PPL sur la retraite anticipée pour les anciens combattants chômeurs en fin de droit, justifiant de quarante années de cotisations diminuées du temps passé en Afrique du Nord

FISCHER (Guy)

RAPPORT 521 (97-98) - COMMISSION DES AFFAIRES SOCIALES

Table des matières






N° 521

SÉNAT

SESSION ORDINAIRE DE 1997-1998

Annexe au procès-verbal de la séance du 24 juin 1998

RAPPORT

FAIT

au nom de la commission des Affaires sociales (1) sur la proposition de loi de MM. Robert PAGÈS, Guy FISCHER, Mme Marie-Claude BEAUDEAU, M. Jean-Luc BÉCART, Mmes Danielle BIDARD-REYDET, Nicole BORVO, MM. Jean DERIAN, Michel DUFFOUR, Pierre LEFEBVRE, Paul LORIDANT, Mme Hélène LUC, MM. Louis MINETTI, Jack RALITE, Ivan RENAR et Mme Odette TERRADE tendant à accorder la retraite anticipée pour les anciens combattants chômeurs en fin de droit , justifiant de quarante années de cotisations diminuées du temps passé en Afrique du Nord ,

Par M. Guy FISCHER,

Sénateur.

(1) Cette commission est composée de : MM. Jean-Pierre Fourcade, président ; Jacques Bimbenet, Mme Marie-Madeleine Dieulangard, MM. Guy Fischer, Claude Huriet, Bernard Seillier, Louis Souvet, vice-présidents ; Jean Chérioux, Charles Descours, Roland Huguet, Jacques Machet, secrétaires ; François Autain, Henri Belcour, Paul Blanc, Mmes Annick Bocandé, Nicole Borvo, MM. Louis Boyer, Jean-Pierre Cantegrit, Francis Cavalier-Benezet, Gilbert Chabroux, Jean-Patrick Courtois, Philippe Darniche, Mme Dinah Derycke, M. Jacques Dominati, Mme Joëlle Dusseau, MM. Alfred Foy, Serge Franchis, Alain Gournac, Louis Grillot, André Jourdain, Jean-Pierre Lafond, Dominique Larifla, Henri Le Breton, Dominique Leclerc, Marcel Lesbros, Jean-Louis Lorrain , Jean Madelain, Michel Manet, René Marquès, Georges Mazars, Georges Mouly, Lucien Neuwirth, Mme Nelly Olin, M. André Pourny, Mme Gisèle Printz, MM. Henri de Raincourt, Gérard Roujas, Martial Taugourdeau, Basile Tui, Alain Vasselle, Paul Vergès, André Vézinhet.

Voir le numéro :

Sénat : 390 (1997-1998).


 

Anciens combattants et victimes de guerre.

TRAVAUX DE LA COMMISSION

Réunie le mercredi 24 juin 1998, sous la présidence de M. Jean-Pierre Fourcade, président, la commission a procédé à l'examen du rapport de M. Guy Fischer sur la proposition de loi n° 390 (1997-1998) de M. Robert Pagès, tendant à accorder la retraite anticipée pour les anciens combattants chômeurs en fin de droit, justifiant de quarante années de cotisations diminuées du temps passé en Afrique du nord.

M. Guy Fischer, rapporteur,
a d'abord indiqué que la présente proposition de loi visait à accorder aux anciens combattants d'Afrique du nord qui sont chômeurs en fin de droit une retraite anticipée dès lors qu'ils justifient de quarante années de cotisations à l'assurance vieillesse. Il a souligné qu'une telle mesure pourrait intéresser 15.000 personnes.

Il a observé que ce texte s'inscrivait dans le long débat que la commission des affaires sociales avait entretenu, depuis près de quinze ans, sur la question de la retraite anticipée des anciens combattants d'Afrique du nord.

M. Guy Fischer, rapporteur, a estimé que le dispositif proposé ne pouvait être apprécié à sa juste valeur, sans un bref retour en arrière sur les débats passés.

Il a rappelé que la loi du 21 novembre 1973 permettait aux anciens combattants et aux victimes de guerre de prendre leur retraite entre 60 et 65 ans en bénéficiant du taux plein qui leur aurait été reconnu à 65 ans, mais que l'ordonnance de 1982, en instituant la retraite à 60 ans, avait mis fin à l'avantage relatif qui avait été consenti jusqu'alors aux anciens combattants.

Il a, à cet égard, insisté sur le fait que les associations d'anciens combattants d'Afrique du nord, réunis dans le Front Uni, avaient alors légitimement fait valoir que la troisième génération du feu se trouverait placée, au moment de l'âge de la retraite, dans une situation moins favorable que celle de ses aînés.

Il a également rappelé que de nombreuses propositions de loi avaient été déposées à partir de 1985 par des parlementaires issus de tous les groupes politiques du Sénat, tendant à rétablir le bénéfice de la retraite anticipée pour les anciens combattants d'Afrique du nord. Il a notamment insisté sur une proposition de loi de la commission rapportée par M. Jean-Pierre Fourcade, qui s'était vu opposer l'article 40 en séance publique en 1991.

M. Guy Fischer, rapporteur, a néanmoins souligné que la question de la retraite anticipée avait été profondément renouvelée depuis cette date.

Il a d'abord rappelé qu'une commission tripartite, présidée par M. Chadelat, avait procédé en 1996 à l'évaluation du coût d'une retraite anticipée pour tous les anciens combattants d'Afrique du nord, concluant à un coût net total cumulé de 151 milliards de francs.

Il a également rappelé que de nombreuses mesures de solidarité avaient été instaurées, le plus souvent à la demande du Parlement, en faveur des anciens combattants d'Afrique du nord.

M. Guy Fischer, rapporteur, a particulièrement insisté sur deux mesures.

Il a ainsi observé que la loi du 3 janvier 1995, qui obligeait certains anciens combattants d'Afrique du nord à prendre leur retraite après 60 ans, avait réintroduit le principe de l'avantage relatif en octroyant aux anciens combattants des réductions forfaitaires de durée de cotisation, en fonction du temps passé en Afrique du nord.

Il a également insisté sur le rôle du fonds de solidarité en faveur des anciens combattants d'Afrique du nord créé par la loi de finances pour 1992, puis modifié par les lois de finances pour 1995, 1996, 1997 et 1998, en remarquant que ce fonds avait pour vocation de verser une aide publique aux anciens combattants les plus en difficulté.

Il a indiqué que le fonds versait trois types d'aides : une allocation différentielle, une allocation de préparation à la retraite et, depuis la loi de finances pour 1998, une allocation différentielle majorée à 5.600 francs pour les chômeurs en fin de droit ayant cotisé pendant quarante annuités.

Il a précisé que 37.700 anciens combattants bénéficiaient du soutien du fonds de solidarité.

Revenant au dispositif proposé par la proposition de loi, M. Guy Fischer, rapporteur, a estimé qu'il s'agissait d'un texte à la fois nécessaire, attendu et raisonnable.

Il a, en premier lieu, insisté sur le caractère nécessaire de ce texte en rappelant les difficultés particulières d'insertion sociale et professionnelle des anciens combattants d'Afrique du nord et en soulignant les lacunes des dispositifs de solidarité existants.

A cet égard, il a précisé que la loi du 3 janvier 1995 n'avait finalement concerné que 1.300 personnes en 1995 et 1996.

Il a également analysé les lacunes du fonds de solidarité en rappelant que les aides versées étaient plafonnées à un niveau très bas : 4.600 francs pour l'allocation différentielle, 5.600 francs pour l'allocation différentielle " équivalente " à une retraite anticipée, 7.100 francs pour l'allocation de préparation à la retraite. Il a alors estimé que l'allocation différentielle n'était qu'un minimum social supplémentaire tandis que l'allocation différentielle majorée et l'allocation de préparation à la retraite n'étaient que des substituts très insuffisants à une réelle retraite anticipée.

Il a rappelé que seuls 38.000 personnes bénéficiaient du soutien du fonds, alors que 140.000 anciens d'Afrique du nord connaissent des situations difficiles.

M. Guy Fischer, rapporteur, a ensuite affirmé que ce texte était attendu.

Il a ainsi estimé que le versement d'une retraite anticipée aux anciens d'Afrique du nord chômeurs en fin de droit constituerait un début de reconnaissance de la Nation envers tous les anciens combattants d'Afrique du nord tout en permettant de répondre à un certain nombre de cas difficiles. Il a insisté sur le passage d'une logique d'assistanat à une logique de droit proposée par le présent texte.

Il a considéré qu'une telle mesure devenait très urgente car, en 2002, les anciens combattants d'Afrique du nord ayant tous atteint l'âge de 60 ans, la notion même de retraite anticipée n'aurait alors plus de signification.

Il a ensuite rappelé les engagements du Gouvernement en regrettant que l'allocation différentielle majorée, instituée par la loi de finances pour 1998, reste d'ampleur très limitée.

M. Guy Fischer, rapporteur, a ensuite estimé la proposition de loi raisonnable et réaliste.

Il a souligné qu'elle ne proposait pas un bouleversement total de la législation régissant les retraites des anciens combattants mais qu'elle visait simplement à apporter une réponse adaptée aux lacunes des mesures de solidarité existantes, tout en reconnaissant enfin le droit à une retraite anticipée pour les anciens combattants d'Afrique du nord les plus en difficulté.

Il a insisté sur le caractère ciblé de la mesure qui s'adressait aux seuls chômeurs en fin de droit justifiant de quarante annuités de cotisations vieillesse ; il a observé que ces personnes étaient incontestablement celles qui avaient le plus besoin d'une retraite anticipée car elles risquaient de ne plus retrouver d'emploi mais aussi, parce que, ayant cotisé quarante ans, elles avaient commencé à travailler très tôt, dès 14 ou 15 ans, dans des conditions souvent très pénibles.

Il a également insisté sur l'amélioration de la situation financière des intéressés qu'entraînerait cette mesure car, dans la plupart des cas, une pension de retraite complète (régimes de base et régimes complémentaires) leur garantirait un revenu supérieur à ce qu'ils touchent actuellement. Il a ainsi précisé que, pour une personne percevant en fin de carrière le salaire médian, la pension de retraite serait de 8.093 francs.

M. Guy Fischer, rapporteur, a également indiqué qu'il s'agissait d'une mesure souple car optionnelle. Il a précisé que ce texte n'ouvrait le droit à la retraite anticipée qu'à la demande de l'intéressé car, dans certains cas, les aides versées pourraient être supérieures à la pension de vieillesse.

Il a estimé que la charge financière restait très supportable ; il a ainsi évalué le coût brut total de la mesure à 1,3 milliard de francs sur quatre ans, en ce qui concerne les régimes de base. Il a précisé que le coût net total serait bien inférieur car cette charge nouvelle se substituerait à des charges déjà existantes : aides versées par le fonds de solidarité, minima sociaux.

M. Guy Fischer, rapporteur, a ensuite insisté sur la question des régimes complémentaires en estimant nécessaire que le Gouvernement engage, si la présente proposition de loi était adoptée définitivement, une négociation avec ces régimes complémentaires pour que le dispositif s'applique au plus vite aux retraites complémentaires.

S'agissant de la compensation de la mesure, nécessaire au regard de la procédure de recevabilité financière de la proposition de loi, il a proposé que le fonds de solidarité vieillesse, qui a pour vocation de prendre en charge les mesures relevant de la solidarité nationale, prenne à sa charge les dépenses supplémentaires des régimes de base et que, pour compenser ces charges, les droits sur les alcools qui constituent l'une des ressources du fonds de solidarité vieillesse, soient majorés à due concurrence.

M. Guy Fischer, rapporteur, a enfin estimé que ce texte ne constituait qu'un premier pas dans le sens d'une meilleure reconnaissance d'un droit à la retraite anticipée pour les anciens combattants d'Afrique du Nord qui permettrait de libérer des postes de travail pour les jeunes ou pour les demandeurs d'emplois.

En conséquence, il a jugé souhaitable que la présente proposition de loi, qui s'adresse aux chômeurs, soit prolongée par un effort particulier pour les anciens combattants encore en activité et notamment pour ceux qu'une durée insuffisante d'assurance validée empêche de prendre leur retraite à 60 ans ou pour ceux encore qui sont exclus du bénéfice de l'allocation de remplacement pour l'emploi (ARPE) pour ne pas avoir cotisé 160 trimestres.

M. Marcel Lesbros a rappelé que cette proposition de loi s'inscrivait dans la continuité des travaux que menait la commission depuis dix ans. Il a regretté que, pour les anciens combattants d'Afrique du nord, les questions budgétaires aient toujours primé sur le principe du droit à réparation.

Il a insisté sur l'urgence d'une telle mesure car, à partir de 2002, les anciens combattants auront tous atteint l'âge de la retraite.

Il s'est déclaré favorable à la proposition de loi qui constitue une avancée sensible en faveur des anciens combattants tout en restant budgétairement acceptable. Il a également jugé que ce texte substituait une logique de réparation à une logique d'assistanat.

M. Jean Madelain a, à son tour, jugé que cette proposition de loi reprenait des dispositions d'anciennes propositions de loi contre lesquelles le Gouvernement avait invoqué l'article 40. Il s'est déclaré favorable à la présente proposition car elle était ciblée sur les anciens combattants les plus en difficulté. Il s'est enfin interrogé sur la fiabilité des données en matière d'évaluation du nombre de bénéficiaires potentiels.

Mme Gisèle Printz a indiqué que les représentants du groupe socialiste s'abstiendraient sur le texte proposé.

Mme Joëlle Dusseau a partagé les observations de MM. Marcel Lesbros et Jean Madelain, en soulignant que la mesure proposée était une mesure de justice sociale.

M. Jean Chérioux s'est à son tour déclaré favorable aux conclusions du rapporteur tout en s'interrogeant sur la nature et l'importance de la compensation financière dont elle était assortie.

M. Jean-Pierre Fourcade, président, a rappelé que les systèmes d'assistance généralisée n'étaient pas bons. Il a souligné, à cet égard, les lacunes du fonds de solidarité, en remarquant que certains anciens combattants ne pouvaient bénéficier de l'allocation de préparation à la retraite, car ils étaient réticents à percevoir l'allocation différentielle, synonyme d'assistance à leurs yeux.

Il a également considéré que la mesure proposée risquait d'entraîner des difficultés pour les régimes complémentaires, qui connaissent déjà une situation financière fragile.

Dans ce contexte et compte tenu de la position qui sera adoptée par le Gouvernement à l'égard de la proposition de loi, il a jugé qu'il serait souhaitable d'interroger le ministre sur la perspective d'une suppression, pour les chômeurs en fin de droit ayant cotisé pendant quarante annuités, de la condition préalable d'un passage de six mois par le stade de l'allocation différentielle pour bénéficier de l'allocation de préparation à la retraite.

M. Jean-Pierre Fourcade, président, a estimé qu'une telle mesure permettrait de sortir de la logique d'assistanat inhérente à l'allocation différentielle, tout en permettant à ces personnes de bénéficier d'une allocation comprise entre 5.600 et 7.177 francs, sans pour autant entraîner de charge pour les régimes complémentaires.

Répondant à M. Marcel Lesbros, M. Guy Fischer, rapporteur, a confirmé que le texte étudié s'inscrivait dans la continuité des propositions de loi déposées depuis 1985 par des parlementaires de tous les groupes politiques. Il a également souligné qu'une proposition identique signée par des membres des groupes communiste, de l'Union pour la démocratie française (UDF) et du Rassemblement pour la République avait été déposée sur le bureau de l'Assemblée nationale.

En réponse à Mme Gisèle Printz, M. Guy Fischer, rapporteur, a insisté sur le fait qu'une retraite anticipée pour les anciens combattants en activité aurait un effet sur l'emploi. Il a souhaité que le Gouvernement présente, dans le projet de loi de finances pour 1999, des mesures permettant d'étendre l'allocation de remplacement pour l'emploi (ARPE) aux anciens combattants, même s'ils ne justifiaient pas de quarante annuités de cotisations.

En réponse à M. Jean Chérioux, il a indiqué que la compensation financière impliquait une hausse de l'ordre de 3 % en moyenne sur quatre ans des droits sur les alcools. Il a précisé que cette compensation était formellement nécessaire pour des raisons de procédure au regard de la recevabilité financière de la proposition de loi.

M. Guy Fischer, rapporteur, s'est également déclaré favorable à la proposition de réforme de l'allocation de préparation à la retraite présentée par M. Jean-Pierre Fourcade, président.

La commission a alors décidé de prendre en considération la proposition de loi rapportée par M. Guy Fischer.

Elle a ensuite procédé à l'examen du dispositif proposé par le rapporteur.

A l'article premier , qui pose le principe d'un droit à la retraite anticipée pour les anciens combattants d'Afrique du nord, à la double condition qu'ils soient chômeurs en fin de droit et qu'ils justifient de quarante annuités de cotisations, la commission a approuvé les conclusions du rapporteur.

La commission a également approuvé les conclusions du rapporteur sur l'article 2 , qui charge le fonds de solidarité vieillesse de compenser les dépenses nouvelles pesant sur les régimes de retraite de base.

A l'article 3 , qui permet de valider les périodes de services en Afrique du nord entre 1952 et 1962 comme période de cotisation à l'assurance vieillesse, la commission a approuvé les conclusions du rapporteur.

La commission a adopté, sur proposition de son président, une nouvelle rédaction de l'article 4 , qui renvoie à un décret les modalités d'application du texte.

A l'article 5 , qui instaure une majoration des droits de consommation sur les alcools comme compensation financière, la commission, sur proposition de M. Jean Madelain, a adopté une nouvelle rédaction de l'article, précisant que la majoration n'était que temporaire puisque la charge entraînée par la proposition de loi était elle-même limitée dans le temps.

La commission a approuvé les conclusions du rapporteur ainsi amendées sur la proposition de loi n° 390 (1997-1998) tendant à accorder la retraite anticipée pour les anciens combattants chômeurs en fin de droit, justifiant de quarante années de cotisations diminuées du temps passé en Afrique du nord.


Mesdames, Messieurs,

Entre 1952 et 1962, environ 2,4 millions de soldats français ont participé à ce qu'il est convenu d'appeler des opérations de maintien de l'ordre qui présentent toutes les caractéristiques d'opérations militaires, en dépit de réelles spécificités.

Parmi eux, 30.000 furent tués, 300.000 sont revenus blessés ou malades et beaucoup d'autres ont été durement marqués par l'expérience des combats en Afrique du Nord.

Il est légitime que la reconnaissance et la solidarité de la Nation s'exercent au profit des anciens combattants d'Afrique du Nord, de la même manière qu'elles se sont exercées au profit des générations combattantes antérieures. A cet égard, la loi du 31 mars 1919 pose les principes de la reconnaissance de la Nation et du droit à la réparation pour les anciens combattants, dans le cadre d'un traitement d'égalité entre les générations.

Or, il existe actuellement une inégalité de traitement évidente. Alors que les deux premières générations combattantes ont bénéficié d'un droit à la retraite anticipée, les anciens combattants d'Afrique du nord restent exclus de ce droit.

La reconnaissance de la Nation à l'égard de ceux qui ont donné leur jeunesse et leur courage ne doit pas rester un vain mot. Elle doit aujourd'hui s'exprimer dans des mesures concrètes de solidarité.

Cette exigence se double également d'une urgence. En 2002, les anciens combattants d'Afrique du Nord auront tous atteint l'âge de la retraite. La retraite anticipée n'aura donc plus de signification.

La présente proposition de loi cherche à exprimer la solidarité de la Nation pour les anciens combattants d'Afrique du Nord qui connaissent les situations les plus difficiles. Elle vise à offrir aux anciens combattants d'Afrique du Nord qui sont chômeurs en fin de droit et qui ont cotisé pendant au moins 160 trimestres aux régimes d'assurance vieillesse une possibilité de retraite anticipée, avant l'âge de soixante ans.

Environ, 15.000 personnes pourraient bénéficier de cette mesure de solidarité minimale.

I. UNE ADAPTATION NÉCESSAIRE

A. LA MISE EN OEUVRE DIFFICILE D'UN DROIT À LA RETRAITE ANTICIPÉE POUR LES ANCIENS COMBATTANTS D'AFRIQUE DU NORD

La présente proposition de loi ne vise pas à instaurer un droit à la retraite anticipée pour tous les anciens combattants. Le coût financier d'une telle mesure apparaît trop lourd.

Elle propose en revanche une mesure ciblée sur les anciens combattants les plus en difficulté : les chômeurs en fin de droit ayant cotisé au moins 160 trimestres à l'assurance vieillesse.

1. Le droit à la retraite anticipée constitue une revendication ancienne du monde combattant1( * )

Le droit à la retraite anticipée ne relève pas seulement du domaine des principes : il a aussi été une réalité entre 1973 et 1982.

Il convient de rappeler à cet égard que la loi n° 73-1051 du 21 novembre 1973 avait mis en oeuvre ce que l'on a parfois appelé le principe de " l'avantage relatif " en autorisant les anciens combattants -de tous les conflits- à prendre leur retraite entre 60 et 65 ans en bénéficiant d'une pension de retraite calculée sur la base du taux qui leur aurait été reconnu à l'âge de 65 ans.

L'ordonnance n° 82-270 du 26 mars 1982, en autorisant le départ à l'âge de la retraite à 60 ans, a eu pour effet de mettre fin à l'avantage jusqu'alors consenti à ceux auxquels la Nation a demandé des sacrifices particuliers dans les périodes douloureuses de son histoire.

En particulier, les anciens combattants, qui ont participé à ce qu'il est convenu d'appeler les opérations de maintien de l'ordre en Afrique du Nord entre 1952 et 1962, ont pu fort légitimement considérer qu'ils étaient lésés par rapport à leurs camarades des conflits précédents qui avaient pu bénéficier de mesures. Il ne fait pourtant nul doute que ces " opérations de maintien de l'ordre " s'apparentaient, à plus d'un titre, à de véritables opérations militaires.

Depuis 1982 et plus encore depuis 1987, date de constitution du Front Uni des organisations représentatives des anciens combattants en Afrique du Nord, le retour au principe de l'avantage relatif est une demande constante du monde combattant.

2. Le coût financier très lourd de la retraite anticipée s'oppose cependant à une mesure généralisée

La mise en oeuvre de la retraite anticipée se heurte toutefois aux contraintes budgétaires.

Par décret en date du 9 août 1995, le Premier ministre a créé une commission tripartite, composée de représentants du Parlement, du Front Uni et du Gouvernement, qui a été chargée d'examiner le coût pour l'Etat de la mise en oeuvre d'une retraite anticipée à taux plein à l'âge de 60 ans diminué du temps passé sous les drapeaux par les anciens d'Afrique du Nord.

Cette commission, présidée par M. Jean-François Chadelat, Directeur du Fonds de solidarité vieillesse, a rendu publiques ses conclusions en 1996.

Elle a évalué à 151 milliards de francs le coût net total d'une " anticipation possible de l'âge de la retraite avant 60 ans en fonction du temps de service en Afrique du Nord " pour l'ensemble de la période 1996-2004.

Face à l'énormité de ce coût, même si le Front Uni a contesté l'évaluation de la commission tripartite, les gouvernements successifs se sont refusés à mettre en oeuvre la retraite anticipée pour tous les anciens combattants d'Afrique du Nord.

La commission des Affaires sociales du Sénat s'était d'ailleurs prononcée, à l'occasion de l'examen de l'avis sur le budget des anciens combattants pour le projet de loi de finances pour 1997, sur cette question.

Elle avait alors estimé que " même si des différences peuvent légitimement s'exprimer sur les hypothèses de calcul qui seraient choisies avant de mettre en oeuvre la retraite anticipée, le chiffre de 151 milliards apparaît refléter globalement le coût de cette mesure, considérée dans sa conception la plus large, si elle avait été mise en oeuvre en 1996 ".

Elle s'était alors montrée favorable à la mise en oeuvre de mesures de solidarité alternatives.

B. L'INTERVENTION DE MESURES DE SOLIDARITÉ ALTERNATIVES

Face à l'impossibilité d'une mise en oeuvre d'une retraite anticipée généralisée, les pouvoirs publics ont privilégié depuis le début des années 1990 des mesures plus restrictives ou plus ciblées.

Deux types de mesures ont ainsi été mises en place en matière de retraite pour les anciens combattants d'Afrique du Nord.

1. Une mesure générale : la loi du 3 janvier 1995

La loi n° 95-5 du 3 janvier 1995 relative à la pension de vieillesse des anciens combattants d'Afrique du Nord avait un double objet.

D'une part, elle visait à éviter que la mise en oeuvre de la mesure d'allongement de la durée minimale de cotisation pour l'obtention d'une retraite à taux plein, introduite en 1993, ait pour conséquence d'obliger certains anciens combattants d'Afrique du Nord à prendre leur retraite après 60 ans.

D'autre part, elle réintroduisait le principe de l'avantage relatif en octroyant aux anciens combattants des réductions forfaitaires de cotisations, dérogatoires au droit commun. Elle se présentait donc comme une contrepartie au refus de mise en oeuvre de la retraite anticipée.

Le dispositif prévu par la loi du 3 janvier 1995 (1)

Les anciens combattants ayant accompli des services militaires actifs au titre des obligations légales en Afrique du Nord, entre le 1er janvier 1952 et le 2 juillet 1962, bénéficient d'une réduction des durées d'assurance et des périodes reconnues équivalentes requises pour toucher une retraite à taux plein. Cette réduction est fonction du temps passé en Afrique du Nord.

Les services obligatoires visés sont ceux qui ont été accomplis :

- soit dans le cadre de la durée légale du service militaire alors fixée à dix-huit mois ;

- soit au titre des mesures de maintien ou de rappel sous les drapeaux.

Les services d'une durée inférieure à dix-huit mois n'ouvrent droit à aucune réduction.

Les dix-huit premiers mois de services ouvrent droit à une réduction forfaitaire d'un trimestre de cotisations.

Les périodes au-delà des dix-huit premiers mois sont prises en compte intégralement et donnent lieu à une réduction égale à leur durée exprimée en trimestres. Toutefois, les services accomplis à la suite d'un rappel sous les drapeaux ouvrent droit à une réduction dès le premier trimestre de rappel, sans que le minimum de dix-huit mois soit applicable.

Pour les services accomplis au-delà des dix-huit premiers mois ou à la suite d'un rappel sous les drapeaux, la réduction en nombre de trimestres est calculée en divisant le nombre de jours de service militaire actif en Afrique du Nord par 90, le résultat étant arrondi, le cas échéant, au trimestre supérieur.

En toute hypothèse, la réduction ne peut avoir pour effet d'abaisser la durée exigée d'assurance et de périodes reconnues équivalentes à un nombre de trimestres inférieur à 150.

(1) Source : avis présenté au nom de la commission des Affaires sociales sur le projet de loi de finances pour 1997 par M. Marcel Lesbros.

Mis en place à la suite d'une demande de votre commission lors de la discussion du projet de loi de finances pour 1994, ce dispositif devait permettre à 80.000 anciens combattants d'Afrique du Nord de prendre leur retraite à 60 ans avec une durée d'assurance minorée, quel que soit leur niveau de revenus.

2. Des mesures en faveur des plus en difficulté : le fonds de solidarité en faveur des anciens combattants d'Afrique du Nord

Le fonds de solidarité a été créé par l'article 125 de la loi de finances pour 1992. Il a pour vocation de distribuer une aide publique aux anciens combattants d'Afrique du Nord les plus en difficulté.

Il a été modifié par les lois de finances pour 1995, pour 1996, pour 1997 et pour 1998.

Ces modifications ont touché à la fois le champ des bénéficiaires potentiels et la nature des aides versées.

Le fonds de solidarité

1) Les bénéficiaires

Initialement réservé au bénéfice des seuls anciens combattants d'Afrique du Nord en situation de chômage de longue durée et âgés de plus de 57 ans, le fonds est désormais ouvert à tout ancien combattant à trois conditions :

- avoir participé aux opérations en Indochine ou en Afrique du Nord ;

- être privé d'emploi depuis plus d'un an ou être en situation de travail réduit ;

- disposer de ressources personnelles inférieures à 4.614 francs par mois.

Au 31 avril 1998, 37.675 personnes bénéficiaient du soutien du fonds de solidarité.

2) Les aides versées

Depuis le 1er janvier 1995, le Fonds de solidarité assure, non pas de plein droit mais toujours sur demande de l'intéressé, le versement de deux types d'allocations non cumulables :

- l'allocation différentielle (AD)

L'AD constitue un complément de ressources spécifiques. Elle assure à tout bénéficiaire un revenu mensuel minimum garanti de 4.614 francs par mois au 1er janvier 1998.

L'article 109 de la loi de finances pour 1998 a institué une majoration spécifique de l'AD pour les chômeurs qui justifient d'une durée d'assurance vieillesse de 160 trimestres.

Cet article précise que " Afin de leur permettre de bénéficier d'un revenu équivalent à une retraite anticipée de 5.600 francs net par mois et par dérogation aux dispositions précédentes, le montant de l'allocation différentielle est augmenté à due concurrence au 1er janvier 1998 pour les chômeurs qui justifient d'une durée d'assurance vieillesse de 160 trimestres, y compris les périodes équivalentes et notamment le temps passé en Afrique du Nord ".

Au 31 avril 1998, 25.800 percevaient l'AD pour un montant moyen de 2.034 francs par mois. Parmi eux, 5.700 bénéficient de la dérogation instituée à l'article 109 précité.

- l'allocation de préparation à la retraite (APR)

L'APR constitue un revenu complet servi à titre principal. A la différence de l'AD, elle est constitutive de droits en matière d'assurance sociale.

L'APR est attribuée aux personnes qui sont bénéficiaires de l'AD pendant six mois consécutifs et qui n'exercent aucune activité professionnelle.

L'APR est égale à 65 % d'un revenu de référence (le plus souvent la moyenne des revenus mensuels d'activité professionnelle) et est plafonnée à 7.177 francs par mois au 1er janvier 1998.

L'article 127 de la loi de finances pour 1997 a également institué un plancher pour l'APR égal à 4.500 francs.

Au 31 avril 1998, 11.900 personnes touchaient l'APR pour un montant moyen de 6.320 francs par mois.

Les deux allocations sont indexées sur les bases mensuelles de calcul des prestations familiales et sont par conséquent automatiquement et périodiquement revalorisées.

Les crédits inscrits au titre du chapitre 46-10 " Fonds de solidarité pour les anciens combattants d'Afrique du Nord et d'Indochine " s'élèvent à 1,574 milliard de francs pour la loi de finances pour 1998.

C. L'INSUFFISANCE DU CADRE LÉGISLATIF ACTUEL

La mise en oeuvre de ces mesures de solidarité se présentait comme une alternative à la retraite anticipée et visait à apporter un soutien tangible aux anciens combattants les plus en difficulté.

Or, force est de constater que les dispositifs actuels se révèlent largement insuffisants.

1. Une prise en compte insuffisante des difficultés spécifiques aux anciens combattants d'Afrique du Nord

Les anciens combattants d'Afrique du Nord rencontrent très souvent des difficultés spécifiques d'insertion professionnelle et sociale.

Ces difficultés ont une double origine.

D'une part, les anciens combattants d'Afrique du Nord ont subi des traumatismes dont les effets sont irréversibles. Certains d'entre eux, victimes de blessures ou de maladies clairement identifiées, ont obtenu le bénéfice d'une pension militaire d'invalidité. D'autres non. C'est le cas notamment des victimes de troubles psychiques de guerre dont la reconnaissance reste imparfaite. Ces personnes éprouvent alors de grandes difficultés à se maintenir dans la vie active, sans pour autant bénéficier d'une aide adaptée.

D'autre part, la crise actuelle de l'emploi a aggravé les difficultés professionnelles des anciens combattants. Ceux-ci, désormais âgés de plus de 55 ans, sont particulièrement exposés au risque du chômage. Le rapport Chadelat estimait ainsi que 25,2 % des anciens combattants d'âge actif sont au chômage ou en préretraite .

Or, il ne semble pas que les dispositifs de solidarité existants puissent répondre avec efficacité à ces difficultés spécifiques.

2. Les lacunes des dispositifs existants

Les dispositifs de solidarité mis en place depuis le début des années 1990 ne répondent qu'imparfaitement aux difficultés spécifiques des anciens combattants d'Afrique du Nord.

La loi du 3 janvier 1995

Si cette loi permet une réduction du nombre de trimestres de cotisations pour une retraite à taux plein, elle ne concerne que les anciens combattants ayant déjà atteint 60 ans. Elle laisse donc entière la revendication d'une retraite anticipée avant 60 ans.

En outre, cette mesure reste d'ampleur très limitée. Elle n'accorde une réduction qu'à partir de 18 mois de séjour en Afrique du Nord. Or, la durée moyenne de séjour est de 16 mois et 22 jours. Le critère d'application est donc très restrictif.

Cela explique que cette mesure n'a concerné que 1.300 personnes en 1995 et 1996 pour un montant total de 12 millions de francs , alors que le nombre de bénéficiaires prévu était de 80.000.

Le fonds de solidarité

La mise en place du fonds de solidarité a incontestablement permis une meilleure prise en charge des anciens combattants dans les situations les plus difficiles.

Toutefois, l'adaptation continue de ce dispositif par chaque loi de finances depuis 1995 témoigne de la difficulté d'aboutir à un dispositif satisfaisant.

En réalité, il ne semble pas que le fonds de solidarité soit, aujourd'hui, en mesure de répondre à ses objectifs. Le fonds de solidarité souffre en effet de trois lacunes importantes :

- un plafonnement des aides restrictif et déconnecté des revenus d'activité

Les aides versées par le fonds de solidarité sont plafonnées : 4.614 francs pour l'allocation différentielle, 5.600 francs pour l'allocation différentielle spécifique aux chômeurs ayant cotisé 40 ans, 7.177 francs pour l'allocation de préparation à la retraite.

Or, ces montants maximum sont le plus souvent inférieurs à la pension de retraite que pourrait toucher le bénéficiaire si sa pension était liquidée.

En ce sens, l'AD apparaît finalement comme un minimum social tandis que l'AD majorée et l'APR ne sont que de maigres substituts à une réelle retraite anticipée pour les anciens combattants dans les situations les plus difficiles.

- un nombre de bénéficiaires insuffisant par rapport aux publics potentiels

Le fonds de solidarité venait en aide à 37.700 personnes au 31 avril 1998.

Or, on peut estimer, à cette date, à 560.000 le nombre d'anciens combattants d'Afrique du Nord n'ayant pas atteint l'âge de la retraite (483.000 appelés, 73.000 engagés et 4.000 supplétifs). Sur cette population, le quart -soit 140.000 personnes- connaissent des situations difficiles, selon les estimations du rapport Chadelat. Ainsi, moins du tiers des bénéficiaires potentiels toucheraient une aide du fonds de solidarité.

Ce constat se vérifie tout particulièrement pour l'AD majorée à 5.600 francs pour les chômeurs ayant cotisé 40 ans, qui ne compte que 5.700 bénéficiaires.

- Une logique fondée sur l'assistanat

Alors que les associations représentatives des anciens combattants revendiquaient un droit à la retraite anticipée pour ceux qui connaissent les situations les plus difficiles, les aides versées par le fonds de solidarité (et notamment l'aide différentielle) ne sont qu'un " RMI ancien combattant " selon les termes du rapport de l'ONAC pour 1996.

Là où les anciens combattants revendiquaient un droit, une retraite, on leur accorde une aide sociale.

En instituant une logique d'assistanat, le fonds de solidarité ne fait donc qu'accroître la stigmatisation des anciens combattants.

Et ce ne sont pas les circonvolutions sémantiques employées par l'article 109 de la loi de finances pour 1998 (qui évoque un " revenu équivalent à une retraite anticipée " ) qui modifient la réalité de cet assistanat, très mal perçu par les anciens combattants.

La reconnaissance de la Nation, le droit à réparation ne peut prendre la forme d'une aumône.

II. UNE MESURE ATTENDUE

A. UNE PRÉOCCUPATION ANCIENNE

Le droit à la retraite anticipée est une revendication constante des associations représentatives des anciens combattants d'Afrique du Nord.

Ainsi, le Front Uni, dans sa plate-forme commune de 1987, a formulé une double revendication : anticipation possible de l'âge de la retraite avant 60 ans en fonction du temps de service en Afrique du Nord et fixation à 55 ans de l'âge de la retraite pour les chômeurs de longue durée.

Mais cette préoccupation ne correspond pas uniquement à une revendication du seul monde combattant. Elle traduit également les attentes du Parlement et les engagements du Gouvernement.

1. Une préoccupation constante du Parlement

Depuis 1985, de très nombreuses propositions de loi portant sur la retraite anticipée des anciens combattants d'Afrique du Nord ont été déposées sur les bureaux des deux assemblées. Ces propositions, qui émanent de tous les groupes politiques, portent sur deux thèmes distincts.

Le premier -le plus large- vise tous les anciens combattants d'Afrique du Nord qui pourraient bénéficier d'un droit à la retraite anticipée, la durée d'anticipation étant égale à la durée du séjour effectué au titre du service militaire en Afrique du Nord entre le 1er janvier 1952 et le 2 juillet 1962. Cependant, la publication du rapport Chadelat, en raison de l'évaluation qu'il donne du coût d'une telle mesure, en 1996 a eu pour effet de suspendre le dépôt de proposition de loi visant à instituer un droit généralisé à la retraite anticipée.

Le second thème ne concerne que les anciens combattants ayant servi en Afrique du Nord entre 1952 et 1962, qui sont demandeurs d'emploi en fin de droit. Il s'agit de leur permettre de prendre une retraite anticipée avec une pension de retraite liquidée au taux normal. L'âge et les conditions de départ à la retraite sont cependant légèrement variables selon les propositions.

Au Sénat, 14 propositions de loi ont ainsi été déposées depuis 1985. Parmi elles, 8 visent spécialement les anciens combattants d'Afrique du Nord chômeurs en fin de droit 2( * ) .

Or, sur ces 14 propositions, une seule a été examinée en séance publique.

Le 30 octobre 1991, la commission des Affaires sociales a examiné trois propositions de loi déposées respectivement par MM. Guy Robert, Robert Pagès et Claude Pourvoyeur. Après un large débat, la commission des Affaires sociales a souhaité que ces trois propositions de loi, proches mais non identiques, soient fusionnées en une seule, dont les trois sénateurs précités sont les premiers signataires et à laquelle se sont ralliés un certain nombre d'autres commissaires appartenant à la quasi-totalité des groupes du Sénat. M. Jean-Pierre Fourcade en était le rapporteur.

Cette proposition de loi n° 72 a été examinée le 18 novembre 1991 en séance publique. Mais, à l'issue de la discussion générale, le Gouvernement a demandé l'application de l'article 40 de la Constitution, application qui a été déclarée recevable par la commission des finances.

2. Les engagements du Gouvernement

Le 8 mai 1997, M. Lionel Jospin, interrogé par le Front Uni, écrivait : " Concernant la retraite anticipée pour les anciens combattants d'Afrique du Nord, nous avons, comme vous le savez, contesté les conclusions du rapport Chadelat qui était destiné, avant tout, à vous opposer une fin de non recevoir. Nous devons avoir un dialogue franc, direct et responsable avec les différentes associations d'anciens combattants afin d'envisager ce qui peut être effectivement fait.

Dans un premier temps, nous nous engageons à accorder la retraite anticipée pour les chômeurs en fin de droit justifiant de 40 annuités de cotisations diminuées du temps passé en Afrique du Nord. Cette mesure constituerait un début de reconnaissance envers les anciens combattants d'Afrique du Nord et permettrait de répondre à un certain nombre de cas difficiles
".

Le 21 octobre 1997, M. Jean-Pierre Masseret, secrétaire d'Etat aux anciens combattants, rendait publics ses " 40 engagements pour 1998 ". Son engagement n° 3 visait à " mieux prendre en compte la situation des anciens combattants d'Afrique du Nord au regard de l'âge de la retraite ". Sur ce sujet, il précisait que le secrétariat d'Etat " assumera lui-même la conduite à terme du dossier relatif aux chômeurs en fin de droit ayant 40 annuités, dans la mesure où ils relèvent du Fonds de solidarité. Il recherchera une mesure en leur faveur leur garantissant au moins une situation matérielle similaire à la pleine jouissance de leur pension de retraite. "

Pourtant, malgré ces engagements, le projet de loi de finances pour 1998 ne comportait aucune mesure nouvelle en matière de retraite anticipée des anciens combattants d'Afrique du Nord. Alors que la commission des Affaires sociales du Sénat émettait un avis défavorable à l'adoption des crédits des anciens combattants, la commission des Affaires culturelles de l'Assemblée nationale n'avait décidé de donner un avis favorable au projet de budget que sous réserve de l'adoption de trois amendements, l'un d'entre eux portant justement sur l'ouverture du droit à la retraite anticipée pour les anciens combattants d'Afrique du Nord en situation de chômeurs en fin de droit pouvant justifier d'une durée de cotisation de 40 annuités à l'assurance vieillesse diminuée du temps passé en Afrique du Nord.

L'article 109 de la loi de finances pour 1998 reste ainsi très en retrait par rapport aux engagements du Gouvernement :

- il s'agit d'une aide publique et non d'une retraite anticipée ;

- le montant garanti de 5.600 francs est restrictif car il ne tient pas compte des carrières professionnelles ;

- la mesure, qui devait toucher de 12 à 15.000 personnes selon le secrétaire d'Etat aux anciens combattants, n'en concerne actuellement que moins de 6.000.

En ce sens, cet article 109 ne peut constituer qu'une mesure transitoire dans l'attente d'une véritable réalisation des engagements du Gouvernement.

B. UNE RÉPONSE AUX LACUNES DES MESURES DE SOLIDARITÉ EXISTANTES

1. Les mesures proposées

La présente proposition vise à apporter une réponse adaptée aux lacunes des mesures de solidarité existantes. Elle vise à accorder un droit à la retraite anticipée pour les anciens combattants d'Afrique du Nord chômeurs en fin de droit ou à activité professionnelle involontairement réduite, qui justifient de 160 trimestres de cotisations aux régimes d'assurance vieillesse.

Un droit à la retraite anticipée

La mesure proposée ouvre un droit à la retraite anticipée avant 60 ans.

Ce droit comporte une double caractéristique :

- il rompt avec la logique d'assistanat ;

Les bénéficiaires toucheront non pas une aide publique, mais une véritable retraite liquidée par anticipation et versée par les régimes de retraite. Ce droit, comme toute pension de vieillesse, ne sera donc pas d'un montant forfaitaire, mais sera fonction des cotisations versées et donc des revenus d'activité professionnelle passés.

La pension versée inclut à la fois les prestations versées par les régimes de base et les régimes complémentaires. Elle est liquidée au taux normalement applicable à 60 ans.

- il s'agit d'un droit facultatif ;

Il appartient aux seuls bénéficiaires potentiels de demander la liquidation anticipée. Il s'agit donc d'une faculté et non d'un droit.

Ce caractère facultatif est destiné à garantir une meilleure protection des bénéficiaires potentiels. Dans certains cas, et notamment pour les anciens combattants qui ont eu des revenus d'activité très faibles, les mesures de solidarité existantes leur garantissent un revenu supérieur à la pension qu'ils pourraient obtenir. Il est donc souhaitable que ces personnes puissent continuer à bénéficier de ces mesures de solidarité.

Les bénéficiaires

Ce droit à la retraite anticipée est ouvert à toute personne, sous réserve de trois conditions :

- avoir participé, sous l'autorité de la République française, aux opérations effectuées en Afrique du Nord entre le 1er janvier 1952 et le 2 juillet 1962.

Cette définition, volontairement large, fondée sur un double critère territorial et temporel, ouvre le droit à la retraite anticipée à tous les anciens combattants d'Afrique du Nord : les engagés, les appelés, les ex-supplétifs (harkis).

En pratique, deux catégories d'anciens combattants ne sont pas ici pris en compte : les rappelés et les militaires de carrière. Les rappelés ont tous dépassé l'âge de la retraite et ne peuvent donc être visés par la mesure. Les militaires de carrière bénéficient déjà de la possibilité d'obtenir une pension de retraite avant 60 ans, après 15 ans (sous-officiers) ou 25 ans (officiers) de service militaire.

Une telle définition permet donc une prise en compte bien plus exhaustive des anciens combattants d'Afrique du Nord que ne le ferait un critère fondé sur l'attribution de la carte d'Ancien combattant ou du Titre de reconnaissance de la Nation.

Les auteurs de la proposition de loi avaient souhaité reconnaître officiellement l'état de guerre pour le conflit algérien en proposant de conserver la rédaction initiale qui mentionnait " les engagements du Maroc, de la Tunisie et de la guerre d'Algérie ".

Votre commission, soucieuse d'éviter que de nouvelles questions d'ordre juridique ne viennent interférer avec l'objet même de la mesure proposée -à savoir le droit à la retraite anticipée-, a préféré retenir la référence aux " opérations effectuées en Afrique du Nord " telle qu'elle apparaît dans la loi du 9 décembre 1974.

- être chômeur en fin de droit.

L'ouverture du droit à la retraite anticipée est limitée aux seuls chômeurs en fin de droit. Il s'agit, en pratique, essentiellement des allocataires de l'ASS ou du RMI qui peuvent être également bénéficiaires du fonds de solidarité.

Cette ouverture, relativement restrictive, doit cependant être considérée comme un premier pas. A l'avenir, il serait souhaitable d'étendre ce droit aux salariés âgés en situation très précaire.

De plus, votre rapporteur insiste sur la nécessité ultérieure d'étendre ce droit à la retraite anticipée aux non-salariés qui ne peuvent prétendre à une indemnité de chômage et qui sont parfois dans l'obligation de poursuivre leur activité par un revenu souvent très inférieur au SMIC. Il s'agit notamment de certains exploitants agricoles, de commerçants ou d'artisans.

- avoir cotisé pendant 160 trimestres au régime de base obligatoire d'assurance vieillesse ou de périodes reconnues équivalentes

Cette mesure, qui est avant tout une mesure de solidarité, cible en priorité les personnes qui ont commencé à travailler tôt, parfois dès l'âge de 14 ou 15 ans, le plus souvent dans l'industrie.

Or, ayant commencé à travailler plus précocement que leurs cadets, astreints à des tâches souvent plus pénibles, ces salariés sont aussi ceux qui ont le moins de chance de retrouver un emploi après un licenciement.

Votre commission rappelle également que les périodes de service militaire légal accomplies en Afrique du Nord entre 1952 et 1962 sont d'ores et déjà assimilées à des périodes d'assurance pour le calcul des pensions de vieillesse du régime général sans condition d'affiliation préalable, comme le précise l'article L. 161-9 du code de la sécurité sociale. La loi du 3 janvier 1995 prévoit également une réduction des durées d'assurances pour les anciens combattants qui ont séjourné plus de 18 mois en Afrique du Nord.

Votre commission n'a donc pas jugé opportun d'accorder une bonification supplémentaire de trimestres d'assurance correspondant au temps passé en Afrique du Nord.

2. Une amélioration sensible des dispositifs de solidarité existants

Cette mesure présente une double amélioration des dispositifs existants.

Sur le plan des principes d'abord, elle traduit la solidarité de la Nation en reconnaissant enfin, même si c'est de manière limitée, le droit à la retraite anticipée pour les anciens combattants d'Afrique du Nord.

Cette mesure pourrait ainsi toucher environ 15.000 anciens combattants d'Afrique du Nord.

Au 1er janvier 1999, 390.000 anciens combattants d'Afrique du Nord n'auront pas encore atteint l'âge de 60 ans (325.000 appelés, 60.000 engagés, non harkis). Parmi eux, 25 % sont chômeurs ou préretraités 3( * ) . On estime généralement que 15 % de la classe d'âge aura cotisé pendant plus de 40 ans ou plus avant d'atteindre l'âge de la retraite. Le nombre de bénéficiaires potentiels maximum serait donc de 15.000 personnes.

Sur le plan financier ensuite, une très large partie de ces personnes devrait bénéficier d'une amélioration de leur situation financière.

Actuellement, les bénéficiaires potentiels de la mesure peuvent toucher les revenus mensuels suivants :

- RMI : 2.429,92 francs pour une personne seule ;

- ASS : 3.252,90 francs ;

- AD : 4.614 francs ;

- AD majorée : 5.600 francs ;

- APR : 7.177 francs maximum.

Or, une enquête de la caisse nationale d'assurance vieillesse a montré que, pour un homme né en 1940, la pension de retraite moyenne était égale à 70 % du dernier salaire 4( * ) .

Dès lors, pour une personne touchant en fin de carrière le salaire médian, sa pension de retraite serait de 8.093 francs.

Il en résulte que la mise en oeuvre de la retraite anticipée se traduirait, en moyenne, par une amélioration sensible de la situation financière des bénéficiaires.

En revanche, le fonds de solidarité garde une justification : il continuera de servir de " filet de sécurité " pour les personnes ayant eu les revenus d'activité les plus faibles. Ainsi, un homme ayant toujours touché le SMIC n'aurait une retraite anticipée que de 4.464 francs mensuels, soit moins que le niveau de l'AD majorée.

C. UN DISPOSITIF ADAPTÉ AU CONTEXTE ÉCONOMIQUE ET SOCIAL ACTUEL

1. Un dispositif coordonné avec l'évolution de la politique de l'emploi

Depuis quelques années, la politique de l'emploi cherche à apporter une réponse spécifique aux difficultés des chômeurs âgés.

Les chômeurs âgés sont en effet ceux qui ont le moins de chance de retrouver un emploi. Deux enquêtes récentes ont confirmé ce constat.

Selon l'enquête emploi de l'INSEE de mars 1997, 58,9 % des chômeurs âgés de 50 ans ou plus sont au chômage depuis plus d'un an, contre 38,9 % en moyenne nationale.

Une récente enquête du commissariat général au Plan 5( * ) a montré qu'en 1996 les chômeurs de plus de 50 ans étaient en moyenne au chômage depuis 24,8 mois, soit plus de deux ans, alors que cette durée était de 15,3 mois en moyenne pour les chômeurs âgés de 25 à 49 ans.

Face à cette situation, la Nation a affiché sa solidarité avec les chômeurs âgés de plus de 55 ans ayant cotisé pendant 160 trimestres. Trois dispositifs ciblés sur ce public ont été mis en place depuis 1995 : l'ARPE, l'ACA et l'ASA.

L'allocation de remplacement pour l'Emploi (ARPE)

L'accord UNEDIC du 6 septembre 1995 a permis la mise en oeuvre d'un mécanisme original " d'activation des dépenses passives du chômage ".

Cet accord, reconduit en 1996 et 1997, permet aux salariés qui ont cotisé 40 ans et plus à la sécurité sociale de mettre fin à leur activité professionnelle et de bénéficier de l'ARPE égale à 65 % de leur salaire de référence, sous réserve de l'engagement de leur entreprise de procéder à des embauches en contrepartie.

Depuis l'entrée en vigueur du dispositif, 90.000 personnes avaient bénéficié de l'ARPE à la fin 1997.

L'allocation chômeurs âgés (ACA)

Aux termes de la convention UNEDIC du 1er janvier 1997, les allocataires du régime d'assurance chômage qui justifient de 160 trimestres validés par l'assurance vieillesse au titre des régimes obligatoires du régime général de la sécurité sociale, peuvent bénéficier de l'ACA jusqu'à l'âge de 60 ans.

Le montant de l'ACA est égal à celui de l'allocation unique dégressive (AUD), mais elle ne subit pas de coefficient dégressif.

Depuis l'entrée en vigueur du dispositif, 54.000 entrées ont été enregistrées. Le montant moyen de l'ACA est de 7.726 francs par mois.

L'allocation spécifique d'attente (ASA)

La loi n° 98-285 du 17 avril 1998 a créé l'ASA. Peuvent en bénéficier les bénéficiaires de l'ASS ou du RMI justifiant, avant soixante ans, de 160 trimestres de cotisations d'assurance vieillesse.

L'ASA, d'un montant de 1.750 francs par mois, s'ajoute à l'ASS ou au RMI, sans que le montant total des ressources du bénéficiaire ne puisse être inférieur à 5.000 francs par mois.

La présente proposition de loi est en totale cohérence avec cette nouvelle orientation de la politique de l'emploi.

Elle offre une nouvelle solution pour répondre aux difficultés spécifiques de réinsertion professionnelle des chômeurs âgés ayant cotisé pendant plus de 40 ans et qui, n'ayant pas encore atteint l'âge de la retraite tout en ayant travaillé longtemps dans des conditions souvent très pénibles, ne peuvent prétendre au versement d'une retraite à taux plein.

A cet égard, votre rapporteur serait favorable à la mise en place complémentaire de dispositifs permettant le départ à la retraite anticipée d'anciens combattants toujours en activité, qui permettraient alors de libérer des emplois pour les jeunes et les chômeurs.

Ces dispositifs complémentaires pourraient viser en priorité les anciens combattants qu'une durée validée insuffisante empêche de prendre leur retraite à 60 ans ou ceux qui sont exclus du bénéfice de l'allocation de remplacement pour l'emploi (ARPE) pour ne pas avoir cotisé 160 trimestres.

2. Un coût supportable pour les finances publiques

La présente proposition de loi entraîne un coût pour les finances publiques : les caisses de retraite vont devoir verser, par anticipation, des pensions de vieillesse, qu'elles n'auraient jusqu'à présent pas eu à verser.

Ce coût reste pourtant très supportable.

D'une part, la mesure proposée ne s'adresse qu'à un faible nombre de bénéficiaires potentiels : les anciens combattants d'Afrique du Nord qui sont chômeurs en fin de droit et qui ont cotisé pendant 40 ans. Votre commission en évalue le nombre aux environs de 15.000.

D'autre part, cette charge nouvelle se substitue à des charges déjà existantes : aides du fonds de solidarité, minima sociaux (ASS et RMI notamment). Dès lors, la mise en oeuvre de la réforme proposée se traduira par des économies sur les crédits budgétaires. Le coût net total de la mesure est donc bien inférieur au coût brut total.

Enfin, le bénéfice de la retraite anticipée reste un droit facultatif. Il n'est donc pas certain que tous les bénéficiaires potentiels demandent une liquidation anticipée de leur pension de vieillesse, les dispositifs de solidarité existante pouvant être, dans certains cas, plus favorables.

Le secrétariat d'Etat aux anciens combattants a réalisé un essai de chiffrage de la mesure pour les seuls appelés. Il conclut à un coût brut total de 6,8 milliards de francs sur 3 ans pour les régimes de base.

Toutefois, cette évaluation repose sur l'hypothèse d'une application du droit à la retraite anticipée à l'ensemble des anciens combattants chômeurs en fin de droit. Or, la mesure proposée par votre commission ne s'appliquera uniquement qu'à ceux qui ont cotisé pendant 40 ans, soit environ 15 % de cette population. Le coût brut total serait alors ramené à 1,02 milliard de francs pour les seuls appelés.

Il semble donc, dans ces conditions, que le coût brut total de cette mesure est plus proche de 1,3 milliard de francs sur quatre ans.

Cette charge sera d'ailleurs dégressive, le nombre de bénéficiaires de la mesure diminuant chaque année. Ainsi, la charge serait de 720 MF en 1999, de 410 MF en 2000, de 150 MF en 2001 et de 18 MF en 2002.

ESSAI DE CHIFFRAGE DE LA MESURE 6( * ) :

I - Estimation du nombre de personnes concernées

1. Effectifs des anciens combattants (appelés et engagés) survivants à l'âge de la retraite anticipée :


- classe 1959 : 130.000 appelés + 15.000 engagés soit un total de 145.000

- classe 1960 : 112.000 appelés + 14.000 engagés soit un total de 126.000

- classe 1961 : 83.000 appelés + 16.000 engagés soit un total de 99.000

- classe 1962 : 15.000 engagés.

2. Estimation de la proportion de chômeurs en fin de droit

25 %

3. Proportion de cette population réunissant 160 trimestres ou plus d'assurance

15 %

soit :

- classe 1959 : 5.400

- classe 1960 : 4.700

- classe 1961 : 3.700

- classe 1962 : 600

II - Montant moyen de la pension de vieillesse servie par le régime général

5.130 francs pour les hommes (en 1993)

III - Durée moyenne d'anticipation par classe d'âge

- classe 1959 : 6 mois

- classe 1960 : 18 mois

- classe 1961 : 30 mois

- classe 1962 : 42 mois

IV - Coût brut cumulé de la mesure

- classe 1959 : 5.130 F x 6 x 5.400 = 166 MF

- classe 1960 : 5.130 F x 18 x 4.700 = 434 MF

- classe 1961 : 5.130 F x 30 x 3.700 = 569 MF

- classe 1962 : 5.130 F x 42 x 600 = 129 MF

Total : 1.298 MF sur 4 ans

Cette charge supplémentaire ne doit pas peser sur les régimes de retraite de base. Leur équilibre financier reste en effet fragile.

S'agissant de la compensation de la mesure, nécessaire au regard de la procédure de recevabilité financière de la présente proposition de loi, votre commission propose que le fonds de solidarité vieillesse, qui a pour vocation de prendre en charge les mesures relevant de la solidarité nationale, prenne à sa charge les dépenses supplémentaires des régimes de base. En conséquence, les droits de consommation sur les alcools, qui constituent l'une des ressources du fonds de solidarité vieillesse, seront majorés à due concurrence.

Il n'en reste pas moins que les évaluations présentées ci-dessus n'intègrent pas la charge qui pèsera sur les régimes complémentaires. Or, la mesure proposée doit également s'appliquer aux retraites complémentaires : la retraite anticipée doit être une retraite totale et pas seulement la pension versée par les régimes de base.

Votre rapporteur estime donc nécessaire que le Gouvernement engage, si la présente proposition de loi est adoptée définitivement, une négociation avec les régimes complémentaires pour que cette mesure s'applique au plus vite aux retraites complémentaires.

Votre rapporteur entend, en outre, au vu de la position qui sera celle du Gouvernement à l'égard de la présente proposition de loi, l'interroger sur l'éventualité d'introduire dans le prochain projet de loi de finances, une disposition permettant un assouplissement des conditions requises pour bénéficier de l'allocation de préparation à la retraite versée par le Fonds de solidarité.

Il serait en effet souhaitable que les anciens combattants chômeurs en fin de droit et justifiant de quarante annuités de cotisations à l'assurance vieillesse puissent toucher l'allocation de préparation à la retraite sans devoir passer pendant six mois par le stade préalable de l'allocation différentielle. De nombreux anciens combattants sont en effet réticents à bénéficier de l'allocation différentielle qu'ils assimilent bien souvent à une forme d'assistance dégradante.

Une telle mesure, en l'absence de réelle retraite anticipée incluant les régimes complémentaires, aurait alors un double avantage. D'une part, elle permettrait aux anciens combattants les plus en difficulté de sortir de la logique de l'assistanat tout en bénéficiant d'un revenu raisonnable compris entre 5.600 et 7.177 francs nets par mois. D'autre part, elle n'aurait aucune influence sur la situation financière des régimes de retraite complémentaire, l'allocation de préparation à la retraite étant financée par l'Etat.

EXAMEN DES ARTICLES

Article premier
(Art. L. 351-8-1 nouveau du code de la sécurité sociale)
Ouverture d'un droit à la retraite anticipée
pour les anciens combattants d'Afrique du Nord,
chômeurs en fin de droit et ayant quarante annuités de cotisations d'assurance vieillesse

Cet article pose le principe d'un droit à la retraite anticipée pour les anciens combattants d'Afrique du Nord, à la condition qu'ils soient chômeurs en fin de droit et qu'ils justifient de quarante annuités de cotisations.

Votre rapporteur ayant largement commenté le dispositif proposé dans l'exposé général, il ne reprendra ici que les points essentiels du dispositif.

Le paragraphe I du présent article précise à la fois la nature du droit et les conditions d'attribution.

Le présent article ouvre un droit facultatif à une retraite anticipée avant l'âge de soixante ans. La pension de vieillesse est liquidée à la demande de l'intéressé. La pension versée est une pension à taux plein.

Ce paragraphe définit également les conditions à remplir pour bénéficier de ce droit.

Elles sont triples :

- être chômeur en fin de droit ;

- avoir participé aux opérations en Afrique du Nord entre le 1er janvier 1952 et le 2 juillet 1962 , ce qui est un critère plus large que la possession de la Carte du combattant ou du Titre de reconnaissance de la Nation ;

- justifier d'au moins 160 trimestres validés dans les régimes de base obligatoires d'assurance vieillesse ou de périodes reconnues équivalentes.

Le paragraphe II rend la mesure applicable dans les départements du Haut-Rhin, du Bas-Rhin et de la Moselle.

La conclusion de votre commission diffère sur trois points de la rédaction initiale du présent article.

En premier lieu, l'insertion du texte proposée par le présent article dans le code de la sécurité sociale a été modifiée. L'article L. 351-8 énumère les bénéficiaires du taux plein, même s'ils ne justifient pas de la durée d'assurance requise. Or, la logique de la proposition de loi est différente. Les bénéficiaires justifient du nombre de trimestres requis, mais pas de l'âge légal de la retraite.

Par souci de cohérence, votre rapporteur propose d'insérer la disposition dans un nouvel article additionnel du code de la sécurité sociale. En conséquence, un nouveau paragraphe étendant le champ d'application de la mesure à l'Alsace et la Moselle devenait nécessaire.

En second lieu, le critère relatif à la qualité d'ancien combattant a été modifié. La rédaction initiale mentionnait ceux " qui ont séjourné en Afrique du Nord, dans les engagements du Maroc, de la Tunisie et de la guerre d'Algérie ". Ce critère présente deux difficultés. D'une part, la notion de séjour " est trop vague. D'autre part, la référence à la " guerre d'Algérie " n'est sans doute pas opportune car elle pourrait soulever des questions d'ordre juridique, notamment pour l'attribution de la Carte du combattant et du Titre de reconnaissance de la Nation. Votre rapporteur, sensible aux souhaits exprimés par certains membres de la commission, a donc préféré reprendre le critère, classique depuis la loi du 9 décembre 1974, de la " participation aux opérations militaires en Afrique du Nord ".

Enfin, votre rapporteur a modifié la rédaction de l'ensemble du texte qu'il a jugé trop ambigu sans en modifier le fond. Ainsi votre rapporteur vous propose de supprimer la référence à la " bonification de trimestres correspondant à ce temps " qui aurait pu être interprétée comme la reconnaissance du bénéfice de la campagne double.

Votre commission vous propose d'adopter cet article ainsi rédigé.

Art. 2
(Art. L. 135-2 du code de la sécurité sociale)
Financement de la mesure par le fonds de solidarité vieillesse

Votre rapporteur vous propose une nouvelle rédaction de cet article.

L'ancienne rédaction est en effet sans objet. Elle visait à étendre le droit à la retraite anticipée tel qu'il est défini à l'article premier de la présente proposition de loi aux anciens combattants d'Afrique du Nord non affiliés au régime général de sécurité sociale.

Or, ces personnes ne pouvant prétendre à une indemnisation du chômage, ils ne peuvent pas être chômeurs en fin de droit. Les dispositions de l'article premier leur sont alors inapplicables.

Votre rapporteur vous propose donc de supprimer les dispositions prévues à l'article 2 pour les remplacer par d'autres dispositions dont l'objet est totalement différent.

Il n'est guère envisageable de laisser la charge supplémentaire de cette mesure peser sur les régimes de base, car ils devraient alors augmenter les cotisations des assurés à due concurrence.

Aussi est-il proposé d'introduire dans le présent article le premier volet de la compensation financière de la mesure proposée à l'article premier.

Le présent article prévoit donc que le fonds de solidarité vieillesse, qui a pour vocation de prendre en charge les mesures relevant de la solidarité nationale, prenne à sa charge les dépenses supplémentaires des régimes de base.

L'article 5 ci-après constitue le second volet de cette compensation en prévoyant que les droits sur les alcools, qui constituent l'une des ressources du fonds de solidarité vieillesse, soient majorés à due concurrence.

Votre commission vous propose d'adopter cet article ainsi rédigé.

Art. 3
Validation des durées de services en
Afrique du Nord pour l'assurance vieillesse

Le présent article assimile la durée de service en Afrique du Nord à une période d'assurance aux régimes de retraite.

Cette disposition figure déjà à l'article L. 161-19 du code de la sécurité sociale. Les périodes de service militaire légal, ainsi que celles de maintien ou de rappel sous les drapeaux, accomplies en Afrique du Nord entre 1952 et 1962 sont d'ores et déjà prises en compte gratuitement dans le calcul des pensions de vieillesse du régime général, sans condition d'affiliation préalable.

Toutefois, la législation actuelle reste restrictive car la validation exige une condition : il faut que les intéressés aient exercé, en premier lieu après ces périodes, une activité professionnelle salariée pour laquelle des cotisations ont été versées au régime général.

Ainsi, des agriculteurs, des commerçants, des artisans qui n'ont pas directement cotisé après leur retour d'Afrique du Nord ne peuvent pas bénéficier de cette validation.

Le présent article vise à réintégrer ces personnes au bénéfice de la validation.

Votre rapporteur vous propose d'apporter une modification rédactionnelle à la formulation initiale de cet article. Le critère retenu à l'origine -" toute durée de séjour en Afrique du Nord "- pour définir la période reconnue équivalente est en effet trop vague. Votre rapporteur vous propose donc une rédaction plus précise : " toute période de service en Afrique du Nord entre le premier janvier 1952 et le 2 juillet 1962 ".

Votre commission vous propose d'adopter cet article ainsi rédigé.

Art. 4
Modalités d'application

Le présent article renvoie à un décret pour les modalités d'application des dispositions prévues par la présente proposition de loi.

Votre commission vous propose d'adopter cet article ainsi rédigé.

Art. 5
Compensation financière

Pour compenser les dépenses résultant de l'application des articles précédents, votre commission propose de majorer, à due concurrence, les droits sur les alcools visés à l'article 403 du code général des impôts.

Ces droits constituent d'ailleurs, pour partie, l'une des ressources du fonds de solidarité vieillesse.

Votre rapporteur vous propose une légère modification à la rédaction initiale de cet article. Il vous suggère de choisir comme compensation financière non pas la création d'une taxe additionnelle aux droits de consommation sur les alcools, mais une simple majoration des droits.

Les recettes nettes provenant des droits de consommation sur les alcools sont évaluées à 12 milliards de francs en 1997.

Votre commission a par ailleurs souhaité préciser que cette majoration sera temporaire, puisque la charge entraînée par la proposition de loi est elle-même limitée dans le temps.

Votre commission vous propose d'adopter cet article ainsi rédigé.

*

* *

Pour les motifs précédemment indiqués, votre commission vous propose d'adopter les conclusions figurant ci-après.

CONCLUSIONS DE LA COMMISSION

PROPOSITION DE LOI TENDANT À ACCORDER LA RETRAITE ANTICIPÉE POUR LES ANCIENS COMBATTANTS EN FIN DE DROIT, JUSTIFIANT DE QUARANTE ANNÉES DE COTISATIONS DIMINUÉES DU TEMPS PASSÉ EN AFRIQUE DU NORD

Article premier

I - Après l'article L. 351-8 du code de la sécurité sociale, il est inséré un article L. 351-8-1 ainsi rédigé :

" Art. L. 351-8-1 - Les assurés qui sont chômeurs en fin de droit et qui ont participé aux opérations militaires en Afrique du Nord, entre le 1 er janvier 1952 et le 2 juillet 1962, peuvent demander la liquidation de leur pension de vieillesse à taux plein, avant l'âge de soixante ans, lorsqu'ils justifient d'au moins cent soixante trimestres validés dans les régimes de base obligatoires d'assurance vieillesse ou de périodes reconnues équivalentes ".

II - A l'article L. 357-4 du code de la sécurité sociale, la mention : " L. 351-8-1 " est insérée après la mention : " L. 351-8 ".

Art. 2

Il est inséré, après le 6° de l'article L. 135-2 du code de la sécurité sociale, un 7° ainsi rédigé :

" 7° - Les sommes correspondant à la prise en compte par les régimes d'assurance vieillesse de base mentionnés au titre V du livre III du présent code des liquidations anticipées des pensions de vieillesse définies à l'article L. 351-8-1 ci-après "

Art. 3

Toute durée de service en Afrique du Nord entre le 1 er janvier 1952 et le 2 juillet 1962 est, sans condition préalable, assimilée à une période d'assurance pour l'ouverture du droit et la liquidation des avantages vieillesse.

Art. 4

Un décret fixera les modalités d'application des dispositions des articles premier à 3 ci-dessus.

Art. 5

Les dépenses entraînées par l'application de la présente loi sont compensées, à due concurrence, par une majoration temporaire des droits de consommation prévus à l'article 403 du code général des impôts.



1 Cf. sur ce point, l'excellent rapport de M. Guy Robert fait, au nom de la commission des Affaires sociales, sur le projet de loi relatif à la pension de vieillesse des anciens combattants en Afrique du Nord.

2 Il s'agit des propositions de loi n° 463 (1985-1986) signée par des membres du groupe CRC, n° 289 (1986-1987) signée par les membres du groupe socialiste, n° 310 (1986-1987) signée par M. Alain Gérard, n° 331 (1986-1987) signée par les membres du groupe CRC, n° 72 (1991-1992) signée par les membres de plusieurs groupes politiques et rapportée par M. Jean-Pierre Fourcade au nom de la commission des Affaires sociales, n° 250 (1994-1995) signée par les membres du groupe CRC, n° 68 (1995-1996) signée par les membres du groupe socialiste et n° 390 (1997-1998).

3 Source : rapport Chadelat, 1996.

4 Revue Retraite et société n° 20/1997

5 " Chômage : le cas français " rapport au Premier Ministre du Groupe de travail présidé par Henri Guaino, commissaire au Plan, mai 1997.

6 Les hypothèses retenues (effectifs, proportion de chômeurs, pension moyenne) sont celle s du rapport Chadelat.

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