C. LA DIMINUTION DE L'ALLOCATION DE GARDE D'ENFANT A DOMICILE : UNE RÉGRESSION POUR LES FEMMES QUI TRAVAILLENT, UN RISQUE POUR L'EMPLOI
Instaurée en 1986 puis étendue en 1995,
l'allocation de garde d'enfant à domicile (AGED) est destinée aux
familles qui font garder leurs enfants de moins de six ans à domicile et
dont les deux parents travaillent. L'AGED prend en charge les cotisations
sociales dues par la famille dans la limite de 12.836 francs par trimestre pour
un enfant de moins de 3 ans, et de 6.418 francs pour un enfant dont l'âge
est compris entre 3 et 6 ans. 67.000 familles bénéficient de
cette aide.
Le Gouvernement proposait initialement
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de réduire le taux de prise en
charge des cotisations sociales par l'AGED de 100 à 50 %.
L'Assemblée nationale a adopté un amendement introduisant une
condition de ressources supplémentaire : le taux de prise en charge
serait porté à 75 % pour la garde d'enfant de moins de trois
ans quand les ressources de la famille sont inférieures à un
plafond de 300.000 francs par an.
Votre rapporteur ne peut que regretter que l'Assemblée nationale ait
jugé utile d'introduire un nouveau plafond de ressources pour les
prestations familiales. La modification apportée par les
députés - pour tenir compte à titre seulement transitoire
" des difficultés d'adaptation aux nouvelles
dispositions "
- aura probablement une portée très
limitée : le revenu moyen des familles bénéficiaires
de l'AGED est en effet supérieur au seuil de 300.000 francs par an. Ce
seuil, qui correspond à 25.000 francs par mois, n'est d'ailleurs pas
cohérent avec celui choisi dans le cadre du plafonnement des allocations
familiales pour les familles à deux revenus qui
s'élève, lui, à 32.000 francs par mois, soit 384.000
francs par an.
1. Une régression pour les femmes qui travaillent
Par l'embauche d'une personne à domicile, l'AGED permet
aux femmes actives - particulièrement les cadres - de mieux concilier
vie professionnelle et vie familiale. Sa diminution concernera peu de familles
mais elle risque d'avoir un fort impact psychologique : elle sera
vécue comme une régression par les femmes qui travaillent.
Le problème de l'AGED ne peut être distingué de la question
des structures d'accueil collectives et de l'assouplissement de leurs
règles de fonctionnement. L'AGED permet en effet de remédier
partiellement au nombre insuffisant de places de crèches,
particulièrement net dans certaines agglomérations. Elle facilite
en outre la vie des parents dont les horaires de travail sont difficilement
conciliables avec ceux des crèches.
Sa diminution - alors que l'augmentation datait du 1
er
janvier 1995
- soulève le problème de la crédibilité de la
politique familiale. Elle risque d'accréditer l'idée que toute
mesure de politique familiale est aisément réversible. Or, pour
qu'une allocation ait un impact sur les comportements, il faut que la
population soit assurée de sa pérennité.
2. Un risque pour l'emploi
Selon les chiffres de l'Institution de retraite
complémentaire des emplois de la famille (IRCEM), l'AGED a permis la
création de 40.000 emplois, selon un rythme de création de 7.000
emplois nouveaux chaque année.
La diminution de l'AGED - conjuguée à celle du plafond de la
déduction fiscale pour les emplois à domicile - devrait avoir des
conséquences particulièrement dommageables sur l'emploi. Pourtant
attaché à la lutte contre le chômage, le Gouvernement ne
semble guère se soucier du sort des personnes qui seront
licenciées du fait de ces mesures.
La diminution de l'AGED va encourager le développement du travail au
noir. On peut certes le regretter ; il faut pourtant avoir la franchise de
le reconnaître. Le risque est grand en effet qu'une partie des emplois
déclarés deviennent des emplois clandestins. L'augmentation de
l'AGED et du plafond de déduction fiscale en 1995 avait fortement
contribué à assainir le marché des emplois à
domicile, en limitant très sensiblement le travail au noir : il est
regrettable que le Gouvernement, par cette mesure inopportune, revienne sur
cette évolution.
Le Gouvernement prétend que la mesure proposée permettra à
la branche famille de faire des économies. La diminution de l'emploi
induite par la baisse de l'AGED se traduira en réalité par une
diminution des rentrées de cotisations sociales pour l'ensemble des
branches de la sécurité sociale. Il n'est pas certain que le
bilan final de la réforme soit positif pour les comptes de la
sécurité sociale.
Dans le cadre d'une politique de l'emploi, était-il vraiment choquant
que la collectivité prenne à sa charge, avec l'AGED, le poids des
cotisations sociales dues par les familles ? En réalité, le
Gouvernement semble, avec cette mesure, guidé davantage par un jugement
idéologique porté sur les emplois familiaux que sur une
appréciation objective de la réalité. Pour le
Gouvernement, les emplois familiaux ne sont probablement pas de vrais emplois.
Pourtant, ces emplois existent et, grâce à l'AGED, sont en voie de
professionnalisation.