N°
410
SÉNAT
SESSION ORDINAIRE DE 1998-1999
Annexe au procès-verbal de la séance du 9 juin 1999
RAPPORT
FAIT
au nom de la commission des Affaires sociales (1) sur la proposition de loi de MM. Jean ARTHUIS, Guy CABANEL, Henri de RAINCOURT et Josselin de ROHAN, relative à la famille ,
Par M.
Jean-Louis LORRAIN,
Sénateur.
(1)
Cette commission est composée de :
MM. Jean Delaneau,
président
; Jacques Bimbenet, Louis Boyer, Mme Marie-Madeleine
Dieulangard, MM. Guy Fischer, Jean-Louis Lorrain, Louis Souvet,
vice-présidents
; Mme Annick Bocandé, MM. Charles
Descours, Alain Gournac, Roland Huguet,
secrétaires
; Henri
d'Attilio, François Autain, Paul Blanc, Mme Nicole Borvo, MM.
Jean-Pierre Cantegrit, Bernard Cazeau, Gilbert Chabroux, Jean Chérioux,
Philippe Darniche, Christian Demuynck, Claude Domeizel, Jacques Dominati,
Michel Esneu, Alfred Foy, Serge Franchis, Francis Giraud, Claude Huriet,
André Jourdain, Philippe Labeyrie, Roger Lagorsse, Dominique Larifla,
Henri Le Breton, Dominique Leclerc, Marcel Lesbros, Simon Loueckhote, Jacques
Machet, Georges Mouly, Lucien Neuwirth, Philippe Nogrix, Mme Nelly Olin, MM.
Lylian Payet, André Pourny, Mme Gisèle Printz, MM. Henri de
Raincourt, Bernard Seillier, Martial Taugourdeau, Alain Vasselle, Paul
Vergès, André Vezinhet, Guy Vissac.
Voir le numéro
:
Sénat
:
396
(1998-1999).
Famille. |
TRAVAUX DE LA COMMISSION
Le
mercredi 9 juin 1999
, sous la
présidence de M. Jean Delaneau,
président
, la commission a procédé à
l'examen du rapport sur la proposition de loi n° 396
(1998-1999), présentée par MM. Jean Arthuis, Guy
Cabanel, Josselin de Rohan et Henri de Raincourt, relative à la
famille
.
M. Jean-Louis Lorrain, rapporteur,
a présenté les grandes
lignes de son rapport (cf. exposé général).
M. Jean Chérioux
a considéré que cette proposition
de loi s'inscrivait dans la droite ligne de la loi de 1994 relative à la
famille et des positions maintes fois rappelées de la majorité
sénatoriale sur la famille. Rappelant que l'actuel Gouvernement n'avait
pris aucune mesure positive en faveur des familles depuis 1997, il a
jugé que la proposition de loi témoignait du souci permanent du
Sénat d'améliorer le sort des familles.
M. Gilbert Chabroux
a souligné qu'il n'avait pu prendre
connaissance de ce texte que la veille et a indiqué qu'il n'était
pas surpris que la majorité sénatoriale ait souhaité se
faire l'écho de la récente déclaration du Président
de la République sur la famille.
Il a considéré que la proposition de loi était un texte
idéologique qui privilégiait les familles aux revenus
élevés. Il a affirmé que ce texte comportait avant tout
des dispositions financières et laissait de côté de
nombreux aspects de la politique familiale, tels que les équipements
collectifs, les mesures éducatives ou l'aménagement des
conditions de travail.
Il a déclaré qu'il ne pouvait partager l'orientation d'ensemble
de ce texte, même si celui-ci pouvait comporter par ailleurs certaines
dispositions intéressantes.
Après avoir déploré la précipitation avec laquelle
le Sénat examinait la proposition de loi,
Mme Nicole Borvo
a
considéré que ce texte privilégiait avant tout les
familles aisées. Elle a souligné qu'elle ne partageait pas la
conception de la famille de la majorité sénatoriale et a
regretté que la proposition de loi ne comporte aucune disposition pour
le premier enfant. Après avoir évoqué la finalité
nataliste de la proposition de loi, elle a constaté que ce texte
encourageait la garde à domicile aux dépens des modes de garde
collectifs et se traduisait par de nouvelles exonérations de charges et
de nouvelles réductions d'impôts. Soulignant que ce texte ne
permettrait pas un véritable débat sur ce que devrait être
la politique familiale,
Mme Nicole Borvo
a déclaré que la
philosophie de cette proposition de loi ne convenait absolument pas au groupe
communiste républicain et citoyen.
M. Claude Huriet
a fait valoir que la proposition de loi s'inscrivait
dans la continuité de la réflexion sénatoriale sur la
famille. Il a souligné la très grande cohérence de ce
texte qui n'opérait pas de distinction entre les familles. Evoquant la
mise sous condition de ressources de certaines prestations familiales, il a
rappelé que le supplément familial de traitement des
fonctionnaires n'était pas versé sous condition de ressources. Il
a souligné qu'une politique familiale devait avoir également une
finalité nataliste et a apporté son entier soutien à la
proposition de loi.
M. Philippe Nogrix
a rappelé que le premier lien social
était précisément le lien familial. Après avoir
dénoncé l'absence de toute mesure favorable aux familles depuis
l'arrivée du Gouvernement de M. Lionel Jospin, il s'est
félicité de cette proposition de loi qui tenait compte des
évolutions de la société. Il a particulièrement
approuvé les mesures relatives aux congés parentaux et aux grands
enfants. Il a également mis l'accent sur le rôle essentiel que
jouaient les grands-parents dans la solidarité familiale.
Mme Gisèle Printz
a considéré que la multiplication
de dispositions financières favorables aux familles n'avaient pas
d'incidence sur la natalité.
M. Alain Gournac
a rappelé que les familles avaient
été victimes de la politique menées par le Gouvernement et
qu'elles se sentaient aujourd'hui mal aimées et abandonnées. Il a
considéré qu'il était par conséquent
nécessaire de leur faire parvenir un signal fort de l'engagement de la
collectivité en leur faveur. Il a jugé qu'une nouvelle
organisation du temps scolaire était nécessaire et que le
législateur devait se préoccuper de la situation des jeunes de 16
à 25 ans qui constituaient une charge particulièrement
importante pour les familles. Il a qualifié de choquants les allers et
retours législatifs qui avaient caractérisé les conditions
d'attribution des allocations familiales et a regretté que la diminution
de l'allocation de garde d'enfant à domicile (AGED) ait favorisé
le développement du travail au noir. Il s'est félicité que
la proposition de loi reconnaisse et valorise le rôle du père dans
la famille.
M. Francis Giraud
a considéré qu'une politique familiale
ambitieuse constituait un devoir national. Il a rappelé l'importance du
lien familial dans une société de plus en plus
déstructurée. Il a fait valoir que toute politique familiale
était forcément nataliste dans la mesure où la structure
familiale avait précisément pour finalité la conception et
l'éducation des enfants. Aussi a-t-il affirmé qu'il était
favorable à une politique résolument nataliste.
M. Alain Vasselle
a formulé un double constat. Il a tout d'abord
observé que notre pays n'assurait plus le renouvellement des
générations, ce qui se traduirait à l'avenir par des
déséquilibres démographiques de nos systèmes de
retraite. Il a également relevé que les familles nombreuses,
comportant plus de trois enfants, étaient aujourd'hui de plus en plus
rares. Il a considéré que cette situation provenait à la
fois d'une certaine peur du lendemain dans un contexte économique
difficile et de la diminution du niveau de vie qu'entraînait la naissance
des enfants. Il a rappelé à cet égard que le rapport de
MM. Thelot et Villac sur la politique familiale avait
démontré qu'une famille de quatre enfants devait avoir un revenu
de 24.000 francs par mois pour disposer du pouvoir d'achat d'un homme
marié, sans enfant, rémunéré au salaire minimum
interprofessionnel de croissance (SMIC). Il a constaté que les familles
avec deux salaires avaient été particulièrement
pénalisées par la politique gouvernementale de diminution du
quotient familial et de mise sous condition de ressources des allocations
familiales. Il a souhaité une politique familiale en direction de toutes
les familles et pas uniquement en direction des familles les plus
nécessiteuses.
M. Claude Domeizel
a jugé que la proposition de loi avait une
connotation nataliste évidente. Il a souligné que le débat
sur cette proposition de loi ne pouvait se résumer à un
affrontement entre ceux qui étaient pour la famille et ceux qui lui
étaient opposés.
En réponse aux différents orateurs,
M. Jean-Louis Lorrain,
rapporteur,
a confirmé que la proposition de loi s'inscrivait dans
la continuité de la loi famille de 1994. Il a souligné que ce
texte ne comportait pas de dimension idéologique et favorisait toutes
les familles, y compris les familles monoparentales. Il a fait valoir que la
proposition de loi couvrait un champ très large et comportait des
dispositions qui n'avaient rien de financier. Il a considéré que
la politique familiale devrait être globale et que les questions de droit
de la famille ou d'éducation relevaient du domaine de compétence
d'autres commissions permanentes du Sénat.
M. Jean Delaneau, président
, a fait valoir que tous les
sénateurs portaient le même attachement à la famille,
même s'ils pouvaient avoir, parallèlement, des conceptions
différentes de la politique familiale. Evoquant la question des jeunes
adultes, il a rappelé qu'il avait déposé, en 1986, une
proposition de loi instituant un livret d'épargne destiné
à assurer le financement des études des enfants.
La commission a ensuite examiné les articles de la proposition de loi.
Elle a adopté
l'article premier
(rôle de la famille dans
notre société) dans le texte de la proposition de loi.
Sous réserve d'une modification rédactionnelle, elle a
adopté
l'article 2
(création de l'allocation
universelle d'accueil de l'enfant) dans le texte de la proposition de loi.
La commission a adopté
l'article 3
(suppression de la
condition de ressources pour l'attribution de l'AGED) dans le texte de la
proposition de loi.
Sous réserve d'une modification rédactionnelle, elle a
adopté
l'article 4
(prise en charge intégrale par
l'AGED des cotisations sociales) dans le texte de la proposition de loi.
Elle a adopté
les articles 5
(disposition de coordination),
6
(réduction d'impôt pour la garde d'un enfant
à domicile),
7
(modification d'un intitulé) dans le texte
de la proposition de loi.
A l'article 8
(création du congé de solidarité
familiale), la commission a supprimé la disposition prévoyant que
le salarié ne pouvait bénéficier que d'un an de
congé de solidarité familiale sur l'ensemble de sa vie
professionnelle. Elle a adopté cet article ainsi rédigé.
Elle a adopté
l'article 9
(extension jusqu'au sixième
anniversaire de l'enfant du droit au temps partiel) en modifiant sa
présentation formelle.
Sous réserve de modifications formelles, elle a adopté
les
articles 10
(majoration des droits à congés familiaux),
11
(majoration de droits à congé de solidarité
familiale) et
12
(exonération de charges sociales pour les
recrutements destinés à remplacer les salariés en
congé de solidarité familiale) dans le texte de la proposition de
loi.
A l'article 13
(dotation de l'Etat aux fonds d'action sociale des
caisses d'allocations familiales), la commission a prévu que cette
dotation serait fixée chaque année en loi de finances. Elle a
adopté cet article ainsi rédigé.
Elle a adopté les
articles 14
(généralisation
de l'allégement et de l'enrichissement des rythmes scolaires dans les
écoles primaires),
15
(prêt à taux zéro pour
les jeunes de 18 à 25 ans),
16
(abattement de
200.000 francs sur la part des petits-enfants âgés de 16
à 30 ans en cas de donation des grands-parents) et
17
(augmentation du plafond du quotient familial) dans le texte de la proposition
de loi.
Sous réserve de la rectification d'une erreur matérielle, la
commission a adopté
l'article 18
(revalorisation des
prestations familiales en 1999) dans le texte de la proposition de loi.
Sous réserve d'une modification rédactionnelle, elle a
adopté
l'article 19
(modalités de revalorisation des
prestations familiales) dans le texte de la proposition de loi.
Elle a adopté les
articles 20
(garantie de ressources de la
branche famille) et
21
(prise en charge par le budget de l'Etat de la
majoration de l'allocation de rentrée scolaire) dans le texte de la
proposition de loi.
A l'article 22
(compensation financière de la proposition de
loi), elle a adopté une rédaction prévoyant que les pertes
de recettes pour l'Etat résultant de la présente loi seraient
compensées par une augmentation à due concurrence des droits sur
les tabacs. Le rapporteur a rappelé à cet égard que les
dépenses supplémentaires à la charge de la branche famille
pouvaient être financées grâce aux excédents de cette
branche prévus à compter de 2000 ; il a par ailleurs
formulé le voeu que les diminutions d'impôt que comportait la
proposition de loi soient financées par des économies
budgétaires, la majoration du droit sur les tabacs n'étant
mentionnée qu'au regard de la procédure parlementaire.
La commission a enfin
adopté l'ensemble de la proposition de
loi.