AVIS N° 268 - PROJET DE LOI RELATIF A L'APPLICATION DE LA CONVENTION DU 13 JANVIER 1993 SUR L'INTERDICTION DE LA MISE AU POINT, DE LA FABRICATION, DU STOCKAGE ET DE L'EMPLOI DES ARMES CHIMIQUES ET SUR LEUR DESTRUCTION
M. Guy PENNE, Sénateur
COMMISSION DES AFFAIRES ETRANGERES, DE LA DEFENSE ET DES FORCES ARMEES - AVIS N° 268 - 1997/1998
Table des matières
-
AVANT-PROPOS
- I. LA MENACE CHIMIQUE À LA FIN DU XXe SIÈCLE : UNE PRÉOCCUPATION MAJEURE.
-
II. LE CONTENU ET L'APPLICATION DE LA CONVENTION DU 13 JANVIER 1993 : UNE
MISE EN OEUVRE SATISFAISANTE MALGRÉ D'INÉVITABLES LIMITES.
- A. GENÈSE ET MISE EN OEUVRE DE LA CONVENTION
- B. CHAMP D'APPLICATION DE LA CONVENTION
- C. OBLIGATIONS SOUSCRITES PAR LES PARTIES
- D. LES MÉCANISMES DE VÉRIFICATION
- E. LES INÉVITABLES LIMITES DE LA CONVENTION DU 13 JANVIER 1993
- III. LE PROJET DE LOI INTERNE RELATIF À L'APPLICATION DE LA CONVENTION DU 13 JANVIER 1993 : DES DISPOSITIONS CONTRAIGNANTES MAIS NÉCESSAIRES
- CONCLUSION DU RAPPORTEUR
- EXAMEN EN COMMISSION
-
ANNEXE N° 1
Liste des Etats ayant signé et/ou ratifié2727 Ratification : (R) la convention sur l'interdiction des armes chimiques au 15 décembre 1997 -
ANNEXE N° 2
La France et la convention du 13 janvier 1993
N° 268
SÉNAT
SESSION ORDINAIRE DE 1997-1998
Annexe au procès-verbal de la séance du 4 février 1998
AVIS
PRÉSENTÉ
au nom de la commission des Affaires étrangères, de la défense et des forces armées (1) sur le projet de loi relatif à l'application de la convention du 13 janvier 1993 sur l' interdiction de la mise au point, de la fabrication, du stockage et de l'emploi des armes chimiques et sur leur destruction ,
Par M. Guy PENNE,
Sénateur.
(1) Cette commission est composée de : MM. Xavier de Villepin, président ; Yvon Bourges, Guy Penne, Jean Clouet, François Abadie, Mme Danielle Bidard-Reydet, MM. Jacques Genton, vice-présidents ; Michel Alloncle, Jean-Luc Mélenchon, Serge Vinçon, Bertrand Delanoë, secrétaires ; Nicolas About, Jean Arthuis, Jean-Michel Baylet, Jean-Luc Bécart, Jacques Bellanger, Daniel Bernardet, Pierre Biarnès, Didier Borotra, André Boyer, Mme Paulette Brisepierre, MM. Michel Caldaguès, Robert Calmejane, Mme Monique Cerisier-ben Guiga, MM. Charles-Henri de Cossé-Brissac, Marcel Debarge, Jean-Pierre Demerliat, Xavier Dugoin, André Dulait, Hubert Durand-Chastel, Claude Estier, Hubert Falco, Jean Faure, André Gaspard, Philippe de Gaulle, Daniel Goulet , Jacques Habert, Marcel Henry, Roger Husson, Christian de La Malène, Edouard Le Jeune, Maurice Lombard, Philippe Madrelle, Pierre Mauroy, Mme Lucette Michaux-Chevry, MM. Paul d'Ornano, Charles Pasqua, Alain Peyrefitte, Bernard Plasait, André Rouvière, André Vallet.
Voir les numéros
:
Sénat
:
291
(1996-1997),
253
et
254
(1997-1998).
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Traités et conventions . |
AVANT-PROPOS
Mesdames, Messieurs,
Le présent projet de loi tend à tirer les conséquences,
sur notre droit interne, des engagements souscrits par la France en application
de la convention du 13 janvier 1993 sur l'interdiction des armes
chimiques. Ratifiée par la France le 2 mars 1995
1(
*
)
, cette convention est entrée en vigueur le
29 avril 1997.
*
* *
Le rôle actif joué par la France dans
l'élaboration de la convention sur l'interdiction des armes chimiques
illustre l'
engagement de la France dans la limitation des armements et la
lutte contre la prolifération des armements de destruction massive.
C'est ainsi que, dans le
domaine nucléaire
, la France a
activement participé aux négociations en vue de la conclusion du
traité d'interdiction complète des essais nucléaires
(CTBT) et s'est engagée en le signant, comme les autres puissances
nucléaires, à ne plus procéder à de nouveaux essais.
Dans le même esprit, notre pays souhaite l'adoption d'un traité
sur l'arrêt de la production de matières fissiles pour les armes
nucléaires (cut off), et s'est prononcé pour le
renforcement
des activités de vérification
conduites par l'Agence
internationale de l'énergie atomique (AIEA).
Plus concrètement, et sur un plan bilatéral, la France contribue,
à travers un programme de coopération avec la Russie
dénommé AIDA (Aide au démantèlement des armes
nucléaires), à la réduction du nombre des armes
nucléaires dans ce pays et à l'utilisation, à des fins
civiles, des matières nucléaires issues du
démantèlement de ces armes.
De même, notre pays a participé à d'autres initiatives
concrètes au niveau régional, participant notamment, sur un plan
financier, à la construction, en Corée du Nord, de deux centrales
nucléaires civiles en échange du gel du programme
nucléaire militaire développé clandestinement par
Pyong-Yang.
Les efforts accomplis par la France en vue du renforcement des
restrictions
à l'emploi des mines antipersonnels
s'inscrivent également
dans une politique
favorable à la non-prolifération et
à la maîtrise des armements
.
Par ailleurs, la France est favorable à la mise en place d'un
système de vérification dans le cadre de la convention de 1972
sur l'interdiction des
armes biologiques.
Dans ce contexte, la
mise en oeuvre effective de la convention sur
l'interdiction des armes chimiques constitue une priorité pour notre
pays
, décidé à faire preuve du
comportement
exemplaire qui, dans ce domaine particulièrement sensible, peut seul
emporter l'adhésion de pays encore hésitants,
et contribuer
ainsi à renforcer la sécurité internationale.
*
* *
Selon les informations transmises à votre rapporteur,
la France, à la date de l'entrée en vigueur de la convention du
13 janvier 1993,
remplissait toutes ses obligations relatives à
l'interdiction des armes chimiques et des installations de fabrication d'armes
et de munitions chimiques.
Les obligations définies par le
présent projet de loi s'imposent donc en pratique, pour l'essentiel, aux
industriels du secteur de la chimie
, auxquels il revient de
déclarer à l'administration les activités (production,
consommation, exportation, importation, commerce et transit) concernant
certains produits toxiques susceptibles d'entrer dans la composition d'armes
chimiques. Cette spécificité explique que ce projet de loi soit
présenté par M. le Ministre délégué à
l'Industrie, responsable de l'application de la convention pour l'ensemble des
installations civiles, et qu'il ait été renvoyé pour son
examen au fond à la
commission des Affaires économiques
,
dont le rapporteur, notre collègue M. Francis Grignon, a
présenté un examen très approfondi des dispositions du
texte qui nous est soumis.
Le présent projet de loi traite successivement :
-
l'interdiction et la destruction des armes chimiques et de leurs
installations
: ces dispositions ne concernent concrètement que
l'élimination des stocks d'armes anciennes collectées, pour
l'essentiel, sur les champs de bataille de la guerre de 1914-1918. Les
interdictions posées à l'égard des armes chimiques sont
supposées, en France, n'avoir qu'une application prospective, en cas
d'infraction à la future loi ;
-
le régime d'autorisation et de déclaration des produits
chimiques et de leurs installations
qui incombe aux exploitants, pour que
la France puisse honorer ses obligations ;
-
la mise en oeuvre des vérifications internationales
selon les
mécanismes créés par la convention, sous réserve,
dans certains cas, de
l'intervention du juge,
gardien des
libertés individuelles ;
-
les sanctions
dont seraient passibles les éventuels
contrevenants aux obligations créées par le présent projet
de loi.
*
* *
Votre rapporteur saisit l'occasion de l'examen du présent projet de loi pour rappeler le danger que constitue aujourd'hui la prolifération chimique, pour montrer comment la convention du 13 janvier 1993 peut, en dépit d'inévitables limites, constituer une réponse adaptée à ce danger, et pour souligner que les contraintes qui peuvent résulter, notamment pour les industriels concernés, de la transposition, dans notre législation, des obligations souscrites en vertu de l'adhésion à la convention, sont le prix à payer pour être en mesure de promouvoir un contrôle relativement efficace de l'application de la convention sur l'interdiction des armes chimiques.
I. LA MENACE CHIMIQUE À LA FIN DU XXe SIÈCLE : UNE PRÉOCCUPATION MAJEURE.
D'un usage très ancien, les armes chimiques constituent incontestablement, en raison d'une prolifération accélérée depuis les années 1970 et du danger terrorisant qu'elles représentent, un élément de vulnérabilité dans la situation internationale actuelle, même si leur emploi ne paraît pas infaillible dans un contexte strictement militaire.
A. DES ARMES DE TERREUR
Depuis que, au cours de la guerre 1914-1918, les gaz de combat ont fait l'objet du premier emploi systématique de l'histoire de l'humanité, l'usage récurrent d'armes chimiques a, à diverses reprises, apporté une tragique illustration de la forte létalité de ces substances. Relativement faciles techniquement à fabriquer, les armes chimiques sont d'autant plus redoutables qu'il n'existe pas de moyens de défense totalement efficaces contre ce type d'agression.
1. Les armes chimiques dans l'histoire
On peut faire remonter à l'Antiquité l'origine
de l'usage des armes chimiques. Ainsi les troupes macédoniennes
envoyèrent-elles, à l'aide de soufflets géants remplis de
poix et de souffre, des nuages asphyxiants contre les villes
assiégées de Platée et Délos, pendant la guerre du
Péloponnèse.
Plus près de nous, on raconte que les défenseurs de Belgrade
utilisèrent un gaz à base d'arsenic contre les assaillants turcs
en 1456, tandis que Byzance avait mis au point le "feu grégeois",
sorte
de lance-flammes dégageant une fumée suffocante et aveuglante. Il
fut également envisagé, pendant la guerre de Sécession, de
recourir à des obus contenant un gaz chloré
2(
*
)
.
C'est néanmoins pendant la
guerre de 1914-1918
qu'ont
été le plus clairement démontrées les
conséquences tragiques de l'usage des gaz de combat. Le nombre total de
victimes gazées se serait élevé, au cours de la
première guerre, à 1,5 million. 100 000 décès ont
été causés par les armes chimiques (pour l'essentiel
à base de chlore), auxquelles tous les belligérants avaient alors
fini par recourir. En 1918, la plupart des artilleries étaient
équipées d'obus chimiques à raison de 25 % environ.
Par la suite, pendant les
années 1920 et 1930
, les gaz de combat
furent utilisés dans des conflits localisés : par l'Espagne au
Maroc, par l'Italie en Ethiopie, par le Japon en Mandchourie, et par le
Royaume-Uni en Afghanistan
3(
*
)
. On relève
également,
depuis 1945
, plusieurs recours aux armes chimiques :
par l'Egypte au Yémen dans les années 1960, par le Vietnam au
Laos et au Cambodge, par l'Afrique du Sud contre la SWAPO en 1978, par l'URSS
en Afghanistan, par l'Ethiopie en Erythrée, par la Libye au Tchad en
1987, et par Cuba en Angola, en 1985
(1)
.
L'usage des armes chimiques a également joué un rôle
important dans la
guerre Iran-Irak
(première utilisation massive
et vérifiée de gaz de combat dans le cadre d'un conflit
interétatique depuis 1914-1918) et, selon toute vraisemblance, dans le
massacre par l'Irak, en 1987-1988, de populations kurdes. Les photographies
tragiquement édifiantes des victimes des gaz de combat irakiens
produisirent alors dans l'opinion publique internationale une prise de
conscience du danger véritablement terrifiant constitué par les
armes chimiques.
2. L'effrayante typologie des armes chimiques
Une typologie des armes chimiques peut être établie à partir de critères médicaux, en fonction des effets de ces substances toxiques sur l'organisme. Cette typologie est d'autant plus effrayante que la défense chimique, en dépit de progrès certains, ne semble pas véritablement infaillible.
a) La forte létalité des agents de guerre chimique
La frontière désormais ténue entre armes chimiques traditionnelles et armes à toxines incite à étendre la typologie des agents de guerre chimique à certaines substances issues des biotechnologies.
(1) Les gaz de combat
Les agents de guerre chimique se répartissent entre
quatre catégories principales, en fonction de leurs effets sur
l'organisme.
- Les
vésicants
se présentent sous forme de liquides
épais, qui peuvent agir non seulement par inhalation, lorsqu'ils sont
vaporisés, mais aussi sur la peau, dont ils détruisent les
cellules. S'ils atteignent l'appareil respiratoire, ils causent la mort par
asphyxie. La substance vésicante la plus célèbre est
l'ypérite ou gaz moutarde, du nom de l'attaque allemande d'Ypres, en
avril 1915 (5 000 morts et 15 000 blessés).
- Les
suffocants
(chlore, phosgène, diphosgène) se
présentent sous forme de liquides plus volatils que les
vésicants. Agissant exclusivement par inhalation, ils provoquent un
oedème du poumon et l'asphyxie.
- Les
hémotoxiques
(chlorure de cyanogène, acide
cyanhydrique) détruisent les globules rouges et ont pour effet
secondaire un empoisonnement par l'arsenic. L'acide cyanhydrique était
utilisé par les nazis dans les chambres à gaz.
- Les
neurotoxiques
(agents G : sarin, tabun, soman, et agents V, parmi
lesquels le VX) provoquent la paralysie des muscles (notamment des muscles
respiratoires). Ils sont dérivés d'ingrédients entrant
dans la fabrication des insecticides, des engrais et de certains colorants.
Notons que les effets produits par ces agents toxiques sur l'organisme
dépendent de la dose reçue. Si la
dose létale
de
l'ypérite est de
7 grammes
, certains agents neurotoxiques ont une
dose létale de
5 à 15 milligrammes
.
(2) Les armes chimiques à toxines
L'arsenal biologique est principalement constitué par
le charbon, les toxines botuliniques et les entérotoxines du
staphylocoque B. L'anthrax, ou bacille du charbon, cause la mort par
septicémie ou toxémie (empoisonnement du sang). L'infection peut
être d'origine pulmonaire, digestive ou cutanée.
L'épidémie locale de charbon observée en 1979, à
proximité de l'usine chimique soviétique de Sverdlovsk, parait
attester la
collusion entre armes chimiques et armes biologiques
.
La frontière est, en réalité, beaucoup plus ténue
entre armes chimiques et armes biologiques en ce qui concerne les
toxines
. A la différence des armes chimiques traditionnelles,
fabriquées artificiellement, les toxines sont
sécrétées par reproduction naturelle d'agents vivants, et
peuvent être ensuite dispersées par un vecteur chimique. Ainsi ont
été intégrées au champ d'application de la
convention la ricine et la saxitoxine, inscrites au tableau 1 qui regroupe les
substances les plus toxiques, dont les utilisations industrielles civiles sont
les plus rares.
Dispersées sous forme d'aérosol, comme les gaz de combat, les
toxines de guerre ont des
effets létaux considérables
(75
à 100 %) , dans des délais rapides mais différés
(entre un et cinq jours après l'attaque).
b) Les lacunes de la défense chimique
Les mesures de défense reposent sur la
détection, la protection, la décontamination, ainsi que sur des
mesures médicales
4(
*
)
.
- La
détection
vise à donner l'alerte à temps pour
pouvoir prendre des mesures de protection efficaces. Les moyens de
détection s'appuient sur des technologies très diverses, du
papier imprégné de réactifs qui se colorent au contact de
substances toxiques, aux méthodes d'analyse par spectrométrie.
- La
protection
repose sur des moyens collectifs et individuels. Les
moyens collectifs passent par le filtrage de l'air pénétrant dans
les locaux confinés et dans les véhicules. Les blindés
sont aujourd'hui, pour la plupart, équipés pour évoluer en
atmosphère contaminée. La protection individuelle comprend un
masque à gaz et des vêtements spéciaux, qui arrêtent
les substances toxiques sans entraver les échanges thermiques avec l'air
ambiant. Notons que les masques de protection de dernière
génération permettent la transmission de la voix ainsi que
l'absorption des liquides. Les nouveaux équipements de protection
individuelle présentent le mérite de nuire aussi peu que possible
à la performance des troupes. Le maintien, dans la durée, des
capacités opérationnelles des combattants n'est cependant pas
assuré, compte tenu du relatif inconfort de ces tenues.
- La
décontamination
concerne non seulement les personnels, mais
aussi les matériels (véhicules, armes ...), les bâtiments,
le sol et les végétaux. La décontamination des
matériels doit être faite dans les heures qui suivent l'attaque.
Elle s'effectue à partir de solutions décontaminantes et d'eau,
et nécessite une main-d'oeuvre importante et entraînée. La
décontamination d'urgence des personnels passe par l'application de
"terre de Foulon", sorte de talc de couleur brune, susceptible
d'absorber
l'agent toxique.
- La
défense médicale
est très complexe, car il
n'existe pas d'antidote efficace contre tous les agents chimiques existants.
Certains médicaments pris préventivement, sous forme de
comprimés, diminuent l'effet des organophosphorés. Un autre
antidote, que le combattant doit s'injecter en cas d'attaque, permet de
supporter des doses élevées de neurotoxiques sans effet nocif
à long terme. Cette thérapeutique donne au combattant la
possibilité d'attendre son évacuation sanitaire, mais elle se
traduit par la mise hors de combat temporaire du sujet traité. Notons
enfin qu'il n'existe aucune thérapeutique appropriée contre les
effets de l'ypérite.
La défense chimique, en dépit des progrès récemment
accomplis, présente donc d'incontestables lacunes : en cas de diffusion
d'agents persistants dans l'atmosphère, les troupes doivent
procéder à la décontamination de leurs matériels au
plus tard six heures après l'attaque, ce qui suppose d'interrompre le
combat. Cet impératif introduit donc un
élément de
vulnérabilité évident
dans la situation des troupes
attaquées. Par ailleurs, il n'est pas établi que le combattant
équipé d'une tenue de protection puisse, comme votre rapporteur
le relevait précédemment, se livrer à des efforts
très prolongés. Enfin, notons
l'importance primordiale de
l'eau dans les processus de décontamination chimique.
La
rareté des ressources en eau dans certaines régions du monde
pourrait donc altérer l'efficacité de la défense chimique.
*
* *
B. DES EFFETS DÉVASTATEURS ESSENTIELLEMENT POUR LES POPULATIONS CIVILES
Le recours à l'arme chimique dans le cadre du conflit Iran-Irak, et les menaces proférées en 1990 par Saddam Hussein, déterminé à "réduire en cendres la moitié d'Israël" grâce à son arsenal chimique, ont pu accréditer, notamment dans le monde arabe, l'idée que l'arme chimique constituait véritablement une arme de destruction massive, destinée à l'emploi et non à la dissuasion. Il semble en réalité, notamment à la lumière de l'expérience de la guerre du Golfe, que l'efficacité spécifiquement militaire des armes chimiques soit moins redoutable que leur impact psychologique.
1. Un usage militaire limité
Le précédent de la guerre du Golfe, pendant laquelle l'Irak, contre toute attente, ne fit pas usage de gaz de combat, a illustré les limites du recours à l'arme chimique dans un contexte militaire.
a) Un effet réduit à la déstabilisation de l'adversaire
Pour constituer une arme chimique, un agent toxique doit
réunir différentes conditions
5(
*
)
:
- pouvoir être produit industriellement à un coût acceptable,
- être apte à résister à l'opération de
dispersion pour pouvoir atteindre l'objectif en concentration suffisante,
- être peu dégradable,
- être difficile à détecter,
- nécessiter la mise en oeuvre, par l'agressé, de moyens de
protection aussi contraignants que possible,
- être sans prophylaxie médicamenteuse totalement efficace,
- être assez stable chimiquement pour être stocké en
réservoir ou dans des munitions sans risque pour le détenteur.
Sur ce dernier point, l'apparition des
armes binaires
a permis
d'améliorer la
sécurité pendant les stockages,
transports et autres manipulations. Ce dispositif consiste à remplacer
l'agent toxique, dans son vecteur (bombe, obus ...), par deux substances
distinctes, sans effet tant qu'elles sont séparées, mais qui, se
mélangeant lorsque le vecteur est lancé, acquièrent les
caractéristiques toxiques d'une arme chimique.
L'utilisation des diverses substances toxiques dans un contexte militaire varie
selon qu'elles sont fugaces, persistantes ou semi-persistantes.
- Les
agents fugaces
(sarin, acide cyanhydrique et phosgène)
apparaissent sous forme de vapeur. Leur effet est susceptible de durer
jusqu'à six heures, en fonction notamment des conditions
atmosphériques. Ces substances peuvent servir à mettre hors de
combat l'adversaire avant une attaque.
- Les
produits persistants
(ypérite, tabun, hydrogène
arsénié ...) se présentent sous forme de liquide ou
d'aérosol, dont les effets peuvent atteindre 15 km autour de la zone
d'épandage. Ils contaminent les sols jusqu'à un mois après
leur lancement. Ces substances peuvent permettre de neutraliser un terrain afin
d'empêcher l'adversaire d'y manoeuvrer.
- Les
agents semi-persistants
(parmi lesquels le soman) sont
susceptibles de désorganiser l'adversaire en empêchant celui-ci,
pendant quelques heures, d'accéder à certains points (gares,
ponts, dépôts).
En dépit de la relative diversité des usages éventuels des
armes chimiques -du moins en théorie-, la place faite aux armes
chimiques dans la
doctrine soviétique
est néanmoins
très éclairante des
effets limités à attendre,
dans le contexte militaire, des gaz de combat.
Ne concevant pas l'arme
chimique comme un moyen de destruction massive, les Soviétiques
l'envisageaient comme un
facteur de déstabilisation de
l'efficacité opérationnelle de l'adversaire
, susceptible de
désorganiser le dispositif adverse, et de favoriser la victoire de
l'attaquant, sans toutefois garantir celle-ci.
b) Une efficacité aléatoire
Les précédents de recours aux armes chimiques
par l'Irak -lors de la guerre Iran-Irak et, selon toute vraisemblance, contre
la minorité kurde- ont pu rendre crédible l'hypothèse
d'une escalade de tout conflit futur vers l'usage d'armes chimiques. Ainsi, au
cours de la guerre du Golfe, la coalition occidentale s'attendait-elle à
l'emploi de gaz de combat par l'Irak, soit contre l'offensive terrestre, soit
lors de l'offensive aérienne des forces coalisées, soit contre
des objectifs civils, en Israël et en Arabie Saoudite.
Les raisons qui ont incité l'Irak à ne pas utiliser de gaz de
combat pendant la guerre du Golfe
6(
*
)
sont de
plusieurs ordres
.
Tout d'abord, les coalisés s'étant attendu à une attaque
chimique, les
troupes alliées avaient été
entraînées
pendant quelque cinq mois, et s'étaient
familiarisées avec le port des équipements de protection.
L'effet de surprise, primordial dans le cas d'une attaque chimique
qui vise
principalement à déstabiliser l'adversaire, n'aurait donc pas
été obtenu.
"Sur le champ de bataille, surtout face à un adversaire résolu,
lui-même protégé et préparé à ce type
de combat, et disposant de surcroît de moyens de riposte, l'emploi de
l'arme chimique se révèle d'une piètre utilité
militaire"
7(
*
)
. Par ailleurs, les alliés
avaient privilégié une
grande dispersion, dans le
désert, de leurs installations logistiques et de leurs forces
combattantes
, précisément pour limiter l'impact
d'éventuelles attaques chimiques de l'Irak.
Il est donc probable que l'efficacité militaire des gaz de combat soit
"douteux face à un adversaire blindé, dispersé, mobile et
rapide, comme l'était la force d'attaque coalisée"
8(
*
)
.
De surcroît,
l'arme chimique est d'un usage complexe et
aléatoire
; les facteurs à prendre en compte sont très
divers : "localisation du terrain favorable à la persistance des gaz,
évaporation, conditions
météorologiques"
(3)
.
Enfin, il est très probable que, dans l'hypothèse du recours
à l'arme chimique comme instrument de frappe stratégique contre
un Etat puissant, c'est-à-dire comme arme d'emploi -et non pas comme
élément de dissuasion- du faible au fort,
la
létalité d'une frappe chimique serait sans commune mesure avec
celle d'une charge nucléaire tactique
9(
*
)
.
Ainsi le recours aux gaz de combat n'a-t-il eu en définitive qu'une
incidence relativement limitée dans le cas de la guerre Iran-Irak (45
000 morts en tout sur un million de pertes au total).
En revanche, il est clair que l'efficacité de la menace chimique demeure
immense à l'encontre de populations civiles désarmées et
psychologiquement vulnérables.
2. Un impact psychologique néanmoins considérable
L'effet dévastateur
des armes chimiques
paraît beaucoup moins incertain sur des populations civiles
désarmées, ce qu'atteste l'impact, immense, sur le plan
psychologique, des attaques chimiques imputées à l'Irak contre la
communauté kurde. La même remarque vaut pour l'attentat au sarin
dans le métro de Tokyo, en mars 1995.
L'hypothèse du recours à des gaz de combat contre des objectifs
civils dans le cadre d'
actions terroristes
n'est donc pas à
exclure, même si, d'après les spécialistes, l'image d'un
"Docteur Folamour, capable de constituer des armes redoutables dans un
garage,
demeure un pur fantasme"
10(
*
)
. Toutefois,
en
dépit des difficultés auxquelles s'est heurtée la secte
Aoum pour se procurer les précurseurs qu'elle a employés pour
synthétiser le sarin sous la forme impure et instable utilisée
lors de l'attentat de Tokyo, il n'en demeure pas moins qu'une véritable
menace chimique peut résulter de
systèmes rustiques
,
reposant sur des
vecteurs peu sophistiqués
(bouteilles de gaz,
camions citernes ...) susceptibles d'être
à la portée de
nombreux groupes terroristes.
Si aujourd'hui la protection du combattant contre les gaz de combat est
techniquement assez au point, il est évident que
l'équipement
et l'entraînement des populations civiles,
par définition
nombreuses et inexpérimentées, soulèvent de grandes
difficultés.
Une attaque chimique -dans le cadre d'un conflit ou d'origine terroriste-
contre des sites civils ferait inévitablement d'innombrables victimes,
et induirait un effet déstabilisant évident pour le camp
agressé.
La menace chimique constitue donc, en cette fin du XXe siècle, un
élément certain de vulnérabilité dans les
relations internationales
, en dépit des enseignements de la guerre
du Golfe. Cette menace est la conséquence d'une certaine banalisation
des agents de guerre chimique, due à une prolifération
inquiétante des substances chimiques toxiques depuis le début des
années 80.
*
* *
C. PROLIFÉRATION ET BANALISATION DES ARMES CHIMIQUES
Alors que l'on estimait à cinq, au début des années 60, le nombre d'Etats disposant de l'arme chimique, une vingtaine d'Etats disposeraient aujourd'hui de stocks de substances toxiques susceptibles d'être transformés en armes chimiques. Dans cette prolifération accélérée, le facteur Nord-Sud joue un rôle qu'il importe de souligner. Notons aussi que la possibilité de double emploi, civil et militaire, de nombreuses composantes des armes chimiques est un élément majeur de la prolifération de celles-ci, et de la difficulté de connaître avec certitude, en l'absence de contrôle sur place, l'étendue réelle de la prolifération chimique.
1. D'indéniables facilités techniques et commerciales
La prolifération des armes chimiques a
été facilitée par deux facteurs.
D'une part, les gaz de combat les moins élaborés (chlore, gaz
moutarde et certains neurotoxiques) se trouvent
à la portée
d'industries chimiques élémentaires
. D'autre part, en raison
de la
dualité civilo-militaire
des composants de ces substances
toxiques, les armes chimiques peuvent être fabriquées par des
usines de pesticides, de colorants, de produits pharmaceutiques ou d'engrais :
la dualité des composants de ces substances a donc pu encourager, sous
couvert d'
échanges commerciaux,
la prolifération chimique.
Ainsi les mêmes produits peuvent-ils servir à la fabrication de
gaz de combat et à celle de la bière. De même figure parmi
les composantes du tristement célèbre gaz moutarde une substance
comparable à l'antigel entrant dans la fabrication de l'encre des stylos
à bille. Le phosgène est produit à partir des mêmes
substances que les matières plastiques. Il a également
été établi qu'un colorant, utilisé dans la
fabrication de bonbons au goût de cerise, contient des
éléments du gaz auquel ont recouru les Soviétiques en 1989
contre les émeutiers géorgiens.
Entre autres exemples, l'usine libyenne de Rabta, présentée comme
destinée à la fabrication de produits pharmaceutiques, visait en
fait à fabriquer des toxines de guerre. De même, le site irakien
de Samarra était-il consacré, au lieu de pesticides, à la
production de gaz moutarde, de tabun et de sarin.
La dualité des substances entrant dans la composition des gaz de combat
contribue ainsi à expliquer -sans toutefois le justifier- le rôle
du commerce international dans la prolifération chimique. Ainsi dans
l'affaire de l'usine chimique de Rabta, en Libye, ont été
impliquées, outre la Japan Steelworks, la firme allemande
Imhausen-Chemie. Des firmes néerlandaises furent également
impliquées, à l'issue de la guerre du Golfe, dans la fourniture
à l'Irak de produits dits précurseurs, c'est-à-dire
entrant dans la composition d'une arme chimique. Au début de 1991, plus
de cinquante firmes allemandes étaient poursuivies en justice pour avoir
contribué aux programmes d'armement chimique de l'Irak.
Les
responsabilités des pays industrialisés
dans la
prolifération chimique sont donc réelles. Elles tiennent, pour
l'essentiel, à l'absence d'instruments internationaux contraignants,
jusqu'à l'entrée en vigueur de la Convention du 13 janvier
1993, en dépit des efforts mis en oeuvre au sein du
"groupe
australien".
Créé en 1984, ce groupe d'exportateurs, soucieux
de prévenir la prolifération chimique et biologique, a ainsi
établi une liste de 44 produits précurseurs sensibles, dont
l'exportation est subordonnée à l'accord du gouvernement du pays
producteur. Notons toutefois que le groupe d'Australie compte parmi ses
membres
11(
*
)
des pays dont des ressortissants
ont pu fournir des produits toxiques ou des technologies chimiques sensibles
à des proliférateurs du sud...
2. L'importance du facteur Nord-Sud dans la prolifération chimique
En dépit des stocks considérables
accumulés pendant la guerre froide par l'URSS et les Etats-Unis, les
Occidentaux, face à la menace chimique soviétique, ont
privilégié la dissuasion nucléaire, même si la
doctrine de l'Alliance atlantique prévoyait l'emploi d'armes chimiques
par l'OTAN en cas d'attaque chimique du Pacte de Varsovie. Dans le Nord, il est
probable que c'est l'avènement du système nucléaire
bipolaire qui a limité la course aux armements chimiques.
A l'inverse, on peut estimer que le relatif succès des mécanismes
internationaux de non-prolifération nucléaire et, plus
particulièrement, les contrôles exercés par l'Agence
internationale de l'énergie atomique dans le cadre du Traité de
non-prolifération, ont incité les pays en développement
à constituer des arsenaux chimiques :
la difficulté de se
procurer matières et équipements nucléaires aurait
encouragé le sud à se tourner vers des armements moins
encadrés.
"La prolifération chimique, celle "du pauvre", serait donc la
conséquence indirecte de la mise en place d'un dispositif international
de contrôle sur les transferts de technologies et de matières
nucléaires."
12(
*
)
La
"rhétorique pauvre contre riche"
a joué un rôle
probable dans la concentration des armes chimiques dans la région du
Moyen-Orient, où elles pourraient constituer la réponse du monde
arabe à la puissance nucléaire d'Israël. L'arsenal chimique
détenu par l'Irak a conféré à ce pays un
rayonnement évident dans la région du Moyen-Orient, et lui a
permis de se poser en bras armé de la revanche arabe contre Israël
et l'Occident. L'impressionnant arsenal chimique déclaré par
l'Irak à l'ONU à l'issue de la guerre du Golfe -inventaire en
deçà, d'ailleurs, des quantités effectivement
découvertes par les inspecteurs de l'ONU (11.131 obus chimiques
déclarés, 46.000 engins découverts)- atteste la
réalité de la prolifération chimique.
Celle-ci ne semble d'ailleurs pas limitée au Moyen-Orient, si l'on en
juge par les stocks d'armes chimiques qui seraient détenus, entre autres
exemples d'Etats proliférateurs, par la Corée du Nord, par
Taïwan, par le Pakistan et par l'Inde.
Notons enfin le
lien entre prolifération chimique et
prolifération balistique
: la banalisation des missiles à
courte et moyenne portées, susceptibles d'être acquis par de
nombreux pays selon des voies détournées -voire clandestines- a
eu pour effet de
renforcer la menace chimique en accroissant la
portée des vecteurs susceptibles de diffuser les armes chimiques
chez l'ennemi. Ainsi l'Irak a-t-il fait passer de 300 à 900 km la
portée du Scud-B soviétique. La prolifération balistique a
donc fait franchir un palier substantiel à la menace chimique, par
rapport aux techniques rudimentaires (mais non dénuées
d'efficacité) que peuvent constituer le largage de bidons de chlore par
hélicoptères ou l'épandage de produits toxiques par avion
agricole.
*
* *
II. LE CONTENU ET L'APPLICATION DE LA CONVENTION DU 13 JANVIER 1993 : UNE MISE EN OEUVRE SATISFAISANTE MALGRÉ D'INÉVITABLES LIMITES.
La convention du 13 janvier 1993 a constitué
l'aboutissement d'un processus diplomatique qui a commencé en 1899. Elle
s'est inspirée, en les développant, de stipulations de
traités antérieurs relatifs au désarmement et, plus
particulièrement, du
Traité de non-prolifération des
armes nucléaires
(1er juillet 1968), pour ce qui concerne la
coopération internationale en vue de l'utilisation à des fins
pacifiques de l'énergie nucléaire, dont les stipulations ont
été transposées aux produits chimiques. Le
Traité sur l'élimination des missiles à portée
intermédiaire
(8 décembre 1987), figure également
parmi les sources de l'inspiration des auteurs de la convention du
13 janvier 1993, en ce qui concerne la mise en place de procédures
contraignantes de vérification et de destruction.
La convention sur l'interdiction des armes chimiques constitue un
accord
exemplaire en matière de désarmement
. Il s'agit, en effet, du
premier traité international visant la destruction complète et
irréversible d'une catégorie entière d'armements
dans
une période donnée et qui, dans le même temps, est
non-discriminatoire
(contrairement au TNP), et
vérifiable par
un organisme international
,
sa ns droit de refus
de la part des
Etats inspectés.
La convention sur l'interdiction des armes chimiques s'appuie donc sur
l'universalité des obligations
consentie par les Parties. Elle a
à son tour
inspiré d'autres traités
, qu'il s'agisse
du
Traité d'interdiction des essais nucléaires
, de la
Convention d'interdiction des mines antipersonnel
, ou encore des travaux
actuellement conduits en vue d'ajouter à la convention d'interdiction
des
armes bactériologiques
ou à toxines un
protocole de
vérification.
Les
vingt-quatre articles
de la convention sont complétés
par trois
annexes.
La première
(Annexe sur les produits
chimiques)
définit trois catégories de produits toxiques en
fonction de critères liés à leurs utilisations plus ou
moins importantes dans l'industrie civile. La deuxième
(Annexe sur la
vérification)
détaille très précisément
les modalités du contrôle de la convention dans les Etats Parties.
La troisième (
Annexe sur la confidentialité)
définit les modalités de protection des informations
confidentielles.
Votre rapporteur rappellera ci-après l'historique de
l'élaboration de cette convention, l'étendue des obligations
souscrites par les Parties, l'importance du dispositif de vérification
et de contrôle, qui constitue une avancée sensible de la
convention de 1993 par rapport aux précédentes tentatives de
désarmement, les aspects institutionnels originaux dont est assortie la
mise en place de la convention, ainsi que les inévitables limites de
celles-ci.
A. GENÈSE ET MISE EN OEUVRE DE LA CONVENTION
Après l'échec des précédentes tentatives diplomatiques (1899 et 1925) de mettre les armes chimiques hors la loi, c'est à la fin des années 1980 que remonte, sous l'impulsion des Etats-Unis et de l'Union soviétique, la relance des pourparlers internationaux en vue de l'élimination des gaz de combat.
1. L'échec des tentatives de 1899 et 1925
. A la demande de la Russie, la question de l'interdiction
des
projectiles contenant des "gaz asphyxiants et délétères"
fut soulevée dès 1899, dans le cadre de la
première
conférence de La Haye sur la limitation des armements et le
règlement des conflits internationaux.
La proposition russe ne fut
pas retenue, du fait notamment de l'opposition des Etats-Unis, qui estimaient
que les gaz de combat constituaient des armes "plus humaines" que les
obus et
les balles. La "Déclaration concernant l'interdiction de l'emploi des
projectiles qui ont pour but unique de répandre des gaz asphyxiants ou
délétères" fut donc limitée par son objet, car elle
ne visait que le recours à des projectiles ne pouvant avoir d'autres
usages que l'envoi de gaz de combat.
Ainsi a-t-il été estimé que l'offensive chimique allemande
d'Ypres, en avril 1915, ne constituait pas une infraction à la
Déclaration de 1899, car les Allemands avaient procédé par
épandage de chlore à partir de
bouteilles
, sans recourir
à des
projectiles
. De même les obligations souscrites par
les Parties devenaient-elles sans objet en cas de guerre
contre un Etat non
Partie
: les Etats-Unis et le Canada n'ayant ni signé, ni
ratifié cette déclaration, l'Allemagne aurait pu
éventuellement justifier ainsi le recours aux gaz de combat contre ces
pays.
. Le
protocole du 17 juin 1925
sur la "prohibition d'emploi à la
guerre de gaz asphyxiants, toxiques ou similaires et de moyens
bactériologiques", adopté par trente-huit pays en réaction
à l'horreur suscitée par le recours aux armes chimiques pendant
le premier conflit mondial, ne devait pas jouer un rôle préventif
plus efficace que la Déclaration de 1899, en raison des
nombreuses
failles
que présente ce texte.
Celui-ci, en effet, se borne à
prohiber l'usage en premier
des
gaz de combat,
sans exclure la production ou la constitution de stocks
d'armes chimiques.
Le protocole de 1925 ne comporte, par ailleurs,
ni
sanctions ni dispositif de vérification.
Enfin, 35 parties, sur les 115 que compta finalement cet accord, recoururent
à une
réserve stipulant leur droit de riposter par l'arme
chimique à une attaque aux gaz de combat.
Ces réserves
allaient conduire à la constitution de stocks et à la fabrication
d'armes chimiques par certaines Parties, dont témoigne le recours
régulier aux gaz de combat lors de conflits régionaux, dès
les années 1920-1930 (voir supra, I A-1).
2. L'adoption et l'entrée en vigueur de la convention du 13 janvier 1993
Un long processus de quelque douze années de négociations a conduit à l'adoption de la convention de Paris, dont la relative universalité -acquise dans les dernières semaines de 1997- pourrait justifier un certain optimisme quant à l'efficacité de ce nouvel instrument international, en dépit des limites sur lesquelles votre rapporteur reviendra ci-après (voir infra, E).
a) Un long processus de négociations
- Dès la fin des années 1960, l'utilisation des
armes chimiques par des pays du Sud avait clairement illustré les
dangers liés à la multiplication du nombre de détenteurs
d'armes chimiques, due pour l'essentiel au faible coût de celles-ci.
Ainsi la convention du 10 avril 1972 relative à l'interdiction du
développement, de la production et du stockage des armes biologiques ou
à toxines et à leur destruction, comporte-t-elle une
clause
engageant les parties à chercher un accord similaire dans le domaine des
armes chimiques.
- Des négociations multilatérales s'ouvrirent donc à
Genève, en 1980, dans le cadre de la
Conférence sur le
désarmement
, dont les quarante membres sont alors convenus de tenter
de parvenir à un accord interdisant la fabrication, le stockage,
l'acquisition et l'emploi d'armes chimiques. Parmi les motivations des pays
participant à la Conférence de Genève figure la crainte
suscitée, en Occident, par la révélation de
l'écrasante supériorité chimique soviétique.
- En marge de la Conférence du désarmement, les initiatives mises
en oeuvre, sur le
plan bilatéral
, par
l'URSS et les
Etats-Unis
, doivent être rappelées. En vertu de
l'accord du
1er juin 1990
, Américains et Soviétiques s'engagèrent
à cesser la production d'armes chimiques, à prévoir un
programme échelonné de destuction de leurs moyens chimiques, et
à mettre en oeuvre une coopération bilatérale en vue de la
destruction des stocks existants, ainsi que des procédures d'inspection
mutuelle.
- Les négociations de Genève connurent une impulsion
décisive sous l'impulsion des Etats-Unis et de l'URSS, à la
faveur de la détente gorbatchévienne, et en conséquence de
la prise de conscience liée au recours aux gaz de combat dans le cadre
de la guerre Iran-Irak.
- Au cours de la Conférence de Paris, du 7 au 11 janvier 1989, les 149
parties aux négociations convinrent de la nécessité
d'accélérer l'élaboration de la convention sur
l'interdiction des armes chimiques. La déclaration alors adoptée
par les Etats participant à la Conférence réaffirme le
soutien de ceux-ci au processus diplomatique en cours, et renouvelle
l'engagement des signataires à ne pas faire usage de gaz de combat.
C'est en 1989-1990 que fut poursuivie l'élaboration du "texte
évolutif" (ou "rolling text"), qui devait aboutir à la
rédaction du projet complet de convention. L'adoption définitive
du texte fut acquise en
novembre 1992
, dans le cadre de
l'Assemblée générale des Nations unies.
Parmi les difficultés qui expliquent la durée relativement longue
des négociations, mentionnons le
souci de concilier impératifs
de sécurité et de secret commercial
avec la
nécessité de mettre en place des
procédures de
vérification et d'inspection suffisamment intrusives pour assurer la
supression de la menace chimique
. Enfin, la volonté légitime
des pays en développement de ne pas mettre un terme à tout
transfert de technologie
dans le domaine des industries chimiques a
également contribué à ralentir le processus de
négociations, de même que le souci des pays industrialisés
de faire prévaloir une protection efficace en matière de
confidentialité.
b) Vers une certaine universalité de la convention du 13 janvier 1993
L'article XXI de la convention du 13 janvier 1993
prévoit l'entrée en vigueur de celle-ci à partir d'un
délai minimal de deux ans, et
six mois après le
dépôt du soixante-cinquième instrument de ratification.
La convention n'est ainsi entrée en vigueur qu'en
avril 1997
,
plus de quatre ans après sa signature.
En
septembre 1996
, on ne comptait que
64 ratifications
sur 145
signataires. Alors que la convention était sur le point d'entrer en
vigueur, puisque ne manquait, à cette date, qu'un instrument de
ratification, les Etats dont la participation à la convention devait
être la plus significative s'étaient abstenus de ratifier la
convention :
Etats-Unis et Russie
(les plus gros détenteurs de
stocks d'armes chimiques), d'une part,
Chine, Pakistan et
Indonésie
(pays supposés dotés d'une bonne
capacité technologique), d'autre part.
(1) Des réticences russes et américaines finalement surmontées
- Les réticences initiales des
Etats-Unis
s'expliquent par le caractère intrusif des processus de
vérification et d'inspection prévus par la convention,
contesté par les industriels américains, soucieux de
préserver les secrets de leur avance technologique. Par ailleurs, les
difficultés techniques et environnementales liées à la
destruction des stocks d'armes chimiques détenus par les Etats-Unis ont
joué un rôle dans les atermoiements américains (voir
ci-après, E). Ainsi la méthode par incinération retenue
à l'égard des stocks implantés sur l'atoll Johnson
est-elle considérée aujourd'hui comme présentant un risque
pour les populations riveraines du Pacifique. C'est pourquoi la construction de
sites de destruction d'armes chimiques fait l'objet d'une virulente opposition
de la part des mouvements écologistes.
Enfin, les Etats-Unis ont longtemps subordonné la ratification à
l'achèvement préalable, par la Russie et par les Etats
présentant le plus de risques (Irak, Corée du Nord, Libye...), de
leur procédure interne de ratifiation.
Le Sénat américain a finalement permis la ratification de la
Convention sur les armes chimiques par les Etats-Unis en avril 1997, à
un moment pourtant où la Russie avait repoussé sa ratification
à une date ultérieure, et où l'on n'avait
enregistré aucune ratification de la part des pays dits sensibles. Ce
revirement est probablement dû à la
volonté
américaine d'être représentés dans la nouvelle
organisation internationale et de participer aux processus de
vérification
mis en place par la convention du 13 janvier 1993,
la ratification de celle-ci par les Etats-Unis permettant le recrutement, par
l'OIAC, d'inspecteurs de nationalité américaine. La
présence américaine parmi les parties à la convention du
13 janvier 1997 a probablement permis d'
accélérer la
ratification de la Russie et de la Chine
. Elle a certainement
renforcé la crédibilité de la convention
, et a
évité que les Etats qui, comme la Libye, l'Irak ou la
Corée du Nord, maintiennent leur volonté de disposer d'armes
chimiques, tirent une sorte de blanc-seing des réticences
américaines.
- En novembre 1997, la ratification de la convention par la
Fédération de Russie
a permis de compter les deux
principaux détenteurs d'armes chimiques parmi les parties à la
convention. Le coût de la destruction des stocks d'armes chimiques joue
un rôle majeur dans les réticences russes (voir infra, E2). La
destruction des seuls stocks américains a, en effet, pu être
estimée à quelque 12 milliards de dollars, dont 260 millions
de dollars pour les opérations conduites sur l'atoll Johnson
13(
*
)
.
Les moyens qu'exige la mise en oeuvre effective des obligations de destruction
souscrites par les Etats parties à la convention du 13 janvier 1993,
peuvent, dans les conditions économiques prévalant aujourd'hui en
Russie, être considérés comme dirimants, d'autant que
ces dépenses devront s'ajouter à celles qui sont d'ores et
déjà mises en oeuvre en Russie en vue du désarmement
nucléaire.
Dans ces circonstances, il n'est pas étonnant
qu'une résolution de la Douma ait, en avril 1997, subordonné la
ratification de la convention de janvier 1998 par la Russie à une
aide financière substantielle de la communauté
internationale.
(2) L'absence de nombreux pays proliférants
Certains pays ayant initialement refusé
d'adhérer à la convention, et pouvant être
considérés comme proliférants, ont finalement
déposé leurs instruments de ratification, renforçant
l'universalité et, partant, la crédibilité de la
convention de janvier 1993
14(
*
)
. Il s'agit
notamment de l'Inde et, plus récemment, du Pakistan et de la Jordanie
(octobre 1997), et de l'Iran (novembre 1997). Israël a, à ce jour,
signé la convention sans déposer ses instruments de ratification.
On remarque néanmoins toujours, parmi les absents, des pays dont le
rôle dans la prolifération des agents de guerre chimique, est
connu : Libye, Syrie, Corée du Nord, Irak. On peut également
noter, entre autres absences éloquentes, celles du Liban et du Soudan.
B. CHAMP D'APPLICATION DE LA CONVENTION
La convention du 13 janvier 1993 se fonde sur une
définition particulièrement large de son champ d'application,
qu'il s'agisse des produits visés ou des activités
concernées. A partir d'une classification des produits toxiques
susceptibles d'entrer dans la fabrication d'armes chimiques, la convention
établit donc une distinction entre, d'une part, les armes chimiques,
frappées d'interdictions absolues (de même que leurs installations
de fabrication) et, d'autre part, les activités qui, tout en recourant
à des produits toxiques, sont autorisées dans des limites
variables.
Il y a, en effet, deux volets à la convention : l'un concerne
l'interdiction des armes chimiques et des installations de fabrication, le
second vise le contrôle des industries chimiques, fondé sur la
classification des produits chimiques ci-desssus évoqués.
1. Détermination des trois catégories de produits toxiques principalement visés par la convention
L'article II de la convention renvoie à une
Annexe
sur les produits chimiques
qui établit une classification des
trois catégories de substances sensibles susceptibles d'entrer dans la
fabrication d'armes chimiques.
Le
tableau 1
regroupe les substances qui n'ont pratiquement pas
d'applications civiles, et qui ont été
mises au point en tant
qu'armes
chimiques. Ces substances présentent un "risque
important"
du fait de "possibilités élevées d'utilisation dans le
cadre d'activités interdites" (c'est-à-dire militaires) en raison
de leur toxicité létale ou incapacitante. On relève parmi
les produits du tableau 1 le gaz moutarde, le sarin, le tabun et les lewisites.
Au
tableau 2
sont inscrits des produits présentant des "risques
sérieux" du fait de propriétés létales ou
incapacitantes permettant
d'utiliser ces
substances comme armes
chimiques.
Les produits du tableau 2 ne sont cependant pas totalement
dépourvus de débouchés civils. Ces produits peuvent aussi
entrer dans la fabrication de produits du tableau 1 (ils présentent
alors un
risque indirect
au regard des objectifs de la convention). Le
dernier critère retenu consiste en l'
absence de fabrication en
grandes quantités industrielles à des fins licites.
Le
tableau 3
comporte des substances qui, tout en présentant un
risque en raison de leur toxicité létale ou incapacitante, de
leur
emploi possible en tant qu'armes chimiques
, et parce qu'ils peuvent
entrer dans la composition de produits des tableaux 1 et 2,
peuvent
être fabriqués en grandes quantités industrielles à
des fins non interdites
. Mentionnons, parmi les produits inscrits au
tableau 3, le phosgène et le cyanure d'hydrogène.
Chacun des trois tableaux comporte une rubrique A (produits chimiques toxiques)
et une rubrique B (précurseurs
15(
*
)
).
Enfin, le champ d'application de la convention porte aussi sur les
produits
chimiques organiques définis
(à l'exception des hydrocarbures
et des explosifs) qui, sans être inscrits à un tableau,
pourraient, à l'avenir, présenter un risque de
prolifération (il s'agit notamment des
produits dits "PSF",
qui
contiennent du phosphore, du soufre ou du fluor).
2. Définition des armes chimiques
La définition des armes chimiques qui résulte de
l'article II de la convention recouvre
tous les produits toxiques, ainsi que
leurs précurseurs, qui ne sont pas destinés à des
utilisations non interdites par la convention
(protection, recherche,
industries pharmaceutiques ...). La catégorie des armes chimiques
comporte donc les substances létales, ainsi que les produits
incapacitants. Le critère retenu n'est, en effet, pas seulement
l'aptitude des substances prohibées à infliger la mort, mais
aussi le risque de produire d'"autres dommages" et, notamment, une
incapacité temporaire. Ainsi les agents de lutte antiémeutes (gaz
lacrymogène, par exemple), sont-ils proscrits en tant que moyens de
guerre (article I-5).
L'article II étend la notion d'arme chimique, et, partant, les
interdictions qui concernent ces dernières, aux
munitions et aux
matériels
conçus pour être utilisés en liaison
directe avec l'emploi de ces munitions.
3. Le cas des activités non interdites : protection, recherche, médecine et pharmacie
La fabrication de produits toxiques en tant qu'
armes
chimiques
fait l'objet d'une
interdiction générale.
Certaines utilisations des produits toxiques inscrits au tableau 1 sont
néanmoins admises, quand elles ne visent pas la fabrication ou
l'acquisition d'armes chimiques, mais la
recherche,
la
médecine,
la
pharmacie
ou la
protection
(mise au point
de masques à gaz et de combinaisons adaptées au risque chimique).
En ce qui concerne les autres produits chimiques (tableaux 2 et 3, et produits
chimiques organiques), la définition des activités non interdites
s'étend aux usages agricoles, militaires sans rapport avec l'emploi
d'armes chimiques, et au maintien de l'ordre public sur le plan
intérieur (article II-9 de la convention).
L'
article VI
de la convention définit des obligations
différentes, en fonction de la catégorie dont relèvent les
substances considérées et des usages de celles-ci.
- Les
produits du tableau 1
sont ainsi soumis à une
interdiction générale
de fabrication, d'acquisition, de
conservation, de transfert et d'utilisation, à une
obligation de
vérification systématique par inspection sur place
(voir
infra, D), et à une
surveillance permanente
au moyen
d'instruments installés sur place (et, notamment, de caméras).
L'
Annexe sur la vérification
(sixième partie) autorise
néanmoins chaque Etat Partie à fabriquer des produits chimiques
du tableau 1
à des fins de recherche, de protection ainsi qu'à
des fins médicales et pharmaceutiques
, dans un site de protection
unique intitulé
"installation unique à petite
échelle".
Il est également possible, à des
fins de protection, de
recherche, de médecine ou de pharmacie
, de produire des substances
du tableau 1 dans d'autres sites que l'"installation unique à petite
échelle", à condition que la quantité annuelle produite ne
dépasse pas
10 kg.
Certains laboratoires sont, par ailleurs, habilités à produire,
dans une
limite annuelle de 100 grammes
par installation, des substances
du tableau 1 à des fins de recherche, ou à des fins
médicales et pharmaceutiques. La convention ne soumet ces productions de
volume modeste à aucune déclaration ou vérification.
- Les
produits du tableau 2 et leurs installations de fabrication
relèvent d'un régime complexe de
déclarations
.
Les produits font l'objet d'une déclaration annuelle globale. Sont
également déclarés les sites industriels ayant
fabriqué, traité ou consommé (c'est-à-dire
utilisé en vue de la fabrication d'un autre produit final) une
quantité minimale de produits du tableau 2 dont la détermination
(entre un kilogramme et une tonne) dépend des risques induits par les
substances fabriquées.
L'
Annexe sur la vérification
ne requiert pas de
déclaration pour les mélanges incorporant une faible
concentration de l'un des produits du tableau 2.
- Les
produits du tableau 3
font l'objet d'une déclaration
à partir d'une production annuelle globale de 30 tonnes.
- L'
Annexe
sur la vérification
prescrit
également la déclaration des installations où sont
fabriqués par synthèse, chaque année, plus de 200 tonnes
de
produits chimiques organiques
non inscrits à l'un des trois
tableaux. Le seuil est réduit à 30 tonnes pour les produits
chimiques organiques qui sont plus particulièrement susceptibles
d'intervenir dans la fabrication d'armes chimiques. Ne sont pas
concernés par cette obligation de déclaration les sites d'usine
qui fabriquent uniquement des explosifs et des hydrocarbures.
- Par ailleurs, l'
article XI
de la convention tend, à la demande
des pays en développement, à
éviter que les
interdictions destinées à favoriser la disparition de la menace
chimique entravent le développement économique ou
technologique.
Dans cet esprit, l'article XI autorise l'échange d'informations
scientifiques et techniques, ainsi que de produits chimiques et de
matériels destinés aux
activités chimiques conduites
à des fins non interdites
(recherche, pharmacie, médecine,
protection)
.
C. OBLIGATIONS SOUSCRITES PAR LES PARTIES
Les engagements souscrits par les parties à la convention du 13 janvier 1993 concernent principalement la déclaration et la destruction des stocks d'armes chimiques et des installations de fabrication dont ils peuvent éventuellement disposer, ainsi que la déclaration de produits toxiques fabriqués dans le cadre d'activités non interdites (pour l'essentiel, médecine, recherche, pharmacie, protection). D'autres obligations concernent l'assistance et la protection entre parties, ainsi que l'adoption de mesures internes tirant les conséquences de l'adhésion à la convention.
1. Les déclarations
L'article III de la convention fait obligation aux parties,
dans les trente jours suivant l'entrée en vigueur de la convention, de
déclarer à l'Organisation pour l'interdiction des armes chimiques
(OIAC), nouvelle organisation internationale mise en place pour assurer le
respect de la convention du 13 janvier 1993 (voir infra, D-1), les armes
chimiques et les installations de fabrication prohibées par la
convention.
Ces déclarations servent de base aux opérations de
vérification confiées à des inspecteurs de l'OIAC.
.
Doivent faire l'objet de déclarations les
armes chimiques
qui se trouvent sous la juridiction de chaque Etat. Les
armes
abandonnées
par un autre Etat (à l'instar des stocks d'armes
chimiques abandonnés par le Japon en Mandchourie) sont également
visées par l'obligation de déclaration.
L'obligation de déclaration s'étend aux
armes anciennes
,
c'est-à-dire fabriquées
avant 1925, ou fabriquées entre
1925 et 1946 et qui se seraient détériorées
.
L'ensemble des armes chimiques dont un Etat est propriétaire ou
détenteur doivent faire l'objet d'un
inventaire précis
et
d'un plan général de destruction.
.
Les
installations de fabrication d'armes chimiques
font l'objet de
déclarations, assorties de la présentation d'un
plan
général de destruction ou de conversion.
Les déclarations concernent également les
agents de lutte
antiémeute
. Elles s'appliquent aussi, en fonction de la
volonté des Etats, aux armes chimiques qui ont été
enfouies (avant le 1er janvier 1977) ou déversées en mer (avant
le 1er janvier 1985).
.
Font également l'objet de déclarations les
activités non interdites
visées par les articles II-9 et
VI de la convention (voir supra, B-3).
Les déclarations de chaque Etat sont essentielles pour l'application de
la convention, car, quel que soit le domaine concerné (armes chimiques
ou activités non interdites) elles servent de base au
processus de
vérification
qui constitue l'originalité majeure de ce
traité (voir infra, D).
2. Destruction des stocks d'armes chimiques et des sites de fabrication
a) Stipulations relatives aux armes chimiques
.
L'
article premier
de la convention prescrit
à chaque Etat, non seulement de s'abstenir de fabriquer et de faire
usage d'armes chimiques, mais aussi de détruire les stocks d'armes
chimiques ainsi que les installations de fabrication d'armes chimiques qui se
trouvent sous sa juridiction.
.
L'
article IV.1
fait obligation à toute partie à
la convention de détruire les armes chimiques dont il est
propriétaire ou détenteur, à l'exception des armes
abandonnées par un autre Etat. A ce dernier revient, en effet,
l'obligation de procéder à la destruction des armes
abandonnées par lui.
L'article IV stipule que la destruction des armes chimiques doit commencer au
plus tard deux ans après l'entrée en vigueur de la convention
à l'égard de la Partie considérée, et doit
être achevée dix ans après l'entrée en vigueur de la
convention. L'intégralité des stocks d'armes chimiques devrait
donc avoir été détruite en avril 2007.
. La destruction des
armes chimiques anciennes
fait l'objet de
stipulations spécifiques de
l'Annexe sur la vérification.
Leur destruction obéit, en effet, aux dispositions des
législations des pays concernés relatives aux
déchets
toxiques
pour les
armes antérieures à 1925 et les
armes postérieures non réutilisables. Les délais
de
destruction
peuvent, le cas échéant, être
aménagés si ces armes ne constituent pas un risque pour l'objet
de la convention (c'est-à-dire, pour l'essentiel, un risque en termes de
prolifération).
.
L'
Annexe sur la vérification
définit la
destruction des armes chimiques
comme le "processus par lequel les
produits chimiques sont transformés d'une façon essentiellement
irréversible en une forme qui ne se prête pas à la
fabrication d'armes chimiques, et qui rend d'une manière
irréversible les munitions et autres dispositifs inutilisables en tant
que tels". L'Annexe prescrit la destruction "dans des installations
spécifiquement désignées et convenablement conçues
et équipées".
Tout en laissant à chaque partie le choix de la méthode de
destruction à utiliser, l'Annexe
interdit la combustion à ciel
ouvert, le déversement dans des eaux quelconques et l'enfouissement.
L'Annexe sur la vérification
détermine un
échéancier de destruction
en fonction de la
catégorie à laquelle appartiennent les armes chimiques
déclarées :
-
catégorie 1
: armes chimiques fabriquées à partir
de produits du tableau 1 ;
-
catégorie 2
: armes chimiques fabriquées à l'aide
de tous les autres produits chimiques (des tableaux 2 et 3) ;
-
catégorie 3
: munitions et dispositifs non remplis et
matériel spécifiquement conçu pour être
utilisé en liaison directe avec l'emploi d'armes chimiques.
Les armes de la catégorie 1 doivent être détruites en
quatre phases. Trois ans au plus après l'entrée en vigueur de la
convention (fin de la première phase), 1 % des armes de la
catégorie 1 devront avoir été détruites, soit en
avril 2000. Toutes les armes chimiques de la catégorie 1 devront avoir
été détruites
dix ans
au plus tard après
l'entrée en vigueur de la convention (fin de la phase 4, soit en avril
2007).
La destruction des armes de la catégorie 2 doit débuter dans
chaque Etat concerné deux ans après l'entrée en vigueur de
la convention à son égard. La destruction doit être
achevée
cinq ans
au plus tard après l'entrée en
vigueur de la convention, soit en avril 2002.
La destruction des armes de la catégorie 3 doit être entreprise un
an au plus tard après l'entrée en vigueur de la convention pour
chaque Etat concerné, et s'achever
cinq ans
au plus tard
après l'entrée en vigueur de la convention (soit en avril 2002).
b) Stipulations relatives aux installations de fabrication
En vertu de l'article V de la convention, les Etats
s'engagent
à fermer, dans les quatre-vingt dix jours suivant l'entrée en
vigueur de la convention à leur égard, toutes les installations
de fabrication d'armes chimiques situées dans des lieux placés
sous leur juridiction.
La
destruction de ces sites
doit commencer un an au plus après
l'entrée en vigueur de la convention à l'égard de chaque
Partie concernée, et s'achever
dix ans
après
l'entrée en vigueur de la convention (soit en avril 2007).
Des
plans détaillés de destruction
sont
présentés 180 jours avant le début effectif de la
destruction. Les méthodes de destruction, que chaque Etat est libre de
choisir, doivent respecter la
sécurité des personnes et
assurer la protection de l'environnement.
Il est admis que des installations de fabrication soient
temporairement
converties pour la destruction d'armes chimiques
. De manière plus
exceptionnelle, avec l'autorisation de l'OIAC et sous réserve d'un
contrôle accentué, des installations de fabrication peuvent
être exploitées à des fins non interdites par la
convention.
3. Assistance et protection contre les armes chimiques
L'article X de la convention engage chaque Etat partie
à "faciliter l'échange le plus complet possible de
matériel, de matières et d'informations scientifiques et
techniques concernant les moyens de protection contre les armes
chimiques". Une
telle stipulation est rendue possible par le fait que la convention ne remet
pas en cause le droit de tout Etat de "se livrer à des recherches sur
les moyens de protection contre les armes chimiques et de mettre au point, de
fabriquer, d'acquérir, de transférer ou d'utiliser de tels moyens
à des fins non interdites par la convention" (c'est-à-dire
à des fins exclusivement pacifiques).
L'article X autorise ainsi la
création d'une banque de données
sur les moyens de protection contre les armes chimiques, et permet la demande
et la fourniture d'assistance contre les armes chimiques entre Etats
Parties.
4. Adoption de mesures internes tirant les conséquences de la convention
L'article VII de la convention fait obligation à chaque
Partie de "prendre les mesures nécessaires pour s'acquitter des
obligations" contractées en vertu de la convention du 13 janvier 1993.
Doit ainsi notamment être adoptée par chaque Etat une
législation pénale
interdisant aux personnes physiques et
morales se trouvant sous sa juridiction d'entreprendre les activités
interdites par la convention. D'autres adaptations législatives ont pour
objet de
rendre obligatoires les déclarations
(voir supra, 1)
visées par les articles III et VI de la convention. De même, les
législations des Parties doivent
autoriser, y compris sur des sites
privés, les vérifications et les inspections
prévues
par l'article I de la convention (voir infra, D).
Parmi les mesures internes devant être prises par chaque Partie figure la
désignation d'une
autorité nationale
,
qui permet
d'assurer la liaison entre les Etats et l'Organisation internationale.
Le présent projet de loi a précisément pour objet de tirer
les conséquences, sur notre législation, des engagements
souscrits par la France en vertu de la convention du 13 janvier 1993.
D. LES MÉCANISMES DE VÉRIFICATION
Le régime de vérification prévu par la convention du 13 janvier 1993 est étroitement lié à la mise en place d'une nouvelle organisation internationale ; il tend à créer un système d'inspection dont le caractère intrusif mérite d'être souligné, et qui vise à garantir l'élimination complète des armes chimiques.
1. Une nouvelle organisation internationale : l'Organisation pour l'interdiction des armes chimiques
L'article VIII de la convention crée l'Organisation pour l'interdiction des armes chimiques (OIAC), dont le siège est à La Haye, et qui s'appuie sur trois institutions : la Conférence des Etats Parties, le Conseil exécutif et le Secrétariat technique. Notons que le volet institutionnel de la Convention du 13 janvier 1993 a inspiré celui du Traité d'interdiction complète des essais nucléaires (CTBT) du 24 septembre 1996.
a) La Conférence des Etats Parties
Organe plénier de l'OIAC, la Conférence se réunit au moins une fois par an. La première session a eu lieu en mai 1997, conformément au paragraphe 10 de l'article VIII, qui prévoit que la première session est convoquée au plus tard trente jours après l'entrée en vigueur de la convention. Chaque Etat membre a un représentant à la Conférence. Principal organe de l'OIAC, la Conférence examine "toutes les questions (...) entrant dans le cadre de la convention". Entre autres prérogatives, mentionnons qu'elle élit les membres du Conseil exécutif, et détermine le barème des quotes-parts de chaque Etat au budget de l'OIAC. L'article XII de la Convention investit, par ailleurs, la Conférence de la responsabilité de "prendre (...) les mesures nécessaires pour assurer le respect de la convention et pour redresser et corriger toute situation contrevenant aux dispositions de la convention". Dans cette perspective, la Conférence est habilitée à "restreindre ou suspendre les droits et privilèges" d'un Etat contrevenant aux stipulations de la Convention. En cas de situation grave, causée par des activités interdites par la Convention, la Conférence "peut recommander aux Etats Parties des mesures collectives, conformément au droit international".
b) Le Conseil exécutif.
Composé de 41 membres, élus par la
Conférence, le Conseil exécutif "oeuvre à l'application
effective et au respect de la convention" (article VIII - 31). Outre ses
compétences d'ordre général (présentation du budget
de l'OIAC à la Conférence, organisation des sessions de celle-ci,
demande de convocation des sessions extraordinaires de la
Conférence...), le Conseil exécutif examine les cas de
non-respect de la Convention (ou les motifs de doute et de préoccupation
quant au respect de la Convention). Dans ces circonstances, le Conseil
exécutif est habilité à demander à un Etat-Partie
de "prendre des mesures pour redresser la situation dans des délais
fixés" (article VIII - 36) et, le cas échéant, il peut
porter le problème à l'attention de la Conférence, voire,
dans les cas les plus graves et les plus urgents, saisir le Conseil de
sécurité des Nations unies et l'Assemblée
générale des Nations unies.
La composition du Conseil exécutif est fondée sur des
critères géographiques. L'Afrique est ainsi
représentée par neuf Etats, de même que l'Asie. L'Europe
orientale dispose de cinq sièges, la région Amérique
latine-Caraïbes, de sept sièges. La catégorie "Europe
occidentale et autres Etats", est représentée par dix Etats
Parties. Selon le paragraphe 23 de l'article VIII, il n'est pas
nécessaire qu'un Etat dispose d'une industrie chimique importante pour
siéger au Conseil exécutif.
La composition du Conseil exécutif désigné par la
Conférence le 12 mai 1997
est la suivante :
-
Afrique
: Afrique du Sud, Algérie, Kenya, Maroc, Cameroun,
Côte d'Ivoire, Ethiopie, Tunisie, Zimbabwe ;
-
Asie
: Bangladesh, Oman, Philippines, Sri Lanka, Arabie
Saoudite, Chine, Japon, Inde, république de Corée ;
-
Europe orientale
: Belarus
16(
*
)
,
Bulgarie, Roumanie, Hongrie, Pologne ;
-
Amérique latine et Caraïbes
: Equateur, Pérou,
Uruguay, Argentine, Brésil, Chili, Mexique ;
-
Europe occidentale et autres Etats
: Australie, Espagne, Malte,
Norvège, Pays-Bas, Allemagne, Etats-Unis, France, Italie, Royaume-Uni.
c) Le Secrétariat technique
Le Secrétariat technique "aide la Conférence et
le Conseil exécutif dans l'accomplissement de leurs fonctions" (article
VII - 37). Il fournit un
appui administratif et technique
à la
Conférence et au Conseil exécutif, ainsi qu'aux organes
subsidiaires. Il établit le projet de budget de l'OIAC, qu'il
présente au Conseil exécutif, ainsi que le projet de rapport sur
l'application de la Convention. Le Secrétariat technique informe le
Conseil exécutif "de toute difficulté qu'il a pu rencontrer dans
l'exercice de ses fonctions, y compris des doutes, ambiguïtés ou
incertitudes quant au respect de la convention qu'il a constatés dans
l'exécution de ses activités de vérification".
La
conduite des vérifications et inspections
constitue, en
effet, la principale responsabilité du Secrétariat technique,
dont le personnel a le statut de fonctionnaire international.
L'organigramme du Secrétariat technique comprend quatre services :
vérification, coopération technique et assistance,
administration, et relations extérieures. La
Direction de la
Vérification
est dirigée par un expert français. Les
principaux pays pourvoyeurs d'inspecteurs sont les suivants :
Hollande : 16 inspecteurs ;
Inde : 16 inspecteurs ;
Royaume-Uni : 12 inspecteurs ;
Etats-Unis : 11 inspecteurs ;
Chine : 7 inspecteurs ;
Pologne : 7 inspecteurs ;
Canada : 6 inspecteurs ;
France : 6 inspecteurs ;
Brésil : 5 inspecteurs ;
Irlande : 5 inspecteurs.
Quatre inspecteurs sont également originaires de chacun des pays
suivants : Roumanie, Afrique du Sud, Allemagne, Finlande,
Nouvelle-Zélande, et République tchèque.
d) Le budget de l'OIAC
Adopté par la Conférence des Parties, le budget
de l'OIAC est alimenté par les quotes-parts des Etats. Celles-ci sont
assises sur un barème
17(
*
)
très
comparable à celui des contributions au budget des Nations unies, et non
fondées sur la responsabilité présumée des
différents Etats dans la prolifération chimique.
Ainsi les
dix premiers contributeurs
au budget de l'OIAC sont-ils :
- les Etats-Unis (25 %) ;
- le Japon (16,3 %) ;
- l'Allemagne (9,4 %) ;
- la France (6,69 %) ;
- le Royaume-Uni (5,5 %) ;
- l'Italie (5,4 %) ;
- la Russie (4,4 %) ;
- le Canada (3,2 %) ;
- l'Espagne (2,4 %) ;
- le Brésil (1,6 %).
Les quotes-parts les plus faibles (0,01 % du budget de l'OIAC) concernent
quelque 39 Parties (Côte d'Ivoire, Seychelles, Sri Lanka, Jordanie,
Kenya, Ethiopie, Cameroun, Costa Rica, Niger,
Papouasie-Nouvelle-Guinée...).
Le budget de l'OIAC ne finance pas la destruction des armes chimiques et des
installations de fabrication, dont le coût est à la charge des
Etats propriétaires ou détenteurs. De même les
opérations de vérification mises en oeuvre dans le cas
d'inspections de routine sont-elles financées par les Etats faisant
l'objet de ces visites.
Le budget de l'OIAC pour 1998, qui s'élève à quelque 122
millions de florins, a été adopté au cours de la
deuxième Conférence des Parties, réunie à La Haye
entre le 1er et le 4 décembre 1997.
2. Un dispositif de vérification fondé sur l'équilibre entre intrusion et protection de l'Etat inspecté
Depuis que les "mesures de confiance et de
sécurité" (MDCS), adoptées en 1986 dans le cadre de la
Conférence sur la sécurité et la coopération en
Europe (CSCE), ont mis en oeuvre le principe de la
vérification sur
place
, les traités de désarmement adoptés
ultérieurement ont prévu l'adoption de
mécanismes de
vérification
, qu'il s'agisse du traité relatif aux
Forces
conventionnelles en Europe
, du traité
américano-soviétique sur les
Forces nucléaires
intermédiaires
ou, plus récemment, du traité sur
l'Interdiction complète des essais nucléaires
. On remarque
d'ailleurs de nombreux points communs entre ce dernier et la convention du 13
janvier 1993, s'agissant essentiellement de la volonté d'assurer un
certain équilibre entre les larges pouvoirs reconnus aux inspecteurs
afin de garantir l'efficacité du contrôle effectué, et le
souci de préserver les intérêts supérieurs de l'Etat
inspecté.
Le système de contrôle de l'application de la convention sur
l'interdiction des armes chimiques s'appuie, d'une part, sur la
vérification systématique des déclarations transmises par
les Etats en application des articles III et VI de la convention et, d'autre
part, sur l'
organisation
exceptionnelle d'inspections relativement
inopinées
, dites par
mise en demeure
, demandées par un
Etat partie, en cas de doute sur le comportement d'un autre Etat.
Les mesures prévues par la convention en matière de
vérification et d'inspection ont fait l'objet de plusieurs
vérifications préalables, dans le cadre de simulations
effectuées aux Etats-Unis, au Canada et aux Pays-Bas, afin
d'évaluer les chances de succès des inspections
envisagées. Ces essais auraient établi la possibilité de
procéder à des contrôles efficaces, sans pour autant
remettre en question, dans l'intérêt des Etats inspectés,
le
caractère confidentiel des informations susceptibles d'être
recueillies par les équipes de contrôle au cours d'une
inspection
.
a) Les vérifications des déclarations
Les déclarations transmises par les Etats à
l'OIAC, conformément à l'article III de la convention, font
l'objet de
vérifications systématiques par inspection sur
place.
Les articles IV et V de la convention prescrivent aux Etats de donner
accès aux
armes chimiques, aux installations de fabrication d'armes
chimiques ainsi qu'aux installations de destruction d'armes chimiques
déclarées à l'OIAC, afin que celles-ci fassent l'objet
d'inspection sur place.
Un régime comparable de vérification systématique est
applicable, dans le cadre des activités non interdites conduites en
application de l'article VI de la convention, aux
produits chimiques du
tableau 1
, qui présentent les risques les plus importants.
L'Annexe sur la vérification
définit les modalités
concrètes de mise en oeuvre de ces mesures de vérification.
- Chaque installation déclarée fait l'objet d'une
inspection
initiale
(y compris les sites de stockages d'armes anciennes ou
abandonnées), destinée à vérifier les
renseignements fournis et à
planifier les activités de
vérification future.
Au ler décembre 1997,
95 inspections
initiales
avaient été effectuées sur le territoire de
vingt Etats parties.
Parmi les sites ayant fait l'objet de ces visites,
on comptait les 34 installations de production d'armes chimiques
déclarées à ce jour à l'OIAC.
- Puis les Etats Parties concluent avec l'OIAC, dans les 180 jours suivant
l'entrée en vigueur de la convention à leur égard, un
accord d'installation
qui
régit la fréquence et la
portée des inspections dans chaque installation
déclarée
.
L'inspection initiale peut conduire à la mise en place
de
systèmes de surveillance continue
(caméras...), ainsi
qu'à la pose de
scellés
, ou toute autre procédure
de contrôle des stocks.
-
L'inspection systématique
combine l'inspection sur place et la
surveillance au moyen d'instruments installés sur place. Selon
l'Annexe sur la vérification
(troisième partie,
point 44), les
installations de stockage d'armes chimiques
sont
inspectées de manière à rendre impossible toute
prévision de la date de l'inspection.
Dans le même esprit, les
installations de fabrication d'armes
chimiques
font l'objet de vérifications systématiques,
comportant, en fonction de l'accord d'installation, examens visuels,
contrôle et entretien de scellés, et prélèvement et
analyse d'échantillons. L'objectif est de s'assurer, dans un premier
temps, de la cessation de toute activité dans ces installations, puis de
la destruction de celles-ci.
-
Les activités non interdites,
conduites conformément
à l'article VI de la convention, relèvent d'un système de
contrôle moins contraignant.
. En ce qui concerne les activités non interdites mettant en oeuvre des
produits du tableau 2,
le délai d'accomplissement des
inspections initiales
est prévu de manière relativement
large (dans les trois premières années suivant l'entrée en
vigueur de la convention) par rapport aux délais prévus à
l'égard des activités interdites (l'inspection initiale
intervient, en général, entre le 90e et le 120e jour suivant
l'entrée en vigueur de la convention à l'égard de l'Etat
concerné).
Le rythme et le nombre des
inspections ultérieures
dépendent de la toxicité des produits chimiques
fabriqués et de celle de leurs composants, de la quantité de
produits chimiques stockés, et de la capacité de production des
usines considérées.
L'Annexe sur la vérification
ne
prévoit pas de surveillance au moyen d'instruments installés sur
place. Le nombre d'inspections sur place susceptibles d'être
effectuées sur un même site est limité à
deux par
an
(compte non tenu des inspections pour mise en demeure : voir infra, b).
Les inspections visent de manière générale à
vérifier l'absence de
produits chimiques du tableau 1
,
ainsi que le
non-détournement
de produits du tableau 2 à
des fins non interdites par la convention, et, de manière
générale, la conformité des volumes produits,
traités ou consommés avec les données
déclarées.
. En ce qui concerne les activités non interdites mettant en oeuvre des
produits du
tableau 3,
l'
Annexe sur la vérification
subordonne l'organisation
d'inspections initiales à des
critères quantitatifs
: seuls les sites produisant plus de 200
tonnes de produits chimiques du tableau 3 font l'objet de telles visites.
Les seules inspections effectuées sont déterminées de
manière aléatoire.
L'Annexe sur la vérification
précise qu'elles doivent être géographiquement
équitablement réparties. Les inspections sur un même site
sont, là encore, limitées à
deux par an
, compte non
tenu des inspections par mise en demeure.
. Dans le cas des
autres installations de produits chimiques,
des
inspections sur place
sont prévues, trois ans après
l'entrée en vigueur de la convention, si la Conférence des
Etats-parties ne s'y oppose pas, pour les sites fabriquant plus de 200 tonnes
de produits chimiques organiques ou de
produits PSF
. L'objectif des
inspections est de
vérifier que les activités de ces sites
concordent avec les renseignements fournis dans les déclarations
.
. Notons que l'ensemble des opérations de vérification
prévues pour 1998 portera sur environ
326 inspections.
b) Les inspections par mise en demeure
L'article IX définit les procédures
exceptionnelles applicables, à la demande d'un Etats-partie, en cas de
"doute quant au respect de la Convention ou une préoccupation au sujet
d'une question connexe qui serait jugée ambiguë".
L'article IX invite tout d'abord les Etats parties à "tout mettre en
oeuvre pour éclaircir et régler, par un échange
d'informations et par des consultations entre eux", toute question
suscitant
quelque préoccupation, afin d'éviter d'en arriver à une
inspection par mise en demeure.
- Dans cette hypothèse, l'Etat partie qui reçoit une
demande
d'éclaircissement
fournit, dans un délai de dix jours, des
"informations suffisantes pour lever ce doute ou cette préoccupation".
L'article IX rend également possible l'organisation,
par consentement
mutuel, d'inspections spécifiques
entre les Etats concernés.
-
Les inspections par mise en demeure
ont pour objet exclusif d'
"élucider et de résoudre toutes questions liées au
non-respect éventuel" des stipulations de la convention, si la
procédure de la demande d'éclaircissement ci-dessus
évoquée n'a pas abouti de manière satisfaisante. L'article
IX engage les Parties à
s'abstenir de demandes d'inspection sans
fondement
, et d'éviter les abus. "L'inspection par mise en demeure
est effectuée à seule fin d'établir les faits se
rapportant au non-respect éventuel de la convention".
Le Conseil
exécutif peut s'opposer à une inspection dont il estimerait la
demande "frivole" ou "abusive".
L'Etat inspecté est informé de la demande d'inspection dont il
fait l'objet au moins douze heures avant l'arrivée prévue de
l'équipe d'inspection au point d'entrée sur son territoire.
L'Annexe sur la vérification
(dixième partie) apporte de
nombreuses précisions sur le
déroulement des inspections par
mise en demeure.
.
L'équipe d'inspection est constituée au coup par coup, en
assurant une représentation géographique aussi large que
possible, et en excluant tout ressortissant de l'Etat inspecté et de
l'Etat ayant requis l'inspection, de même que tout inspecteur
récusé par l'Etat inspecté.
.
L'inspection commence par le
verrouillage du site
inspecté
: surveillance des sorties, établissement de
registres de trafic, prise de photographies, enregistrements vidéo ...
L'équipe d'inspection est en droit d'inspecter les véhicules
quittant le site.
.
Les activités de contrôle sur le périmètre
inspecté consistent notamment en
prélèvements
d'échantillons d'air, de sol et d'effluents
.
.
L'inspection ne dépasse pas
84 heures
(compte non tenu
des délais préalables à sa mise en oeuvre effective : 108
heures peuvent ainsi séparer l'arrivée de l'équipe sur le
territoire de l'Etat concerné, et l'accès des inspecteurs au
périmètre inspecté).
.
L'Etat requérant l'inspection peut solliciter la
présence d'observateurs
pendant l'inspection. L'Etat
inspecté peut désigner des accompagnateurs, chargés
d'assister aux activités d'inspection.
.
Le comportement de l'équipe d'inspection doit être
"le
moins intrusif possible", et exclure la recherche d'informations sans
rapport
avec l'obtention des faits destinés à dissiper le doute quant au
non-respect de la convention.
c) Caractère intrusif de l'inspection et respect des droits de l'Etat inspecté
L'une des difficultés contribuant à expliquer les délais nécessaires à l'adoption de la convention du 13 janvier 1993 est le souci de parvenir à un équilibre satisfaisant entre, d'une part, l'efficacité des procédures de vérification et de contrôle supposant une certaine intrusivité des mécanismes d'inspection et, d'autre part, le respect des intérêts supérieurs de chaque Etat. L'étendue des prérogatives reconnues aux équipes d'inspection devait donc être compensée notamment par des stipulations garantissant un traitement adapté de l'information confidentielle susceptible d'être abordée dans le cadre d'une inspection. En dépit du caractère quelque peu intrusif des processus de vérification prévus par la convention du 13 janvier 1993, force est de constater que celle-ci préserve dans une large mesure les droits des Etats inspectés.
(1) L'étendue des pouvoirs des équipes d'inspection
En règle générale
,
l'Annexe sur
la vérification
(deuxième partie) engage les Etats, quel que
soit le processus de vérification considéré (inspection
initiale, inspection par mise en demeure, vérifications
systématiques et de routine), à permettre aux membres des
équipes d'inspection de jouir des
privilèges et
immunités accordés aux agents diplomatiques
(inviolabilité de leurs bureaux et locaux d'habitation, de leurs
documents et correspondances...).
Les Etats inspectés sont tenus de
fournir à l'équipe
d'inspection ce dont elle a besoin
(matériel de communication,
services d'interprétation, bureaux, hébergement, repas, soins
médicaux, moyens de locomotion...). L'OIAC rembourse néanmoins
à l'Etat inspecté les dépenses effectuées pour
l'équipe d'inspection.
En ce qui concerne la conduite des inspections, les droits reconnus aux
équipes d'inspection et définis en termes très
généraux par
l'Annexe sur la vérification
visent :
- le libre accès aux sites d'inspection,
- le droit de s'entretenir librement avec tout membre du personnel de
l'installation inspectée,
- la possibilité de prendre des photographies (il doit y avoir à
leur disposition des appareils à développement instantané),
- la consultation des documents et relevés jugés
nécessaires à l'accomplissement de leur mission,
- le droit de demander des "demandes d'éclaircissement au sujet
d'ambiguïtés apparues durant l'inspection",
- les prélèvements d'échantillons et, le cas
échéant, l'analyse sur place de ceux-ci.
L'Etat inspecté est, de manière générale, tenu
d'apporter son concours aux équipes d'inspection.
(2) Une certaine prise en compte des intérêts des Etats inspectés
Les droits des Etats inspectés, définis
principalement par
l'Annexe sur la vérification
et par
l'Annexe sur la confidentialité,
limitent quelque peu, en
réalité, les prérogatives des équipes d'inspection
et le caractère intrusif des opérations de vérification.
- Les Etats ont le droit de
récuser certains inspecteurs et
assistants d'inspection,
dès la transmission aux Etats parties, par
l'OIAC, des listes des membres des équipes d'inspection. Les personnels
récusés ne sont pas habilités à participer à
des opérations de vérification sur le territoire des Etats qui
les ont refusées.
Dans le même esprit,
l'Annexe sur la confidentialité
prescrit aux équipes d'inspection de protéger les
informations confidentielles
auxquelles elles pourraient avoir
accès au cours d'opérations de vérification. Ainsi les
inspecteurs ne doivent-ils demander que les informations qui leur sont
nécessaires pour s'acquitter de leur mandat, et s'engagent-ils à
ne pas consigner les données recueillies incidemment, et qui
n'intéresseraient pas la vérification du respect de la convention.
L'Etat inspecté peut donc indiquer à l'équipe d'inspection
le matériel, la documentation ou les zones qu'il considère comme
sensibles et sans rapport avec le but de l'inspection. Les Etats-parties ne
peuvent cependant prendre de mesures pour protéger la
confidentialité des informations qu'à la condition qu'ils
s'acquittent de leur obligation de démontrer qu'ils respectent la
convention.
- Dans le cas d'
inspections par mise en demeure,
procédure
exceptionnelle destinée à apporter tous les
éclaircissements possibles en cas de doute sur le respect de la
convention par un Etat, l'équipe d'inspection doit être
"guidée par le principe suivant lequel il convient qu'elle effectue
l'inspection par mise en demeure
de la manière la moins intrusive
possible
" (article IX - 19). L'
Annexe sur la vérification
(dixième partie) prescrit une gradation dans l'intrusion : "Chaque
fois que possible, (l'équipe d'inspection) commence par suivre les
procédures les moins intrusives qu'elle juge acceptables et ne passe
à des procédures plus intrusives que si elle l'estime
nécessaire".
Par ailleurs, le déroulement de l'inspection ne doit pas "entraver ou
retarder de façon déraisonnable le fonctionnement normal de
l'installation".
Les modalités et le contenu d'une inspection par mise en demeure sont
définis principalement par
accord entre l'équipe d'inspection
et l'Etat inspecté.
Ainsi le
périmètre
du site inspecté fait-il l'objet
de
négociations
entre l'Etat inspecté et l'équipe
d'inspection : consulté en vue de la définition du
périmètre final, l'Etat inspecté peut proposer un
périmètre alternatif. Faute d'un accord dans les 72 heures, ce
dernier devient le périmètre final.
De même, c'est par
négociations
entre l'équipe
d'inspection et l'Etat inspecté qu'est définie la
portée des opérations de vérification :
- nature des activités d'inspection elles-mêmes (parmi lesquelles
le prélèvement d'échantillons),
- renseignements à fournir par l'Etat inspecté,
- étendue de l'accès reconnu aux inspecteurs à
l'intérieur du périmètre final.
Ces diverses possibilités reconnues à l'Etat inspecté sont
cependant limitées par l'obligation faite à l'Etat qui ne
donnerait pas pleinement accès à ses activités ou aux
informations rendues nécessaires dans le cadre d'un contrôle
international, de fournir toutes les informations alternatives possibles pour
dissiper toute préoccupation quant à son respect de la convention.
En ce qui concerne le
respect de la confidentialité
pendant les
inspections par mise en demeure, l'Etat inspecté peut demander à
recourir à des moyens très diversifiés afin de
protéger les installations sensibles
et
d'empêcher la
divulgation de données confidentielles sans rapport avec les armes
chimiques :
- limitation de l'analyse d'échantillons à la
détermination de la présence de produits des tableaux 1, 2 ou 3 ;
- limitation de l'accès à certaines parties du
périmètre inspecté à un inspecteur donné ;
- fermeture de la connexion des systèmes informatiques ;
- détermination de "techniques d'accès sélectif
aléatoire", les inspecteurs n'étant admis que dans un pourcentage
ou un nombre donné de bâtiments de leur choix pour conduire leur
inspection.
E. LES INÉVITABLES LIMITES DE LA CONVENTION DU 13 JANVIER 1993
Les hypothèques susceptibles de limiter
l'efficacité de la convention d'interdiction des armes chimiques
concernent :
- son champ d'application géographique : la convention n'est applicable,
par définition, que dans les Etats parties, auxquels ne se sont pas
joints, à ce jour, des pays considérés comme
proliférants ;
- sa mise en oeuvre pratique : le coût et les délais de
destruction des armes chimiques sont de nature à obérer
l'application de la convention ;
- l'efficacité des procédures de contrôle.
1. Limites géographiques
Comme votre rapporteur l'a précédemment
mentionné (voir supra, A-2 b), on relève, parmi les pays ayant
refusé d'adhérer à la convention, des pays dont il est
admis de considérer qu'ils jouent un rôle dans la
prolifération des armes chimiques (Libye, Irak, Syrie, Egypte,
Corée du Nord). Rappelons que les réticences des pays arabes
à l'égard de mécanismes conventionnels proscrivant les
armes chimiques sont liées au fait que celles-ci assureraient leur
défense face à la menace nucléaire que représente
pour eux Israël. La volonté de certains Etats arabes de
conserver un arsenal chimique face à la menace nucléaire
incarnée par Israël
s'inscrit dans un raisonnement
stratégique créditant les armes chimiques des mêmes
capacités dissuasives que les armes nucléaires.
L'absence, parmi les parties à la convention, des Etats
considérés comme des pays proliférants,
prive la
convention d'interdiction des armes chimiques d'une certaine
crédibilité,
d'autant que ces pays se situent dans des zones
de tension.
Cette limite géographique à l'efficacité de
la convention pourrait toutefois n'être pas définitive,
si
l'on en juge par l'adhésion de pays, comme l'Iran, le Pakistan, voire
même les Etats-Unis et la Russie, dont la participation à la
convention n'était pas acquise d'avance (voir supra, A2b)
18(
*
)
.
2. Limites pratiques liées au processus de destruction des arsenaux chimiques
Le coût élevé, voire dirimant, des différents processus de destruction des arsenaux chimiques pourrait obérer de facto la possibilité d'appliquer la convention du 13 janvier 1993 dans les délais relativement rapides prescrits par celle-ci.
a) Les différents procédés techniques à mettre en oeuvre en vue de la destruction des armes chimiques
La destruction des produits interdits par la convention passe
par leur
transformation chimique
(par hydrolyse basique ou par
oxydation), les solutions ainsi obtenues étant ensuite
éliminées au moyen des mêmes procédés que les
déchets toxiques
(essentiellement par incinération).
Toutes les précautions doivent alors être prises pour la
protection de l'environnement
, afin que soit évitée la
dispersion dans les océans ou dans les airs des rejets liquides ou
gazeux dangereux provenant des lavages. Certains pays recourent
également à un
procédé thermique
, visant la
décomposition des produits en gaz simples, combiné le plus
souvent à la méthode chimique, en fonction des substances
à détruire.
Quant aux
matériels de fabrication
des substances interdites par
la convention, ils sont
rendus inutilisables par découpage
,
après avoir été
décontaminés
. Les
parties métalliques peuvent être refondues dans les hauts
fourneaux de l'industrie sidérurgique.
En ce qui concerne les infrastructures, elles sont, après
décontamination éventuelle, démolies par concassage (pour
les parties en béton) ou par découpage (pour les parties en
métal).
b) D'importantes conséquences pour l'environnement
Le coût élevé des techniques de
destruction s'explique, pour une très large part, par la
complexité des procédés utilisés afin de
protéger l'environnement et les populations riveraines.
Ainsi l'organisation Greenpeace critique-t-elle la destruction des armes
chimiques par incinération qui, selon elle, causerait le
dépôt de résidus toxiques à la surface de la mer. De
même, plusieurs pays du Pacifique ont-ils craint que l'atoll Johnson,
site américain de destruction (par ailleurs le site de destruction le
plus évolué techniquement du monde) situé à 1 300
kilomètres d'Hawaï, ne transforme cette région en
décharge pour produits dangereux. C'est pourquoi les oppositions
écologistes locales ont, aux Etats-Unis, freiné la construction
des sites de destruction d'Aberdeen (Maryland) et de Lexington Bluegrass.
De même, la base russe de Chapayevsk (région de Saratov) a-t-elle
été fermée pour des raisons liées au risque
écologique que présente ce site de destruction d'armes chimiques,
situé à 12 km seulement de la ville de Chapayevsk, et à 40
000 km de celle de Kuybychev, dans une région où la
présence de nombreuses usines chimiques cause la plus forte
concentration d'acide chlorhydrique et d'anhydride sulfureux de toute
l'ex-URSS
19(
*
)
.
c) Des obstacles financiers considérables
Les opérations de destruction des armes chimiques et
des installations de fabrication sont à la charge des Etats
propriétaires ou détenteurs (article IV-16 de la convention). Or,
compte tenu de l'importance des stocks existants, et de la
nécessité de recourir, pour les détruire, à des
procédés relativement respectueux de l'environnement, mais aussi
sophistiqués que coûteux, l'incidence budgétaire de la
convention sur l'interdiction des armes chimiques est, pour certains pays,
réellement colossale.
En effet,
le coût moyen de la destruction des armes chimiques
représente cinq fois le prix de leur fabrication
: le montant de la
destruction d'une tonne de substances toxiques peut être
évalué à 170 000 $ en moyenne
20(
*
)
.
A titre d'exemple, les stocks détenus par l'Irak représentaient,
en 1991, environ 75 tonnes de sarin, 150 tonnes de tabun, et 280 tonnes de gaz
moutarde
21(
*
)
. Les stocks américains de
gaz de combat s'élèveraient à 30 000 tonnes (sarin, tabun,
gaz moutarde, lewisite, VX...), auxquels il faut ajouter 680 tonnes de
composants binaires. Cet arsenal serait réparti sur neuf sites, dont
l'atoll Johnson
22(
*
)
. Le coût de la
destruction des stocks américains a été
évalué à 12 milliards de dollars, qui prennent en compte
le coût de la destruction des installations de fabrication.
Les stocks russes -les plus importants du monde- pourraient être d'au
moins 50 000 tonnes. Le coût de leur destruction, qui relève
d'approximations incertaines (il a été estimé par
certains, compte tenu du coût de la destruction des installations de
fabrication, à 25 milliards de dollars), constitue le principal obstacle
à l'application de la convention, d'autant
qu'il s'ajouterait aux
dépenses, déjà considérables, mises en oeuvre dans
le cadre du
désarmement nucléaire
, et qu'il s'inscrit
dans un
contexte économique très défavorable
.
L'application de la convention par la Russie passe donc nécessairement
par une
aide technique et financière de la communauté
internationale
. C'est dans cette perspective qu'a été
attribuée à la Russie, en 1995, une aide américaine de 50
millions de dollars, à laquelle s'ajouterait une aide européenne
de 15 millions d'écus, ce qui demeure encore très insuffisant
pour permettre l'accomplissement, par la Russie, de ses obligations.
L'incidence budgétaire de l'adhésion à la convention sur
l'interdiction des armes chimiques était pour beaucoup dans les
réticences opposées par la Douma russe à la
ratification de cette convention
par la Russie.
L'une des principales failles dans les mécanismes de destruction
prévus par la convention réside donc dans l'
insuffisance des
moyens pouvant être consacrés à la destruction des arsenaux
chimiques existants
, d'autant que l'Organisation pour l'interdiction des
armes chimiques ne dispose pas des fonds susceptibles de suppléer, le
cas échéant, aux contributions des Etats -ce que ne lui permet
pas, à l'évidence, un budget de l'ordre de trente millions de
francs par an-.
L'insuffisance de ces moyens incite à soulever la question de la
possibilité d'appliquer la convention dans les délais
(généralement dix ans) impartis par celle-ci aux Etats devant
assurer la destruction de leurs stocks d'armes chimiques et de leurs
installations de fabrication.
3. Limites à l'efficacité des contrôles
Les modalités d'accomplissement des inspections, telles qu'elles sont définies par la convention du 13 janvier 1993 et par l'Annexe sur la vérification, pourraient, du fait des prérogatives conférées à l'Etat inspecté, limiter la portée et l'efficacité des opération de vérification.
a) D'importants délais entre la notification de l'inspection et le début effectif de celle-ci
. Dans le cas d'une
inspection initiale
, l'inspection
est notifiée à l'Etat inspecté
soixante-douze heures
avant l'arrivée prévue de l'équipe d'inspection au
point d'entrée sur le territoire de l'Etat inspecté.
. Ce délai est réduit à
vingt-quatre heures
dans le
cas des
inspections de routine
conduites en application des articles IV
(armes chimiques), V (installations de fabrication) et VI (activités non
interdites).
. Dans l'hypothèse d'une
inspection par mise en demeure,
il peut
s'écouler plus de quatre jours entre l'arrivée des inspecteurs au
point d'entrée dans le pays inspecté et leur accès au
périmètre à inspecter :
- le délai prévu entre la notification de l'inspection et
l'arrivée de l'équipe d'inspection au point d'entrée est
de
douze heures,
les inspecteurs devant parvenir sur le
périmètre vingt-quatre heures après leur arrivée au
point d'entrée ;
- en cas de
litige sur la définition du périmètre
à inspecter,
il peut s'écouler
trente-six heures
entre
l'arrivée de l'équipe et son accès au
périmètre si le périmètre alternatif,
proposé par l'Etat inspecté, fait l'objet d'un accord ;
- il peut aussi s'écouler
soixante-douze heures
avant
l'accès de l'équipe au périmètre si, faute d'accord
entre l'Etat inspecté et l'équipe d'inspection, le
périmètre alternatif est finalement désigné comme
périmètre final (rien n'empêche toutefois les inspecteurs
d'accepter d'emblée le périmètre alternatif proposé
par l'Etat inspecté, afin d'être en mesure de visiter très
rapidement la partie du site qui les intéresse) ;
- le délai limite d' accès des inspecteurs au site d'inspection
est, quelles que soient les contestations, de
cent-huit heures,
soit
plus de
quatre jours.
Or, les spécialistes n'excluent pas que
douze heures suffisent
à convertir des sites de production militaire en usines
civiles
23(
*
)
.
Notons néanmoins que, pendant ces divers délais, le
vérouillage du site
, auquel il est procédé
dès l'arrivée de l'équipe d'inspection, permet de limiter
les fraudes éventuelles.
Les délais autorisés par la convention entre le moment où
un Etat est avisé de l'arrivée d'une équipe d'inspection
et le début effectif des activités de vérification
semblent donc rendre possible la violation de leurs engagements par des pays
peu scrupuleux en matière de prolifération chimique. Les
mécanismes de vérification prévus par la convention,
certes très contaignants par rapport aux traités ne
prévoyant aucune procédure de contrôle,
ne constituent
cependant pas une garantie absolue de respect de la convention par les Etats
parties.
b) La possibilité reconnue à l'Etat inspecté de négocier certains éléments d'une inspection
L'Etat où est entreprise une inspection par mise en demeure peut négocier avec l'équipe d'inspection certaines des méthodes de contrôle que celle-ci utilisera, soit les "procédures additionnelles" (utilisation de capteurs, analyse d'échantillons...) destinées, le cas échéant, à compléter le contrôle des véhicules, la prise de photograhies et la réalisation d'enregistrement vidéo. De même est négociée l'étendue de l'accès de l'équipe d'inspection à tout endroit à l'intérieur du périmètre d'inspection.
c) Le respect de la confidentialité
Prescrivant aux équipes d'inspection d'
incommoder le
moins possible l'Etat inspecté,
et d'
éviter de gêner
le fonctionnement d'une installation
,
l'Annexe sur la
vérification
permet aux Etats inspectés dans le cadre d'une
procédure par mise en demeure, de
protéger les installations
sensibles afin d'empêcher la divulgation d'informations
confidentielles
sans rapport avec les armes chimiques (voir supra, D 2 c).
Certes, on peut penser qu'
un Etat-partie qui ferait obstacle à
l'exercice, par les inspecteurs, de la plénitude de leur pouvoir se
mettrait dans une situation très difficile, si les inspecteurs
établissaient un rapport faisant état d'entraves à
l'inspection ou de suspicions non levées.
Il n'en demeure pas moins que l'interprétation, par les Etats-Unis, des
obligations liées à l'adhésion à la convention du
13 janvier 1993, est très éclairante des implications du souci de
la convention de respecter scrupuleusement les droits reconnus aux Etats
inspectés. En effet, les Etats-Unis ont assorti le dépôt de
leurs instruments de vérification d'une déclaration
inspirée par un souci de confidentialité, et selon laquelle les
échantillons prélevés au cours d'inspections
effectuées sur le territoire américain ne sauraient être
exportés hors des Etats-Unis, mais devraient obligatoirement être
analysés à l'intérieur des Etats-Unis, dans des
laboratoires agréés par l'OIAC.
Si les contraintes des industriels peuvent éventuellement rendre
admissible ce type de condition, il convient d'avoir présent à
l'esprit que toute concession faite aux industriels d'un pays
développé peut donner lieu à des demandes
équivalentes venant d'un pays supposé proliférant. Quel
intérêt présenterait la convention sur l'interdiction des
armes chimiques si un pays comme l'Iran exigeait de faire procéder dans
ses laboratoires, même agréés par l'OIAC, à
l'analyse des échantillons prélevés sur un site
contrôlé ?
*
* *
III. LE PROJET DE LOI INTERNE RELATIF À L'APPLICATION DE LA CONVENTION DU 13 JANVIER 1993 : DES DISPOSITIONS CONTRAIGNANTES MAIS NÉCESSAIRES
La convention du 13 janvier 1993 illustre l'
engagement de
la France dans la lutte contre la prolifération chimique
. C'est, en
effet, à l'initiative de la France que fut réunie à Paris,
du 7 au 11 janvier 1989, la conférence internationale qui devait donner
un élan décisif aux négociations conduites au sein du
comité du désarmement en vue de l'élaboration d'un
instrument international proscrivant les armes chimiques.
C'est également à Paris qu'eut lieu la cérémonie de
signature de la convention, du 13 au 15 janvier 1993.
La ratification de la convention dès le premier trimestre de 1995 a
également confirmé le souci de la France, premier membre
permanent du Conseil de sécurité à ratifier la convention,
de jouer un rôle déterminant dans le désarmement chimique.
Bien que la France ne possède pas d'armement ou de stocks d'armes
chimiques, son adhésion à la convention du 13 janvier 1993
impliquait d'importants aménagements législatifs
24(
*
)
destinés à inscrire dans notre droit
l'interdiction de tous les usages envisageables des armes chimiques, les
obligations de déclaration et de destruction liées aux armes
chimiques, ainsi que les mesures de contrôle prescrites en cas de
fabrication ou de détention de produits chimiques sensibles. Sont
également prévues par le présent projet de loi les limites
au droit de propriété destinées à permettre la mise
en oeuvre, dans les installations françaises, des opérations de
vérification internationales. Le présent projet de loi tend aussi
à instaurer les sanctions civiles, administratives et pénales
susceptibles d'être infligées aux personnes physiques et morales
françaises contrevenant aux prescriptions de la convention.
A. DISPOSITIONS RELATIVES AUX ARMES CHIMIQUES (TITRE PREMIER, ARTICLES 2 À 6)
Le titre 1er du présent projet de loi tire les conséquences, sur notre droit interne, des stipulations de la convention posant le principe de l'interdiction des armes chimiques et de leurs installations de fabrication, de l'obligation de déclaration, ainsi que de l'obligation de destruction.
1. Interdictions
a) Armes chimiques
Les interdictions définies par l'article 2 du projet de
loi à l'égard des armes chimiques constituent la transposition de
l'article I-1 de la convention. Elles concernent l'emploi, la mise au point, la
fabrication et l'acquisition d'armes chimiques, leur stockage, leur
détention, leur conservation, ainsi que toutes les manipulations
visées par la convention par le terme de transfert direct ou indirect
(cession, importation, exportation, transit, commerce et courtage).
Est également interdite l'incitation d'entreprendre quelque
activité que ce soit liée aux armes chimiques et interdite par la
convention.
La seule exception à l'interdiction de détenir des armes
chimiques vaut pour les
services de l'Etat,
autorisés à
détenir des armes chimiques en vue de leur destruction.
Rappelons que, comme il a été indiqué à votre
rapporteur par le Ministère de la défense,
"la France qui a
ratifié le protocole de Genève de 1925 interdisant l'emploi des
armes chimiques, ne s'est livrée à aucune activité
relative aux armements chimiques, illégitime ou interdite juridiquement
ou moralement.
Elle n'a jamais possédé d'armement ou de stocks d'armes
chimiques. Elle ne s'est toutefois pas interdit d'évaluer la menace pour
réduire la vulnérabilité de ses forces en
développant une protection chimique adaptée et efficace. Elle a
donc mis constamment à jour son savoir-faire technique et poursuivi ses
études sur la toxicité et les risques des produits et des armes.
Elle a ainsi conservé constamment depuis la fin de la deuxième
guerre mondiale un savoir-faire qui se traduit par la qualité et
l'étendue des moyens de protection dont elle dispose.
A la date d'entrée en vigueur de la Convention, la France remplissait
toutes ses obligations relatives à l'interdiction des armes et des
installations de fabrication. La France ne détient que des armes
chimiques anciennes antérieures à 1925, collectées sur les
champs de bataille",
et stockées, en vue de leur destruction, dans
quatre sites situés dans le Nord et l'Est de la France, et
gérés par les services de la Sécurité civile,
relevant du Ministère de l'Intérieur (voir infra, 3).
b) Installations de fabrication d'armes chimiques
. L'article 3 du présent projet de loi tire les
conséquences de l'article V-8 de la convention, qui prescrit la
destruction des installations de fabrication d'armes chimiques et de
"matériel connexe" (termes dont le contenu est précisé par
le projet de loi : il s'agit des matériels de fabrication
utilisés exclusivement pour la fabrication de pièces non
chimiques d'armes chimiques, ou de matériels spécifiquement
conçus pour être utilisés en liaison directe avec l'emploi
d'armes chimiques).
. L'article 3 vise également les installations où sont
fabriqués, à d'autres fins que médicales, pharmaceutiques,
de recherche ou de protection, des produits dits du tableau 1,
c'est-à-dire des produits hautement toxiques, dont les usages civils
sont très limités (article VI-3 de la convention et points 10
à 12 de la sixième partie de
l'Annexe sur la
vérification
relatifs aux installations, autres que l'installation
dite "unique à petite échelle", où sont fabriqués
des produits du tableau 1).
. L'article 3 concerne aussi les échanges de matériels de
fabrication d'armes chimiques, ainsi que de technologies et d'informations
relatives aux armes chimiques, aux installations de fabrication d'armes
chimiques et de produits du tableau 1, et aux matériels de fabrication
d'armes chimiques.
2. Déclarations
L'article 4 du présent projet de loi tire les
conséquences de l'article III de la convention, qui prescrit aux Etats
de déclarer à l'Organisation pour l'interdiction des armes
chimiques les armes chimiques -y compris les armes anciennes ou
abandonnées-, ainsi que les installations de fabrication d'armes
chimiques qui se trouvent sur son territoire ou sous sa juridiction.
L'article 4 soumet également à déclaration,
conformément à l'article III-1-d de la convention, "tout
laboratoire ainsi que tout site d'essai et d'évaluation".
L'article 4 concerne aussi les installations de destruction des armes
chimiques. Mentionnons que la Délégation générale
pour l'armement examine actuellement un projet de
construction d'une
installation de destruction d'armes chimiques
, destinée à la
destruction des munitions chimiques anciennes, collectées pour la
plupart sur les champs de bataille de la première guerre mondiale. Cette
installation, dont la mise en service pourrait intervenir en 2002, aurait une
capacité de destruction de 100 tonnes par an.
Les déclarations prévues par la convention ont été
effectuées par la France dans les délais prescrits. Il s'agit
d'informations confidentielles, ne pouvant faire l'objet de diffusion.
Notons que la fabrication de produits du tableau 2 et, dans certains cas, du
tableau 3, est également soumise à déclaration à
l'OIAC. Conformément au
décret n° 98-36 du
16 janvier 1998
relatif à la
répartition des
compétences administratives pour la mise en oeuvre de la convention du
13 janvier 1993
, c'est au ministère chargé de
l'industrie que les installations civiles soumises à l'obligation de
déclaration devront transmettre leur déclaration.
3. Destruction
A l'exception des armes chimiques anciennes, collectées
principalement sur les champs de bataille de la guerre de 1914-1918 et que la
France s'est engagée à détruire selon les modalités
prévues par
l'Annexe sur la vérification
(quatrième
partie), les articles 5 et 6 du projet de loi concernent des produits et des
installations dont la France n'est pas détenteur à ce jour :
- armes chimiques et produits chimiques du tableau 1 fabriqués à
des fins interdites,
- installations de fabrication de ces produits.
Les articles 5 et 6 ont donc pour objet de poser, à titre prospectif, le
principe de la destruction, aux frais de leur détenteur, des produits et
des installations interdits par la convention qui auraient, le cas
échéant, été fabriqués ou construits par des
contrevenants.
- La
destruction des armes chimiques anciennes
présente des
difficultés particulières
, car elle pose un risque
à la fois pyrotechnique et chimique, car il s'agit pour la plupart de
munitions tirées mais non explosées.
Par ailleurs, de nombreux composés chimiques (plus de trente) ont
été expérimentés en 1914-1918, ce qui rend
très improbable la découverte d'une méthode de destruction
efficace pour tous les produits visés.
Rappelons aussi l'importance des quantités en jeu, malgré
l'action des services de déminage : 500 tonnes de munitions chimiques
seraient ainsi stockées dans le site de Vimy, qui relève des
services de la Sécurité civile. Sur les quelque
250 tonnes de
munitions qui sont encore découvertes chaque année en France
-essentiellement à l'occasion de grands travaux-, on compte environ
10 à 15 % de charges chimiques
.
Notons que le coût du programme de destruction des armes chimiques
anciennes serait estimé à
300 millions de francs
, qui
seront
imputés au ministère de la Défense
, en
application du décret n° 96-1081 du 5 décembre 1996 qui
charge ce ministère de la destruction des armes chimiques anciennes.
En revanche, la collecte, le transport et le stockage intermédiaires des
munitions chimiques anciennes, ainsi que leur déclaration, incombent,
selon le décret n° 98-36 du 16 janvier 1998, au ministère de
l'Intérieur, responsable du service de déminage. Après la
mise en service du site de démantèlement et de destruction des
armes chimiques anciennes actuellement en projet, le ministère de la
Défense assurera le stockage des munitions en attente de destruction.
B. DISPOSITIONS RELATIVES AU CONTRÔLE DES PRODUITS CHIMIQUES (TITRE II)
Le titre II du présent projet de loi transpose en droit interne les stipulations de la convention limitant la fabrication des produits toxiques visés par l'Annexe sur les produits chimiques : produits des tableaux 1, 2, 3, auxquels s'ajoutent certains produits chimiques organiques. Les contraintes imposées aux exploitants sont proportionnelles à la toxicité de ces produits, et à leurs liens avec la fabrication d'armes chimiques. De manière générale, la production de ces substances est limitée aux activités autorisées par la convention : recherche, protection, médecine et pharmacie pour les produits du tableau 1, auxquelles s'ajoutent les activités industrielles, agricoles et de maintien de l'ordre intérieur pour les produits des tableaux 2 et 3 (conformément à l'article II-9 de la convention).
1. Produits du tableau 1
. L'article 7 du projet de loi précise le régime
des
produits du tableau 1, produits chimiques hautement toxiques, dont les
usages industriels civils sont très limités.
L'utilisation de ces produits est réservée à certaines
activités (médicales, pharmaceutiques, recherche et protection)
et à des quantités très réduites (10 kg par an ;
une production de 100 g par an au maximum permet d'éviter les
obligations de déclaration et de vérification).
L'article 7 proscrit la
"mise au point, la fabrication, l'acquisition,
la
cession, l'utilisation, la détention, la conservation, le stockage,
l'importation, l'exportation, le transit, le commerce et le courtage"
des
produits chimiques du tableau 1. La sixième partie de
l'Annexe sur la
vérification
vise, de manière moins détaillée,
la fabrication, l'acquisition, la conservation, l'utilisation et le transfert
de ces produits hors du territoire d'un Etat. L'article 7 prévoit donc
très scrupuleusement toutes les utilisations possibles de ces substances
particulièrement dangereuses.
Plus particulièrement, les termes de commerce, d'exportation,
d'importation, de courtage et de transit recouvrent un contenu juridique plus
précis et plus satisfaisant dans notre droit interne que celui de
transfert, utilisé par la convention. Entre autres exemples, la
référence au courtage permet de prévoir l'hypothèse
de l'achat de produits toxiques dans un pays pour livraison dans un autre pays,
sans emprunter le territoire national . Une telle activité,
répréhensible au regard de la convention, ne serait pas couverte
nécessairement par le terme de transfert, insuffisamment précis
en l'espèce. La simple transposition des termes de la convention dans
notre législation ne permettrait donc peut-être pas de poursuivre
un éventuel courtage de produits du tableau 1 qui ne passerait pas par
la France.
- Dans les
cas où l'utilisation de produits du tableau 1 est
licite
, dans certaines limites, cette utilisation est soumise à
autorisation préalable
, pour des
quantités
précises
. L'article 7 du projet de loi n'autorise le commerce, le
courtage, l'importation, l'exportation et le transit de ces produits qu'avec
des pays Parties à la convention -et s'étant, par
conséquent, engagés à proscrire les armes chimiques- :
cette disposition constitue la transposition du point 1 de la sixième
partie de
l'Annexe sur la vérification.
L'article 7 se réfère au
décret-loi du 18 avril 1939
fixant le régime des matériels de guerre, armes et munitions
pour ce qui est de l'exportation, de l'importation et du transit de produits du
tableau 1 en provenance ou vers des Etats Parties à la convention.
L'article 11 du décret-loi précité soumet à
autorisation l'importation de matériels de guerre. L'article 12 de ce
même texte prévoit un agrément préalable à
toute prise de commande à l'exportation de ces matériels
sensibles, une seconde autorisation étant nécessaire avant la
mise en oeuvre effective de l'exportation, c'est-à-dire
préalablement à la livraison. Une opération d'exportation
est donc subordonnée à
deux autorisations successives
: le
système de contrôle lié au décret-loi de 1939 semble
donc présenter des
garanties suffisantes pour être
étendu aux armes chimiques.
- Pour permettre à la France de satisfaire les obligations de
déclaration
de produits du tableau 1 définies par les
points 18 à 20 de la sixième partie de
l'Annexe sur la
vérification,
l'article 8 du projet de loi prescrit aux exploitants
des installations de fabrication de produits du tableau 1 de
déclarer chaque année les quantités de ces produits
cédées, consommées, acquises ou stockées
(le
terme de consommation renvoie à la transformation d'un produit par
réaction chimique en une autre espèce chimique : article II-12 de
la convention) pendant l'année, et quantités prévues pour
l'année suivante.
- Transposition des points 10 à 12 de la sixième partie de
l'Annexe sur la vérification,
l'article 9 du projet de loi limite
la fabrication de produits du tableau 1 aux
activités de recherche,
de protection, de médecine et de pharmacie
. Il limite cette
production à l'
"installation unique à petite
échelle"
(c'est-à-dire au Centre d'études du Bouchet,
relevant de la DGA) visée par la convention. Il permet néanmoins
que d'autres sites fabriquent ces produits, dans des quantités
limitées :
- une seule installation peut, en plus de l' "installation unique à
petite échelle", produire des substances du tableau 1 à des fins
de protection,
- d'autres installations sont habilitées à fabriquer ces produits
à des fins médicales, pharmaceutiques et de recherche.
L'Annexe sur la vérification
borne les quantités
susceptibles d'être produites par ces installations à 10 kg par
an. L'article 20 du projet de loi renvoie à l'intervention d'un
décret en Conseil d'Etat, qui tirera les conséquences des
quantités limites prévues par
l'Annexe sur la
vérification.
Dans le même esprit, l'article 9 dispense d'autorisation préalable
les laboratoires qui fabriqueront des produits du tableau 1 dans la limite de
quantités que la convention fixe à 100 g par an.
- De manière générale, l'article 10 du projet de loi
soumet toutes les installations fabriquant ou consommant des substances du
tableau 1 à déclaration : cette obligation vaut aussi pour les
installations qui ne relèvent pas du régime de l'autorisation
préalable.
2. Produits du tableau 2
- Les articles 11 et 13 prescrivent la
déclaration
:
. de la fabrication (ainsi que du traitement et de la consommation) de
produits du tableau 2 (produits définis par la convention comme
présentant un "risque sérieux" en raison de leur
"toxicité létale ou incapacitante
", et qui
ne sont pas
produits en grandes quantités industrielles à des fins non
interdites)
;
. des installations de fabrication de ces produits.
- Le second alinéa de l'article 11 ne soumet pas à autorisation
les
mélanges qui ne contiennent qu'une faible concentration de
produits du tableau 2 :
comme le point 5 de la septième partie de
l'Annexe sur la vérification,
l'article 11 du projet de loi
renvoie à la détermination ultérieure, par la
Conférence des Parties à la convention, des taux de concentration
de produits du tableau 2 à partir desquels sera exigée la
déclaration de ces substances.
- L'article 12 pose le principe général de
l'interdiction de
tout transfert de produits du tableau 2
(par importation, exportation,
commerce et courtage)
à des Etats non Parties à la convention.
L'Annexe sur la vérification
(septième partie,
points 31-32) prévoyant l'entrée en vigueur de cette interdiction
au terme d'une
période transitoire de trois ans
à compter
de l'entrée en vigueur de la convention, l'article 12
autorise, dans
certaines conditions, les échanges de produits du tableau 2
avec des
pays qui n'ont pas adhéré à la convention. Ces conditions
tendent à subordonner à autorisation préalable toute
opération d'exportation, de commerce et de courtage à destination
d'un État non Partie (les importations en provenance d'États non
Parties sont libres, pendant la période transitoire, car elles peuvent
n'avoir qu'une incidence relativement limitée en termes de risques de
prolifération). Conformément aux stipulations de l
'Annexe sur
la vérification
,
l'article 12 exclut la délivrance des
autorisations requises, en vue d'une opération d'exportation vers un
Etat non Partie, si l'Etat de destination ne fournit pas de certificats
d'utilisation finale (attestant les usages pacifiques des produits
importés) et de non-réexportation. Par ailleurs, l'article 19 du
projet de loi rappelle qu'une autorisation d'importation ou d'exportation peut
être suspendue si "la réalisation de l'opération peut
porter atteinte aux intérêts de la sécurité
extérieure de l'Etat ou de la défense nationale".
3. Produits du tableau 3
Bien que comparable au régime des produits du tableau
2, le dispositif de contrôle s'appliquant aux produits du tableau 3,
destinés à être
fabriqués en grandes
quantités industrielles à des fins non interdites
par la
convention, est moins contraignant pour le producteur et pour l'utilisateur.
- Les articles 14 et 16 soumettent à déclaration la fabrication
de produits du tableau 3, à l'exception des mélanges comportant
une concentration inférieure à un taux déterminé,
qui sera défini ultérieurement par la Conférence des
Parties (conformément à l
'Annexe sur la
vérification
, huitième partie, point 5).
- En ce qui concerne les
transferts de produits du tableau 3 à des
Etats non Parties à la convention,
l'article 15 pose le principe de
l'
autorisation préalable
à toute opération de
courtage, de commerce et d'exportation. L'exportation de ces produits à
destination de
pays n'ayant pas adhéré à la
convention
est, comme dans le cas des produits du tableau 2,
subordonnée à un certificat de non-réexportation et
d'utilisation finale. Enfin, une autorisation d'exportation ou d'importation
est susceptible de suspension ou d'abrogation pour des motifs liés
à la défense nationale ou aux intérêts de la
sécurité extérieure de l'Etat (article 19 du
présent projet).
4. Produits chimiques organiques définis
L'article 17 transpose certaines stipulations de l 'Annexe sur la vérification (neuvième partie) relative au régime applicable aux installations de fabrication de produits chimiques organiques définis qui ne sont pas inscrits à l'un des trois tableaux présentés par l 'Annexe sur les produits chimiques . A partir d'un seuil de production fixé par la convention à 200 tonnes par an -ou 30 tonnes pour les produits les plus toxiques, comportant des éléments phosphore, soufre ou fluor- (le projet de loi se réfère sur ce point à des "seuils déterminés" ultérieurement par voie réglementaire 25( * ) ), la fabrication de ces substances -à l'exception des hydrocarbures et des explosifs- est soumise à déclaration . Celle-ci est, comme votre rapporteur l'indiquait plus haut, transmise au Ministère chargé de l'industrie , responsable de l'application de la convention pour l'ensemble des installations civiles 26( * ) .
C. VÉRIFICATION INTERNATIONALE (TITRE III)
Le titre III du présent projet de loi constitue la
transposition, dans notre législation, des stipulations de l'
Annexe
sur la Vérification
sur les inspections internationales. Les
articles 21 à 47 du projet de loi traitent donc successivement des
attributions respectives des inspecteurs de l'Organisation pour l'interdiction
des armes chimiques et des accompagnateurs français, ainsi que des
modalités concrètes d'accomplissement des opérations de
vérification prévues par la convention (inspection initiale,
inspection de routine, inspection par mise en demeure). Ces articles
déterminent les
conditions de l'accès des inspecteurs aux
sites dépendant de personnes privées
, et placent les
inspections par mise en demeure sous le
contrôle du juge
, gardien
des libertés individuelles.
De même que la convention respecte un certain équilibre entre
intrusivité de l'inspection et respect des contraintes des personnes
inspectées, de même le projet de loi traduit-il un certain souci
de prendre en compte -dans les limites autorisées par la convention- les
contraintes des exploitants.
1. Dispositions relatives aux responsabilités des inspecteurs et accompagnateurs : les pouvoirs décisifs du chef de l'équipe d'accompagnement
Les articles 21 à 28, qui constituent le chapitre
premier du titre III du projet de loi relatif à la vérification
internationale, renvoient à la convention pour la détermination
des pouvoirs, privilèges et immunités reconnus aux
inspecteurs
. Ces articles définissent en revanche de
manière particulièrement précise les prérogatives
des
accompagnateurs
qui, en France, seront désignés pour
"seconder l'équipe d'inspection pendant la période passée
dans le pays"
(Annexe de la Vérification,
première partie,
point 9).
Le personnel d'accompagnement, désigné au coup par coup avant
chaque inspection (article 22 du projet de loi), sera, en ce qui concerne les
sites de destruction des armes chimiques et le Centre d'études du
Bouchet, issu du Ministère de la Défense et, plus
particulièrement, de la Direction générale pour
l'armement, ainsi que de l'unité déjà compétente
à l'égard des inspections effectuées en application du
traité sur les forces conventionnelles en Europe. S'agissant des
administrations ne relevant pas de la Défense, et des sites industriels
privés, le personnel d'accompagnement viendra du service de l'Inspection
de la sécurité nucléaire du Ministère de
l'Industrie, qui a déjà l'expérience des contrôles
conduits par l'AIEA (Agence internationale pour l'énergie atomique).
Les accompagnateurs sont soumis à l'
obligation de
confidentialité
, compte tenu du caractère sensible des
informations susceptibles d'être évoquées à
l'occasion d'une opération de vérification. La commission des
affaires économiques a, de manière opportune,
étendu
explicitement cette obligation aux inspecteurs.
Le présent projet de loi confère aux accompagnateurs
français et, plus particulièrement, au
chef de l'équipe
d'accompagnement
, des pouvoirs non négligeables, définis de
manière à préserver les intérêts nationaux.
Ces prérogatives sont liées au fait que le chef de
l'équipe d'accompagnement "représente l'Etat auprès du
chef de l'équipe d'inspection" (article 22 du présent projet de
loi). C'est donc le chef de l'équipe d'accompagnement qui :
- contrôle les matériels de communication et de contrôle
apportés par l'équipe d'inspection, afin de vérifier la
conformité de ces équipements aux normes de l'OIAC, et leur
aptitude à respecter la confidentialité des informations
recueillies (article 23 du projet de loi) ;
- fixe les conditions d'accès des inspecteurs à une installation
de fabrication de produits du tableau 3 (article 24 du projet de loi) ;
- veille au respect de leur mandat par les équipes d'inspection dans les
installations de fabrication de produits du tableau 2. Ce mandat est
supposé limité à la vérification de
non-détournement de produits chimiques (article 24 du projet de loi) ;
- autorise les prélèvements d'échantillons destinés
à l'équipe d'inspection (article 27 du projet de loi) ;
- "prend les mesures appropriées pour lever les ambiguïtés"
en cas de demande d'éclaircissement (article 28 du projet de loi) ;
- peut s'opposer aux activités de l'équipe d'inspection qui sont
susceptibles de gêner ou de retarder abusivement le fonctionnement d'une
installation (article 30).
Notons que l'
Annexe sur la Vérification
ne mentionne pas
l'intervention du chef de l'équipe d'accompagnement, et se borne
à prévoir l'association éventuelle de personnels
d'accompagnement lors des opérations de vérification.
Les prérogatives reconnues au chef de l'équipe d'accompagnement
pourraient, le cas échéant, faire obstacle à des exigences
disproportionnées des inspecteurs. Elles sont de nature à
protéger l'exploitant contre une intrusivité non justifiée
des équipes d'inspection. Les inspections effectuées en France
depuis mai dernier se sont néanmoins, selon les informations transmises
à votre rapporteur, passées sans problème.
Bien que ce point n'ait pas à figurer dans le présent projet de
loi, il convient de souligner la part non négligeable prise par la
France à la formation d'inspecteurs internationaux, à travers la
création, en 1993, du
Centre français de formation pour
l'interdiction des armes chimiques (CEFFIAC).
Placé sous la tutelle du Chef d'Etat-major des armées et du
Délégué général pour l'armement, le CEFFIAC
a accueilli 19 stagiaires en 1996, puis 148 stagiaires pendant le premier
semestre de 1997.
Le CEFFIAC confirme l'
incontestable expertise acquise par la France dans le
domaine de la défense chimique
, si l'on en juge par la contribution,
au programme de formation, de spécialistes issus du Centre
d'études du Bouchet, qui relève de la DGA et qui sera
l'"installation unique à petite échelle" française au sens
de la convention, de l'école de défense NBC de Bretteville sur
Odon, et de la section chimique de l'Armée de terre de Satory. Le
CEFFIAC est également fort de la contribution d'experts de la SNPE
(société nationale des poudres et explosifs) et des industries
civiles.
Les programmes de formation organisés par le CEFFIAC comprennent des
disciplines très diversifiées (présentation scientifique
des agents de guerre chimique, protection et décontamination, soins
d'urgence, destruction de gaz de combat et des munitions chimiques,
organisation de l'industrie chimique, techniques de vérification), ainsi
qu'une présentation de la convention du 13 janvier 1993 et des devoirs
des Etats et de l'OIAC.
2. Modalités d'accomplissement des opérations de vérification
Qu'il s'agisse des inspections initiales, des
vérifications de routine ou des inspections par mise en demeure, le
projet de loi précise l'étendue des droits des exploitants face
aux prérogatives des équipes d'inspection.
- De manière générale, l'exploitant décide seul des
conditions d'exécution de l'inspection. Il observe, avec l'équipe
d'accompagnement, l'ensemble des activités de vérification.
- L'exploitant est consulté avant la conclusion d'un accord
d'installation.
- Dans le cas d'inspections par mise en demeure, les responsabilités du
chef des équipes d'accompagnement sont étendues : c'est lui qui
propose (après avis des personnes concernées) un
périmètre alternatif en cas de contestation du
périmètre initial, et qui autorise l'équipe d'inspection,
après verrouillage du site, à prendre des photographies ou
à utiliser des enregistrements vidéo. Il définit
également dans quelles conditions l'observateur d'un pays tiers peut
être autorisé, le cas échéant, à
accéder au site d'inspection.
3. Droit d'accès
Les articles 37 à 47 du projet de loi
définissent les conditions d'accès des équipes
d'inspection au site inspecté, de manière à concilier le
caractère intrusif du dispositif de contrôle prévu par la
convention, avec une conception relativement protectrice de la notion de
propriété en droit français.
Ainsi une
inspection par mise en demeure dans un site dépendant d'une
personne privée
est-elle subordonnée à une
autorisation du juge
(le président du tribunal de grande instance
est compétent), qui désigne de surcroît un
officier de
police judiciaire
pour assister aux opérations de
vérification. Alors que l'article 38 du projet de loi ne confère
au président du tribunal de grande instance ou à son
délégué qu'un pouvoir de contrôle limité
à la vérification de l'habilitation des membres de
l'équipe d'inspection et des accompagnateurs, et de l'existence d'un
mandat d'inspection, la
commission des lois
a estimé
nécessaire de
renforcer les prérogatives du juge
en cas
d'inspection par mise en demeure, en lui permettant de
vérifier la
conformité de la demande d'inspection avec le contenu de la convention.
Celle-ci ne s'oppose pas à une telle extension des pouvoirs du juge,
et votre rapporteur souscrit à la proposition de la commission des lois,
qui va dans le sens d'un renforcement de la protection des libertés
individuelles. Il convient toutefois d'espérer que cette modification de
l'article 38 ne revienne pas à retarder la mise en oeuvre effective
d'une inspection par mise en demeure, et ne paraisse pas constituer un
expédient susceptible d'inspirer des pays qui, peu scrupuleux en
matière de prolifération chimique, seraient réticents
à admettre l'activité des équipes de vérification
internationale sur leur territoire...
Le juge est également saisi des demandes d'accès à des
parties d'installation de fabrication de produits du titre 3, auxquelles
l'exploitant opposerait un refus. Le droit d'accès de l'équipe
d'inspection peut être limité (conformément au point 48 de
la sixième partie de l'
Annexe sur la Vérification
)
à des fins de protection de données confidentielles sans rapport
avec le mandat d'inspection. Dans le même esprit, l'article 46 du projet
de loi autorise le chef de l'équipe d'accompagnement à prendre
des mesures destinées à protéger la confidentialité
et le secret relatif aux "zones, locaux, documents, données ou
informations" concernés par une inspection.
D. INVESTIGATIONS NATIONALES (TITRE IV)
Les articles 48 à 51 du projet de loi (titre IV) posent
le principe de l'exercice, par l'autorité administrative,
d'enquêtes destinées à vérifier le respect des
obligations posées par le présent projet. L'article 48 permet
donc d'"exiger de toute personne les renseignements destinés à
permettre à l'Etat de répondre, en temps voulu, aux demandes
d'éclaircissement" de l'OIAC. Les contrôles susceptibles
d'être mis en oeuvre en application du titre IV du projet de loi sont
effectués par des agents assermentés.
L'article 49 autorise ceux-ci :
- à accéder aux installations utilisées pour des
activités portant sur les produits chimiques inscrits à l'un des
trois tableaux ou sur des produits chimiques organiques définis ;
- à prendre communication et copie de documents commerciaux relatifs
à une opération donnée (factures, documents
d'expédition...) ;
- à prélever des échantillons.
E. SANCTIONS ADMINISTRATIVES ET PÉNALES (TITRE V)
Les articles 52 à 81 (titre V) définissent les
sanctions administratives et pénales dont peuvent être assortis
les manquements aux obligations posées par le présent projet de
loi en application de la convention sur l'interdiction des armes chimiques.
Ces sanctions sont aussi lourdes, voire sévères, que les
infractions au présent projet de loi peuvent être graves. Les
sanctions administratives et pénales encourues par ceux qui se
livreraient aux activités interdites par la convention ont fait l'objet
d'une analyse substantielle par notre excellent collègue, M. Jean-Paul
Amoudry, rapporteur pour avis de la commission des lois. Votre rapporteur se
bornera donc ci-après à rappeler, pour mémoire,
l'échelle des peines prévues par le titre V du présent
projet de loi en cas d'infraction concernant les armes et les produits
chimiques.
1. Sanctions administratives
Les sanctions administratives visent les manquements au
présent projet de loi qui conduiraient la France à faire des
déclarations incomplètes à l'Organisation pour
l'interdiction des armes chimiques, et donc à ne pas respecter la
convention du 19 janvier 1993.
- Le refus opposé aux agents de l'administration chargés
d'exercer les contrôles nationaux prévus par l'article 49 du
projet de loi est passible d'une astreinte journalière dont le montant
peut aller jusqu'à 50.000 francs, et dont le total est limité
à 1,5 million de francs.
- Le manquement aux obligations de déclaration prévus par
l'article III de la convention, et le refus de répondre à une
demande d'information présentée dans le cadre d'une investigation
nationale (article 48 du projet de loi) peuvent donner lieu à une amende
de 500 000 francs au plus.
2. Sanctions pénales
Le projet de loi traite successivement des infractions concernant des armes chimiques, et des infractions relatives aux produits toxiques visés par la convention.
a) Infractions concernant les armes chimiques
- La
réclusion criminelle à
perpétuité
, assortie d'une
amende de 50 millions de
francs
, punit l'
emploi
d'une arme chimique ou d'un produit du
tableau 1 à des fins interdites, ainsi que la
construction
, la
conception
et l'
utilisation d'une installation de fabrication
d'armes chimiques ou de matériels destinés à la
fabrication d'armes chimiques.
- Les mêmes peines sont encourues par ceux qui dirigeraient un
groupement ayant pour objet l'emploi, la fabrication, le stockage, ou tout
transfert d'armes chimiques
ou de produits chimiques du tableau 1 à
des fins interdites : le précédent que constitue l'attentat au
sarin dans le métro de Tokyo, en 1995, montre que l'hypothèse du
recours à la menace chimique par un groupe terroriste n'est pas
nécessairement irréalisable.
- La mise au point, la détention, le stockage et les transferts
(commerce, courtage, transit, importation, exportation) d'armes chimiques ou de
produits du tableau 1 sont punis d'une peine de réclusion criminelle de
vingt ans, et d'une amende de 20 millions de francs.
- De manière très opportune, la
commission des Affaires
économiques
a étendu ces peines à la communication
d'informations susceptibles de permettre la violation des interdictions
concernant les armes chimiques.
- Les infractions concernant les
armes chimiques anciennes ou
abandonnées
(acquisition, cession, importation, exportation,
transit, commerce ou courtage) sont punies de cinq ans d'emprisonnement et de
500 000 francs d'amendes.
- Une peine de deux ans d'emprisonnement ainsi que 200 000 francs d'amende
sont encourus pour
défaut de déclaration
d'une
installation de fabrication, de stockage, de conservation ou de destruction
d'armes chimiques.
La
commission des lois
a estimé que la gravité des peines
maximales prévues par le projet de loi respectait le principe de
proportionnalité, et permettrait à notre pays d'afficher
clairement son intention de lutter contre l'emploi et la fabrication d'armes
chimiques. En revanche, la commission des lois a, de manière très
pertinente, réduit la portée de l'article 59 du projet de loi
relatif à l'aide ou à la provocation à commettre un crime
relatif aux armes chimiques. Jugeant que l'article 121-7 du code pénal
qui définit la notion de complicité s'étend aux
infractions prévues par l'article 59, la commission des lois a
limité le champ d'application de cet article à la provocation,
à l'encouragement et à l'incitation à commettre un crime,
à l'exclusion de l'aide.
Par ailleurs, la commission des lois a également précisé,
de manière très opportune, que la provocation ou l'incitation
non suivie d'effet
ne serait punissable pénalement que dans la
mesure où l'absence d'effet tiendrait à des circonstances
indépendantes de la volonté de l'auteur. Votre rapporteur
souscrit à cette démarche.
b) Infractions concernant les produits chimiques
- L'exploitation d'une installation de fabrication,
sans
autorisation
, de
produits du tableau 1
, même quand ces
substances sont produites à des fins non interdites par la convention,
est punie d'une peine de sept ans d'emprisonnement et de 700 000 francs
d'amende. La même peine est encourue en cas de transfert de produits du
tableau 1 en provenance ou à destination d'
Etats non parties à
la convention
, même si ces transferts sont effectués en vue
d'usages autorisés de ces substances.
- Une peine de trois ans d'emprisonnement et de 300 000 francs d'amende
sanctionne les transferts de produits du tableau 1,
sans autorisation
,
en provenance ou à destination d'
Etats parties à la
convention
. La même peine est prévue en cas de mise au point,
fabrication, détention de produits du tableau 1, sans autorisation,
à des fins non interdites, ou en cas de
violation des autorisations
délivrées.
- Le
commerce de produits du tableau 2 avec des Etats non parties
à la convention est puni de deux ans d'emprisonnement et d'une
amende de 200 000 francs ; la peine est d'un an d'emprisonnement et de
100 000 francs d'amende en cas de
commerce de produits du tableau 3
avec des Etats non parties.
- Enfin, la
commission des lois
a très opportunément
complété l'article 77 du projet de loi en renforçant les
peines dont est passible la divulgation sans autorisation de documents
provenant d'une vérification. La commission des lois a tiré les
conséquences du risque d'espionnage industriel important dans le secteur
de la chimie, et a souhaité protéger efficacement le potentiel
scientifique et économique de nos entreprises.
c) Dispositions communes aux armes et aux produits chimiques
Parmi les dispositions communes aux armes chimiques et aux
produits toxiques, mentionnons :
- l'institution d'une peine de cinq ans d'emprisonnement et de
500 000 francs d'amende en cas d'opposition aux vérifications
internationales ;
- la création de sanction pour divulgation, sans autorisation, de
documents provenant de vérifications ;
- l'application de la loi française aux délits qui seraient
commis, à l'étranger, par des ressortissants français,
même si la loi locale n'incrimine pas ces délits.
*
* *
CONCLUSION DU RAPPORTEUR
Le présent projet de loi est, certes, susceptible de
causer à nos industriels des contraintes qui pourraient être
d'autant plus difficilement perçues qu'elles seraient liées
à l'utilisation de quantités infinitésimales de produits
toxiques.
C'est néanmoins à ce prix que la France pourra se
prévaloir d'une
application exemplaire de la convention sur
l'interdiction des armes chimiques
. Comment, en effet, serions-nous en
droit de contester, le cas échéant, le comportement peu
scrupuleux de certaines Parties à la convention, si nous-mêmes ne
sommes pas totalement irréprochables à cet égard ?
Le présent projet de loi constituant la transposition, dans notre droit
interne, d'une convention internationale dont l'opportunité n'est pas
à prouver, et que le Sénat a adopté à
l'unanimité, votre rapporteur vous invite à adopter ce projet de
loi tel qu'amendé par la commission des affaires économiques et
par la commission des lois.
*
* *
EXAMEN EN COMMISSION
La commission des affaires étrangères, de la
défense et des forces armées a examiné le présent
projet de loi au cours de sa réunion du 4 février 1998.
A la suite de l'exposé de M. Guy Penne, M. Xavier de Villepin,
président, est intervenu, avec M. André Boyer, sur le risque
considérable dû aux armes bactériologiques.
A la demande de M. Xavier de Villepin, président, M. Guy Penne,
rapporteur pour avis, a précisé la différence entre armes
chimiques et armes bactériologiques, relevant que le champ d'application
de la convention du 13 janvier 1993 comprenait deux toxines susceptibles de
servir à la fabrication d'armes chimiques. Il a également
rappelé que la convention de 1972 relative aux armes
bactériologiques pourrait éventuellement être
complétée par un dispositif de contrôle, faisant l'objet
actuellement de négociations internationales.
MM. Xavier de Villepin, président, et Guy Penne, rapporteur pour avis,
ont souligné le danger lié à l'utilisation, dans un
contexte terroriste, tant des armes chimiques que des armes
bactériologiques.
M. Guy Penne, rapporteur pour avis, a rappelé les principaux
éléments de la protection contre les armes chimiques, relevant
les difficultés considérables que présentait la protection
des populations civiles contre la menace d'attaques terroristes.
A la demande de M. Charles-Henri de Cossé-Brissac, M. Guy Penne a
évoqué les difficultés liées à la
destruction des stocks de munitions chimiques recueillies sur les champs de
bataille de 1914-1918, une proportion non négligeable de ces munitions
ayant été tirée sans avoir explosé.
Puis MM. Michel Alloncle et Guy Penne, rapporteur pour avis, ont
commenté les nombreuses méthodes de destruction des armes
chimiques susceptibles d'être utilisées en vue de l'application de
la convention du 13 janvier 1993.
La commission a alors émis un avis favorable à l'adoption du
projet de loi qui lui était soumis, tel qu'amendé par la
commission des affaires économiques et par la commission des lois.
ANNEXE N° 1
Liste des Etats ayant signé
et/ou ratifié27(
*
) la convention sur l'interdiction
des armes chimiques au 15 décembre 1997
AFGHANISTAN |
GRÈCE (R) |
OUGANDA |
AFRIQUE DU SUD (R) |
GRENADE |
OUZBEKISTAN (R) |
ALBANIE (R) |
GUATEMALA |
PAKISTAN (R) |
ALGÉRIE (R) |
GUINÉE (R) |
PANAMA |
ALLEMAGNE (R) |
GUINÉE BISSAU |
PAPOUASIE NOUVELLE GUINEE (R) |
ARABIE SAOUDITE (R) |
GUINÉE EQUATORIALE (R) |
PARAGUAY (R) |
ARGENTINE (R |
GUYANE (R) |
PAYS-BAS (R) |
ARMÉNIE (R) |
HAITI |
PÉROU (R) |
AUSTRALIE (R) |
HONDURAS |
PHILIPPINES (R) |
AUTRICHE (R) |
HONGRIE (R) |
POLOGNE (R) |
AZERBAÏDJAN |
ILES COOK (R) |
PORTUGAL (R) |
BAHAMAS |
ILES MARSHALL |
QATAR (R) |
BAHREIN (R) |
INDE (R) |
REPUBLIQUE CENTRAFRICAINE |
BANGLADESH (R) |
INDONÉSIE |
REPUBLIQUE DE CORÉE (R) |
BELARUS (R) |
IRAN (R) |
REPUBLIQUE DOMINICAINE |
BELGIQUE (R) |
IRLANDE (R) |
REPUBLIQUE MOLDAVE (R) |
BÉNIN |
ISLANDE (R) |
REPUBLIQUE TCHEQUE (R) |
BHOUTAN |
ISRAËL |
REPUBLIQUE DE YOUGOSLAVIE |
BOLIVIE |
ITALIE (R) |
ROUMANIE (R) |
BOSNIE-HERZÉGOVINE (R) |
JAMAÏQUE |
ROYAUME-UNI (R) |
BRÉSIL (R) |
JAPON (R) |
RWANDA |
BRUNEI (R) |
JORDANIE (R) |
SAINT KITT ET NEVIS |
BULGARIE (R) |
KAZAKHSTAN |
SAINT-MARIN |
BURKINA FASO - BURUNDI |
KENYA (R) |
SAINT-SIEGE |
CAMBODGE |
KIRGHIZISTAN |
SAINT VINCENT ET GRENADINES |
CAMEROUN (R) |
KOWEIT (R) |
SAINTE-LUCIE (R) |
CANADA (R) |
LAOS (R) |
SAMOA |
CAP VERT |
LESOTHO (R) |
SENEGAL |
CHILI (R) |
LETTONIE (R) |
SEYCHELLES (R) |
CHINE (R) |
LIBERIA |
SIERRA LEONE |
CHYPRE |
LICHTENSTEIN |
SINGAPOUR |
COLOMBIE |
LITUANIE |
SLOVENIE (R) |
COMORES |
LUXEMBOURG (R) |
SRI LANKA (R) |
CONGO |
MADAGASCAR |
SUEDE (R) |
COSTA RICA (R) |
MALAISIE |
SUISSE (R) |
CÔTE D'IVOIRE (R) |
MALAWI |
SURINAM (R) |
CROATIE (R) |
MALDIVES (R) |
SWAZILAND (R) |
CUBA (R) |
MALI (R) |
TADJIKISTAN (R) |
DANEMARK (R) |
MALTE (R) |
TANZANIE |
DJIBOUTI |
MAROC (R) |
TCHAD |
DOMINIQUE |
MAURICE (R) |
THAILANDE |
EL SALVADOR (R) |
MAURITANIE |
TOGO (R) |
EMIRATS ARABES UNIS |
MEXIQUE (R) |
TRINITÉ ET TOBAGO |
EQUATEUR (R) |
MICRONÉSIE |
TUNISIE (R) |
ESPAGNE (R) |
MONACO (R) |
TURKMENISTAN (R) |
ESTONIE |
MONGOLIE (R) |
TURQUIE (R) |
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ANNEXE N° 2
La France et la convention du 13
janvier 1993
La présente note récapitule les
conséquences, pour la France, de l'adhésion à la
convention sur l'interdiction des armes chimiques.
1.
Place de la France dans l'OIAC (
Organisation pour l'interdiction des
armes chimiques)
- La France a été le premier membre permanent du Conseil de
sécurité à ratifier la convention sur l'interdiction des
armes chimiques, le 2 mars 1995.
- Elle a été élue, le 12 mai 1997, lors de la
première session de la Conférence des Etats Parties, membre du
Conseil exécutif de l'OIAC (mandat de deux ans).
- La France dispose de six postes au secrétariat technique, compte non
tenu de
six inspecteurs mis à disposition de l'OIAC. Le chef de la
Direction de la vérification est un expert français.
- La France a la
quatrième quote-part au budget de l'OIAC,
après les Etats-Unis, le Japon et l'Allemagne (voir infra).
2.
Accomplissement de ses obligations par la France
- A la date de l'entrée en vigueur de la convention, la France
remplissait toutes ses obligations relatives à l'interdiction des
armes et des installations de fabrication d'armes chimiques.
La France ne
détient que des armes chimiques anciennes antérieures à
1925, héritées pour la plupart du premier conflit mondial.
La France dispose néanmoins d'un savoir-faire important en
matière de
défense chimique.
L'expertise
internationalement reconnue dans ce domaine a permis la
participation active
de notre pays à la formation des inspecteurs de l'OIAC
à
travers la création du
Centre français de formation pour
l'interdiction des armes chimiques (CEFFIAC),
qui, depuis sa
création, a réalisé quatre stages, dont trois au profit
des futurs inspecteurs (voir le présent rapport, III, C 1).
- La France est
à jour de son obligation de déclaration
à l'OIAC des sites militaires et civils soumis à
vérification internationale. Notons que l' "
installation unique
à petite échelle
" française, au sens de la convention,
sera le Centre d'études du Bouchet, établissement de la DGA
chargé de la défense chimique.
- Les
huit inspections
qui se sont déroulées en France
depuis l'entrée en vigueur de la convention n'ont suscité aucun
problème.
3.
Conséquences budgétaires
- La
contribution de la France au budget de l'Organisation pour
l'interdiction des armes chimiques
représente 6,69 % de celui-ci,
soit la somme modique de 2 millions de francs environ (sur un budget de quelque
trente millions de francs).
- La
construction de l'installation de
destruction des armes
chimiques anciennes,
conservées dans quatre sites situés dans
le Nord et l'Est de la France, auxquels seront transférées les
armes chimiques découvertes ultérieurement, représente un
coût estimé à 300 millions de francs, qui sera
imputé au chapitre 52-70 article 31 du budget de la Défense (DGA
- investissements NBC).
- Les
huit missions de vérification qui se sont
déroulées en France en 1997
se sont traduites par un premier
coût de 115 000 F (frais d'interprétariat, hébergement des
inspecteurs, nourriture), complété par le remboursement
ultérieur à l'OIAC de 160 000 F afin de couvrir les frais de
transport aérien, les salaires et les indemnités
journalières des inspecteurs. Ces dépenses ont été
imputées au chapitre 34-02 article 48 du budget de la Défense
(organismes interarmées de défense).
- Le budget annuel du
CEFFIAC
s'élève, hors
rémunération des enseignants, à 600 000 F, répartis
entre la DGA (75 %) et l'état-major des armées (25 %).
4.
Répartition des responsabilités
- Le décret n° 98-36 du 16 janvier 1998 relatif à la
répartition des compétences administratives pour la mise en
oeuvre de la convention du 13 janvier 1993
désigne officiellement le
Ministère des Affaires étrangères comme Autorité
nationale française.
Le Ministère des Affaires
étrangères est donc chargé d'assurer la liaison avec
l'OIAC et les autres Etats Parties. Entre autres compétences, c'est donc
le Ministère des Affaires étrangères qui transmet à
l'OIAC l'agrément des inspecteurs internationaux ainsi que les
déclarations délivrées par les exploitants, accuse
réception des notifications d'inspection, et s'assure que les
inspecteurs jouissent, au cours de leurs missions en France, des
privilèges et immunités prévus par la convention.
- Ce même décret place sous la
responsabilité du
Ministère chargé de l'Industrie
les installations civiles de
fabrication de produits chimiques. C'est donc ce département qui
prépare les
accords d'installation,
tient à jour la
liste des sites soumis à déclaration,
adresse au
Ministère des Affaires étrangères les déclarations
prévues par la convention, et
organise l'accompagnement des
inspecteurs.
- Le décret de janvier 1998 précise la
répartition des
compétences entre Ministère de la Défense et
Ministère de l'Intérieur
à l'égard des
armes
chimiques anciennes.
. Le décret n° 96-1081 du 5 décembre 1996,
modifiant le
décret n° 76-225 du 4 mars 1976 fixant les attributions
respectives du Ministère de l'Intérieur et du Ministère de
la Défense en matière de recherche, de neutralisation,
d'enlèvement et de destruction des munitions et des explosifs, posait le
principe selon lequel, en ce qui concerne les
munitions chimiques,
le
Ministère de l'Intérieur
"procède aux opérations
de collecte, détermine leur appartenance à cette catégorie
et assure leur transport jusqu'au lieu de démantèlement ; le
Ministère de la Défense est responsable du stockage sur le site
de démantèlement, du démantèlement de ces munitions
et de l'élimination des déchets toxiques résiduels".
. Le
décret n° 98-36 du 16 janvier 1998
reprend cette
répartition des responsabilités. Le Ministère de
l'Intérieur est donc chargé du stockage des munitions chimiques,
en attente de la mise en place du site de démantèlement et de
destruction de ces munitions, qui relèvera du Ministère de la
Défense.
C'est à celui-ci qu'il revient notamment, en outre, de déclarer
les agents antiémeutes qu'il détient, et de préparer les
accords d'installation concernant les sites placés sous son
autorité (parmi lesquels le Centre d'étude du Bouchet). Le
Ministère de l'Intérieur est responsable de la
déclaration, à l'OIAC, des munitions chimiques anciennes et de
leurs installations de stockage, des déclarations relatives aux agents
antiémeutes qu'il détient, de l'accueil et de l'accompagnement
des équipes d'inspection sur les lieux de stockage.
- Enfin, le décret n° 98-36 du 16 janvier 1998 crée un
Comité interministériel pour l'application de la convention
interdisant les armes chimiques (CIACIAC).
Ce comité comprend les ministres chargés des départements
suivants : justice, recherche, intérieur, défense, affaires
étrangères, industrie, agriculture, environnement, outre-mer,
santé, douanes.
Ce comité est chargé de suivre l'application de la convention,
d'analyser les enseignements tirés des inspections, d'émettre un
avis sur l'agrément des inspecteurs internationaux, et de participer
à l'élaboration des positions adoptées par la France au
sein de l'OIAC.
1
Loi n° 94-1098 du 19 décembre
1994.
2
Pierre Lellouche,
Le nouveau monde. De l'ordre de Yalta au
désordre des nations,
1992.
3
Assemblée de l'Atlantique Nord. Commission scientifique et
technique. Rapport de Sir Peter Emery, novembre 1992.
4 Ramsès 90 , Armes nouvelles et prolifération . Voir aussi le mémoire de DEA de Arnaud Andrieu, La convention de Paris pour l'interdiction des armes chimiques, Université de Nice-Sophia-Antipolis, septembre 1997.
5
Ramsès 90
, op. cit.
6
Voir Jean Compagnon, "Pourquoi Saddam Hussein n'a-t-il pas
employé l'arme chimique ?"
Défense nationale,
juin
1991.
7
Pierre Lellouche, op. cit
8
Jean Compagnon, op. cit.
9
Selon Pierre Lellouche, op. cit.
10
Claude Eon, "La prolifération biologique et chimique :
comment faire face ?"
L'armement
, mars 1997.
11 Allemagne, Autriche, Argentine, Australie, Belgique, Canada, Corée du sud, Danemark, Espagne, Etats-Unis, Finlande, France, Grèce, Hongrie, Islande, Irlande, Italie, Japon, Luxembourg, Nouvelle-Zélande, Norvège, Pays-Bas, Pologne, Portugal, République tchèque, Roumanie, Royaume-Uni, Slovaquie, Suède, Suisse.
12
Pierre Lellouche, op. cit.
13
"La convention sur les armes chimiques",
Armée
et défense
, mars-avril 1993.
14
Voir aussi infra E-1.
15
Réactifs chimiques entrant dans la
composition d'un produit chimique toxique. Les précurseurs jouent un
rôle important dans la détermination des propriétés
toxiques du produit final.
16
La Fédération de Russie, qui a ratifié la
convention après la première session de la Conférence,
pourrait être habilitée à occuper le siège
dévolu à la Biélorussie.
17
Voir en annexe (n°3) le barème des quote-parts des
Parties, classée selon l'importance de leurs contributions.
18 Voir en annexe (n° 1) la liste des pays ayant signé et ratifié la convention.
19
Assemblée de l'Atlantique Nord,
commission scientifique et technique, rapport de M. Robert Banks, mai 1991.
20
"La défense chimique en l'an 2000",
Le pharmacien de
réserve,
n° 3, 1995, cité par A. Andrieu, op. cit.
21 Pierre Lellouche, op. cit.
22
Jean Compagnon, "La convention sur les
armes
chimiques en danger ?",
Défense nationale
, novembre 1996.
23
Assemblée de l'Atlantique Nord, commission scientifique et
technique, rapport de M. Robert Banks, mai 1991.
24
et administratifs : voir à cet égard
la note jointe en annexe sur
la France et la convention sur l'interdiction
des armes chimiques.
25
L'article 20 renvoie à un décret en Conseil d'Etat
notamment pour la détermination des seuils prévus aux articles 7
à 18.
26
Décret n° 98-36 du 16 janvier 1998, art. 7.
27
Ratification : (R)