EXAMEN EN COMMISSION
Réunie le jeudi 9 avril 1998, sous la
présidence de M. Christian Poncelet, président, puis de M.
Philippe Marini, vice-président, la commission a procédé
à l'examen du rapport de M. Alain Lambert, rapporteur
général, sur le projet de loi n° 383 (1997-1998)
modifiant le statut de la Banque de France en vue de sa participation au
système européen de banques centrales (SEBC).
M. Alain Lambert, rapporteur, a expliqué que, pour la
deuxième fois en cinq ans, le législateur était
amené à modifier les statuts de la banque centrale, afin de les
rendre compatibles avec les dispositions du Traité sur l'Union
européenne, signé à Maastricht le 7 février
1992.
Il a rappelé que la loi du 4 août 1993 avait accordé
son indépendance à la Banque de France, dont le Conseil de la
politique monétaire, créé à cette occasion,
définissait la politique monétaire française. Il a
précisé que cette indépendance ne valait que pour la
politique monétaire, la Banque de France exerçant d'autres
activités, soumises au contrôle du Gouvernement, et qu'il
s'agissait, à l'époque, de permettre à la France d'entrer
dans la deuxième phase de l'Union économique et monétaire
(UEM), qui a débuté le 1er janvier 1994 et qui se terminera
le 31 décembre 1998.
M. Alain Lambert, rapporteur, a noté que ces cinq années
avaient permis aux Etats membres de réaliser une forte convergence de
leurs économies, soulignée à la fois par le rapport de la
Commission européenne et par celui de l'Institut monétaire
européen (IME) publiés le 25 mars dernier.
Il a également rappelé que, si la convergence
s'appréciait à partir de critères économiques, elle
comportait également des exigences en termes juridiques, à savoir
la compatibilité des législations nationales avec le
traité et le système européen de banques centrales.
Il a évoqué le Conseil européen qui se réunira
à Bruxelles le 2 mai prochain et qui arrêtera la liste des
Etats participants à l'UEM, qui devraient être au nombre de onze
dont la France.
M. Alain Lambert, rapporteur, a précisé que la
préparation de la troisième phase commencerait dès cette
date, avec la mise en place des institutions monétaires
européennes, c'est-à-dire le système européen de
banques centrales (SEBC) réunissant les banques centrales nationales et
la Banque centrale européenne (BCE). A cette date interviendra
également la nomination des six membres du directoire de la BCE, qui
siégeront au Conseil des gouverneurs aux côtés des
gouverneurs des banques centrales nationales.
Mais, il a noté que les statuts actuels de la Banque de France ne
permettaient pas encore à son gouverneur de participer au Conseil des
gouverneurs de la Banque centrale européenne.
Il a indiqué que l'objet du présent projet de loi était
précisément d'apporter les modifications nécessaires au
statut de la Banque de France pour tenir compte de la mise en place du SEBC, et
assurer ainsi son intégration dans ce dernier, le législateur
ayant sur ce dossier, comme en 1993, une compétence en grande partie
liée puisqu'il s'agissait à nouveau de tirer les
conséquences du traité de Maastricht, approuvé par
référendum, et non de légiférer ex nihilo.
M. Alain Lambert, rapporteur, a ensuite présenté les
principales dispositions du projet de loi, après avoir rappelé
que le texte ayant un caractère technique évident, son examen
serait détourné de sa vocation s'il visait à remettre en
cause le choix qu'ont fait les Français il y a bientôt six ans.
M. Alain Lambert, rapporteur, a expliqué que les modifications
apportées à la loi du 4 août 1993 par le projet de loi
portaient essentiellement sur deux points :
en vertu de l'article premier, la définition de la politique
monétaire interne relèvera du SEBC, organe composé de la
BCE et des banques centrales nationales. Le Conseil des gouverneurs de la
Banque centrale européenne sera chargé de définir la
politique monétaire, dont l'objectif principal est la stabilité
des prix, et les banques centrales nationales seront compétentes pour en
assurer, en liaison avec le directoire de la BCE, la mise en oeuvre ;
l'article 2 prend acte de ce que la détermination du
régime de change et des orientations générales de la
politique de change relèveront du Conseil de l'Union européenne
pour ce qui concerne sa définition (article 109 du Traité)
et du SEBC pour sa mise en oeuvre (article 105).
Il a estimé que les autres dispositions du projet de loi en tiraient
les conséquences sur d'autres domaines : le Conseil
général ne sera plus en charge de la promotion du bon
fonctionnement des systèmes de paiement, qui constitue l'une des
missions fondamentales du SEBC. De même le Conseil de la politique
monétaire (CPM) ne pourra en aucun cas adresser de mandat au gouverneur
lorsque ce dernier prendra part au Conseil des gouverneurs de la BCE.
M. Alain Lambert, rapporteur, a ensuite exposé son point de vue
sur la réforme des missions du Conseil de la politique monétaire,
constatant qu'il ne serait plus compétent pour définir la
politique monétaire interne. Il a relevé que l'article 4 du
projet de loi lui assignait néanmoins deux missions importantes :
- l'examen des évolutions monétaires et l'analyse des
implications de la politique monétaire élaborée dans le
cadre du SEBC ;
- et la mise en oeuvre des instruments nationaux de la politique
monétaire dans le cadre des orientations et instructions de la Banque
centrale européenne.
Le CPM devrait donc étudier la politique monétaire
européenne et en tenir informés les agents économiques
nationaux ainsi que l'opinion publique française en
général. Sa tâche serait donc à la fois technique et
pédagogique.
M. Alain Lambert, rapporteur, a estimé qu'un accroissement de la
légitimité du CPM permettrait de renforcer son rôle et sa
crédibilité.
C'est pourquoi il a noté que l'examen du projet de loi constituait une
bonne occasion de modifier les modalités de désignation des
membres du CPM, le système actuel étant à la fois
complexe, de par la distinction qu'il opère entre proposition et
nomination, et opaque, en raison du mécanisme des listes de
présentation.
M. Alain Lambert, rapporteur, a donc proposé un dispositif
inspiré de la proposition de loi de MM. Philippe Marini, Hubert
Haenel et Roland du Luart, dont les principales dispositions sont les
suivantes :
- les neufs membres du CPM seraient désignés, par tiers,
par le Président de la République, par le Président du
Sénat et par le Président de l'Assemblée nationale, le
Président de la République nommant le gouverneur ;
- le mandat des membres du Conseil serait de neuf ans ; il ne serait
ni révocable ni renouvelable ;
- le Conseil se renouvellerait par tiers tous les trois ans.
Le CPM serait ainsi comparable, dans son mode de désignation, au
Conseil Constitutionnel et au Conseil supérieur de l'audiovisuel.
Il a également estimé que le CPM, puisqu'il ne définirait
plus la politique monétaire interne, devrait voir son rôle
d'information considérablement accru : c'est pourquoi il a
proposé un amendement lui permettant d'être auditionné par
les commissions des finances du Parlement.
Enfin, M. Alain Lambert, rapporteur, a abordé un dernier point
relatif à la qualité rédactionnelle du projet de loi. Il a
rappelé que le Conseil d'Etat avait, il y a quelques années,
déploré la détérioration de la règle
juridique, en dénonçant l'absence de portée normative d'un
nombre croissant de dispositions, ce qu'il avait appelé le droit
"gazeux", ainsi que l'illisibilité de certaines règles.
Or, il a constaté que quelques dispositions du présent projet de
loi pouvaient appeler une telle critique, certains alinéas
procédant par référence à des articles du
Traité, sans en préciser l'objet, ce qui en rendait impossible la
lecture, et vaine l'affirmation selon laquelle "nul n'est censé ignorer
la loi".
M. Alain Lambert, rapporteur, a donc proposé que le Sénat
reste le gardien de la lisibilité des textes, et que chaque article de
ce projet de loi soit une disposition juridique accessible à chaque
citoyen français.
Enfin, dans le même souci de ne pas multiplier les normes inutiles, il a
proposé de supprimer certains articles additionnels introduits par
l'Assemblée nationale, qui ont pour objet de réaffirmer certaines
missions de la Banque de France sans que celles-ci ne soient remises en cause
par le présent projet de loi.
M. Paul Loridant est ensuite intervenu pour relever qu'à ses yeux,
la commission des finances avait changé d'avis sur la procédure
de nomination des membres du Conseil de la politique monétaire, car elle
s'était, en 1993, opposée à l'intervention du
Président de la République dans cette procédure.
En réponse, M. Alain Lambert, rapporteur, a
considéré qu'il fallait tenter de fixer des règles
indépendantes de la conjoncture politique.
Puis, la commission a procédé à l'examen des articles du
projet de loi.
La commission a adopté, sans modification, l'article premier, relatif
à l'intégration de la Banque de France au système
européen de banques centrales.
A l'article 2, relatif au transfert de la mise en oeuvre de la politique
de change au SEBC, la commission a adopté deux amendements
rédactionnels.
Puis, elle a adopté un article additionnel après
l'article 2, tendant à adapter l'article 4 de la loi du
4 août 1993 aux dispositions du Traité relatives à la
surveillance des systèmes de paiement.
A l'article 3, relatif à l'émission des billets de banque
sur le territoire français, la commission a adopté deux
amendements rédactionnels.
M. Paul Loridant a alors estimé que le sort du franc-CFA,
dispositif essentiel de la francophonie et de la présence
française en Afrique, resterait incertain une fois la monnaie unique
instituée.
La commission a ensuite adopté, sans modification, l'article 4
relatif à l'adaptation des compétences du Conseil de la politique
monétaire.
M. Alain Lambert, rapporteur, a ensuite présenté un
amendement cosigné par M. Philippe Marini insérant un
article additionnel après l'article 4, tendant à modifier
les modalités de désignation des membres du CPM, dans le sens
indiqué lors de la discussion générale.
Après un débat auquel ont pris part MM. René Ballayer,
Jean Clouet, Maurice Blin, Guy Cabanel, Paul Loridant et Philippe Marini, la
commission a adopté cet amendement.
Avant l'article 5, la commission a adopté un article additionnel
tendant à assurer la transition entre l'ancienne et la nouvelle
procédure de nomination des membres du CPM.
La commission a ensuite adopté, sans modification, les articles 5
relatif aux modalités des délibérations du Conseil de la
politique monétaire et 6 relatif à l'exercice d'activités
ne se rattachant pas directement aux missions du SEBC en matière de
politique monétaire.
Après un débat auquel ont participé MM. Guy Cabanel,
Paul Loridant, Denis Badré, Philippe Marini, président, et Alain
Lambert, rapporteur, la commission a supprimé les articles 6 bis et
6 ter, ajoutés par l'Assemblée nationale et relatifs aux
activités de la Banque de France autres que la politique
monétaire. Le rapporteur a considéré que cette
rédaction n'apportait rien au droit existant et qu'elle ne garantissait
pas le maintien des activités de la Banque si celles-ci devaient
être mises en cause. La commission a estimé
préférable, sur ce point, de demander des engagements au
Gouvernement.
Sur l'article 7 relatif au rapport au Président de la
République et aux relations avec le Parlement, la commission a
adopté deux amendements, l'un rédactionnel, l'autre créant
une procédure d'audition du CPM devant les commissions des finances des
deux assemblées, après les interventions de MM. Michel
Charasse et Philippe Marini, président.
La commission a ensuite supprimé l'article 7 bis,
ajouté par l'Assemblée nationale et relatif aux
études, analyses et statistiques de la Banque de France.
Après les interventions de MM. Michel Charasse, Philippe Marini,
président, Jean Clouet et Alain Lambert, rapporteur, soulignant
l'importance du réseau de succursales, la commission ne s'est pas
opposée au rappel du rôle des succursales mentionné
à l'article 7 ter mais a décidé de
réexaminer, lors de sa prochaine réunion, la rédaction de
cet article relatif aux missions du réseau de la Banque de France tel
qu'il avait été ajouté par l'Assemblée nationale.
La commission a ensuite adopté, sans modification, l'article 8
relatif à l'adaptation des compétences du comité de la
réglementation bancaire et financière.
A l'article 9, relatif à l'entrée en vigueur de la loi, la
commission a adopté un amendement tendant à exclure
l'éventualité, pour la France, de participer à la monnaie
unique à une date ultérieure à celle du 1er janvier 1999.
Enfin, la commission a adopté sans modification, l'article 10
relatif aux conventions entre l'Etat et la Banque de France.
La commission a enfin approuvé, à la majorité des membres
présents, l'ensemble du projet de loi modifiant le statut de la Banque
de France en vue de sa participation au système européen de
banques centrales.