N° 370
SÉNAT
SESSION ORDINAIRE DE 1998-1999
Annexe au procès-verbal de la séance du 19 mai 1999 |
RAPPORT
FAIT
au nom de la commission des Affaires étrangères, de la défense et des forces armées (1), sur le projet de loi autorisant l'approbation de la convention d'entraide judiciaire en matière pénale entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement du Royaume de Thaïlande ,
Par M. Xavier PINTAT,
Sénateur.
(1) Cette commission est composée de : MM. Xavier de Villepin, président ; Serge Vinçon, Guy Penne, André Dulait, Charles-Henri de Cossé-Brissac, André Boyer, Mme Danielle Bidard-Reydet, vice-présidents ; MM. Michel Caldaguès, Daniel Goulet, Bertrand Delanoë, Pierre Biarnès, secrétaires ; Bertrand Auban, Michel Barnier, Jean-Michel Baylet, Jean-Luc Bécart, Daniel Bernardet, Didier Borotra, Jean-Guy Branger, Mme Paulette Brisepierre, M. Robert Calmejane, Mme Monique Cerisier-ben Guiga, MM. Marcel Debarge, Robert Del Picchia, Hubert Durand-Chastel, Mme Josette Durrieu, MM. Claude Estier, Hubert Falco, Jean Faure, Jean-Claude Gaudin, Philippe de Gaulle, Emmanuel Hamel, Roger Husson, Christian de La Malène, Philippe Madrelle, René Marquès, Paul Masson, Serge Mathieu, Pierre Mauroy, Jean-Luc Mélenchon, René Monory, Aymeri de Montesquiou, Paul d'Ornano, Charles Pasqua, Michel Pelchat, Alain Peyrefitte, Xavier Pintat, Bernard Plasait, Jean-Marie Poirier, Jean Puech, Yves Rispat, Gérard Roujas, André Rouvière.
Voir le numéro :
Sénat : 278 (1998-1999).
Traités et conventions. |
Mesdames, Messieurs,
Le présent projet de loi a pour objet d'autoriser l'approbation de la convention d'entraide judiciaire en matière pénale signée à Paris le 11 septembre 1997 entre la France et la Thaïlande.
A l'heure où la délinquance prend de plus en plus une dimension transnationale, les conventions d'entraide judiciaire en matière pénale doivent favoriser la coopération judiciaire entre Etats. Alors qu'en l'absence de texte les demandes d'entraide judiciaire sont appréciées au cas par cas, les suites données étant laissées à la discrétion des gouvernements, l'existence d'une convention bilatérale permet de fixer un principe d'assistance, certes assorti d'exceptions, et de poser des règles précises de procédure destinées à accélérer le traitement des demandes.
Bien que le volume des affaires pénales concernant la France et la Thaïlande soit relativement faible, les relations avec l'un des principaux pays d'Asie du sud-est justifiait l'élaboration d'une convention d'entraide judiciaire en matière pénale. Par ailleurs, une convention d'entraide judiciaire en matière civile et commerciale devrait être prochainement signée entre les deux pays.
Avant de présenter le dispositif de la convention, au demeurant classique puisque inspiré de la convention européenne d'entraide judiciaire, votre rapporteur évoquera brièvement la situation intérieure de la Thaïlande et ses relations avec la France.
I. LA SITUATION POLITIQUE ET ÉCONOMIQUE EN THAÏLANDE
Peuplée de près de 60 millions d'habitants, dont 9 millions dans sa capitale Bangkok, la Thaïlande constitue l'un des principaux pays du sud-est asiatique.
Caractérisée par sa cohésion et la solidité de sa monarchie, la Thaïlande a connu une croissance économique spectaculaire avant d'être fortement affectée par la crise financière asiatique.
A. LA SITUATION POLITIQUE
1. L'évolution politique intérieure
La Thaïlande constitue une exception dans le sud-est asiatique pour n'avoir jamais subi la colonisation. Elle se distingue par une forte homogénéité ethnique (plus de 75 % de la population est d'origine thaï) et religieuse (95 % de bouddhistes). Enfin, l'adhésion à la monarchie et à la personne du souverain, le roi Bhumibol sur le trône depuis 1946, constitue un facteur supplémentaire de cohésion.
Depuis 1932, la monarchie thaïlandaise a pris une forme constitutionnelle mais l'évolution démocratique du régime ne s'est réellement accentuée que depuis 1992 et le retrait de l'armée de l'exercice réel du pouvoir.
La vie politique est marquée par une forte instabilité gouvernementale liée au grand nombre de partis et à la fragilité des coalitions soumises à de fréquents renversements d'alliances. Elle souffre aussi, aux yeux de nombre d'observateurs, de faiblesses communes à beaucoup de pays asiatiques, telles que les pratiques clientélistes ou la collusion entre personnel politique et milieux d'affaires.
Une nouvelle Constitution est entrée en vigueur en 1997, avec pour objectif un affermissement de la démocratie. Parmi les réformes adoptées, dont certaines nécessitent néanmoins l'adoption ultérieure de lois organiques, on peut citer la modification du régime électoral, un cinquième des parlementaires étant élus à la proportionnelle et le restant dans le cadre de circonscriptions, l'élection, et non plus la nomination, des membres du Sénat et des conseillers territoriaux, l'instauration d'un tribunal constitutionnel et d'une commission électorale, l'obligation d'une déclaration de patrimoine pour les parlementaires.
L'actuelle législature, entamée après les élections générales de novembre 1996, a vu un nouveau premier Ministre, M. Chuan, succéder en novembre 1997 au général Chaovalit, contraint de démissionner à la suite des critiques sur sa gestion de la crise financière. Dirigé par le parti démocrate, le gouvernement de coalition a consolidé son assise en intégrant dans la majorité à l'automne dernier le parti " Chat Pattana ", comptant plus de 50 députés et qui avait participé au gouvernement précédent.
Le gouvernement de M. Chuan entend mener de profondes réformes structurelles , en particulier dans le domaine bancaire et financier, et lutter contre la corruption. Il doit néanmoins faire face au mécontentement lié au doublement, en l'espace d'une année, du taux de chômage, qui atteint 4,5 % de la population active, et à une contestation d'inspiration nationaliste menée par ceux qui, au sein des forces politiques ou des milieux d'affaires, lui reprochent de céder aux injonctions des institutions financières internationales dans la mise en oeuvre de son programme économique.
Le Premier ministre a par ailleurs manifesté son intention d'organiser des élections anticipées avant le terme normal de l'actuelle législature, qui devait s'achever en novembre 2000. Ces élections devraient se dérouler sous les auspices des nouvelles règles constitutionnelles. Elles constitueront un enjeu important au regard de la modernisation de la vie politique thaïlandaise et de l'affermissement de la démocratie.
2. Les relations extérieures de la Thaïlande
Parmi ses quatre pays voisins, c'est avec la Birmanie que la Thaïlande possède la plus longue frontière commune (1 500 km) mais c'est également avec elle que les relations sont aujourd'hui les plus difficiles, bien que Bangkok ait toujours milité pour un " engagement constructif " à l'égard de ce pays, en vue de sa réintégration progressive dans la communauté internationale. L'extension des zones désormais contrôlées par les forces armées birmanes a renforcé leur présence au long de la frontière thaïlandaise, non sans que cela ne provoque quelques incidents, notamment du fait de la présence de réfugiés karens en Thaïlande. Au début de cette année, c'est l'incursion de chalutiers thaïlandais dans les eaux territoriales et la zone économique exclusive birmane qui a entraîné des heurts entre les marines de guerre des deux pays. Les autorités de Bangkok se montrent préoccupées par le blocage de la situation politique en Birmanie.
Avec le Cambodge, les relations ont également traversé une longue période difficile, liée en particulier à la présence dans la zone frontalière des derniers réduits khmers rouges, vis-à-vis desquels, aux yeux des Cambodgiens, les autorités de Bangkok se seraient montrées trop tolérantes. La Thaïlande s'est toutefois impliquée dans les efforts de la communauté internationale pour une normalisation de la situation politique au Cambodge après la crise de l'été 1997. Elle a plaidé pour la création à Phnom Penh d'un Sénat, afin d'accroître la stabilité politique du régime, et en a fait une condition à l'entrée du Cambodge dans l'ASEAN, effective depuis quelques jours.
Les relations avec le Laos se sont notablement développées depuis 1991, surtout en matière économique. La Thaïlande a accordé au Laos une aide financière et y a réalisé de nombreux investissements.
Dans ces relations avec ses voisins immédiats et les autres pays de la région, la Thaïlande se trouve essentiellement préoccupée de favoriser l'émergence dans le sud-est asiatique d'un vaste marché susceptible de soutenir le développement économique. Dans cette optique, elle cherche à jouer un rôle moteur pour relancer l'ASEAN très affaiblie par la crise financière asiatique, par les difficultés politiques en Indonésie et en Malaisie, et handicapée, dans ses relations avec les pays occidentaux, par la question de la Birmanie.
Les considérations économiques jouent par ailleurs un rôle primordial dans les bonnes relations que la Thaïlande entretient avec le Japon, son premier partenaire, les Etats-Unis ou encore la Chine.
La Thaïlande assure depuis août 1997 la coordination des relations de l'ASEAN avec l'Union européenne. Dans le cadre des sommets Europe-Asie (A SEM), elle a organisé plusieurs réunions de travail et accueille depuis mars dernier le centre euro-asiatique des technologies de l'environnement.