciences
économiques, la France offrant par ailleurs des bourses pour chercheurs
albanais post-doctoraux dans le cadre de projets de recherche
d'intérêt commun.
2. La coopération technique, administrative et institutionnelle : une action très diversifiée
L'article 9 énumère un certain nombre de
domaines (coopération juridique, technologies, équipement et
transports, télécommunications, industrie, mines, agriculture et
agro-alimentaire, affaires sociales, santé, environnement, tourisme)
"qui revêtent une importance particulière"
pour l'avenir
des deux parties et dans lesquelles elles entretiennent une coopération
étroite.
Plusieurs actions répondant à cette définition très
large ont déjà été mises en place. La
coopération administrative
a essentiellement concerné
l'organisation des pouvoirs locaux, inspirée du modèle
français. En matière de
santé
, la
coopération porte sur la formation médicale et
l'équipement sanitaire. La
coopération agricole
est elle
aussi très active, surtout dans la région de Korça et
comporte des actions en direction du réseau hydraulique, de la
formation, de la recherche agronomique et de l'élevage.
La
coopération en matière de police
est
spécifiquement mentionnée par l'article 12 du Traité, qui
évoque l'échange de fonctionnaires en vue de développer la
formation, ainsi que les échanges d'information pour lutter contre le
crime organisé, les trafics illicites et le terrorisme international.
Les actions en cours concernent la formation au contrôle de l'immigration
et à la détection des faux documents.
L'article 11 du Traité évoque la
coopération
institutionnelle
entre les Parlements des deux Etats et entre les
collectivités locales. Des contacts ont été établis
par les Parlements des deux pays et à la suite du déplacement,
l'an passé, du Président du Sénat à Tirana,
plusieurs fonctionnaires parlementaires albanais ont été
accueillis en stage par le Sénat français. Un groupe
d'amitié parlementaire avec la France vient d'être
constitué au sein du Parlement albanais, qui est également
représenté au sein de l'Assemblée internationale des
parlementaires de langue française (AIPLF).
3. La coopération militaire : un niveau très modeste
L'article 6 exprime la volonté des deux parties de
développer et d'approfondir leurs relations sur le plan militaire et de
procéder à des échanges de vues sur leurs conceptions dans
le domaine militaire.
Cette coopération s'est officialisée en mars 1996 et se limite
pour le moment à l'envoi de stagiaires albanais en France. Elle reste
très en-deçà des besoins de l'armée albanaise et
paraît bien réduite par rapport aux liens qui ont pu se tisser,
sur le plan militaire, entre l'Albanie et d'autres partenaires européens
tels que l'Italie ou l'Allemagne, mais aussi la Turquie et la Grèce.
Il faut signaler que l'Albanie, qui revendique l'objectif d'intégration
dans l'Alliance atlantique, a été parmi les premiers signataires
du
partenariat pour la paix
en février 1994. Dans ce cadre, elle
a participé à plusieurs exercices militaires et a envoyé
de nombreux stagiaires dans divers pays de l'OTAN. Un programme individuel a
été établi au début de 1996. Il prévoit des
coopérations dans le domaine du maintien de la paix, du contrôle
démocratique des forces armées et le renforcement de
l'interopérabilité des unités albanaises avec celles de
l'OTAN. Un nouveau programme a été arrêté le 28
août 1997 pour parer aux besoins les plus pressants, à la suite de
l'effondrement de l'armée albanaise. Il est orienté vers la
formation des personnels et donnera lieu à 12 missions d'expertise de
l'OTAN d'ici le début de l'année 1998.
La participation de l'Albanie au partenariat pour la paix et les
coopérations avec plusieurs pays de l'OTAN qui en découlent, ne
soulignent qu'avec plus de netteté la modestie de notre engagement
actuel dans le domaine de la coopération militaire.
Deux éléments viennent toutefois tempérer ce constat :
- l'action très appréciée menée par le contingent
français qui a participé à l'opération Alba d'avril
à août 1997,
- la présence de gendarmes français au sein de l'Elément
multinational de conseil en matière de police mis en place par l'UEO,
dirigé par un colonel de gendarmerie français.
4. Les relations économiques : des perspectives encore limitées
L'article 8 du traité encourage les deux Etats à
développer leurs relations économiques et financières,
à établir des liens directs entre leurs opérateurs
économiques, à soutenir les projets de coopération
impliquant les PME et à favoriser des investissements directs, la
création de sociétés mixtes, les échanges de
savoir-faire et la formation des acteurs de la vie économique. Il
mentionne également leur volonté d'établir une
coopération appropriée pour contribuer au développement en
Albanie d'une économie de marché et pour mettre en place le cadre
administratif et juridique nécessaire.
Un
accord d'encouragement et de protection réciproques des
investissements
est entré en vigueur en 1995 et un protocole tendant
à éviter les doubles impositions est en cours de
négociation.
Pour le moment, les relations économiques et financières
franco-albanaises sont encore très modestes, notamment au regard de
celles qui se développent entre l'Albanie et ses deux partenaires
principaux : l'Italie et la Grèce. La France n'est que le 6e partenaire,
derrière ces deux pays, mais aussi l'Allemagne, la Turquie et l'Autriche.
Les échanges commerciaux sont caractérisés par un fort
excédent en faveur de la France et une
progression rapide des
exportations françaises
. Celles-ci étaient de 63 millions de
F pour 1995 et de 140 millions de F en 1996. Sur cette même
période, les importations en France de produits albanais sont
restées stables (34 millions de francs en 1995, 39 millions de francs en
1996).
Les principaux projets d'investissements suivis par les entreprises
françaises en Albanie concernent l'hôtellerie, les centrales
hydroélectriques, la téléphonie, les aménagements
portuaires et les transports.
Il est clair que les événements récents ne sont pas de
nature à inciter les investisseurs à s'intéresser à
l'Albanie, pays où le risque politique et économique paraît
élevé.
L'Albanie s'engage toutefois, avec l'aide de la communauté
internationale, sur la voie de sa reconstruction économique et à
ce titre, les besoins sont considérables. On peut espérer que les
entreprises françaises pourront profiter des opportunités
offertes par la reprise de l'aide internationale et l'octroi de financements
multilatéraux pour les opérations qui seront
réalisées dans les domaines portuaire, routier,
hydroélectrique ou encore téléphonique.
A cet égard, il est très regrettable que le poste d'expansion
économique ait été pratiquement mis en sommeil, en
l'absence de nomination d'un conseiller financier.