C. LA LOI SUR LES PLANS D'ÉPARGNE RETRAITE DU 25 MARS 1997 TEND À FACILITER LE DÉVELOPPEMENT DE L'ÉPARGNE RETRAITE
1. Un débat initié et mené à bien par le Parlement
Lorsque
l'histoire apportera le recul nécessaire pour apprécier à
leur juste valeur les efforts de revalorisation du Parlement menés en
France à la fin du XX
ème
siècle, nul doute que
la loi du 25 mars 1997 créant les plans d'épargne retraite, dite
" loi Thomas ", apparaîtra comme une étape essentielle.
Le Sénat a joué un rôle tout à fait éminent
tout au long du processus parlementaire. En effet, dès le 19
février 1993, M. Philippe Marini, alors membre de la commission des
Affaires sociales, déposait un premier texte de six articles
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*
)
. Si les propositions de loi
déposés sur le bureau de l'Assemblée nationale tant par M.
Jean-Pierre Thomas (n° 741) que par M. Jacques Barrot
(n° 1039) sont à l'origine de la loi du 25 mars 1997, les
apports de la Haute assemblée, lors des deux lectures du texte, ont
été d'importance.
Contrairement à ce qui a pu être affirmé ici ou là,
la loi créant les plans d'épargne retraite a fait l'objet d'une
concertation et d'une préparation minutieuses. L'effort de
pédagogie accompli par un certain nombre de députés et de
sénateurs est à l'honneur du Parlement.
La loi n° 97-277 du 25 mars 1997
Cette
loi crée, pour l'ensemble des salariés de droit privé, un
système de retraite supplémentaire à cotisations
définies, par capitalisation, donnant droit à une rente
viagère lors de la cessation d'activité, avec une option de
sortie partielle en capital, limitée à 20 % du capital et
à hauteur de 75 % du plafond annuel de la sécurité
sociale (130.000 francs). Cette rente est imposable au titre des pensions.
Les versements des salariés sont facultatifs. Ils peuvent
éventuellement être complétés par l'employeur dans
la limite de quatre fois le versement salarial. Cet abondement patronal entre
dans l'enveloppe globale d'exonération de cotisations sociales au titre
de la prévoyance et de la retraite complémentaire, soit 85 %
du plafond de la sécurité sociale (147.600 francs par an).
En revanche, il est soumis au premier franc à la CSG et à la
CRDS. Les sommes versées sur ces plans d'épargne retraite sont
déductibles de l'impôt sur le revenu dans la limite de 5 % du
montant brut de la rémunération ou de 20 % du plafond de la
sécurité sociale (34.700 francs), avec une faculté de
report des déductions non utilisées au cours des trois
dernières années.
Les plans sont créés dans le cadre de l'entreprise ou de la
branche par la voie d'un accord collectif. Ils sont gérés par des
structures dédiées, les fonds d'épargne retraite, soumis
à un agrément administratif et relevant du code des assurances,
du code de la mutualité ou constitués sous la forme d'un
organisme de prévoyance. Un an après la promulgation de la loi ou
six mois après le début de la négociation collective, le
salarié qui ne se serait pas vu proposer de plan par son entreprise peut
adhérer individuellement au plan de son choix.
La protection et l'information de l'adhérent sont assurées tant
de manière individuelle (maintien des droits acquis, transfert des
droits attachés à un plan) que collective (informations
périodiques, comité de surveillance pour chaque plan,
contrôle conjoint par la commission de contrôle des assurances et
la commission de contrôle des mutuelles et des institutions de
prévoyance).
Les fonds d'épargne retraite ne peuvent s'engager à servir des
prestations définies. Dans le même esprit, la loi prévoit
une règle de concentration maximale des engagements
réglementés des fonds d'épargne retraite en titres de
créances (65 %). Des règles de dispersion des placements
s'appliquent également : les engagements ne peuvent être
représentés pour plus de 5 % par des parts ou actions d'un
même OPCVM ou par l'ensemble des valeurs émises et des prêts
obtenus par une même société. Les placements dans les
sociétés non cotées, les fonds communs de placement
à risques et les fonds communs de placement dans l'innovation
bénéficient toutefois d'une exception : les engagements
réglementés d'un fonds d'épargne retraite peuvent y
être représentés à concurrence de 10 % et dans
la limite de 0,5 % par émetteur.
2. Un texte majeur
La
" loi Thomas " constitue une avancée majeure, parce que les
débats parlementaires ont permis de trancher deux débats
essentiels relatifs à la création de " fonds de pension
à la française ".
Le premier débat tranché par la loi Thomas est d'avoir clairement
privilégié la sortie en rente par rapport à la sortie en
capital.
Dans la perspective de compléter la pension du régime de retraite
de base, il est essentiel, au moment de la retraite, qu'une rente soit servie,
et non un capital. Il existe déjà des produits d'épargne
classique à court et moyen terme pour permettre, par exemple, l'achat
d'un bien immobilier, ou le financement d'une année d'études d'un
enfant, etc.
Le deuxième débat tranché par la loi Thomas est relatif
à la gestion des sommes recueillies. La loi du 25 mars 1997 met en place
un système de gestion externe. En effet, une gestion
" interne " à l'entreprise n'apporterait pas une pleine
sécurité aux salariés et apparaît difficilement
compatible avec les nouvelles exigences de mobilité. Le
développement de l'actionnariat salarié est très
souhaitable, mais il s'inscrit dans une autre problématique que celle de
l'épargne retraite
13(
*
)
.
3. Une loi injustement critiquée
Les
critiques adressées à la loi Thomas ne relèvent pas
toujours du domaine du rationnel.
Cette loi est, en effet, accusée de quatre " défauts "
majeurs :
a) La loi Thomas " siphonnerait " les régimes de retraite par répartition
La loi
Thomas a ainsi été accusée de " siphonner les
régimes de retraite par répartition ", en raison de
l'exonération prévue de cotisations sociales.
Ce siphonnage relève probablement davantage du fantasme que de la
réalité. En effet, il convient de rappeler que le Sénat
avait adopté, à l'initiative du Président Jean-Pierre
Fourcade, un amendement prévoyant un plafonnement de cette
exonération, dans les limites du droit commun, à savoir 85 % du
plafond de la sécurité sociale.
b) La loi Thomas contournerait les partenaires sociaux
La loi
Thomas est accusée également de contourner les partenaires
sociaux. Elle est souvent présentée sous le vocable de
" système individuel ".
Or, ce n'est pas le cas : l'article 4 de la loi du 25 mars 1997 prévoit
la possibilité d'un accord collectif. L'adhésion individuelle
n'est possible qu'en cas d'échec de la négociation collective.
S'il convient de prévoir une place pour les partenaires sociaux dans le
dispositif de contrôle des fonds de retraite, et si le dialogue social
devrait normalement être la porte d'entrée centrale du dispositif,
il apparaît difficile de conditionner un système facultatif
à l'acceptation des partenaires sociaux.
c) La loi Thomas ne présenterait aucune garantie pour les salariés
La loi
Thomas prévoit un caractère tout à fait facultatif des
versements et des abondements. Ce système représentait
effectivement l'inconvénient de n'apporter sur le plan législatif
aucune garantie au salarié souhaitant verser régulièrement
de l'argent sur son plan de retraite, l'employeur étant libre d'abonder
ou non.
Il apparaît cependant évident que les employeurs se seraient
engagés, dans l'accord collectif ou par une disposition de la
décision unilatérale, à abonder les versements de leurs
salariés.
d) La loi Thomas privilégierait les salariés les plus aisés
Les
incitations fiscales mises en place pour les versements ont été
particulièrement critiquées.
Cette critique est souvent un prétexte à l'inaction en France.
Elle repose sur le constat que l'incitation fiscale (déduction
d'impôt) ne profite qu'à la moitié des ménages qui
paye l'impôt sur le revenu.
Par volonté de ne pas alourdir à l'excès le texte
législatif, un grand nombre de dispositions d'application relevait du
pouvoir réglementaire. La loi se trouvait ainsi inapplicable, en
l'absence de ces décrets. Au moment de l'entrée en fonctions du
nouveau Gouvernement, issu des élections de mai-juin 1997, ces
dispositions étaient pour la plupart déjà
rédigées.
Au-delà du texte même de la loi et de ses décrets
d'application, la pratique et le bon sens auraient apaisé les craintes
suscitées par la loi Thomas.
Le Gouvernement ne s'est toujours pas résolu à rendre possible la
constitution d'une épargne retraite, en adoptant une position de statu
quo : ni abrogation, ni application.