RAPPORT N° 355 - PROJET DE LOI AUTORISANT L'APPROBATION DE L'ACCORD ENTRE LE GOUVERNEMENT DE LA REPUBLIQUE FRANCAISE ET LE GOUVERNEMENT DE L'ETAT DU QATAR SUR L'ENCOURAGEMENT ET LA PROTECTION RECIPROQUES DES INVESTISSEMENTS (ENSEMBLE UNE ANNEXE)
M. Daniel GOULET, Sénateur
COMMISSION DES AFFAIRES ETRANGERES, DE LA DEFENSE ET DES FORCES ARMEES - RAPPORT N° 355 - 1997/1998
Table des matières
-
INTRODUCTION
- I. LE QATAR : UN PETIT PAYS SOUCIEUX DE SON INDÉPENDANCE ET DE LA MISE EN VALEUR DE SES IMMENSES RÉSERVES D'HYDROCARBURES
- II. DES RELATIONS PRIVILÉGIÉES AVEC LA FRANCE
- III. UN DISPOSITIF CLASSIQUE DE PROTECTION RÉCIPROQUE DES INVESTISSEMENTS
- CONCLUSION
- EXAMEN EN COMMISSION
- PROJET DE LOI
-
ANNEXE -
ETUDE D'IMPACT2
N° 355
SÉNAT
SESSION ORDINAIRE DE 1997-1998
Annexe au procès-verbal de la séance du 25 mars 1998
RAPPORT
FAIT
au nom de la commission des Affaires étrangères, de la défense et des forces armées (1) sur le projet de loi autorisant l'approbation de l'accord entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de l' Etat du Qatar sur l'encouragement et la protection réciproques des investissements (ensemble une annexe),
Par M. Daniel GOULET,
Sénateur.
(1) Cette commission est composée de : MM. Xavier de Villepin, président ; Yvon Bourges, Guy Penne, François Abadie, Mme Danielle Bidard-Reydet, MM. Jacques Genton, vice-présidents ; Michel Alloncle, Jean-Luc Mélenchon, Serge Vinçon, Bertrand Delanoë, secrétaires ; Nicolas About, Jean Arthuis, Jean-Michel Baylet, Jean-Luc Bécart, Jacques Bellanger, Daniel Bernardet, Pierre Biarnès, Didier Borotra, André Boyer, Mme Paulette Brisepierre, MM. Michel Caldaguès, Robert Calmejane, Mme Monique Cerisier-ben Guiga, MM. Charles-Henri de Cossé-Brissac, Marcel Debarge, Jean-Pierre Demerliat, Xavier Dugoin, André Dulait, Hubert Durand-Chastel, Claude Estier, Hubert Falco, Jean Faure, André Gaspard, Philippe de Gaulle, Daniel Goulet , Jacques Habert, Marcel Henry, Roger Husson, Christian de La Malène, Edouard Le Jeune, Maurice Lombard, Philippe Madrelle, Serge Mathieu, Pierre Mauroy, Mme Lucette Michaux-Chevry, MM. Paul d'Ornano, Charles Pasqua, Michel Pelchat, Alain Peyrefitte, Bernard Plasait, André Rouvière, André Vallet.
Voir le numéro
:
Sénat
:
289
(1997-1998)
|
Traités et conventions. |
INTRODUCTION
Mesdames, Messieurs,
Le présent projet de loi tend à autoriser l'approbation de
l'accord entre la France et le Qatar sur l'encouragement et la protection
réciproques des investissements, signé à Doha le 8 juillet
1996.
Cet accord contient des dispositions en tous points analogues à celles
des textes de même nature qui lient déjà la France à
une soixantaine d'Etats.
Petite presqu'île située sur la rive occidentale du golfe
arabo-persique, l'Etat du Qatar a connu une profonde transformation
après la découverte d'importants gisements d'hydrocarbures. Il
dispose surtout d'immenses réserves en gaz naturel qui seraient les
troisièmes du monde.
Le Qatar est aujourd'hui soucieux de mettre en valeur ce potentiel
économique et de renforcer ses capacités industrielles. Il
mène par ailleurs sur la scène régionale une politique
étrangère indépendante, qui le conduit parfois à
connaître des frictions avec ses voisins.
Depuis son accession à l'indépendance, le Qatar entretient des
relations privilégiées avec la France, tout
particulièrement dans le domaine militaire.
Avant de présenter le dispositif, au demeurant très classique, de
cet accord d'investissement, votre rapporteur souhaite évoquer
l'évolution politique et économique du Qatar ainsi que
l'état de ses relations avec la France.
I. LE QATAR : UN PETIT PAYS SOUCIEUX DE SON INDÉPENDANCE ET DE LA MISE EN VALEUR DE SES IMMENSES RÉSERVES D'HYDROCARBURES
Le Qatar forme une
presqu'île de 11 500
kilomètres carrés
, longue de 160 kilomètres et large
de 60 à 80 kilomètres, qui, adossée à l'Arabie
saoudite, s'avance dans le golfe arabo-persique.
Doté d'un territoire désertique, dépourvu de ressources en
eau, le Qatar est longtemps resté l'une des régions les plus
pauvres de la péninsule arabique, tant les conditions naturelles y sont
difficiles. Les seules ressources provenaient de la mer, notamment par la
pêche des perles.
La découverte de pétrole, en 1940, puis son exploitation,
à partir de 1949, ont radicalement transformé l'émirat qui
compte aujourd'hui parmi les Etats les plus riches du monde, en termes de
revenu par habitant.
Sur le plan politique, l'émirat, suite à un accord signé
en 1916, constituait un protectorat britannique, jusqu'à son
indépendance, proclamée le 3 septembre 1971.
L'exploitation pétrolière et le développement
d'activités industrielles ont entraîné une forte
augmentation de la population du Qatar qui, de quelques dizaines de milliers
d'habitants après la seconde guerre mondiale, est passée à
près de
550 000 habitants
aujourd'hui (dont 220 000
dans la capitale, Doha). Toutefois, cette population compte de 70 % à 80
% d'immigrés, l'importation de main d'oeuvre étrangère
étant le fait d'autres pays arabes (égyptiens, libanais et
palestiniens) et surtout de pays du sous-continent indien (pakistanais et
indiens).
A. L'ÉVOLUTION POLITIQUE DU QATAR
Sur le plan intérieur, l'évolution politique a
été marquée par la déposition, en 1995, du cheikh
Khalifa par son fils, le
cheikh Hamad
, qui souhaite imprimer un nouvel
élan à l'émirat.
Sur le plan extérieur, le Qatar se caractérise par sa position
indépendante et originale au sein du Conseil de coopération des
Etats du golfe.
1. Une grande continuité politique
Depuis la fin du 18e siècle, la direction politique du
Qatar est assurée par la
famille Al Thani
, qui figure parmi les
plus anciennes tribus d'Arabie et dont les 8 000 à 9 000
membres jouent un rôle prépondérant dans la vie politique
et économique. Liée par son origine à l'Arabie saoudite,
cette famille musulmane sunnite est de rite wahhabite, comme la majorité
des saoudiens et la quasi-totalité des qatariens.
Compte tenu de la forme monarchique de l'Etat, les évolutions politiques
s'effectuent au sein de la famille régnante, dont plusieurs membres
occupent des fonctions gouvernementales. Le
cheikh Khalifa
, qui
régnait depuis 1972, a été
déposé sans
violence, le 27 mai 1995 par le prince héritier
, son fils
aîné, le
cheikh Hamad
. Ce dernier exerçait de fait
une influence prépondérante sur la marche des affaires de l'Etat.
Cette transition s'est effectuée en douceur et très rapidement,
l'ensemble des Etats du Conseil de coopération du golfe ont reconnu le
nouveau souverain.
Sur le plan institutionnel, l'émir concentre entre ses mains l'essentiel
des pouvoirs. Depuis 1996, la constitution prévoit qu'il nomme un
premier ministre. L'émir et son gouvernement sont assistés d'un
conseil consultatif de trente membres choisis par l'émir.
2. Une politique extérieure indépendante
Le Qatar est l'un des 6 Etats du conseil de coopération
du golfe qui comprend également l'Arabie saoudite, le Koweït,
Bahreïn, les Émirats arabes unis et Oman, mais il entretient avec
certains d'entre eux des relations difficiles.
Le Qatar a tout d'abord constamment manifesté
à l'égard
de son puissant voisin, l'Arabie saoudite, une volonté sourcilleuse
d'autonomie,
un souci farouche de marquer sa souveraineté et un
refus de subir une quelconque tutelle. S'appuyant sur ses richesses naturelles
et sur sa situation géographique, le Qatar s'est démarqué
de l'Arabie saoudite en politique extérieure et a contesté
l'influence de cette dernière, trop forte à ses yeux, au sein du
Conseil de coopération du golfe. Par ailleurs, le Qatar contestait
vivement la délimitation de la frontière qataro-saoudienne dans
la région du Khôr al Oudaïd, qui forme une sorte de mer
intérieure au sud-est du pays. Ce contentieux, dont Riyad a plutôt
minimisé la portée, a donné lieu à de graves
incidents avec morts d'hommes au poste frontière d'Al Khaffous en 1992.
Depuis lors, un accord est intervenu sur le tracé définitif de la
frontière et un bornage a été réalisé par
l'Institut géographique national français.
Plus important est le
contentieux territorial qui oppose le Qatar et
Bahreïn
au sujet des îles Hawar, actuellement sous la
souveraineté de Bahreïn alors que selon Doha, elles sont incluses
dans le plateau continental du Qatar. Contrairement au souhait de Bahreïn
de régler cette question dans le cadre du Conseil de coopération
du golfe, et malgré une tentative de médiation saoudienne, le
Qatar a préféré saisir unilatéralement la Cour
internationale de justice qui s'est déclarée compétente en
1995 et a commencé son instruction.
Sur le plan régional, les positions du Qatar sont fréquemment
distinctes de celles des autres Etats du Conseil de coopération du golfe.
Une coopération bilatérale avait été amorcée
avec Israël, mais elle est aujourd'hui ralentie en raison du blocage du
processus de paix.
Le Qatar entretient des relations étroites avec l'Iran, qui
possède sous sa souveraineté environ 10 % du gisement gazier
de North Field, en vue de l'exploitation duquel le Qatar souhaite éviter
tout conflit.
Enfin, le Qatar a participé à la coalition alliée lors de
la guerre du golfe mais a très rapidement renoué des relations
avec l'Irak. Il a notamment déploré les conséquences sur
les populations irakiennes de l'embargo imposé par les Nations-Unies et
prône sur ce dossier le dialogue plutôt que l'affrontement.
B. L'ÉCONOMIE DU QATAR
Fondée sur la rente pétrolière, qui tend désormais à s'émousser, le développement économique du Qatar passe désormais par l'exploitation des considérables réserves gazières du pays.
1. Un développement économique fondé sur la rente pétrolière
Débutée en 1949 sur les gisements de la
région de Dukhan dans l'ouest du pays,
l'exploitation
pétrolière
s'est développée par la suite avec
la mise en valeur de gisements en mer. Une société d'Etat, la
Qatar General Petroleum Corporation, contrôle l'ensemble des
activités pétrolières de l'émirat, des accords de
partage de production étant passés avec des compagnies
étrangères, notamment pour les gisements en mer, moins faciles
d'accès.
Le Qatar ne se situe pas parmi les plus gros producteurs de pétrole et
sa production, qui avait atteint 570 000 barils par jour en 1973 est
revenue à 470 000 barils par jour actuellement. Les
réserves, telles qu'évaluées aujourd'hui, ne sont pas
considérables et elles pourraient être épuisées
d'ici 25 ans.
Pour autant, le pétrole constitue l'essentiel -90 %- des revenus de
l'Etat du Qatar, et lui permet d'afficher, compte tenu de la faible population
du pays, un revenu par habitant de 14 000 dollars par an. Il faut
toutefois mentionner que ces recettes sont soumises à de très
fortes variations qui suivent les cours du pétrole brut. Les revenus de
l'exploitation pétrolière ont ainsi atteint 7 milliards de
dollars en 1980 pour tomber à moins de 2 milliards de dollars en
1986. Elles se situent aujourd'hui autour de 3 milliards de dollars par an.
Le Qatar a utilisé ces ressources pour se doter de capacités
industrielles, notamment autour du complexe d'Oumm Saïd, au sud de Doha,
qui comporte de nombreuses industries lourdes : cimenteries, usines d'engrais,
raffineries, usine de liquéfaction de gaz naturel, aciérie,
complexe pétrochimique.
Ce développement industriel a nécessité un fort appel
à la main d'oeuvre étrangère, provenant de pays arabes ou
asiatiques.
2. Les perspectives liées à l'exploitation gazière
Le Qatar dispose, avec le
champ gazier de North Field
situé dans le golfe arabo-persique, au nord de la péninsule, de
colossales réserves de gaz naturel, sans commune mesure avec les
ressources gazières qu'il exploite à terre dans la région
de Dukhan.
Ces réserves seraient les troisièmes au monde,
après celles de la Russie et de l'Iran.
Ce champ gazier est contrôlé à 90 % par le Qatar et a
10 % par l'Iran. Il représente, sur 6 000 km
2
,
6 % des réserves mondiales estimées
et place le Qatar
parmi les principaux pays gaziers du monde dans l'avenir.
Décidée en 1989, la
mise en exploitation de North Field
doit permettre au Qatar de franchir une étape supplémentaire dans
son développement économique, qui s'appuie sur une série
de projets très ambitieux, combinant le volet énergétique
et un volet industriel.
L'exploitation proprement dite repose sur deux projets :
- le premier,
Qatargas,
qui devrait aboutir en collaboration avec Total
et Mobil, concerne la construction d'une unité de liquéfaction de
gaz naturel d'une capacité de 6 millions de tonnes par an en vue
d'exportations au Japon ; le coût global du projet, qui comprend les
forages, la production et l'acheminement du gaz, est évalué
à 3 milliards de dollars.
- le second,
Rasgas
, dans lequel intervient Mobil, prévoit la
production de 10 millions de tonnes à destination de la
Corée du Sud et nécessiterait un investissement de
6 milliards de dollars.
En complément de ces deux projets phares, les autorités de Doha
ont lancé un
programme de développement des capacités
de leurs unités industrielles
et notamment :
- l'extension de Qapco (Qatar Petrochemicals Company) confiée à
la société française Technip, pour la production
d'éthylène et de polyéthylène, pour un coût
de 400 millions de dollars,
- la construction d'une unité de production de méthanol, pour un
coût de 750 millions de dollars,
- l'extension des productions d'engrais de la firme Qafco, pour un coût
de 400 millions de dollars,
- l'augmentation des capacités de raffinage,
- l'extension des capacités de l'aciérie existante,
- la construction d'une nouvelle cimenterie et d'une centrale électrique.
La réalisation de ce vaste programme d'investissement mobilise une part
très substantielle des revenus du Qatar et l'a même conduit
à emprunter sur le marché international des capitaux. Cette
situation a entraîné une
dégradation des comptes
publics
mais la mise en valeur du champ gazier de North Field, lorsqu'elle
atteindra son régime de croisière permettra, à
l'échéance 2005-2008, d'accroître considérablement
les revenus de l'émirat, qui de 3 milliards de dollars par an
actuellement pourraient atteindre 5 milliards de dollars.
II. DES RELATIONS PRIVILÉGIÉES AVEC LA FRANCE
Dès son accession à l'indépendance, le Qatar a fait de la France l'un de ses partenaires privilégiés, notamment sur le plan de la coopération militaire. La mise en chantier des grands projets de développement économique liés à l'exploitation gazière ouvre des perspectives intéressantes pour le renforcement des relations économiques entre les deux pays.
A. DE FORTES CONVERGENCES POLITIQUES ET UNE COOPÉRATION FRUCTUEUSE
Les relations politiques étroites entretenues avec la France ont permis la mise en oeuvre d'une coopération fructueuse, surtout dans le domaine militaire.
1. De fortes convergences politiques avec la France
Dès l'accession du Qatar à
l'indépendance, le cheikh Khalifa a souhaité s'affranchir de la
tutelle britannique et s'est tourné vers la France, pour en faire un
partenaire privilégié de son pays. Son fils, le cheikh Hamad, qui
lui a succédé en 1995, n'a pas remis en cause ces relations
étroites. Comme de nombreux membres de la famille régnante, il
séjourne fréquemment en France. Parallèlement, la visite
du ministre des affaires étrangères, en juin 1996, puis celle du
Président de la République, en juillet 1996, ont confirmé
nos relations très étroites.
Liées à l'origine au contexte de l'accession à
l'indépendance du Qatar et motivées également par les
besoins militaires du jeune Etat, les bonnes relations avec la France
s'appuient sur des
convergences politiques nombreuses.
Petit pays très attaché à sa souveraineté, le Qatar
apprécie la ligne politique indépendante de la France et se
trouve fréquemment en accord avec elle, notamment sur les questions
relatives au Moyen-Orient, qu'il s'agisse du processus de paix
israélo-palestinien ou de la situation en Irak.
On doit toutefois relever que le récent resserrement des relations avec
Washington, au travers d'un accord de défense et de l'autorisation
données à l'armée américaine de
prépositioner des équipements et des hommes, illustre la
nécessité pour la France de veiller à maintenir à
leur haut niveau nos relations bilatérales alors que le Qatar cherche
à diversifier ses partenariats.
2. Une coopération diverse
C'est sans aucun doute le
domaine militaire
que s'est
concrétisé avec le plus de force la coopération entre la
France et le Qatar. Environ 80 % des équipements de l'armée
du Qatar sont d'origine française, qu'il s'agisse des blindés
(AMX), des avions (Mirage F1, Alphajet), des hélicoptères
(Gazelle), ou des missiles (Spot et Milan). Un contrat portant sur la
fourniture de
12 Mirage 2000-5
avec leurs missiles, pour un montant
de 7 milliards de francs a été conclu en 1994. La France
fournit plusieurs officiers en qualité d'assistants techniques de
l'armée de l'air du Qatar et une mission militaire de coopération
est implantée à Doha depuis 1991.
Toutefois, la France tend aujourd'hui à perdre sa place de partenaire
privilégié dans le domaine de la défense, puisque outre
l'accord conclu avec les Etats-Unis mentionné plus haut, un accord a
été conclu en 1996 avec le Royaume-Uni pour d'importantes
livraisons d'armement.
Dans le
domaine culturel, scientifique et technique
, l'enveloppe de
coopération est particulièrement modeste, puisqu'elle
était à peine supérieure à 2 millions de
francs en 1997, mais on doit signaler la création d'une école
française en 1994, une présence française
régulière sur les ondes de la radio et de la
télévision du Qatar ainsi que des projets de coopération
scientifique et technique, au travers du Bureau de recherches
géologiques et minières (réalisation d'une carte des
ressources du Qatar) et de l'Institut français du pétrole
(coopération dans le domaine gazier).
B. DES PERSPECTIVES POUR LE RENFORCEMENT DES RELATIONS ÉCONOMIQUES
Les relations économiques bilatérales sont marquées par l'accroissement de l'excédent commercial réalisé par la France et par l'implication des entreprises françaises dans le développement économique du Qatar.
1. Des échanges commerciaux en forte progression
Les ventes françaises au Qatar connaissent une forte
progression et, sur une période de 10 années, augmentent à
un rythme supérieur à 10 % par an, hors contrats exceptionnels et
notamment aéronautiques.
Les
exportations françaises
sont passées de 712 millions
de francs en 1994 à 1 144 millions de francs en 1995 et 1 400
millions de francs en 1996. Elles dépassaient le milliard de francs sur
les seuls six premiers mois de 1997.
Les ventes d'équipement liées à l'exploitation
gazière et au projets pétrochimiques sont à l'origine de
cette forte progression, mais les produits français sont
également présents dans l'automobile, les biens
intermédiaires et l'agro-alimentaire.
La
part de marché
de la France varie autour de 5 à
6 %, ce qui place notre pays au
7ème rang des fournisseurs
du Qatar, derrière le Japon, les Etats-Unis, le Royaume-Uni,
l'Allemagne, les Emirats Arabes Unis et l'Arabie saoudite.
Dans la réalité, la présence commerciale française
est plus forte car ce flux ne comptabilise pas les produits français
exportés aux Emirats Arabes Unis puis réexpédiés
sur le Qatar.
2. L'implication des entreprises françaises dans le développement économique du Qatar
Une trentaine d'entreprises françaises sont
présentes au Qatar, soit dans le cadre de l'exécution de contrats
(domaine militaire et énergétique), soit à titre
commercial.
Le secteur pétrolier et gazier couvre une large part des investissements
français au Qatar.
Dans le cadre de la mise en valeur du gisement gazier de North Field, Total est
entré dans le capital de Qatargas, à hauteur de 20 % pour
les activités amont (production) et de 10 % pour les
activités aval (transformation).
La société Elf, par le biais de sa filiale Atochem, participe aux
activités pétrochimiques du Qatar. Elle souhaiterait
également participer à l'exploitation de North Field en entrant
dans le capital de Rasgas.
Plusieurs sociétés françaises suivent également des
projets en préparation :
- Technip s'intéresse au projet d'usine de production de chlorure
d'éthylène, à l'extension de la raffinerie existante
près d'Oumm Saïd et à l'installation d'une nouvelle
unité de traitement de gaz,
- un groupement constitué par des sociétés
françaises suit un projet de centrale électrique couplée
à une usine de dessalement de l'eau de mer,
- Pechiney serait partie prenante dans la construction d'une unité de
production d'aluminium.
III. UN DISPOSITIF CLASSIQUE DE PROTECTION RÉCIPROQUE DES INVESTISSEMENTS
L'accord d'encouragement et de protection réciproques des investissements signé le 8 juillet 1996 entre la France et le Qatar se révèle en tous points conforme aux accords de même type qui lient déjà la France à une soixantaine de pays.
A. LE CHAMP D'APPLICATION DE L'ACCORD
1. Champ d'application géographique
Il comprend le territoire et la zone maritime de chacune des parties (article l.6). La zone maritime est définie comme la zone sur laquelle les parties ont, en conformité avec le droit international, des droits souverains et une juridiction, aux fins de prospection, d'exploitation et de préservation des ressources naturelles.
2. Investissements concernés
Les investissements recouvrent
l'ensemble des avoirs
dont l'article 1.1 de l'accord donne une liste qui comprend notamment
les biens meubles et immeubles
ainsi que les autres droits réels
(hypothèque, privilège, usufruit, cautionnement...),
les
actions, les obligations, les droits d'auteur et de propriété
commerciale ou industrielle, les concessions
accordés par la loi ou
en vertu d'un contrat.
Par ailleurs, la protection ne jouera que pour les investissements conformes
à la législation de la partie contractante sur le territoire de
laquelle ils sont réalisés, qu'ils aient été
effectués avant ou après l'entrée en vigueur de l'accord.
3. Les investisseurs intéressés
Il convient de distinguer d'une part
les personnes
physiques
qui doivent posséder la nationalité de l'une des
parties contractantes (article 1.3) et d'autre part les
sociétés
constituées conformément à
la législation de l'un des deux Etats et y possédant leur
siège social ou étant contrôlées, directement ou
indirectement, par une personne physique ou une société de l'un
des deux Etats.
Par ailleurs, les gouvernements des deux pays peuvent également
être considérés comme investisseurs (article 1.2), le
gouvernement du Qatar ayant estimé qu'il pourrait être
amené à effectuer des investissements en son nom propre et ayant
souhaité, pour cette raison, être couvert par l'accord.
4. Les revenus visés
Les revenus recouvrent "toutes les sommes produites par un investissement, telles que bénéfices, redevances ou intérêts durant une période donnée" (article 1.5).
B. DES STIPULATIONS CLASSIQUES TENDANT À ENCOURAGER ET PROTÉGER LES INVESTISSEMENTS RÉCIPROQUES
1. L'encouragement des investissements
L'encouragement des investissements, dont le principe est
posé par l'article 2, revêt deux formes :
- l'octroi d'un
traitement "juste et équitable"
pour ces
investissements conformément aux principes du droit international
(article 3) et l'exclusion de toute entrave de droit ou de fait à
l'exercice du droit ainsi reconnu. La lettre jointe à l'accord exclut
notamment toute restriction à l'achat et au transport des
matières premières et de celles nécessaires à la
production et à l'exploitation ainsi que toute entrave à la vente
et au transport des produits. Elle précise en outre que les parties
examineront avec bienveillance, dans le cadre de leur législation
interne, les demandes d'entrée et d'autorisation de séjour et de
travail introduites au titre d'un investissement.
- l'application par chaque partie d'un
traitement au moins aussi favorable
aux investisseurs de l'autre partie que celui accordé à ses
propres investisseurs, ou l'octroi de la clause de la nation la plus
favorisée,
si celle-ci se révèle plus avantageuse
(article 4).
Ce régime d'encouragement ne s'étend pas cependant aux avantages
consentis dans le cadre d'accords particuliers à l'image d'une zone de
libre-échange, d'une union douanière, d'un marché commun
ou d'une autre forme d'organisation économique régionale.
Par ailleurs, il convient également de souligner que le principe d'un
traitement aussi favorable pour les investissements nationaux que pour les
investissements de l'autre partie, ne s'applique pas dans le domaine fiscal.
Compte tenu de l'importance des allégements fiscaux accordés
à certains investisseurs nationaux, ces derniers
bénéficient ainsi d'un net avantage.
2. La protection des investissements : trois principes traditionnels
Les investisseurs de l'autre partie doivent d'abord
bénéficier, en cas de dépossession pour cause
d'utilité publique (nationalisations, expropriations...), d'une
"indemnité prompte et adéquate",
dont le montant est
évalué par rapport à une "situation économique
normale à la veille du jour où ces mesures sont prises ou connues
du public (article 5.2)".
En second lieu, en cas de dommages et pertes provoqués par des
circonstances exceptionnelles telles qu'un conflit armé, une
révolution, l'état d'urgence, les investisseurs étrangers
ont droit à un
traitement aussi favorable que celui des investisseurs
nationaux
ou de la nation la plus favorisée (article 5.3).
Le principe de la liberté des transferts,
essentiel pour les
investisseurs, se trouve garanti à l'article 7 de l'accord. Il
s'applique sans réserve notamment aux revenus et aux produits de la
cession ou de la liquidation de l'investissement (y compris les plus-values).
Son application apparaît, en revanche, plus restreinte pour les
transferts des revenus des ressortissants de l'une des parties travaillant sur
le territoire de l'autre partie puisque ceux-ci ne sont garantis que dans la
limite d'une "quotité appropriée de leur
rémunération" (article 6).
L'article 7 évoque pour sa part les procédures de garantie
accordée par l'une des parties pour un investissement
réalisé sur le territoire de l'autre partie. Dans ce cas, cette
dernière devra agréer l'investissement préalablement
à l'octroi de la garantie.
C. UN MODE TRADITIONNEL DE RÈGLEMENT DES CONFLITS
L'accord prévoit deux dispositifs différents de règlement des conflits.
1. Différends entre l'une des parties et un investisseur de l'autre Etat
Dans cette hypothèse et lorsqu'un règlement
à l'amiable n'a pu être obtenu au terme d'un délai de six
mois, le différend est soumis, à l'arbitrage du Centre
international pour le règlement des différends relatifs aux
investissements (CIRDI), créé sous les auspices de la Banque
mondiale, par la Convention de Washington du 18 mars 1965 (article 8).
L'article 9 stipule que lorsque l'une des parties effectue au profit de l'un de
ses investisseurs un versement en vertu de la garantie donnée pour un
investissement sur le territoire de l'autre partie, elle se trouve
"subrogée dans les droits ou actions" de cet investisseur.
2. Différends relatifs à l'interprétation et à l'application du présent accord
A défaut de règlement amiable par la voie diplomatique dans un délai de six mois, ces différends sont soumis à un tribunal d'arbitrage ad hoc dont les décisions sont définitives et exécutoires de plein droit (article 11).
*
* *
Quant aux dispositions finales de l'accord, elles
prévoient d'une part que l'accord ne fait pas obstacle aux dispositions
plus favorables contenues dans des engagements particuliers (article 10) et
d'autre part que l'entrée en vigueur de l'accord interviendra un mois
après le jour de la réception de la dernière notification
de l'accomplissement des procédures internes requises.
L'accord est conclu pour une durée initiale de dix ans et sera reconduit
tacitement après ce terme, sauf dénonciation par l'une des
parties avec préavis d'un an. Enfin, il prévoit de prolonger
pendant vingt ans la protection des investissements effectués pendant la
période de validité de l'accord (article 12).
Les autorités du Qatar ont procédé à la
ratification de l'accord de protection des investissements le 20 juillet
1996.
CONCLUSION
Pays le moins peuplé mais parmi le plus
prospères des Etats du Conseil de coopération du Golfe, le Qatar
affirme sa spécificité en veillant jalousement à sa
souveraineté et à son indépendance tout en cherchant
à valoriser ses immenses réserves énergétiques.
De tous les Etats du Golfe, c'est sans doute avec le Qatar que la France
entretient, depuis plus de vingt ans, les relations les plus étroites et
les plus confiantes.
Toutefois, désireux d'amorcer une nouvelle phase de son
développement économique, en lançant l'exploitation du
gisement gazier de North Field et en renforçant ses capacités
industrielles, le Qatar souhaite diversifier ses partenariats, afin de
réaliser son ambitieux programme d'investissement.
Les entreprises françaises sont bien entendu appelées à
participer à cet important programme sur lequel s'exerce une forte
concurrence internationale.
Dans cette perspective, l'accord d'encouragement et de protection
réciproques des investissements du 8 juillet 1996,
déjà ratifié par le Qatar, ne peut que conforter nos
entreprises.
C'est pourquoi votre commission des affaires étrangères, de la
défense et des forces armées vous invite à adopter le
présent projet de loi.
EXAMEN EN COMMISSION
La commission des affaires étrangères, de la
défense et des forces armées a examiné le présent
projet de loi au cours de sa réunion du mercredi 25 mars 1998.
A l'issue de l'exposé du rapporteur, M. Xavier de Villepin,
président,
s'est interrogé sur le programme
d'investissements industriels lourds engagé par le Qatar.
M. Charles-Henri de Cossé-Brissac
a interrogé le
rapporteur sur l'influence américaine au Qatar.
M. Maurice Lombard
s'est interrogé sur les exportations de chars
Leclerc dans la région.
M. Daniel Goulet, rapporteur
,
a alors apporté les
précisions suivantes :
- le Qatar dispose de moyens financiers lui permettant de mettre en oeuvre un
important programme industriel, à la mesure des ambitions
économiques qu'il affiche dans la région,
- la diplomatie du Qatar s'attache à diversifier les partenariats, ce
qui explique les relations nouvelles établies avec les Etats-Unis,
notamment dans le domaine de la défense, sans que cela n'affecte
cependant la qualité des relations avec la France,
- à la différence des Emirats arabes unis, le Qatar n'a pas
commandé de chars Leclerc.
M. Daniel Goulet, rapporteur
,
a ensuite évoqué le prochain
déplacement du groupe sénatorial d'amitié France-Pays du
Golfe au Qatar, en précisant que les parlementaires seraient
accompagnés de chefs d'entreprise suscepibles d'être
intéressés par le marché de ce pays. M. Jean Arthuis
,
approuvé par M. Xavier de Villepin, président
,
a
jugé particulièrement intéressasnte cette initiative,
susceptible de permettre à des entreprises françaises
d'établir de nouveaux contacts.
A l'issue de ce débat, la commission, suivant l'avis de son rapporteur,
a alors approuvé le
projet de loi qui lui était soumis.
PROJET DE LOI
(Texte présenté par le Gouvernement)
Article unique
Est autorisée l'approbation de l'accord entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de l'Etat du Qatar sur l'encouragement et la protection réciproques des investissements (ensemble une annexe), signé à Doha le 8 juillet 1996, et dont le texte est annexé à la présente loi 1( * ) .
ANNEXE -
ETUDE D'IMPACT2(
*
)
Etat de droit et situation de fait existants et leurs
insuffisances : sans objet
Bénéfices escomptés en terme :
. d'emploi : impossible à quantifier
. d'intérêt général : enrichissement de nos
relations diplomatiques
. financier : permettra au Gouvernement d'accorder la garantie de la Coface
pour les investisseurs français, conformément à la loi de
finances rectificative pour 1971
. de simplification des formalités administratives : aucune
. de complexité de l'ordonnancement juridique : sans objet.
1
Voir le texte annexé au document
Sénat n° 289 (1997-1998).
2
Texte transmis par le Gouvernement pour l'information des
parlementaires.