RAPPORT N° 340 - PROJET DE LOI AUTORISANT L'APPROBATION DE LA CONVENTION ENTRE LE GOUVERNEMENT FRANCAIS ET LE GOUVERNEMENT DE RUSSIE EN VUE D'EVITER LES DOUBLES IMPOSITIONS ET DE PREVENIR L'EVASION ET LA FRAUDE FISCALES EN MATIERE D'IMPOTS SUR LE REVENU
M. Jacques CHAUMONT, Sénateur
COMMISSION DES FINANCES, DU CONTROLE BUDGETAIRE ET DES COMPTES ECONOMIQUES DE LA NATION - RAPPORT N° 340 - 1997/1998
Table des matières
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AVANT PROPOS
- I. LA SITUATION INTÉRIEURE DE LA RUSSIE ET LES RELATIONS BILATÉRALES FRANCO-RUSSES
- II. LES DISPOSITIONS TECHNIQUES DE L'ACCORD
- EXAMEN EN COMMISSION
N° 340
SÉNAT
SESSION ORDINAIRE DE 1997-1998
Annexe au procès-verbal de la séance du 5 mars 1998
RAPPORT
FAIT
au nom de la commission des Finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la Nation (1) sur le projet de loi , autorisant l'approbation de la convention entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la Fédération de Russie en vue d'éviter les doubles impositions et de prévenir l' évasion et la fraude fiscales en matière d'impôts sur le revenu et sur la fortune (ensemble un protocole) ,
Par M. Jacques CHAUMONT,
Sénateur.
(1) Cette commission est composée de :
MM. Christian Poncelet,
président
; Jean Cluzel, Henri
Collard, Roland du Luart, Mme Marie-Claude Beaudeau, MM. Philippe Marini,
René Régnault,
vice-présidents
; Emmanuel
Hamel, Gérard Miquel, Michel Sergent, François Trucy,
secrétaires
; Alain Lambert,
rapporteur
général
; Philippe Adnot, Bernard Angels, Denis Badré,
René Ballayer, Jacques Baudot, Claude Belot, Mme Maryse
Bergé-Lavigne, MM. Roger Besse, Maurice Blin, Joël Bourdin, Guy
Cabanel, Jean-Pierre Camoin, Auguste Cazalet, Michel Charasse, Jacques
Chaumont, Jean Clouet, Yvon Collin, Jacques Delong, Yann Gaillard, Hubert
Haenel, Claude Haut, Jean-Philippe Lachenaud, Claude Lise, Paul Loridant, Marc
Massion, Michel Mercier, Michel Moreigne, Joseph Ostermann, Jacques Oudin,
Henri Torre, René Trégouët.
Voir le numéro
:
Sénat
:
233
(1997-1998)
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Traités et conventions. |
AVANT PROPOS
Mesdames, Messieurs,
Le projet de loi soumis à votre examen a pour objet d'autoriser
l'approbation de la convention signée le 26 novembre 1996 entre la
France et la Russie en vue d'éviter les doubles impositions et de
prévenir l'évasion et la fraude fiscales en matière
d'impôts sur le revenu et sur la fortune.
Cette nouvelle convention est destinée à se substituer à
celle signée le 4 octobre 1985 entre la France et l'URSS, devenue
obsolète.
Intervenant dans un contexte d'incertitude politique et économique,
aggravée par une insécurité juridique et fiscale, cette
convention apportera aux entreprises françaises des garanties
appréciables pour leurs opérations commerciales et leurs
investissements en Russie.
I. LA SITUATION INTÉRIEURE DE LA RUSSIE ET LES RELATIONS BILATÉRALES FRANCO-RUSSES
A. UNE SITUATION POLITIQUE ET ÉCONOMIQUE LOURDE D'INCERTITUDES
1. Une situation politique hypothéquée par la santé du Président russe
L'année 1997 en Russie s'est déroulée
sans heurt majeur. Il n'y a pas eu de conflit depuis la fin de la guerre en
Tchétchénie en 1996, ni de crise politique interne grave. Les
institutions ont fonctionné sans à-coup, en dépit des
problèmes de santé récurrents du Président Eltsine.
Parallèlement, la Russie a consolidé son ouverture au monde, avec
la signature de la Charte OTAN/Russie à Paris, la création du G8
à Denver, la poursuite de la normalisation de ses relations avec ses
voisins et son affirmation comme un acteur actif dans la gestion des crises
internationales (Irak en particulier).
Ce début d'année 1998 est toutefois caractérisé
à nouveau par des incertitudes : le cours des réformes
économiques apparaît moins clairement déterminé,
alors que la possibilité d'un rebond de la crise financière en
Asie fait peser des risques sur une économie vulnérable comme
celle de la Russie. L'année 1998 sera pourtant une année
où l'obligation de résultats s'imposera davantage pour le pouvoir
: elle précède en effet les élections législatives
de 1999, avant l'élection présidentielle de l'an 2000.
Lors de son retour aux affaires après une longue convalescence, en mars
1997, le président Eltsine avait souhaité renouer avec
l'inspiration libérale de 1992 en adjoignant au premier ministre, M.
Tchernomyrdine, deux vice-premiers ministres plus "occidentalisés",
MM. Tchoubais et Nemtsov.
Mais, en l'absence de résultats probants sur les plans
économiques et budgétaires, le président Eltsine a
été amené à réduire les attributions des
deux vice-premiers ministres et à composer avec son opposition
parlementaire en recherchant le consensus, au risque de ralentir le processus
de réforme. Par ailleurs, ses problèmes de santé
récurrents font peser une hypothèque permanente sur la vie
politique russe.
En ce qui concerne sa succession, une nouvelle fois relancée, le chef de
l'Etat laisse planer les doutes sur ses intentions réelles et maintient
sous pression les candidats potentiels : M. Ziouganov, bien placé pour
l'opposition communiste, M. Loujkov, le puissant maire de Moscou, le
général Lebed, en perte de vitesse, M. Tchernomyrdine, enfin,
remis à nouveau en selle.
2. Des résultats économiques encourageants mais fragiles.
Sur le plan économique, la Russie a enregistré
en 1997 plusieurs résultats positifs : une inflation qui n'a jamais
été aussi basse, à 11,2% ; une monnaie relativement stable
; et surtout, une inversion de la chute continue du PIB observée depuis
huit ans. Ce dernier aurait crû de 0,5% l'an dernier.
Cette reprise reste néanmoins fragile, et les conditions ne sont pas
réunies pour une croissance forte, croissance qui ne devrait pas
dépasser 1 % en 1998.
En effet, l'économie russe doit encore surmonter une crise
générale de liquidités et le désordre de ses
finances publiques :
- les arriérés de salaires de l'Etat fédéral ont
pu être apurés à la fin de 1997 grâce à l'aide
internationale, mais il reste encore le stock des arriérés dus
par les administrations locales, évalué à 25 milliards de
francs ;
- les impayés fiscaux se traduisent par un dépassement du
déficit budgétaire programmé, qui a atteint 8,3% du PIB en
1997 pour un objectif de 4,5%, en dépit de gels de dépenses et de
nouveaux impayés de salaires ;
- enfin, le rouble est fragilisé par la crise financière en
Asie, et les taux d'intérêt ont augmenté brutalement
à la fin de janvier, pour atteindre un niveau de 42% qui rend la charge
de la dette publique explosive. D'ores et déjà, les
remboursements sont suspendus jusqu'à fin mars.
Le FMI a repris son assistance à la Russie en débloquant une
tranche de 660 millions de dollars fin janvier. A cette occasion, il a
rappelé souhaiter une amélioration de la collecte fiscale par la
chasse aux gros débiteurs et l'adoption d'un nouveau code fiscal, un
meilleur contrôle des dépenses publiques et l'abandon des
procédures de compensation afin de briser le cercle vicieux des
non-paiements.
3. Une société hétérogène et un Etat éclaté.
Six ans de transition vers l'économie de marché
ont conduit à une société hétérogène
: d'un côté, 21 % de la population en-dessous du seuil
d'extrême pauvreté, à l'antipode, une frange de nouveaux
riches très aisés, souvent liés à la mafia.
Pour autant, il n'y a pas eu d'explosion sociale et une classe moyenne
émerge, forte maintenant d'environ 75 millions de personnes, qui ont la
capacité, à des degrés divers, de consommer et de
s'équiper.
La progression de nos exportations vers la Russie (+ 25 % par an depuis deux
ans, essentiellement des biens de consommation) est significative de cette
montée en puissance d'un marché émergent de consommateurs.
Les régions sont devenues des sujets politiques à part
entière depuis l'élection au suffrage universel des gouverneurs,
représentants de l'exécutif, et des présidents des
assemblées parlementaires locales.
Si certaines régions pauvres s'engagent dans une quasi
tiers-mondisation, on voit également surgir des pôles de
développement économique : les grandes régions urbaines
réformatrices (Moscou, Saint-Petersbourg, Novgorod, Samara,
Nijni-Novgorod), ainsi que les régions qui concentrent des ressources
naturelles (pétrole et gaz en Sibérie occidentale, aluminium en
Sibérie orientale). Ces régions conduisent souvent des
stratégies spécifiques en matière d'investissements ou
dans le domaine financier (émission par certaines d'euro-obligations).
Dans l'immédiat, le seul point réellement centrifuge reste le
nord Caucase.
La guerre en Tchétchénie est terminée depuis plus d'un an,
mais la reconstruction de la République n'a pas été
entreprise et rien n'est réglé sur le fond. La divergence de
conception demeure : maintien dans la fédération pour les Russes,
indépendance pour les Tchétchènes. L'année 2001
devrait voir défini le statut de la République.
En attendant, l'insécurité gagne les république russes
voisines : Daghestan, Ingouchie, Ossétie du nord. Les enlèvements
pour motifs crapuleux de ressortissants, y compris occidentaux, ont
été érigés en véritable industrie et les
incidents tendent à se multiplier dans cette zone de transit du
pétrole de la Caspienne, stratégique pour la Russie.
B. DES RELATIONS BILATÉRALES CONFIANTES
1. Un partenariat privilégié entre la France et la Russie
Dans ce contexte mouvant, les relations politiques entre la
France et la Russie restent très denses. Le Président de la
République s'est rendu en Russie à trois reprises depuis le
sommet bilatéral de Rambouillet d'octobre 1995 : en avril 1996 pour le
sommet du G8 sur la sûreté nucléaire, en février
1997 pour un entretien avec le président Eltsine, et en septembre 1997
pour une visite d'Etat.
Les Premiers ministres russe et français se rencontrent désormais
une à deux fois par an dans le cadre de la Commission des Premiers
ministres, qui est un organe d'impulsion et d'arbitrage des projets
économiques et de coopération. La première session a eu
lieu à Moscou le 15 février 1995 ; la quatrième session
devrait se tenir à Paris en mai ou juin 1998. Les ministres des affaires
étrangères effectuent chaque année une visite mutuelle,
qui vient s'ajouter à de fréquents contacts en marge des
rencontres multilatérales.
Ces contacts au plus haut niveau sont prolongés par des échanges
entre ministères techniques. Ainsi le ministre de l'économie et
des finances co-préside le Conseil économique, financier et
commercial franco-russe. De même, le ministre de l'agriculture et de la
pêche co-préside le Comité agro-alimentaire franco-russe.
Le partenariat privilégié entre la France et la Russie s'est
exprimé dans le choix de Paris pour la signature de l'acte fondateur
OTAN/Russie, le 27 mai 1997, ainsi que par l'engagement de la France en faveur
de l'adhésion de la Russie au G7 au sommet de Denver de juin 1997. La
qualité de la relation politique entre les deux pays a également
permis récemment l'apurement d'un contentieux vieux de quatre-vingts ans
relatif aux emprunts russes.
2. Des échanges économiques croissants.
La France soutient financièrement les réformes
engagées en Russie. Elle en est le quatrième créancier
public, avec un montant de 3,6 milliards de dollars sur une créance
totale de 54,4 milliards de dollars, qui est détenue pour près de
la moitié par l'Allemagne. La France a également largement
contribué à la décision du club de Paris du 19 avril 1996
de rééchelonner l'ensemble de la dette publique russe à
des conditions très favorables.
Les échanges commerciaux franco-russes sont structurellement
déséquilibrés en raison des exportations russes de gaz et
de pétrole (la Russie est le 1
er
fournisseur de gaz naturel
et le 5
ème
fournisseur de pétrole brut de la France)
Néanmoins, le dynamisme des exportations françaises (+ 22 % en
1996, + 25 % en 1997) a permis de ramener le déficit commercial de
10 milliards de francs en 1996 à 6 milliards de francs en
1997, et la Russie est désormais notre premier débouché en
Europe orientale.
Les principaux secteurs d'exportation français sont l'agro-alimentaire,
les cosmétiques, les produits chimiques et
l'électroménager.
Pour autant, la France n'était encore en 1996 que le huitième
fournisseur de la Russie, avec 3% de parts de marché, loin
derrière l'Allemagne et les Etats-Unis, mais aussi derrière
l'Italie et la Finlande. De même, avec un stock de 2 milliards de francs
depuis 1990, la France ne se classe qu'au cinquième rang par ses
investissements directs en Russie.
La France soutient les projets de ses entreprises en Russie par une politique
financière volontariste. Deux accords de 1996 ont mis en place une ligne
de crédit de 1,5 milliard de francs, avec octroi de la garantie
souveraine de la Russie, et une ligne de crédit de 2,5 milliards de
francs, gagée sur des livraisons de pétrole.
Parallèlement, la Russie a été reclassée de
6ème en 5ème catégorie pour les primes de la COFACE, ce
qui a permis d'abaisser de 20% le coût de l'assurance-crédit.
Les grands projets suivis en Russie par les entreprises françaises
apparaissent aujourd'hui nombreux. Les plus importants concernent
l'exploitation pétrolière, pour Elf et Total ;
l'équipement pétrolier, pour Bouygues Offshore et Technip ;
l'aéronautique, pour Airbus ; l'armement, pour la Snecma et Sextant
avionique ; l'espace, pour l'Aérospatiale.
Par ailleurs, Renault souhaite participer à la modernisation de
l'industriel automobile Moskvitch, et Péchiney à celle de l'usine
d'aluminium de Krasnoïarsk. Enfin, les grandes banques françaises
représentent 25% des banques étrangères implantées
en Russie.
Après six années d'une large ouverture des marchés russes
qui a coïncidé avec six années de récession et de
déliquescence de l'appareil productif, la tentation est forte pour les
autorités russes de restaurer des barrières, notamment normatives
(agro-alimentaire). A cet obstacle de fond s'ajoutent une concurrence
internationale très rude (énergie, aéronautique,
télécommunications), l'insécurité des
expatriés et de leurs avoirs, ainsi que l'instabilité juridique
et fiscale liée à la modification fréquente des textes et
de leur interprétation.
II. LES DISPOSITIONS TECHNIQUES DE L'ACCORD
A. UN CONTEXTE JURIDIQUE ET FISCAL MOUVANT
1. La révision systématique des conventions fiscales de l'ex-URSS
Sur un plan multilatéral, la Russie a souhaité
renforcer ses liens avec l'OCDE.
Elle a obtenu en mai 1996 un statut d'observateur au sein de l'OCDE, qui
devrait lui permettre de participer aux travaux du comité des affaires
fiscales de l'organisation. Dans une perspective d'adhésion à
terme, la Russie a bien sûr intérêt à se conformer au
modèle de convention fiscale de l'OCDE pour ses accords avec les Etats
membres de l'organisation.
D'une façon générale, les autorités russes ont
souhaité revoir l'ensemble des conventions fiscales conclues par
l'ancienne URSS.
LE RAPPROCHEMENT ENTRE LA FÉDÉRATION DE RUSSIE ET L'OCDE DEPUIS 1994
Ce rapprochement s'est concrétisé dans un
premier temps par une participation de cet Etat aux nombreux programmes
d'assistance et de coopération menés par l'OCDE et passant
principalement par :
la fourniture d'une assistance technique ;
l'organisation de séminaires de sensibilisation des hommes
politiques et parlementaires russes aux principes et normes définis par
l'OCDE ;
la formation des agents de l'administration fiscale russe par le biais de
sessions de formation organisées par le centre de formation
international de Moscou.
Désireuse de resserrer ses liens avec l'OCDE, la
Fédération de Russie a dans un deuxième temps
demandé officiellement, lors du Conseil des ministres de l'OCDE des 21
et 22 mai 1996, à obtenir le statut d'observateur au sein de cette
organisation.
Dans cette optique, un Comité de liaison avec la
Fédération de Russie a été institué pour
examiner les évolutions économiques les plus récentes
intervenues dans cet Etat. Ce Comité, dont la première
réunion s'est tenue le 4 décembre 1997, a notamment
souligné les progrès réalisés par la Russie en ce
qui concerne la stabilisation des prix et la réforme structurelle.
Consciente des avantages qu'elle peut en retirer, l'OCDE a décidé
d'approfondir et de privilégier ses relations avec cet Etat.
Du côté de la Fédération de Russie, la participation
aux travaux de l'OCDE permet d'accélérer le processus de
réforme interne de sa législation fiscale. Il apparaît en
effet que les milieux politiques russes sont plus enclins à accepter des
adaptations législatives dictées par les principes et normes en
vigueur dans le cadre de l'OCDE.
Du côté de l'OCDE et de ses Etats membres, de telles relations
permettent d'exporter des normes et principes internationalement reconnus sur
le territoire d'un Etat au potentiel d'attraction des investissements directs
étrangers relativement fort.
Le statut d'observateur a donc été octroyé à la
Fédération de Russie dans le cadre de 12 comités.
Par ailleurs, le Comité des affaires fiscales, lors de sa réunion
des 20 et 21 janvier 1998, a émis un avis favorable à l'octroi du
statut d'observateur à la Fédération de Russie dans le
cadre de ses différentes instances, sous réserve d'un
réexamen au bout d'un an des progrès réalisés par
cet Etat sur le plan fiscal, dont dépendra le maintien ou le retrait du
statut d'observateur. Cette décision devrait être
entérinée par le Conseil des ministres de l'OCDE les 27 et 28
avril prochains.
Sur un plan bilatéral, tous les pays occidentaux importants ont choisi
de consolider leurs relations fiscales avec la Russie.
Ceci permet, notamment au moyen de la conclusion d'accords de protection des
investissements, et de conventions fiscales, d'assurer aux entreprises une
stabilité juridique et de prévenir les risques de mesures
discriminatoires vis-à-vis des entreprises russes ou d'Etat tiers.
Ceci permet en outre de favoriser le développement des relations
économiques avec un Etat à fort potentiel de
développement, en particulier en réduisant ou supprimant les
retenues à la source sur les flux d'investissement ou en évitant
des cumuls d'impositions.
Ainsi, de nouvelles conventions fiscales ont été conclues depuis
1992 notamment avec l'Allemagne, la Belgique, les Pays-Bas, le Canada, les
Etats-Unis, l'Italie, et le Royaume-Uni.
La France ne saurait rester à l'écart de ce mouvement.
2. La réforme en cours du système fiscal russe.
La Fédération de Russie s'est lancée
dès 1995, dans une réforme globale de son système fiscal.
Dans l'attente de l'adoption d'un code fiscal, plusieurs normes
réglementaires ont été définies, et notamment par
un décret présidentiel du 23 mai 1996 :
définition de principes de taxation (réduction du nombre
d'impôts collectés ; simplification des mécanismes
d'abattement et de réduction d'impôts ; création d'un
système d'amortissement fiscal) ;
allégement des mécanismes de sanctions et
amélioration du traitement des contentieux (baisse du taux des
pénalités fiscales ; suppression des pénalités
afférentes à des redressements dus à des "erreurs
techniques" ; mise en oeuvre de procédures de remboursement
accélérées des taxes et pénalités indues) ;
définition précise des droits et obligations respectifs des
autorités fiscales et des contribuables, y compris en ce qui concerne
les procédures de règlement des différends.
Sur la base de ces orientations, un code fiscal a été
élaboré avec l'assistance technique du FMI, de l'OCDE et de
plusieurs partenaires bilatéraux, dont la France. Ce code est
actuellement en cours d'examen devant la Douma et devrait entrer en vigueur en
1998.
Le droit fiscal russe reste donc provisoire. Il semble par ailleurs très
inégalement appliqué, ou du moins à
géométrie variable. Dans un contexte juridique aussi mouvant, la
présente convention fiscale a le mérite de lever quelques
incertitudes pour les entreprises françaises implantées en Russie.
3. L'obsolescence de la convention fiscale franco-russe de 1985.
Comme le rappelle l'étude d'impact jointe au
présent projet de loi, la France et la Russie sont actuellement
liées en matière fiscale par une convention signée le 4
octobre 1985 avec l'ancienne Union soviétique, qui s'applique en
matière d'impôts sur le revenu, ainsi que par divers accords
fiscaux spécifiques, notamment en matière de transport
aérien et de brevets.
La France a été conduite à renégocier cette
convention à la demande de la Russie à partir de 1992, les
autorités russes souhaitant revoir l'ensemble des conventions fiscales
conclues par l'ancienne URSS.
Mais notre pays a également considéré que la convention de
1985 ne convenait manifestement plus à la situation politique
intérieure de la Russie et présentait, tant en la forme que sur
le fond, des inconvénients significatifs qui rendaient indispensable la
négociation d'une nouvelle convention avec la Fédération
de Russie.
La convention de 1985 est en effet très marquée par la situation
de l'ancienne URSS, ce qui se traduisait par des concepts juridiques et fiscaux
très éloignés des nôtres. Il en est
résulté une convention qui s'écarte fortement du
modèle de l'OCDE et des textes habituellement conclus par la France.
Sur le fond, les insuffisances étaient de plusieurs ordres :
certains revenus ou impôts n'étaient pas visés ;
certaines définitions et certains revenus étaient
insuffisamment traités ;
plusieurs dispositions divergeaient de celles conventionnellement admises
par la France avec ses autres partenaires.
Par ailleurs, la forme du texte n'était pas non plus satisfaisante. Le
vocabulaire n'est plus adapté à la nouvelle situation de la
Russie (ainsi "représentation permanente" au lieu
"d'établissement stable", "organismes soviétiques du commerce
extérieur"...). De même, plusieurs dispositions conventionnelles
d'objet différent étaient regroupées au sein d'un
même article, ce procédé étant de nature à
compliquer la lecture de la convention.
B. LE NOUVEAU RÉGIME DES DIVIDENDES
1. Un nouveau dispositif original
Le point essentiel de la nouvelle convention fiscale
franco-russe est la consolidation et l'amélioration du traitement des
flux d'investissement :
- le taux zéro de retenue à la source sur les redevances a
été reconduit, comme pour les autres partenaires occidentaux de
la Russie (article 12) ;
- toute retenue à la source sur les intérêts a
été supprimée, alors que la convention actuelle
prévoit une retenue de 10% (article 8) ;
- surtout, le traitement fiscal des dividendes a été
amélioré. Alors que la convention actuelle prévoit un taux
général de 15%, un taux réduit de 5% est prévu si
les investissements de la société mère dans sa filiale
sont supérieurs à 500.000 francs et si la société
mère est exonérée d'impôt à raison des
dividendes rapatriés. Si l'une des deux conditions n'est pas remplie, le
taux est de 10%. Si aucune des deux conditions n'est remplie, on retombe dans
le taux de droit commun de 15%.
Ce compromis résulte, d'une part, du souhait de la Russie de sauvegarder
le taux de 15 % antérieur et d'encourager les investissements d'un
montant conséquent, d'autre part, du souhait de la France de
préserver tout l'intérêt de son propre régime des
dividendes entre sociétés mère nationales et filles
étrangères.
2. Une solution comparativement favorable à la France.
Le nouveau régime des dividendes a constitué le
point dur de la négociation, la Russie refusant initialement toute
évolution par rapport à la convention actuelle. En 1994, le
Premier ministre de l'époque a dû intervenir en personne
auprès des autorités russes pour relancer la négociation,
qui était bloquée.
La solution finalement obtenue par la France est plus favorable que celle dont
bénéficie le Royaume-Uni, à savoir 10% sur tous les
dividendes. Seuls les Etats-Unis ont obtenu mieux, avec un taux de 5%
applicable à tous les investissements des sociétés
mères contrôlant plus de 10% de leurs filiales.
C. LES AUTRES DISPOSITIONS
1. Des adaptations globalement conformes au modèle de l'OCDE
En contrepartie du régime des dividendes, la France a
fait une concession en acceptant que la durée des chantiers
au-delà de laquelle les bénéfices sont taxables dans
l'Etat d'activité soit réduite de 24 mois à 12 mois. La
durée de 12 mois est conforme au modèle de l'OCDE et identique
à celle acceptée par nos partenaires européens. Mais les
Etats-Unis ont obtenu une durée de 18 mois, plus favorable aux
intérêts de leurs entreprises.
D'autre part, le régime spécifique de certaines
catégories de personnes physiques, qui demeuraient imposables dans leur
Etat d'origine à condition que leur activité dans l'autre Etat ne
dépasse pas une certaine durée, a été
abandonné. Les catégories concernées sont, notamment, les
journalistes et correspondants de presse, les étudiants et chercheurs,
ainsi que les techniciens envoyés en mission par un organisme d'Etat
dans le cadre d'un contrat de vente.
Ces régimes s'expliquaient compte tenu de la nature relativement
méfiante des relations entre la France et l'ancienne URSS. Ils sont
supprimés au profit des règles usuelles découlant du
modèle de convention de l'OCDE, qui se traduisent dans la plupart des
cas par une imposition dans l'Etat d'exercice de l'activité.
Au total, la nouvelle convention fiscale franco-russe s'est beaucoup
rapprochée du modèle de l'OCDE par rapport à celle de
1985. Les dispositions non conformes au modèle résultent soit
d'une volonté commune de traitement plus favorable des entreprises et
des particuliers, soit des demandes usuelles de la France pour les conventions
fiscales qu'elle négocie : imposition des biens immobiliers,
régime des artistes et sportifs, rémunérations publiques,
non-discrimination.
2. Une validation originale des dispositions anti-abus françaises
Comme pour la plupart des conventions fiscales
récemment signées par la France, une validation expresse des
dispositions "anti-abus" des articles 209 B et 212 du code
général des impôts, respectivement relatifs aux filiales
étrangères à fiscalité privilégiée et
à la limitation de la sous-capitalisation des sociétés,
est prévue au point 7 du protocole annexe.
Ces dispositions ont en effet été jugées contraires aux
principes mêmes des conventions fiscales par des décisions de
justice récentes, et il importe de les conforter juridiquement si l'on
souhaite leur conserver un effet utile.
Il convient de souligner la prudence de la rédaction de cette clause de
validation, qui vise non seulement ces deux articles du code
général des impôts, mais également "
d'autres
dispositions similaires qui amenderaient ou remplaceraient celles de ces
articles
".
Le but recherché est de se couvrir contre le risque de voir
évoluer en droit interne français des dispositions
expressément visées dans une convention fiscale, qui reste par
définition figée à la date de sa signature. Cette
précaution de plume montre qu'il n'est pas sans inconvénient de
mentionner directement des dispositions de droit interne afin d'assurer leur
supériorité par rapport aux principes généraux
d'une convention fiscale, lorsque cette supériorité est douteuse.
La solution retenue démontre d'ailleurs une grande confiance de la part
de la Russie. En effet, celle-ci accepte par avance toute les dispositions
anti-abus que pourrait instaurer la France dans son droit interne. Or, ces
nouvelles dispositions pourraient contrevenir plus gravement ou
différemment aux principes mêmes de la convention fiscale, qui se
trouverait ainsi privée de sa portée pratique.
*
* *
Telles sont les principales observations qu'appelle la
présente convention fiscale entre la France et la Russie, dont votre
rapporteur vous propose d'autoriser l'approbation.
Dans un contexte juridique particulièrement mouvant, ce texte apportera
aux entreprises françaises présentes en Russie une garantie
appréciable et une base de négociation avec les autorités
fiscales.
EXAMEN EN COMMISSION
Réunie le jeudi 5 mars 1998 sous la présidence
de
M. Christian Poncelet, président
, la commission a
procédé, sur le rapport
de M. Jacques Chaumont
, à
l'examen du projet de loi autorisant l'approbation de la convention fiscale
signée le 29 mai 1996 entre la France et la Russie.
M. Emmanuel Hamel
s'est interrogé sur la pertinence d'une
convention fiscale franco-russe, compte tenu de l'état embryonnaire du
droit fiscal interne de la Russie.
M. Jacques Chaumont
, rapporteur, a admis la difficulté, mais a
fait valoir que la convention fiscale apporterait une garantie
supplémentaire aux entreprises françaises présentes en
Russie et leur fournirait une base de négociation indispensable avec les
services fiscaux russes.
La commission a alors décidé de proposer au Sénat
l'adoption du projet de loi dont le texte suit :
"
Est autorisée l'approbation de la convention entre le Gouvernement
de la République française et la Gouvernement de la
Fédération de Russie en vue d'éviter les doubles
impositions et de prévenir l'évasion et la fraude fiscales en
matière d'impôts sur le revenu et sur la fortune (ensemble un
protocole), signée à Paris le 26 novembre 1996 et dont le texte
est annexé à la présente loi
"
.