B. UNE DYNAMIQUE DE L'EMPLOI EN QUESTION
La
progression de l'emploi, indéniable au plan quantitatif, apparaît
plus incertaine au plan qualitatif. Elle semble en effet principalement reposer
sur la création d'emplois non-marchands financés par le budget de
l'Etat et résultant pour l'essentiel de la mise en place des
emplois-jeunes. Or, il apparaît à votre rapporteur indispensable
que soit appliquée une autre politique, axée sur la
création d'emplois productifs au sein de l'économie marchande.
Une telle dynamique comme l'a rappelé votre rapporteur
général est en effet seule en mesure de résoudre
durablement le problème du chômage en France.
1. Des créations d'emplois non marchands financées par l'Etat
Les
informations contenues dans les budgets économiques retiennent comme
perspective la poursuite de l'enrichissement du contenu en emplois de la
croissance. Les perspectives pour 1999 intègrent ainsi les effets de la
réduction du temps de travail et des emplois-jeunes. Le point de
croissance représente 111.000 emplois en 1999 contre
91.000 emplois en 1998.
Or, si l'on exclut de ce chiffre les emplois non-marchands, ainsi que les
effets supposés de l'application de la loi sur les 35 heures, on
relève une tendance inverse. En 1999, le nombre d'emplois marchands
créés par point de croissance, passera de 64.516 à 56.666.
Même si l'évolution de ces chiffres, à quelques
unités près doit être relativisée, cette tendance
montre bien que la dynamique de l'emploi dans le secteur marchand demeure
faible. Elle semble aussi indiquer que le phénomène
d'enrichissement de la croissance en emplois serait stoppé en 1999 si
les effets de la réduction du temps de travail ne se
concrétisaient pas.
Ainsi que l'a relevé votre rapporteur général :
"
Il est donc tout à la fois simplificateur et hasardeux de
présenter comme un succès et un fait acquis l'augmentation des
créations d'emplois qui jusqu'à présent résulte
essentiellement de la progression des emplois non
marchands
".
2. Des catégories toujours particulièrement fragiles
Au cours des années 1990, le risque de chômage s'est étendu à l'ensemble de la population active. Il continue néanmoins de concerner plus particulièrement les catégories les plus fragiles comme le souligne le rapport économique, social et financier joint au projet de loi de finances pour 1999 : " la situation du marché du travail reste ainsi marquée par d'importants déséquilibres structurels ".
Décomposition du chômage selon l'âge et le diplôme
(en pourcentage)
|
Part dans la population active |
Part dans le chômage de longue durée |
Part dans le chômage d'une durée inférieure à 1 an |
Jeunes dont : |
8,3 |
9,0 |
23,9 |
Non diplômés |
2,0 |
4,7 |
7,5 |
Autres |
6,2 |
4,3 |
16,4 |
25-49 ans, dont : |
71,7 |
70,0 |
66,7 |
Non diplômés |
16,8 |
31,2 |
21,6 |
Autres |
55,0 |
38,8 |
45,1 |
Plus de 50 ans, dont : |
20,0 |
21,0 |
9,4 |
Non diplômés |
7,8 |
11,1 |
4,7 |
Autres |
12,2 |
9,9 |
4,7 |
Source : INSEE - Enquête emploi 1998
a) Le poids du chômage des jeunes
Malgré les efforts opérés en ce domaine, les jeunes ont de plus en plus de difficultés à trouver un emploi stable : ils alternent souvent périodes de chômage et contrats aidés. Ainsi, 20 % des emplois occupés par les personnes de moins de 30 ans sont atypiques (CDD, intérim, contrats aidés).
b) La situation précaire des plus de 50 ans
En mars 1998, plus de 60 % des chômeurs âgés de plus de 50 ans étaient inscrits depuis plus d'un an : cette situation, tout particulièrement préoccupante, doit être soigneusement étudiée. Il ne faudrait pas que la mise au chômage d'employés expérimentés contribue à alléger la masse salariale en sacrifiant une certaine population et permette de résoudre les problèmes de retraite posés par un système à réformer en profondeur.
c) L'aggravation de la situation des chômeurs de longue durée
L'analyse du chômage démontre qu'il est difficile
de
retrouver un emploi après avoir connu le chômage, ce qui se
traduit par l'accroissement du chômage de longue durée. En juin
1998, 40 % des demandeurs d'emploi, soit un million de personnes,
étaient au chômage depuis plus d'un an.
Par ailleurs, il est de plus en plus difficile de sortir du chômage
à mesure que celui-ci se prolonge. Selon les calculs effectués
par l'ANPE, au bout de deux mois d'inscription au chômage, la
probabilité de retrouver un emploi dans le mois est de 10 %. Cette
probabilité est inférieure à 2 % au-delà d'un
an de chômage.
d) Le fort développement de l'intérim
A la fin
de septembre 1998, 555.000 personnes étaient employées en
intérim, soit une progression de 35,6 % en un an. Cette situation
est confirmée par une étude de l'INSEE qui relève que
70 % des emplois marchands créés entre juin 1997 et juin
1998 étaient des emplois précaires. Ainsi se développe un
sentiment d'insatisfaction chez un grand nombre de salariés dans la
mesure où cette situation est souvent subie plus que choisie.
Ce sentiment est renforcé par le développement du travail
à temps partiel : en 1998, 15,2 % des salariés des
secteurs concurrentiels travaillaient à temps partiel, contre
11,3 % en 1993 et une proportion de plus en plus grande d'entre eux
considèrent qu'ils sont en sous-emploi.
e) L'aggravation de la situation des salariés les moins qualifiés
Le
chômage continue de les toucher tout particulièrement. Les
personnes sans diplôme ont un taux de chômage plus de deux fois
supérieur à celui des personnes possédant le
baccalauréat. De même, le chômage des ouvriers était,
en mars 1998, trois fois supérieur à celui des cadres :
15 % contre 5 %.
Le risque apparaît alors de voir se constituer un " noyau dur "
de personnes durablement exclues de l'emploi marchand.
3. La diminution incertaine du chômage doit être relativisée
a) 11,7% de la population active au chômage
La
progression de l'emploi apparaît au plan quantitatif indéniable,
ce dont votre rapporteur ne peut que se féliciter.
Elle ne peut empêcher la France de connaître des taux de
chômage très supérieurs à ceux de ses principaux
partenaires.
Les chiffres du chômage et de l'emploi
|
Octobre 1998 |
Variation sur 1 mois |
Variation sur 1 an |
Demandeurs d'emploi (catégorie 1) |
2.945,5 |
- 0,3 % |
- 5,0 % |
Demandeurs d'emploi (catégories 1 et 6) 2( * ) |
3.433,6 |
- 0,4 % |
- 3,2 % |
Chômeurs au sens du BIT |
2.996,0 |
- 0,5 % |
- 6,7 % |
Emplois salariés |
13.754 |
+ 0,4 % |
+ 2,2 % |
Offres d'emploi |
217,9 |
- 0,5 % |
+ 1,5 % |
Source : ANPE
Les évolutions récentes restent cependant contrastées : le nombre des demandeurs d'emplois a baissé de 1,4 % en septembre (- 42.900 chômeurs), après avoir augmenté de 1,1 % en août (+ 33.000 chômeurs).
b) Un taux supérieur à la moyenne des grands pays industrialisés
Le taux
de chômage au sens du BIT s'élève à 11,7 % de
la population active. Il demeure plus élevé que la moyenne des
grands pays industrialisés.
C'est ce que la commission européenne avait tenu à relever en
octobre dernier lors d'une communication sur les politiques européennes
de l'emploi :
" l'emploi en France, est plus bas et le
chômage plus élevé que les moyennes de l'Union
européenne ".
c) Des perspectives floues pour 1999
Compte
tenu des hypothèses de croissance émanant du gouvernement,
l'emploi devrait augmenter en 1999 de 300.000 emplois, soit un chiffre
voisin de celui de 1998. Ces créations reposent cependant pour
près de la moitié sur des emplois non marchands correspondant
pour un quart aux emplois jeunes et un cinquième aux effets
escomptés de la réduction du temps de travail (les
35 heures), effets dont la concrétisation reste à
démontrer et dont une présentation sincère devrait
associer aux emplois supplémentaires attendus les destructions d'emplois
liées au financement public de ces mesures.
Il est donc nécessaire de mettre en place une nouvelle dynamique de
l'emploi et d'apporter au marché du travail les réformes
nécessaires comme l'avait proposé avec pertinence le
Président Christian Poncelet, en préconisant la diminution du
coût du travail non qualifié.
C'est par un retour à la confiance des ménages, par le traitement
en profondeur de la précarité de l'emploi que sera
développée une meilleure employabilité de la population
active.
Elle permettra alors de soutenir véritablement une dynamique de
création d'emplois marchands qui est seule en mesure de résoudre
durablement et profondément le problème du chômage en
France.