2. La circulaire du 24 juin 1997 : un cadre précis au service d'une politique
a) Un choix politique majeur
1.- La recherche d'un effet d'annonce
Le soir
même du second tour des élections législatives, le
1er juin 1997, des manifestants, à la Maison de l'Amérique
latine, s'adressent aux vainqueurs du jour pour réclamer
" des
papiers pour tous
".
Une "
marche pour la régularisation
",
décidée le lendemain, aboutira le 10 juin à
l'hôtel Matignon. Elle obtiendra immédiatement une réponse
de principe favorable.
C'est ce jour-là, en effet, que le
Gouvernement annoncera
l'opération de régularisation, à l'occasion de la
réception par des conseillers du Premier ministre d'une
délégation de cinq manifestants.
La régularisation annoncée devait permettre la mise en oeuvre de
critères assez larges, s'appuyant sur ceux retenus
le
12 septembre 1996 par la
Commission nationale consultative des droits
de l'Homme
, lesquels reprenaient, à quelques restrictions
près, ceux établis par le "
collège des
médiateurs
"
, constitué lors des manifestations
des étrangers en situation irrégulière en 1996
.
Dans sa déclaration de politique générale, devant le
Parlement, le 19 juin 1997, le Premier ministre confirme cette
opération de régularisation, en la situant dans le cadre de la
politique qu'il entend conduire en matière d'immigration :
" Rien n'est plus étranger à la France que le discours
xénophobe et raciste. La France doit définir une politique
d'immigration ferme et digne, sans renier ses valeurs, sans compromettre son
équilibre social.
" L'immigration est une réalité économique, sociale
et humaine qu'il faut organiser, contrôler et maîtriser au mieux,
en affirmant les intérêts de la nation et en respectant les droits
de la personne.
" Une politique d'intégration républicaine,
déterminée et généreuse, propre à recueillir
l'assentiment de nos concitoyens, sera mise en oeuvre. La République
accueille ses hôtes selon ses lois, qui doivent être claires et
précises.
" L'immigration irrégulière et le travail clandestin
-qui, je le sais, n'est pas le seul fait des étrangers- seront combattus
sans défaillance parce que l'un et l'autre compromettent
l'intégration et parce qu'ils sont contraires à la dignité
même des immigrés.
" La politique de coopération avec les Etats d'émigration
prendra en compte l'objectif de la maîtrise des flux migratoires.
" La législation sur la nationalité, le droit des
étrangers et l'immigration, rendue complexe et parfois
incohérente par trop de modifications successives, fera l'objet d'un
examen d'ensemble. Une mission interministérielle, réunissant
autour de M. Patrick Weil des représentants des ministères de
l'Intérieur, de l'Emploi et de la Solidarité ainsi que de la
Justice, présentera ses conclusions d'ici à deux mois. Un projet
de loi sera présenté à la prochaine session du Parlement.
" Sans attendre, le Gouvernement a décidé de mettre fin
à certaines situations intolérables et inextricables qui
résultent des contradictions de la législation en vigueur. Des
instructions seront données aux préfets, dans les prochains
jours, pour qu'ils procèdent, sur le fondement de critères
précis, à un examen attentif et personnel de ces
situations. "
Cet engagement se concrétise par la circulaire du 24 juin 1997
relative au réexamen de la situation de certaines catégories
d'étrangers en situation irrégulière, publiée au
Journal officiel
du 26 juin 1997.
Cependant, le nouveau Gouvernement sous-estime l'ampleur de ces
régularisations. Selon une dépêche de l'Agence France
Presse, le 24 juin 1997, "
de source proche du Gouvernement, on
estime entre 10 à 40.000 le nombre de personnes
concernées
". Il ne s'agirait donc pas de reproduire les
régularisations de 1981-1982 qui avaient bénéficié
à 131.000 étrangers.
Cette médiatisation et la recherche d'un effet d'annonce ont
été destinés à satisfaire une fraction très
minoritaire de l'opinion publique, au risque d'encourager fortement la
multiplication des demandes.