B. LES TECHNOLOGIES POUR L'UTILISATION PROPRE DU CHARBON
Le
charbon est un combustible disponible en grande quantité et à
long terme, peu cher et dont les gisements se situent près des
régions en développement dont la consommation d'énergie va
fortement croître (en Chine, par exemple). Toutefois, compte tenu des
émissions de gaz à effet de serre (CO
2
) et des
pollutions locales (dioxyde de soufre, oxyde d'azote, cendres,
poussières) que sa combustion génère, le
développement des techniques permettant son utilisation dans de
véritables conditions de propreté et d'efficacité est
indispensable.
Trois solutions techniques sont envisageables :
-
Le charbon pulvérisé avec traitement des fumées
(le charbon, très finement broyé est séché
avant d'être injecté dans la chaudière). Cette technique
permet de construire des unités de grande puissance (900 MW voire
1 300 MW), dont les émissions de dioxyde de soufre et d'oxyde
d'azote sont bien maîtrisées depuis quelques années.
Les progrès technologiques à réaliser dans cette
filière sont l'amélioration du rendement thermique, qui doit
dépasser le niveau de 45 %, l'optimisation des installations
utilisant des charbons de qualité inégale, et
l'élimination ou la ventilation des cendres
.
La France peut faire partie des nations qui participeront à ces
recherches. Elle dispose, à cet effet, du Groupe V de la Centrale
de Provence, d'une puissance de 600 MW, où a été
installé un système de désulfuration primaire (par ajout
de calcaire dans le charbon et injection de chaux dans la chaudière) qui
permet de capter 60 % des émissions de dioxyde de soufre.
Lorsque les centrales ne possèdent pas ce système de
désulfuration primaire, ce qui est le cas de la plupart d'entre elles,
on peut y installer des unités de traitement des fumées
après combustion
. Celles-ci sont indispensables pour réduire
les émissions polluantes et offrent l'avantage de pouvoir être
installées sur la plupart des centrales existantes ayant l'espace
nécessaire pour les accueillir. Les progrès à
réaliser dans ce domaine sont la
diminution des coûts par
l'effet de série et la réduction de l'encombrement de ces
systèmes
.
-
La combustion propre par la filière du lit fluidisé
circulant
(cf. encadré) a donné lieu à des
applications industrielles dont le rendement atteint 45 %
(240 unités, souvent de petite taille, existent dans quinze pays).
Cependant en 1996, la plus grande puissance atteinte grâce à ce
procédé n'était que de 250 MW, les constructeurs
espérant atteindre le seuil de 600 MW en l'an 2000.
Il convient donc d'améliorer encore cette technique afin
d'
accroître
la puissance et le rendement des installations
car la réduction des émissions de gaz carbonique passe d'abord,
dans le cas de ces centrales, par cette amélioration du rendement.
PRINCIPE GÉNÉRAL DU LIT FLUIDISÉ CIRCULANT
Dans une
chaudière à lit fluidisé circulant, le charbon
concassé et le calcaire nécessaire à la
désulfuration sont injectés dans le foyer. La combustion et la
désulfuration s'effectuent au sein d'une masse de fines particules de
cendres fortement agitées à basse température (850°C).
Ces particules (solides) sont maintenues en suspension par un courant ascendant
d'air soufflé au bas du foyer. La densité du lit est forte en bas
de foyer et décroît rapidement dans la hauteur.
Des cyclones séparent les fumées des particules chaudes qui sont
alors recyclées via des siphons fluidisés vers le foyer.
Les fumées traversent une série d'échangeurs
conventionnels, les réchauffeurs d'air puis le
dépoussiéreur, avant d'être évacuées vers la
cheminée.
Un foyer LFC est, au régime optimum de fluidisation, un excellent
réacteur chimique. En effet le régime de fluidisation facilite
les échanges gaz/solide avec de longs temps de séjour.
Ceci assure une combinaison efficace des combustibles, de l'air et du calcaire,
permettant une très forte désulfuration. L'émission des
NOx est limitée du fait de la température modérée
et de la combustion étagée.
Source : Société Nationale d'Électricité et de
Thermique
En
France
, la tranche IV de la centrale de Provence, de 250 MW
est équipée de
la plus puissante chaudière à lit
fluidisé circulant du monde
. Les efforts des constructeurs ont
porté sur la puissance de cette centrale et sur le respect de
l'environnement. Les émissions de dioxyde de soufre sont réduites
de 95 % et celles d'oxyde d'azote de 60 %, et sont inférieures
aux normes européennes.
En ce qui concerne les futurs développements de cette filière, il
convient de signaler que des progrès décisifs peuvent provenir de
la technique du
lit fluidisé circulant sous pression
qui doit
encore être perfectionnée.
-
La combustion propre par gazéification du charbon
intégrée à un cycle combiné (GICC). Cette technique
innovante offre un rendement énergétique pouvant atteindre
45 % en utilisant une grande variété de combustible :
quasiment tous les charbons (même les plus mauvais), la biomasse, les
déchets pétroliers... Les centrales GICC permettent d'abaisser le
taux des émissions polluantes à un niveau situé
très en-deçà des normes actuelles. Mais la technique
restant complexe et le coût de construction des installations
élevé, des progrès techniques sont indispensables.
Enfin, lorsque l'on évoque les filières du charbon propre, il
convient d'évoquer l'association du
charbon à la biomasse
.
Elle permet de valoriser des déchets agricoles ou urbains dans des
installations dont le rapport entre le gaz carbonique émis et
l'énergie produite peut, en moyenne annuelle, être
inférieur à celui des centrales à cycle combiné au
gaz. Cette technologie est très prometteuse pour certains pays du Tiers
Monde et la France a largement contribué à son
développement. Cette voie est à approfondir.
LES CENTRALES BAGASSE/CHARBON
L'exemple de la centrale du Gol, à la Réunion,
qui a
reçu, en septembre 1997, le prix du jury des Trophées
Technologies Économes et Propres :
La centrale du Gol fournit, par transformation de la vapeur, du courant au
réseau électrique général de l'île de la
Réunion et, d'autre part, elle produit l'énergie (vapeur et
électricité) dont la sucrerie voisine a besoin. Le système
de cogénération optimise l'utilisation de la bagasse qui est un
sous-produit résultant du traitement de la canne à sucre, d'un
pouvoir calorifique supérieur à celui de nombreux lignites.
Grâce à l'utilisation d'un deuxième combustible, le
charbon, la centrale fonctionne toute l'année et non plus seulement
pendant la campagne sucrière. Ce procédé permet de
rentabiliser les investissements et de répondre à la consommation
d'électricité, toujours en hausse, de l'île de la
Réunion. La centrale de Bois-Rouge mise en service en 1992 et la
centrale du Gol produisent 45 % des besoins en électricité
de la Réunion. Pour l'environnement, le double système de
dépoussiérage dont est dotée la centrale du Gol limite
considérablement les fumées et cendres volantes qui
étaient rejetées dans l'atmosphère par les anciennes
sucreries.
Une centrale bagasse/charbon
est en construction à la
Guadeloupe
, qui constituera une vitrine pour les autres îles des
Caraïbes et certains pays d'Amérique latine. Le Gouvernement cubain
a commandé deux études de faisabilité pour l'implantation
de centrales de ce type qui seraient financées l'une par la
Communauté européenne, l'autre par les Nations Unies. À
l'
île
Maurice
, un projet de centrale bagasse/charbon est en
train de se concrétiser : il représente une commande de
210 millions de francs pour l'industrie française. D'autres projets
sont à l'étude, notamment au Nicaragua, aux Philippines et en
Inde.
Si l'amélioration des techniques de production de
l'électricité évoquées ci-dessus est prioritaire
dans le domaine de l'industrie charbonnière, on ne peut négliger,
à plus long terme, d'explorer la voie de la
conversion du charbon en
carburant
. Cela permettrait d'exploiter soit les gisements très
éloignés des marchés soit les charbons pauvres et les
lignites.
La transformation du charbon en gaz, notamment pour alimenter un réseau
urbain a été utilisée par les pays industrialisés
avant l'arrivée du gaz naturel mais présente des
inconvénients (particulièrement le danger que constitue la
présence d'oxyde de carbone dans ce type de gaz). Quant à la
conversion du charbon en méthane, tentée par les
États-Unis pour l'exploitation de la lignite dans le Dakota du Nord,
elle semble peu intéressante compte tenu des coûts
d'investissement élevés qu'elle génère.
En revanche, la production de combustibles liquides pourrait prendre une place
significative. Selon le Conseil Mondial de l'Énergie, 500 millions
de tonnes de charbon pourraient être consommées à cet effet
avant 2050. Les recherches menées aux États-Unis et en Allemagne
et les usines de démonstration qui ont été construites ont
montré la faisabilité technique de cette conversion mais aussi
son coût... Actuellement, seul le Japon poursuit un effort significatif
dans ce domaine.
Les moyens d'utiliser de façon exhaustive les réserves de
charbon ne seront, en tout état de cause, applicables que si leur
technologie progresse suffisamment pour améliorer leur rendement afin de
diminuer les émissions de gaz carbonique qui leur sont associées.