Mesdames, Messieurs,
La proposition de loi qui nous est soumise apporte des aménagements de
nature diverse et de portée variable à la loi du 16 juillet
1984 relative à l'organisation et à la promotion des
activités physiques et sportives.
Elle comporte quatre articles qui concernent respectivement les conditions
d'homologation des enceintes sportives, l'extension du champ d'application de
la peine complémentaire d'interdiction de stade, les conditions
d'exercice de la liberté de prestation de services d'éducateur
sportif, et l'accès du public à l'information sportive.
On le sait, les lois " portant diverses mesures "
constituent un
exercice difficile, et l'on s'aperçoit trop souvent, après coup,
qu'elles n'ont apporté que des solutions imparfaites, voire un peu
improvisées et en tout cas rarement définitives à des
problèmes qui n'avaient pas toujours été bien
posés. De plus, elles sont inévitablement
considérées comme urgentes, le plus souvent examinées en
urgence, et l'urgence est, surtout en matière législative,
rarement bonne conseillère.
Pour être ponctuelles, les mesures incluses dans la proposition de loi
n'en n'abordent pas moins des questions -sécurité des enceintes
et des manifestations sportives, libre circulation des éducateurs
sportifs au sein de la Communauté européenne, liberté de
communication- qui ne peuvent être traitées à la
légère.
L'article premier pose, à propos de l'homologation des enceintes
sportives, le problème des textes jugés indispensables et
adoptés en urgence et qui, plusieurs années après leur
adoption, ne sont toujours pas appliqués et déjà remis sur
le métier.
L'article 2 qui prévoit, dans la perspective de la Coupe du monde de
football, d'étendre le champ d'application de la peine
complémentaire d'interdiction de stade, s'inscrit dans un débat
sur la politique de prévention et de répression de la violence
dans les stades qui, au-delà de son volet répressif, pose aussi
le problème de la répartition des responsabilités en
matière de prévention entre les pouvoirs publics, les
fédérations et les clubs sportifs.
L'article 3, qui encadre l'exercice par des ressortissants européens de
prestation de services d'éducateur sportif, soulève le
problème plus large de la liberté de circulation des
éducateurs sportifs et du maintien du niveau de l'encadrement sportif en
France.
L'article 4 remet en question l'équilibre réalisé en
1992, grâce à un travail commun et approfondi des deux chambres du
Parlement, entre le droit du public à l'information sportive et ceux des
détenteurs des droits d'exploitation des manifestations sportives, et
des dispositions législatives qui reprenaient et prolongeaient l'effort
de concertation déjà consenti sous l'égide du CSA pour
mettre fin à des abus contestables.
En dépit de la brièveté des délais dont elle a
disposé, votre commission s'est attachée à analyser en
profondeur les problèmes auxquels tentent de répondre les mesures
proposées et s'est efforcée de leur apporter les solutions qui
lui ont paru les plus équilibrées.
La ministre de la jeunesse et des sports a annoncé son intention de
déposer dans les prochains mois sur le bureau du Parlement un projet de
loi proposant une réforme d'ensemble de la loi de 1984. Ce sera sans
doute l'occasion d'une véritable réflexion de fond sur les
adaptations nécessaires de la législation française sur le
sport.
Il faut donc souhaiter que la proposition de loi qui nous est soumise soit le
dernier essai avant transformation.
*
* *
EXAMEN DES ARTICLES
Article premier
(article 42-1 de la loi
n° 84-610 du 16 juillet 1984)
Modification des dispositions
relatives
aux conditions d'homologation
I. Commentaire du texte adopté par
l'Assemblée nationale
Cet article, qui modifie l'article 42-1 de la loi de 1984 (conditions
d'homologation des enceintes sportives), comporte deux paragraphes. Le premier
prévoit une exception à l'obligation de ne prévoir que des
places assises dans les tribunes des enceintes sportives ; le second
proroge le délai au terme duquel devront être homologuées
les enceintes sportives ouvertes avant le 31 décembre 1995.
1) Dispositions relatives à la sécurité dans les
tribunes
Dans sa rédaction actuelle, le cinquième alinéa de
l'article 42-1 de la loi de 1984 prévoit que "
seules des
places assises peuvent être prévues dans les tribunes
".
Cette disposition répond à la volonté d'assurer la
sécurité des spectateurs dans les tribunes en limitant le nombre
de places par tribune et en prévoyant une répartition
homogène des spectateurs dans la tribune. Cette obligation constitue une
des conditions de l'homologation et s'impose à toutes les tribunes
permanentes et provisoires, quels que soient l'enceinte sportive et le type de
compétition concerné.
Le paragraphe I de l'article premier de la proposition de loi propose :
- d'introduire une exception à cette obligation pour les circuits de
vitesse accueillant des compétitions de véhicules terrestres et
de bateaux à moteur sous réserve que leur utilisation soit
conforme à leur destination et sur avis conforme des commissions
spécialisées compétentes ;
- de préciser que les tribunes ne peuvent accueillir
simultanément un nombre de spectateurs supérieur au nombre de
places dont elles disposent.
* La première de ces mesures tend, selon les auteurs de la proposition
de loi, à adapter la législation aux cas des compétitions
de véhicules à moteur dont la durée conduit leurs
spectateurs à souhaiter se déplacer le long du circuit et changer
de place pendant la compétition.
Outre qu'il apparaît paradoxal d'invoquer la durée d'une
compétition pour justifier que les spectateurs ne puissent disposer de
places assises, cette mesure appelle les observations suivantes :
L'obligation prévue à l'article 42-1 n'interdit en rien de
prévoir des places debout en dehors des tribunes, dans des espaces
aménagés ou non, voire sur des podiums. Il n'interdit pas non
plus aux spectateurs des tribunes de se lever ou de changer de tribune au cours
d'une manifestation. Dans ces conditions, la mobilité des spectateurs de
courses de véhicules à moteur ne paraît pas incompatible
avec l'obligation de prévoir des places assises dans les tribunes.
Cette obligation n'impose, par ailleurs, que le marquage de places
individualisées sur les gradins ou sur des bancs continus et non
l'installation de sièges séparés, autrement dit des
aménagements limités dont le coût semble raisonnable eu
égard aux enjeux de sécurité, même s'ils peuvent
avoir pour conséquence de réduire le nombre des places en tribune
conformément à l'objectif visé par le législateur
en 1992. La transformation de places debout en places assises a, en effet, pour
objet de prévenir, quels que soient le comportement des spectateurs ou
la discipline considérée, les risques de bousculade,
d'entassement et de panique des spectateurs, voire de
déséquilibre de la structure des tribunes.
L'introduction d'une exception pour les circuits de vitesse en raison de la
durée des compétitions et de la mobilité de leurs
spectateurs présente, en outre, le risque de s'étendre à
terme à d'autres disciplines. Les motifs invoqués valent en effet
pour toutes les compétitions d'une certaine durée,
organisées dans des enceintes de grandes dimensions dont les spectateurs
souhaitent pouvoir se déplacer pour suivre la compétition selon
des angles différents, en différents points de l'enceinte ou pour
suivre des épreuves se déroulant simultanément en
différents endroits. L'exception risque de ce fait de ne pas rester
longtemps une exception : les organisateurs de compétitions de
sport équestre, d'athlétisme, de tournois de tennis, de certaines
épreuves cyclistes pourraient faire valoir les mêmes arguments que
les exploitants de circuits de vitesse.
* La
seconde modification proposée
tend à préciser
que les tribunes ne peuvent accueillir simultanément un nombre de
spectateurs supérieur au nombre de places dont elles disposent, pour
prendre en compte les risques liés aux déplacements des
spectateurs.
L'article 42-1 de la loi du 16 juillet 1984 prévoit que
l'arrêté d'homologation fixe l'effectif maximal des spectateurs
qui peuvent être admis dans l'enceinte sportive ainsi que leur
répartition. La loi de 1984 prévoit, par ailleurs, des sanctions
pénales réprimant ce qu'il est convenu d'appeler la " double
billetterie ", c'est-à-dire le fait de vendre des titres
d'accès à une manifestation sportive en nombre supérieur
à l'effectif de spectateurs fixé par l'arrêté
d'homologation (article 42-6).
Cependant, dans la mesure où les spectateurs peuvent se déplacer
et par conséquent les organisateurs vendre des billets permettant
d'accéder à toutes les tribunes, rien n'empêche qu'une
tribune, au gré des déplacements des spectateurs, ne
reçoive un nombre de spectateurs supérieur au nombre qu'elle peut
accueillir. De ce point de vue, la mobilité des spectateurs
entraîne, au niveau de l'occupation des tribunes, des risques que le
texte proposé entend prévenir.
On doit cependant observer que la rédaction adoptée n'exclut pas
qu'une tribune accueille à un moment donné de la manifestation un
nombre de spectateurs supérieur au nombre de places dont elle dispose.
2) Report de la date-limite d'homologation des enceintes sportives ouvertes
au 31 décembre 1995
Le paragraphe II de l'article premier tend à reporter du 24 janvier 1998
au 1er juillet 2000 la date à laquelle les enceintes sportives
ouvertes au public au 31 décembre 1995 devront être
homologuées.
Les dispositions transitoires de l'article 42-1 de la loi de 1984
prévoyaient à l'origine que l'homologation des enceintes
sportives ouvertes à la date de la publication de la loi du 13 juillet
1992 devait intervenir dans un délai de deux ans pour les
établissements de plein air pouvant accueillir au moins
15.000 spectateurs et les établissements couverts pouvant
accueillir au moins 2.000 spectateurs, et dans un délai de trois ans
pour les enceintes sportives dont la capacité est inférieure
à ces seuils.
La loi n° 95-73 du 21 janvier 1995 d'orientation de
programmation relative à la sécurité a déjà
prorogé ces délais jusqu'au 24 janvier 1998. Elle a, en outre,
étendu le champ d'application de ce régime transitoire aux
enceintes ouvertes au 31 décembre 1995.
La proposition de loi tend à proroger une deuxième fois, pour une
période de deux ans et demi, le délai au terme duquel ces
enceintes devront être homologuées.
Comme en 1995, ce report est justifié par l'impossibilité de
mettre en oeuvre la loi dans les délais prévus. Il
apparaît, en effet, selon les informations fournies par le
ministère de la jeunesse et des sports et reproduites dans le rapport de
la commission des affaires culturelles, familiales et sociales de
l'Assemblée nationale que sur les 821 enceintes homologables seules
72 sont actuellement homologuées, soit 9 % des enceintes qui
devront être homologuées.
Les réserves que votre rapporteur avait formulées lors de
l'examen de la loi du 13 juillet 1992 sur l'utilité d'ajouter une
nouvelle procédure d'homologation aux procédures existantes au
lieu de réformer ces dernières et de les faire pleinement
appliquer trouvent malheureusement ici une confirmation. Voté en
urgence, ce dispositif qui était présenté comme
indispensable à la sécurité des équipements
sportifs n'est six ans plus tard toujours pas appliqué.
II. Position de la commission
L'obligation de ne prévoir dans les tribunes que des places assises
constitue un moyen pragmatique et efficace d'éviter l'entassement des
spectateurs dans les tribunes, qui est un facteur de risque important. De ce
point de vue, elle constitue sans doute un des apports les plus utiles du
dispositif d'homologation institué en 1992.
Pour ces raisons et compte tenu des observations qui précèdent,
il ne paraît pas souhaitable de revenir sur cette obligation.
En revanche, la fixation par l'arrêté d'homologation du nombre
maximal de spectateurs qui pourront être simultanément accueillis
dans chaque tribune peut compléter utilement, pour les manifestations
dont les spectateurs sont susceptibles de changer de tribune, le texte en
vigueur. Et bien que cette disposition soit déjà prévue
par les textes d'application, il ne paraît pas inutile de l'inscrire dans
la loi. Tel est l'objet de
l'amendement
que votre commission a
adopté à cet article.