Projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2000
MACHET (Jacques)
RAPPORT 58 (1999-2000), Tome 2 - Commission des Affaires sociales
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Table des matières
- TRAVAUX DE LA COMMISSION
- AVANT-PROPOS
N° 58
SÉNAT
SESSION ORDINAIRE DE 1999-2000
Annexe au procès-verbal de la séance du 9 novembre 1999
RAPPORT
FAIT
au nom de la commission des Affaires sociales (1) sur le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2000 , ADOPTÉ PAR L'ASSEMBLÉE NATIONALE,
TOME
II
FAMILLE
Par M. Jacques MACHET,
Sénateur.
(1)
Cette commission est composée de :
MM. Jean Delaneau,
président
; Jacques Bimbenet, Louis Boyer, Mme Marie-Madeleine
Dieulangard, MM. Guy Fischer, Jean-Louis Lorrain, Louis Souvet,
vice-présidents
;
Mme Annick Bocandé, MM. Charles
Descours, Alain Gournac, Roland Huguet,
secrétaires
; Henri
d'Attilio, François Autain, Paul Blanc, Mme Nicole Borvo, MM.
Jean-Pierre Cantegrit, Bernard Cazeau, Gilbert Chabroux, Jean Chérioux,
Philippe Darniche, Christian Demuynck, Claude Domeizel, Jacques Dominati,
Michel Esneu, Alfred Foy, Serge Franchis, Francis Giraud, Claude Huriet,
André Jourdain, Philippe Labeyrie, Roger Lagorsse, Dominique Larifla,
Henri Le Breton, Dominique Leclerc, Marcel Lesbros, Jacques Machet, Georges
Mouly, Lucien Neuwirth, Philippe Nogrix, Mme Nelly Olin, MM. Lylian Payet,
André Pourny, Mme Gisèle Printz, MM. Henri de Raincourt,
Bernard Seillier, Martial Taugourdeau, Alain Vasselle, Paul Vergès,
André Vezinhet, Guy Vissac.
Voir
les numéros :
Assemblée nationale
(
11
ème législ.) :
1835
,
1873
,
1876
et T.A.
368
.
Sénat
:
40
(1999-2000).
Sécurité sociale. |
TRAVAUX DE LA COMMISSION
I. AUDITION DE MME NICOLE PRUD'HOMME, PRÉSIDENTE DE LA CAISSE NATIONALE D'ALLOCATIONS FAMILIALES (CNAF), ACCOMPAGNÉE DE M. PHILIPPE STECK, DIRECTEUR DES PRESTATIONS FAMILIALES
Réunie le mercredi 13 octobre 1999, sous la
présidence de M. Jean Louis Lorrain, vice-président, la
commission a entamé son programme d'
auditions
sur le
projet de
loi de financement de la sécurité sociale pour 2000.
La commission a tout d'abord entendu
Mme Nicole Prud'homme,
présidente de la caisse nationale d'allocations familiales (CNAF),
accompagnée de M. Philippe Steck, directeur des prestations
familiales.
Evoquant la situation de la branche famille,
Mme Nicole Prud'homme
a
fait part de deux motifs de satisfaction : d'une part, le retour à
l'excédent, d'autre part, l'achèvement prochain de la
modernisation informatique de la gestion, grâce au système
" crystal ". Elle a souhaité que cette modernisation
informatique puisse s'accompagner d'une modernisation plus profonde des
méthodes de travail au sein des différentes caisses de la
branche, afin d'améliorer l'efficacité et la qualité du
service rendu au public.
Mme Nicole Prud'homme
a rappelé que les caisses d'allocations
familiales devaient répondre aux attentes à la fois des familles
et des plus démunis. Soulignant que les caisses d'allocations familiales
(CAF) étaient quotidiennement confrontées à la
précarité, elle a indiqué que 40 % des allocataires
n'étaient pas chargés de famille, que 30 % ne vivaient que
grâce aux prestations versées par la branche et que 40 % ne
franchissaient le seuil de pauvreté que grâce à ces
prestations. Après avoir déclaré que les CAF se devaient
naturellement de répondre à cette demande, elle a souligné
que la branche famille ne pourrait pas continuer à porter
indéfiniment la misère du monde et a formulé le souhait
qu'on allège quelque peu son fardeau.
Mme Nicole Prud'homme
a fait observer qu'il était
également nécessaire d'informer de manière claire et
précise les allocataires. Elle a considéré que les 15.000
règles de droit en vigueur pour la branche famille provoquaient des
dysfonctionnements, comme les caisses d'Ile-de-France en avaient subis au cours
de l'été, et dont la presse s'était largement fait
l'écho.
Elle a expliqué que les difficultés qui avaient été
observées en Ile-de-France provenaient à la fois de la
complexité de la législation, d'un afflux de demandes
liées à l'extension au premier enfant de l'allocation de
rentrée scolaire, à l'insuffisance en personnels formés au
nouveau système informatique " crystal " et au congé
annuel d'été. Elle a souligné que le conseil
d'administration de la Caisse nationale d'allocations familiales (CNAF) avait
réagi rapidement en affectant des renforts de personnels d'autres
caisses qui étaient venus appuyer les personnels des caisses
d'Ile-de-France. Elle a fait valoir qu'il y avait eu des retards, mais jamais
de ruptures de paiement, et que les CAF s'étaient toujours
efforcées de servir les plus démunis en priorité. Elle a
souligné que ces difficultés étaient désormais en
cours de règlement.
M. Charles Descours, rapporteur,
a souhaité savoir quel avait
été l'avis du conseil d'administration de la CNAF sur l'article 2
du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2000
qui prévoyait un prélèvement de 1 milliard de francs sur
la branche famille pour financer les 35 heures. Il s'est interrogé sur
l'utilisation qui devait être faite des excédents à venir
de la branche famille et a souhaité savoir si le système
" crystal " était compatible avec le système
informatique " Racine " mis en place à l'ACOSS. Il a enfin
demandé si les comptes de la branche famille étaient
établis en encaissements/décaissements ou en droits
constatés.
En réponse à M. Charles Descours,
Mme Nicole Prud'homme
a
rappelé que le conseil d'administration de la Caisse nationale
d'allocations familiales (CNAF) avait voté contre le projet de loi de
financement de la sécurité sociale, à l'exception de
l'Union nationale des associations familiales (UNAF), qui avait émis un
vote favorable. Elle a précisé que ce vote négatif
était essentiellement motivé par l'article 2 du projet de loi qui
avait fait l'objet d'un rejet unanime des membres du conseil d'administration,
y compris les représentants de l'UNAF.
S'agissant de l'excédent à venir de la branche famille,
Mme
Nicole Prud'homme
a considéré que ce dernier se voyait
quasiment préaffecté à la pérennisation de la
majoration de l'allocation de rentrée scolaire (MARS) qui
représenterait à terme une charge de 7,2 milliards de francs
par an pour la branche famille. Elle a souligné que la prise en charge
de la MARS par la branche famille à hauteur de 2,5 milliards de francs
en 2000 n'était compensée que par la prise en charge par l'Etat
du fond d'action sociale pour les travailleurs immigrés et leurs
familles (FASTIF), pour un montant annuel de 1 milliard de francs, ce qui
laissait une charge nette de 1,5 milliard de francs à la branche famille.
M. Philippe Steck, directeur des prestations familiales,
a
précisé que les comptes 1999 de la branche étaient
établis en encaissements/décaissements et seraient
vraisemblablement établis en droits constatés en 2000. Il a
estimé qu'il semblait n'y avoir aucune incompatibilité entre
" crystal " et " racine " dans la mesure où la
gestion par ces systèmes informatiques des deux dossiers communs que
constituait le versement de l'allocation pour la garde d'enfant à
domicile (AGED) et de l'aide à la famille pour l'emploi d'une assistante
maternelle agréée (AFEAMA) n'avait jusqu'à présent
suscité aucune difficulté.
M. Jacques Machet, rapporteur,
a souhaité savoir quelle
appréciation portait le conseil d'administration de la CNAF sur les
mesures annoncées par le Gouvernement lors de la Conférence de la
famille de juillet dernier et dont certaines trouvaient leur traduction dans le
projet de loi de financement de la sécurité sociale. Il a
demandé si la CNAF avait été associée à la
décision concernant le prélèvement de 1 milliard de francs
sur la branche famille pour alimenter le fonds de financement de la
réforme des cotisations patronales de sécurité sociale. Il
a souhaité savoir comment ce montant avait été
évalué et s'il figurait également parmi les recettes de la
branche famille dans les comptes " tendanciels " de l'année
2000 établis par la commission de comptes de la sécurité
sociale.
M. Jacques Machet, rapporteur,
a interrogé Mme Nicole
Prud'homme
sur ce que devaient être, selon elle, les prochains
axes d'action prioritaires en matière de politique familiale. Il a enfin
souhaité savoir quel est le degré d'avancement de la
réforme du système de calcul de la prestation de service
" accueil collectif ", versée aux crèches par les
caisses d'allocations familiales.
En réponse à M. Jacques Machet,
Mme Nicole Prud'homme
a
détaillé les différentes mesures relatives à la
branche famille prévues par le projet de loi de financement de la
sécurité sociale pour 2000. Elle a estimé que
l'augmentation de 250 millions de francs des moyens affectés au
fonds national d'action sociale (FNAS) était un élément
positif même si la progression importante de 5,2 % ainsi
accordée était inférieure aux augmentations
enregistrées les années précédentes.
Elle a jugé que la revalorisation de la base mensuelle de calcul des
allocations familiales (BMAF) annoncée pour l'an 2000 constituait un
coup de pouce intéressant même si certains membres du conseil
d'administration de la CNAF avaient trouvé ce geste insuffisant.
Evoquant la nouvelle garantie de ressources dont bénéficiera la
branche famille,
Mme Nicole Prud'homme
a indiqué que les
appréciations portées sur ce dispositif étaient
contrastées au sein du conseil d'administration de la CNAF dans la
mesure où beaucoup de ses membres s'interrogeaient sur
l'efficacité réelle du mécanisme proposé. Elle a
fait observer que la base de référence choisie pour cette
garantie de ressources -l'année 1997- était la plus
défavorable pour la branche famille.
S'agissant du prélèvement de 1 milliard de francs sur la branche
famille pour alimenter le fonds de financement de la réforme des
cotisations patronales de sécurité sociale, elle a
précisé que la CNAF avait été informée, mais
pas associée à cette décision, et qu'elle n'était
pas en mesure d'indiquer comment le montant de 1 milliard de francs avait
été évalué et si ce montant figurait parmi les
recettes de la branche dans les comptes " tendanciels " de
l'année 2000 établis par la commission des comptes de la
sécurité sociale.
S'agissant des axes d'actions prioritaires en matière de politique
familiale,
Mme Nicole Prud'homme
a souligné que les avis
étaient très partagés au sein du conseil d'administration
de la CNAF. Elle a jugé qu'il convenait d'aider les familles à
accueillir les enfants dans de bonnes conditions, ce qui supposait une
réflexion globale portant sur des aspects tant démographiques
qu'économiques.
Elle a indiqué que le conseil d'administration souhaitait que les
prestations familiales évoluent au moins comme le coût de la vie,
et que les modes de garde de la petite enfance soient les plus divers
possibles. Après avoir précisé qu'il ne fallait pas
privilégier tel ou tel mode de garde, elle a formulé le souhait
que l'on ne néglige pas la situation des personnes qui souhaitent
arrêter momentanément leur activité professionnelle pour
élever leurs enfants. Elle a souligné qu'il convenait de
s'interroger sur un éventuel assouplissement de l'allocation parentale
d'éducation (APE).
Après avoir insisté sur l'importance des aides à la
parentalité,
Mme Nicole Prud'homme
a considéré
que la question du logement devait également constituer un axe
prioritaire d'action : il convenait de faire en sorte que toutes les
familles puissent élever leurs enfants dans de décentes
conditions de logement. S'agissant de la réforme du système de
calcul de la prestation de services " accueil collectif ",
versée aux crèches par les allocations familiales, elle a
indiqué qu'il s'agissait là d'une oeuvre de longue haleine, qui
faisait l'objet de fortes controverses.
M. Alain Gournac
a rendu hommage à l'action menée par la
CAF des Yvelines. Il s'est dit favorable à une évolution des
modes de garde collectifs par le développement de
haltes-garderies-crèches et par une ouverture plus large de ces
établissements en termes d'horaires. Il a souhaité savoir quels
moyens seraient affectés au développement des contrats-temps
libre. Il a mis l'accent sur les difficultés que pouvaient parfois
susciter les procédures de recouvrement de trop-perçus
menées par les caisses d'allocations familiales.
M. Gilbert Chabroux
s'est félicité de l'excédent de
la branche famille et a rappelé les progrès ainsi accomplis
depuis 1994. Il a souhaité connaître les propositions de la CNAF
pour simplifier les règles de droit en matière de prestations
familiales. Il a souligné les difficultés de réinsertion
professionnelle que connaissaient les femmes à l'issue de la
période pendant laquelle elles avaient bénéficié de
l'allocation parentale d'éducation (APE). Il a exprimé la crainte
qu'un prolongement de la durée de l'APE ne se traduise par des
difficultés de réinsertion accrues. Se félicitant de
l'augmentation des moyens accordés au fonds d'action sociale de la
branche famille, il a relevé que les prestations représentaient
95 % des dépenses de la branche et l'action sociale seulement
5 %. Il a souhaité par conséquent un meilleur
équilibre entre les prestations et l'action sociale au sein des
dépenses de la branche famille.
Mme Gisèle Printz
a souligné les risques d'éviction
du marché du travail que comportait une allocation parentale
d'éducation prolongée.
M. Louis Souvet
s'est interrogé sur le montant des
rentrées de cotisations sociales supplémentaires
éventuellement générées par la loi sur les 35
heures. Il a regretté que les CAF soient conduites à fermer
certaines haltes-garderies et a souhaité une uniformisation des
règles régissant les crèches et les haltes-garderies.
En réponse aux différents intervenants,
Mme Nicole Prud'homme
a rappelé que l'APE était aujourd'hui versée pendant
les trois premières années de l'enfant. Elle a jugé qu'il
convenait de réfléchir non à un prolongement de la
durée de cette allocation, mais à un prolongement de la
période pendant laquelle elle pouvait être demandée. Elle a
souligné qu'une réflexion était nécessaire sur les
conditions de reprise du travail à l'issue de l'APE.
Mme Nicole Prud'homme
a rappelé que la convention d'objectifs et
de gestion signée par la CNAF prévoyait que les CAF se
désengageraient progressivement de la gestion directe des
haltes-garderies et des crèches. Elle a considéré qu'il
conviendrait d'instituer une forme de sas entre la crèche et
l'école, du type jardin d'enfant, afin d'éviter une rupture trop
brutale.
Evoquant la nécessaire simplification des règles de droit
applicables aux prestations familiales,
Mme Nicole Prud'homme
a
suggéré qu'une mission parlementaire se consacre à cette
tâche. Elle a fait valoir que les services de la CNAF avaient d'ores et
déjà travaillé sur cette question et formulé un
certain nombre de propositions. Elle a ajouté que la CNAF était
prête à participer activement à toute tentative de
réforme de la législation. Elle a ajouté que la seconde
loi 35 heures allait obliger les crèches à
réfléchir à leurs horaires d'ouverture.
M. Philippe Steck, directeur des prestations familiales,
a
précisé que le recouvrement des indus représentait un
montant annuel de 11 milliards de francs et que le système de
récupération serait amélioré en 2001. Il a
considéré qu'il convenait effectivement de
rééquilibrer le rapport entre l'action sociale et les prestations
au sein des dépenses de la branche famille. Il a rappelé que le
projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2000
allait précisément dans le sens d'un rééquilibrage
dans la mesure où la dotation du fonds d'action sociale progressait de
5,2 %, tandis que les prestations familiales n'augmentaient que de
0,5 %.
M. Philippe Steck, directeur des prestations familiales,
a
rappelé que les femmes sortant du dispositif de l'APE retrouvaient une
activité professionnelle si elles avaient effectivement quitté un
emploi pour bénéficier de l'APE. Il s'est interrogé sur la
nécessité d'un éventuel durcissement des conditions
d'accès à l'APE, afin d'éviter aux femmes une
éviction durable du marché du travail.
Il a considéré que la politique de développement des
crèches avait connu plusieurs phases : tout d'abord, l'augmentation
de l'offre quantitative, ensuite, l'amélioration de la
qualité ; il a jugé que l'on était sans doute
à la veille d'une nouvelle phase, caractérisée par une
souplesse accrue afin de s'adapter à la diversité des situations
familiales.
II. AUDITION DE M. PIERRE-LOUIS RÉMY, DÉLÉGUÉ INTERMINISTÉRIEL À LA FAMILLE
Enfin, la commission a procédé à
l'audition
de
M. Pierre-Louis Rémy, délégué
interministériel à la famille.
M. Pierre-Louis Rémy
a rappelé que la
délégation interministérielle à la famille avait
été instituée par un décret du 28 juillet 1998 et
résultait d'une décision prise par le Gouvernement à
l'occasion de la Conférence de la famille de 1998. Il a
précisé que cette délégation avait pour mission de
coordonner l'action des différents ministères en faveur de la
famille. La délégation était par conséquent
composée d'une dizaine de personnes issues de différents
ministères.
M. Pierre-Louis Rémy
a expliqué que la
délégation s'efforçait de développer des relations
de confiance avec les collectivités locales, le mouvement familial, les
réseaux associatifs et les organisations syndicales et professionnelles.
M. Jacques Machet, rapporteur,
a interrogé M. Pierre-Louis
Rémy sur le bilan qu'il dressait de l'action qu'il avait menée
depuis sa prise de fonctions. Il a souhaité connaître le contenu
des propositions formulées par la délégation et les
principaux axes de sa réflexion. Il s'est interrogé sur
l'utilisation qui devait être faite des excédents à venir
de la branche famille.
En réponse à M. Jacques Machet, rapporteur,
M. Pierre-Louis
Rémy
a indiqué qu'il s'était efforcé de faire
progresser le travail interministériel sur la famille. Il a cité,
à titre d'exemple, le travail de réflexion mené avec le
ministère de la justice sur le droit de la famille, les actions
engagées avec le ministère de l'éducation nationale sur le
rôle des parents dans la vie scolaire, l'intégration d'un volet
consacré à la famille dans les contrats ville, le prolongement de
20 à 21 ans de l'âge limite d'ouverture du droit aux aides au
logement et l'introduction dans la seconde loi relative à la
réduction du temps de travail de mesures favorables à la vie
familiale.
Après avoir précisé que la délégation
interministérielle à la famille avait également
oeuvré au développement des réseaux d'aide et d'appui
à la fonction parentale,
M. Pierre-Louis Rémy
a
souligné que la délégation était chargée de
préparer les décisions annoncées lors de la
Conférence de la famille.
Affirmant que les deux préoccupations de la délégation
étaient de reconnaître et d'aider les familles,
M. Pierre-Louis
Rémy
a évoqué les quatre objectifs principaux de son
action : l'articulation entre vie familiale et vie professionnelle, le
développement des aides à la fonction parentale, la refonte des
aides au logement et les mesures en faveur des jeunes adultes.
Evoquant l'articulation entre vie familiale et professionnelle, dont il a
considéré quelle était la condition de
l'égalité professionnelle,
M. Pierre-Louis Rémy
a estimé que la seconde loi relative à la réduction du
temps de travail devait permettre un meilleur équilibre entre le temps
consacré au travail et le temps consacré à la famille. Il
a souligné que le projet de loi prévoyait un délai de
prévenance pour les modifications d'horaires, une amélioration
des possibilités de capitalisation de l'épargne-temps, un
assouplissement des conditions d'obtention du temps partiel et la
possibilité d'un refus des heures supplémentaires en cas de
raison familiale impérieuse. Evoquant le nécessaire
développement des services aux familles, développement qui devait
toutefois tenir compte des contraintes des collectivités locales,
M. Pierre-Louis Rémy
a indiqué qu'il oeuvrait en
faveur d'une meilleure cohérence des financements et des contributions
des parents et d'une adaptation aux besoins des familles et à
l'évolution du temps de travail.
S'agissant des aides à la fonction parentale,
M. Pierre-Louis
Rémy
a souligné qu'il travaillait à une action de
sensibilisation auprès des différents services de l'Etat et au
développement de réseaux locaux. Il a rappelé que le
Gouvernement préparait un projet de loi relatif au droit de la famille
qui serait déposé au Parlement au début de l'année
2001, à l'issue d'une très large concertation.
Evoquant la refonte des aides au logement,
M. Pierre-Louis Rémy
a
exprimé son souci de simplification, d'harmonisation et
d'amélioration.
S'agissant des actions en faveur des jeunes adultes, il a rappelé que le
projet de loi de financement de la sécurité sociale comportait
une mesure importante : le report de 20 à 21 ans de
l'âge limite d'ouverture du droit au complément familial et aux
aides au logement.
M. Pierre-Louis Rémy
a conclu en indiquant que la
délégation s'efforçait d'examiner d'une manière
globale les problèmes des familles, selon une approche très
concrète et la plus partenariale possible. Il a considéré
que la situation financière de la branche famille permettait de faire
preuve d'imagination dans la mesure où toutes les actions
évoquées exigeaient des moyens.
M. Jacques Machet, rapporteur,
a demandé à M. Pierre-Louis
Rémy s'il avait véritablement le sentiment que son action avait
débouché sur des améliorations concrètes pour les
familles.
M. Pierre-Louis Rémy
a souligné que le travail qu'il
menait était difficile en raison de son caractère
interministériel ; il a considéré que l'action qu'il
menait commençait à produire des résultats tangibles. Il a
cité, comme exemple du rôle très positif joué par la
délégation, la sortie prochaine d'un décret sur
l'organisation des modes de garde, décret qui était attendu
depuis maintenant quinze ans. Il a précisé qu'il
s'efforçait de mobiliser des acteurs de terrain grâce à un
important travail d'animation dont on pouvait commencer à percevoir les
effets ; il a souligné que les projets territoriaux
préparés par les préfets comportaient ainsi de plus en
plus souvent un volet famille.
Mme Marie-Madeleine Dieulangard
s'est dite convaincue de
l'efficacité de la démarche initiée par la
délégation interministérielle à la famille. Faisant
observer que le coût des crèches pour les collectivités
locales avait fortement augmenté en raison des normes d'encadrement
sévères qui les régissaient, elle a
considéré qu'il convenait de trouver un équilibre entre
des exigences sanitaires nécessaires et le souci d'un coût
acceptable. Elle s'est interrogée sur la manière dont on pouvait
favoriser le retour à l'emploi des femmes qui auraient opté pour
un congé parental ou le bénéfice de l'allocation parentale
d'éducation.
M. Gilbert Chabroux
a jugé indispensable l'action menée
par la délégation interministérielle à la famille,
dont il a approuvé les orientations. Il a considéré que la
délégation avait permis de rétablir le dialogue entre le
mouvement familial et le Gouvernement. Soulignant que Mme Nicole
Prud'homme, présidente de la CNAF, avait, lors de son audition par la
commission, mis en lumière les dysfonctionnements induits par la
complexité des règles régissant les prestations
familiales, il a souhaité savoir si la délégation
interministérielle à la famille était en mesure de
formuler des propositions de simplification.
Après avoir rappelé l'importance de l'accession à la
propriété pour beaucoup de familles,
M. Michel Esneu
s'est
interrogé sur les dispositifs qu'il faudrait mettre en place pour
répondre à cette demande.
En réponse aux différents intervenants,
M. Pierre-Louis
Rémy
a indiqué qu'il espérait que le décret qui
devait être prochainement publié sur l'organisation des modes de
garde répondrait aux attentes de simplification des normes sans remettre
en question la qualité du service offert aux enfants et à leurs
familles. Il a expliqué qu'il avait souhaité que les
établissements chargés de l'accueil de la petite enfance
répondent à des exigences sanitaires moins sévères
et obéissent à des objectifs plus éducatifs. Il a
jugé que le système de prise en charge de la petite enfance
devait évoluer en fonction des nouvelles conditions du temps de travail,
caractérisées dans certains secteurs par le recours à des
horaires décalés.
Evoquant le retour à l'emploi des femmes ayant opté pour un
congé parental, il a souhaité que l'Agence nationale pour
l'emploi (ANPE) joue un rôle pivot dans une procédure de nouveau
départ qui permette une meilleure réinsertion professionnelle de
ces personnes. Il a également formulé le souhait que les
régions, qui financent la formation professionnelle, participent
à cet effort.
M. Pierre-Louis Rémy
a rappelé que la
complexité de notre système de prestations familiales provenait
de la multiplicité des objectifs qui lui étaient assignés.
Il a jugé que les aides au logement et les aides à la petite
enfance devaient constituer un chantier prioritaire en matière de
simplification.
Evoquant l'accession sociale à la propriété, il a
souligné que le Gouvernement venait de décider de mesures
importantes qui constituaient de réelles avancées, tels la baisse
des droits de mutation et le report de 20 à 21 ans de l'âge
limite d'ouverture du droit aux aides au logement.
AVANT-PROPOS
Mesdames, Messieurs,
Les perspectives de la branche famille pour l'année 2000 devraient
constituer, pour votre rapporteur, un motif de satisfaction : le retour
à une situation structurellement excédentaire permet d'envisager
l'avenir avec confiance et d'afficher de nouvelles ambitions pour la famille.
C'est pourtant un sentiment de déception et d'inquiétude qui
l'emporte : cette situation favorable ne profitera en rien aux familles,
ni à celles d'aujourd'hui, ni à celles de demain.
Renouant avec des pratiques qu'on croyait pourtant révolues et bafouant
le principe de la séparation des branches de la sécurité
sociale, le Gouvernement confisque à la branche famille ses
excédents et affecte une partie de ses ressources au financement, en
apparence, du fonds de réserve pour les retraites, en
réalité, des " 35 heures ".
Dès lors, les moyens consacrés à des mesures nouvelles en
faveur des familles apparaissent fatalement limités et trahissent le
manque d'ambition qui caractérise la politique familiale menée
par le Gouvernement.
La juxtaposition de simples mesures techniques d'aménagement, de
consolidation, d'ouvertures de chantiers ne saurait remplacer un plan ou un
engagement à moyen ou long terme et ne traduit que l'absence d'un
engagement politique fort.
Dans ces conditions, comment ne pas être sceptique devant les projets du
Gouvernement de favoriser un
" renouveau de la politique
familiale "
? L'heure semble être plutôt au
" recyclage " des excédents de la branche famille qu'à
la nécessaire relance de notre politique familiale, que le Sénat
appelle pourtant de ses voeux.
Pour sa part, notre Haute Assemblée a souhaité solennellement
rappeler, à l'occasion de l'examen, en juin dernier, d'une proposition
de loi relative à la famille, déposée par les quatre
présidents de groupe de la majorité sénatoriale -MM. Jean
Arthuis (UC - Mayenne), Guy Cabanel (RDSE - Isère), Henri de Raincourt
(RI - Yonne) et Josselin de Rohan (RPR - Morbihan)-, tout l'attachement qu'il
portait à une politique familiale ambitieuse, à même de
préserver la cohésion sociale et le dynamisme de notre pays.
I. LA BRANCHE FAMILLE EN 2000 : UN INSTRUMENT DE DÉBUDGÉTISATION
A. UN EXCÉDENT " SPONTANÉ " DE 6 MILLIARDS DE FRANCS EN 2000
1. Des comptes peu transparents
L'analyse des comptes de la branche famille
présentés
à la Commission des comptes de la sécurité sociale et sur
lesquels s'appuie le projet de loi de financement de la sécurité
sociale 2000 est rendue malaisée par quatre difficultés
méthodologiques majeures :
- le maintien d'une comptabilité en
encaissements-décaissements ;
- la traditionnelle majoration de l'allocation de rentrée
scolaire ;
- la modification du mode d'affectation des recettes ;
- l'existence de comptes qui ne sont ni spontanés, ni tendanciels,
ni prévisionnels.
•
Le maintien d'une comptabilité en
encaissements-décaissements ;
Comme l'a souligné la Cour des comptes, l'application du principe de
comptabilisation en droits constatés aux opérations des
organismes de la sécurité sociale constitue
" un
progrès -dans la voie de la clarification des comptes de la
sécurité sociale- dont il importe de souligner
l'importance "
1(
*
)
Comme l'a montré notre collègue M. Charles Descours dans son
rapport sur les lois de financement de la sécurité
sociale
2(
*
)
, la comptabilisation des droits
constatés présente en effet quatre avantages :
1. un résultat indépendant des événements
venant perturber le règlement des cotisations ou le paiement des
prestations ;
2. une étape importante vers l'harmonisation des
comptabilités et des méthodes comptables de l'ensemble des
régimes ;
Encaissements-décaissements et droits
constatés :
les deux principes de comptabilisation
Une
comptabilité en
encaissements-décaissements
consiste
à n'enregistrer les opérations qu'à partir du moment
où celles-ci sont recouvrées (cotisations) ou payées
(prestations).
Pour résumer, une comptabilité en
encaissements-décaissements est une comptabilité de
trésorerie.
Une comptabilité en
droits constatés
consiste à
rattacher à un exercice les dépenses et les recettes dès
la naissance du fait générateur. En fin d'exercice, les
opérations qui ont pris naissance dans l'année mais qui n'ont pas
donné lieu à encaissement ou paiement sont rattachées
à l'exercice comptable sous forme de produits à recevoir
(créances), de provisions ou de charges à payer (dettes).
Pour résumer, une comptabilité en droits constatés est une
comptabilité de créances et de dettes.
Avant la réforme, les comptes des caisses du régime
général étaient en encaissements-décaissements.
Néanmoins, elles utilisaient déjà, pour certaines
opérations, la technique des droits constatés (exemple de
certaines avances ou compensations de l'Etat).
En revanche, les régimes complémentaires et les compagnies
d'assurance étaient déjà en droits constatés.
3. un cadre comptable similaire pour l'ensemble des régimes, les
régimes complémentaires et les mutuelles ;
4. une transparence financière entre les différents
acteurs de la sécurité sociale, puisque les droits
constatés font apparaître les créances et les dettes
respectives de chacun.
Le décret n° 96-448 du 23 mai 1996 a officialisé la
comptabilisation en droits constatés dans les organismes du
régime général à compter du
1
er
janvier 1996. Cette réforme a été
étendue aux autres régimes à partir du
1
er
janvier 1997.
Pourtant, cette année encore, les comptes soumis à la
Commission des comptes de la sécurité sociale, comme le projet de
loi de financement de la sécurité sociale, sont établis en
encaissements-décaissements.
Comme le rappelle M. François Monier, secrétaire
général de la Commission des comptes de la sécurité
sociale, dans l'avant-propos du rapport de septembre 1999,
" le projet
de faire basculer les travaux de la Commission en comptabilité de droits
constatés, qui avait été annoncé il y a un an, n'a
pu être mené à bien en 1999, faute de moyens dans les
services de l'administration. Il se trouve donc reporté. "
M.
Monier ajoute :
" Cette situation ne saurait durer très
longtemps. "
Votre rapporteur ne peut qu'approuver ce jugement et demeure
persuadé, comme le secrétaire général de la
Commission des comptes, que l'achèvement de la réforme des droits
constatés par son application aux comptes de la sécurité
sociale constitue un objectif prioritaire.
Le maintien des comptes de la sécurité sociale en
encaissements-décaissements demande en effet la production de tables de
passage qui, selon les termes mêmes du secrétaire
général de la Commission des comptes,
" risquent de
fournir des estimations d'une qualité décroissante au cours du
temps ".
•
La majoration de l'allocation de rentrée
scolaire
L'analyse de l'évolution des recettes et des dépenses de la
branche famille se heurte traditionnellement au problème soulevé
par le mode de comptabilisation de la majoration de l'allocation de
rentrée scolaire (ARS).
L'Etat procède en effet à la majoration systématique de
l'ARS depuis quelques années. Cette majoration est versée par la
branche famille et théoriquement compensée par l'Etat. Cette
majoration n'est pourtant jamais acquise et son montant varie d'année en
année : elle n'est donc pas comptabilisée dans les
prévisions de dépenses figurant dans le rapport de la Commission
des comptes de la sécurité sociale.
L'impact de cette majoration rend donc difficile l'analyse des
évolutions de recettes et de dépenses d'une année sur
l'autre. Comme le souligne de manière répétée le
rapport de la Commission des comptes, "
les variations du montant de la
majoration d'ARS et sa prise en charge partielle ou totale par l'Etat
perturbent assez fortement la structure du compte ".
Pour avoir une idée plus précise de l'évolution des
comptes de la branche famille, il faut donc parfois " neutraliser "
l'impact de la majoration d'ARS. On peut d'ailleurs se demander quelle
signification revêt pour le Parlement le vote d'un objectif de
dépenses pour la branche famille qui n'intègre pas cette
majoration : cette dernière étant devenue quasiment
systématique à l'occasion de chaque rentrée scolaire,
l'objectif de dépenses est fatalement dépassé de plusieurs
milliards. Toutefois, si cette majoration est intégralement
compensée par l'Etat, le solde final de la branche n'en est pas
affecté, sous réserve de l'impact en trésorerie des
retards de remboursement...
La difficulté de l'analyse sera encore accrue en 2000 puisque le
Gouvernement a décidé la prise en charge par la branche famille,
à hauteur de 2,5 milliards de francs, d'une partie du coût de la
MARS qui sera accordée à la rentrée scolaire 2000. Les
dépenses prévisionnelles de la branche famille en 2000, telles
que les prévoit le rapport de la Commission des comptes,
intègrent donc une augmentation de 2,5 milliards de francs des
dépenses au titre de l'ARS.
•
La modification du mode d'affectation des recettes
L'affectation des recettes entre les différentes branches du
régime général et les organismes concourant à leur
financement (FSV, CADES) s'effectuait avant 1998 au niveau central de l'ACOSS
selon des clefs de répartition au caractère parfois un peu
arbitraire.
Cette affectation est désormais réalisée selon le
système RACINE qui ventile à la source -au niveau des URSSAF- les
recettes de la sécurité sociale.
Cette modification introduit une rupture dans la série des encaissements
recensés, ce qui rend non significatives les évolutions entre
1997 et 1998 et rend difficile la compréhension du niveau même de
ces encaissements.
La branche famille a été relativement pénalisée par
ce nouveau mode d'affectation des recettes. Si l'on compare les encaissements
dont elle aurait bénéficié avec l'ancien système et
les sommes qui lui sont aujourd'hui affectées, la branche famille perd
2,5 milliards de francs pour l'année 1998.
|
Répartition comptable RACINE |
Attributions forfaitaires
|
|
||
|
Montant
|
% |
Montant
|
% |
Ecart (milliards de francs |
CNAF |
163,637 |
15,14 |
166,139 |
15,36 |
- 2,502 |
•
Des comptes qui ne sont ni spontanés, ni tendanciels, ni
prévisionnels
Les comptes présentés, en septembre 1999, à la Commission
des comptes de la sécurité sociale pour l'année 1999
constituent des prévisions. Ils intègrent les informations
disponibles au début du mois de septembre sur les différents
régimes.
Comme le souligne le rapport de la Commission des comptes,
" la
nature des comptes établis pour l'an 2000 est différente. Ce ne
sont pas à proprement parler des prévisions puisqu'ils
n'intègrent pas, par construction, les mesures de la loi de financement
dont plusieurs auront un impact sensible sur les soldes des régimes. Ce
ne sont pas non plus exactement des comptes " tendanciels " qui
correspondraient à une projection spontanée fondée sur
l'application stricte de la réglementation en vigueur, l'analyse des
évolutions passées et l'estimation de l'impact des mesures
déjà connues ".
S'agissant de la branche famille, cette pratique un peu floue conduit ainsi le
rapport de la Commission des comptes à tenir compte pour 2000 d'un
certain nombre d'hypothèses qui s'avèrent d'ores et
déjà erronées. Les comptes de la branche famille
publiés par la Commission des comptes de la sécurité
sociale et sur lesquels s'appuie le projet de loi de financement de la
sécurité sociale 2000 n'ont donc aucune signification
réelle.
L'ensemble des éléments qui viennent d'être
évoqués contribuent à une certaine opacité des
comptes de la branche famille, opacité qui permet au Gouvernement de
choisir la présentation des comptes qu'il juge la plus avantageuse.
La première tâche de votre rapporteur consiste donc à
examiner et à retraiter les comptes de la branche famille fournis par le
Gouvernement, afin d'obtenir une image de la situation de cette branche plus
sincère et plus conforme à la réalité.
2. Une situation améliorée en 1999
Après avoir été longtemps
excédentaire,
la branche famille connaissait depuis 1994 des déficits
importants : 10,5 milliards de francs, en 1994, 38,9 milliards de francs
en 1995
3(
*
)
, 9,7 milliards de francs en 1996,
14 milliards de francs en 1997, 1,9 milliard de francs en 1998.
Les comptes prévisionnels de la Commission des comptes de la
sécurité sociale de septembre 1999 font en revanche
apparaître
une nette amélioration du solde de la branche
famille qui s'établirait à + 3,26 milliards de francs
en 1999.
Votre rapporteur tient à rappeler à cette occasion que la branche
famille a connu jusqu'en 1993 des excédents réguliers -de 10,7
milliards de francs en 1993, par exemple- qui ont souvent permis de financer
les déficits des branches vieillesse et maladie. L'excédent
structurel que connaissait alors la branche famille a longtemps servi d'alibi
aux prélèvements de toutes sortes qui ont été
effectués à ses dépens. La séparation des branches
de la sécurité sociale et l'obligation de l'équilibre
financier de chacune d'elles, prévue par la loi n° 94-637 du
25 juillet 1994 relative à la sécurité sociale, sont
intervenues au moment même où la situation de la branche famille
connaissait les premières difficultés.
Pour 1998, les résultats définitifs de la branche famille
présentés dans le rapport de la Commission des comptes de la
sécurité sociale de septembre 1999 font
apparaître
un déficit de 1,9 milliard de francs pour 1998 avec 254,4 milliards
de francs de dépenses pour 252,5 milliards de francs de recettes.
Comptes de la branche famille
(y compris majoration de
l'allocation de rentrée scolaire)
(en milliards de francs)
|
1998 (définitif) |
Evolution (1998/1997) |
1999 (prévisionnel) ) |
Evolution (1999/1998) |
|||||
Recettes |
252,543 |
+ 4,1 % |
269,385 |
+ 6,7 % |
|||||
Dépenses |
254,446 |
- 1,0 % |
266,126 |
+ 4,6 % |
|||||
Solde |
- 1,903 |
|
+ 3,259 |
|
Ces
résultats restent marqués par la modification de la structure des
encaissements qui fait suite au passage au système RACINE
précédemment évoqué et qui s'est traduite par une
perte de recettes de 2,5 milliards pour la branche famille.
Les dépenses en 1998 sont en diminution de 1 % par rapport à
1997. Cette évolution s'explique essentiellement par la mise sous
condition de ressources des allocations familiales, qui a entraîné
une diminution de 5 % de cette prestation en métropole, et par une
baisse importante de l'AGED (- 13,6 %) suite aux mesures
gouvernementales de diminution du montant de cette prestation. Le retour
à la normale du niveau de la prise en charge par la branche famille des
cotisations vieillesse des parents au foyer (AVPF) se traduit par une
diminution de 10,8 % de ce poste en 1998.
En 1999, la branche retrouverait un solde excédentaire
-3,26 milliards de francs- avec 269,4 milliards de francs de recettes
prévisionnelles et 266,1 milliards de francs de dépenses
prévisionnelles.
Les dépenses augmenteraient de 4,6 % en 1999 en raison
principalement du retour à l'universalité des allocations
familiales. L'aide à la famille pour l'emploi d'une assistante
maternelle agréée (AFEAMA) continuerait de progresser assez
rapidement du fait de la moindre attractivité de l'allocation de garde
d'enfant à domicile (AGED).
Les recettes devraient augmenter rapidement par rapport à 1998
(+ 6,7 %) en raison du remboursement par l'Etat, pour la
première fois, de l'allocation de parent isolé (API) pour un
montant de 4,1 milliards de francs.
Bénéficiaires tous régimes des prestations métropole et DOM depuis 1994
Nombre de bénéficiaires en milliers |
1994 |
1995 |
1996 |
1997 |
1998 |
Entretien des enfants |
|
|
|
|
|
Allocations familiales (AF) |
4.701 |
4.706 |
4.708 |
4.721 |
4.390 |
Complément familial " famille " (CF) |
1.040 |
1.036 |
953 |
937 |
938 |
Allocation de rentrée scolaire (ARS) |
3.038 |
3.059 |
3.075 |
3.066 |
3.129 |
Aide à la scolarité |
721 |
748 |
722 |
776 |
|
Naissance, jeune enfant |
|
|
|
|
|
Alloc. pour jeune enfant (APJE) |
|
|
|
|
|
dont APJE courte |
475 |
485 |
420 |
420 |
428 |
APJE longue |
1.292 |
1.167 |
1.128 |
1.071 |
1.068 |
Alloc. parentale d'éducation (APE) |
175 |
303 |
450 |
533 |
542 |
Alloc. de garde d'enfant à domicile (AGED) |
25 |
47 |
67 |
83 |
74 |
Aide emploi assistante maternelle (AFEAMA) |
273 |
326 |
384 |
437 |
487 |
Allocation d'adoption |
|
2 |
2 |
2 |
2 |
Monoparentalité |
|
|
|
|
|
Alloc. de parent isolé (API) |
169 |
164 |
163 |
164 |
163 |
Alloc. soutien familial (ASF) |
560 |
571 |
582 |
593 |
605 |
Autres |
|
|
|
|
|
Prestations hors métropole |
76 |
68 |
63 |
59 |
51 |
Allocation différentielle |
12 |
10 |
13 |
16 |
14 |
Logement (B) |
5.823 |
6.023 |
6.158 |
6.164 |
6.309 |
Alloc. logement familiale (ALF) |
1.137 |
1.159 |
1.158 |
1.175 |
1.206 |
Aide personnalisée au logement (APL) |
2.729 |
2.795 |
2.855 |
2.844 |
2.868 |
Alloc. logement social (ALS) |
1.956 |
2.069 |
2.145 |
2.155 |
2.235 |
Invalidité (C) |
|
|
|
|
|
Alloc. pour adultes handicapés (AAH) |
598 |
614 |
631 |
648 |
668 |
Complément d'AAH |
98 |
106 |
112 |
117 |
125 |
Alloc. d'éducation spéciale (AES) |
101 |
102 |
104 |
106 |
110 |
Précarité (D) |
|
|
|
|
|
Revenu minimum d'insertion (RMI) |
908 |
946 |
1.010 |
1.068 |
1.110 |
3. Un excédent " spontané " de 6 milliards de francs en 2000
La
situation de la branche famille en 2000 est bien meilleure que ce que fait
apparaître la présentation des comptes choisie par le
Gouvernement.
Selon le rapport de la Commission des comptes de la sécurité
sociale, les recettes atteindraient, en 2000, 268,194 milliards de francs
tandis que les dépenses s'élèveraient à 265,651
milliards de francs. La branche serait par conséquent
excédentaire de 2,543 milliards de francs.
Cet excédent serait ramené à 1,41 milliard de francs
après les différentes mesures nouvelles annoncées par le
Gouvernement et dont l'impact total est estimé à 1,14 milliard de
francs dans l'annexe C du projet de loi.
Cette présentation des comptes est largement biaisée :
elle ne reflète en rien la situation de la branche famille.
Ces estimations tiennent en effet compte d'un certain nombre
d'hypothèses qui affectent de manière très significative
les comptes de la branche, à la fois en recettes comme en
dépenses :
- la revalorisation au 1
er
janvier de la base mensuelle de
calcul des allocations familiales de + 0,2 %, compte tenu d'un
rattrapage négatif de - 0,5 % au titre de l'évolution
des prix de 1999 ;
- la prise en compte dans la limite de 2,5 milliards de francs, à
titre provisionnel, d'une majoration de l'allocation de rentrée scolaire
à la charge de la CNAF ;
- la prise en compte, à titre provisionnel, d'une contribution de
1,010 milliard de francs de la branche famille au financement de la
réduction du temps de travail.
Si la première hypothèse est traditionnelle, les deux autres
résultent de décisions gouvernementales qui n'avaient pas
vocation à être intégrées dans les prévisions
du rapport de la Commission des comptes. Il eût été en
effet plus orthodoxe que le Gouvernement distingue, d'une part,
l'évolution spontanée de la branche, d'autre part l'impact des
mesures nouvelles.
Si l'on souhaite avoir une idée de la situation de la branche plus
conforme à la réalité, il convient par conséquent
de
retraiter les comptes publiés dans le rapport de la Commission des
comptes.
Ce retraitement consiste à soustraire du montant des dépenses les
sommes relatives à la prise en charge de la MARS (2,5 milliards de
francs) et au financement de la réduction du temps de travail (1,01
milliard de francs).
On obtient alors un total de dépenses
" spontanées ", c'est-à-dire avant toute mesure
nouvelle décidée par le Gouvernement, de 262,141 milliards
de francs, soit, pour un montant de recettes inchangé, un solde
excédentaire de 6,053 milliards de francs.
Evolution
" spontanée " de la branche famille
(hors mesures nouvelles)
(en milliards de francs)
|
Année 2000 |
Evolution (2000/1999)(1) |
|||
Recettes |
268,194 |
+ 2,2 % |
|||
Dépenses |
262,141 |
+ 1,1 % |
|||
Solde |
+ 6,053 |
|
(1) hors majoration de l'allocation de rentrée scolaire (MARS)
Les
recettes enregistreraient une progression plus forte (+ 2,2 %) que
les dépenses (+ 1,1 %).
La présentation choisie par le rapport de la Commission des comptes et
le Gouvernement poursuit en réalité un triple objectif :
- dissimuler l'ampleur de l'excédent que connaît la branche
famille ;
- minorer l'impact de la dégradation des comptes imputable aux
ponctions décidées par le Gouvernement ;
- ne faire apparaître officiellement que le seul 1,41 milliard de
francs qui bénéficie aux familles.
Solde de la branche famille
(en milliards de francs)
Note : 2000: après mesures annoncées par le Gouvernement
B. UNE BRANCHE PONCTIONNÉE
Si l'excédent spontané de la branche famille
s'élève à plus de 6 milliards de francs,
l'excédent prévisionnel après le projet de loi de
financement de la sécurité sociale pour 2000 ne
s'élève plus qu'à 1,41 milliard de francs.
Cette dégradation de 4,65 milliards de francs du solde de la branche
famille ne se traduit en réalité que par 1,14 milliard de francs
de mesures nouvelles en faveur des familles, le solde restant -3,5 milliards de
francs- provenant des décisions du Gouvernement de diminuer le montant
des ressources affectées à la branche et de lui imposer la prise
en charge progressive de la majoration de l'allocation de rentrée
scolaire, auparavant financée par le budget de l'Etat.
1. Une ponction de 1 milliard de francs pour alimenter le fonds de réserve pour les retraites
Le
Gouvernement avait prévu initialement un prélèvement
affecté au financement de la réduction du temps de travail.
L'article 2 du projet de loi prévoyait ainsi la création d'un
fonds de financement de la réforme des cotisations patronales de
sécurité sociale qui devait être notamment alimenté
par une contribution versée par les organismes de protection
sociale
4(
*
)
.
Pour le Gouvernement
5(
*
)
, cette contribution
" est justifiée, car ces organismes profitent des effets
favorables de la réforme sur l'emploi, notamment en percevant des
recettes de cotisations supplémentaires ".
Le montant des contributions des organismes de protection sociale devait
être fixé par voie de convention conclue entre l'Etat et chacun
des organismes intéressés. Toutefois, l'article 2 du projet de
loi précisait :
" A défaut de signature d'une
convention avant le 31 janvier 2000, la contribution de chacun des organismes
est déterminée à partir du surcroît de recettes et
d'économies de dépenses induites par la réduction du temps
de travail pour cet organisme. Les règles servant à calculer le
montant et l'évolution de ces contributions sont définies par
décret en conseil d'Etat ".
Comme le souligne le rapport de la Commission des comptes de la
sécurité sociale de septembre 1999,
" une telle
estimation pose des problèmes délicats et ne peut être que
très imprécise ".
A titre de " provision ",
dont on ignorait sur quels fondements elle reposait, le rapport retenait
l'hypothèse d'une contribution du régime général de
5,5 milliards de francs en 2000. Pour la branche famille, la
" provision " de ce prélèvement était
fixée dans les comptes figurant dans le rapport à 1,010 milliard
de francs.
Ce prélèvement, qui prenait la forme d'une dépense des
différentes branches du régime général, a fait
l'objet d'un rejet unanime de la part des partenaires sociaux.
Après une négociation engagée en catastrophe le 20 octobre
1999, le ministère de l'emploi et de la solidarité
annonçait le 25 octobre, en fin d'après-midi, que le Gouvernement
renonçait désormais aux prélèvements sur les
organismes sociaux.
Contraint de reculer sur cette mesure, le Gouvernement n'a pas pour autant
renoncé à ponctionner le régime général.
Les branches du régime
général de la sécurité sociale devaient logiquement
" récupérer " les 5,5 milliards de francs
" provisionnés " par le rapport de la Commission des comptes
de la sécurité sociale. Mais le Gouvernement a
décidé de
diminuer les ressources affectées aux
différentes branches de 5,5 milliards de francs pour alimenter le fonds
de réserve pour les retraites.
La contribution des organismes de sécurité sociale est donc
maintenue ; elle devient désormais indirecte.
Le Gouvernement a fait adopter par l'Assemblée nationale, en
première lecture, un nouveau dispositif qui permet de ponctionner la
branche famille de manière plus subtile et sans doute moins voyante.
L'amendement présenté par le Gouvernement à l'article 10
du projet de loi modifie la clé de répartition applicable au
prélèvement social de 2 % sur les revenus du patrimoine.
Cette répartition avait déjà été
modifiée -il faut le souligner- en juillet dernier par la loi portant
création d'une couverture maladie universelle (CMU).
Cette loi prévoit notamment la suppression au 1
er
janvier
2000 de l'assurance personnelle et la prise en charge par la CNAMTS de la
couverture maladie de base sur le critère de la résidence. Elle
devait se traduire par des conséquences financières non
négligeables pour la branche famille.
Les caisses d'allocations familiales prennent en effet en charge, de
manière totale ou partielle, les cotisations des titulaires de
prestations familiales non couverts par un régime d'assurance maladie
et, de manière totale, celles des bénéficiaires de
l'allocation de parent isolé (API) et des personnes veuves ou
divorcées ayant eu au moins trois enfants à charge.
La loi portant création de la CMU a donc affecté à la
CNAMTS de nouvelles recettes afin de compenser la suppression des cotisations
d'assurance personnelle qui étaient auparavant prises en charge par les
CAF, le fonds de solidarité vieillesse (FSV), les départements ou
l'Etat.
Pour compenser la suppression de la prise en charge d'une partie des
cotisations d'assurance personnelle par les caisses d'allocations familiales,
la loi a modifié l'affectation du prélèvement social de 2
% sur les revenus du patrimoine, réparti alors pour moitié entre
la CNAF et la CNAVTS.
Elle prévoit, à compter du 1
er
janvier 2000,
l'attribution d'une partie de ce prélèvement à une
troisième branche du régime général : la
CNAMTS.
La répartition serait de 50 % pour la CNAVTS (situation
inchangée), 28 % pour la CNAMTS et 22 % pour la CNAF.
La perte de recettes aurait été, pour la CNAF, de 2,7 milliards
de francs, pour une moindre dépense de 2,4 milliards de francs.
L'opération n'était donc pas neutre pour la branche
famille : elle devait en effet se traduire par une dégradation de
300 millions de francs de son solde en 2000.
On ajoutera qu'elle privait la branche famille d'une part importante d'une
recette très dynamique -le rendement du prélèvement social
de 2 % sur les revenus du patrimoine a progressé de 25 % en 1999- en
contrepartie de la suppression d'une charge qui augmentait à un rythme
très modéré.
Avant même d'être entrée en vigueur, cette disposition
est remplacée par une nouvelle répartition prévue dans le
présent projet de loi :
• 49 % pour le fonds de réserve pour les
retraites ;
• 30 % pour la CNAVTS ;
• 13 % pour la CNAF ;
• 8 % pour la CNAMTS.
Après avoir vu sa part du prélèvement de 2 % sur les
revenus du patrimoine passer de 50 % à 22 % dans la loi
" CMU ", la branche famille enregistre une nouvelle diminution des
sommes qui lui seraient affectées puisque sa part tomberait à
13 % !
Le prélèvement de 2 % devrait rapporter 11,3 milliards de
francs en 2000 : la branche famille ne percevra finalement que 1,47
milliard de francs contre 2,49 milliards prévus dans le cadre de la loi
CMU. Cette perte de 1,017 milliard de francs est sensiblement
équivalente, à 7 millions près, à la somme qui
devait lui être prélevée pour financer la réduction
du temps de travail (1,01 milliard de francs).
La branche famille sera toujours ponctionnée de plus d'un milliard de
francs.
Dans le schéma initial, la branche famille se voyait imposer une
dépense nouvelle : la participation au financement des " 35
heures " ; dans le nouveau schéma, elle perd le
bénéfice d'une recette qui lui était affectée
initialement pour moitié. Les nouvelles propositions du Gouvernement
font véritablement tomber la branche famille de Charybde en Scylla !
Aucune des deux solutions n'est préférable ;
elles
aboutissent toutes deux au même résultat : ponctionner la
branche de plus d'un milliard de francs. La branche famille finançait
les " 35 heures ", elle finance désormais le fonds de
réserve pour les retraites.
En réalité, elle continue à financer indirectement les
" 35 heures " .
En effet, la contribution du régime
général au fonds de réserve est justifiée par
l'affectation au financement des " 35 heures " d'une partie des
droits sur les alcools qui constituait une recette du Fonds de
solidarité vieillesse (FSV).
Le FSV se voyant privé d'une recette importante, il ne pourra plus
alimenter le fonds de réserve pour les retraites. C'est donc au
régime général qu'incombera désormais cette charge.
La boucle est bouclée !
La logique s'y perd définitivement dans ces combinaisons
destinées à vider de toute signification le principe de
séparation des branches de la sécurité sociale.
2. Une débudgétisation de 2,5 milliards de francs pour financer la majoration de l'allocation de rentrée scolaire
L'allocation de rentrée scolaire est une prestation
attribuée au ménage ou à la personne dont le revenu net
catégoriel de 1998 ne dépasse pas 102.049 F pour un enfant, plus
23.550 F par enfant supplémentaire. L'enfant ouvrant le droit à
la prestation doit avoir atteint son sixième anniversaire avant le
1
er
janvier de l'année suivant celle de la rentrée
scolaire. Au-delà de seize ans, l'allocation reste due pour chaque
enfant poursuivant des études ou placé en apprentissage, n'ayant
pas atteint l'âge de 18 ans révolus au 15 septembre de
l'année considérée.
La loi de financement de la sécurité sociale pour 1999 a
étendu son versement à toutes les familles d'un enfant, sous
réserve qu'elles remplissent les conditions de ressources, d'âge
et de scolarisation de l'enfant. Désormais, le versement de l'ARS n'est
plus limité aux seules familles bénéficiant d'une
prestation familiale ou d'une allocation logement.
Le montant de l'ARS par enfant, pour la rentrée scolaire 1999,
était égal à 20 % de la base mensuelle de calcul des
allocations familiales, soit 429 francs. Ce montant est cependant
majoré systématiquement par une décision gouvernementale
depuis 1993 et atteint finalement 1.600 francs depuis 1997.
Reconduite dans son principe d'année en année, cette majoration a
été prise en charge par le budget de l'Etat depuis 1994, qui
rembourse, généralement avec retard, cette dépense
à la branche famille. Il en résulte une charge de
trésorerie non négligeable pour la branche.
Jusqu'en 1997, les pouvoirs publics avaient procédé, pour assurer
son financement, par décret d'avances. Cette pratique n'a pas
été reconduite en 1998. Un montant de 5,8 milliards de
francs a, ultérieurement, été inscrit en loi de finances
rectificative de fin d'année, un versement de 6,1 milliards de francs
ayant été opéré le 22 janvier 1999. Le versement
1999 devrait également être inscrit dans la loi de finances
rectificative pour 1999.
Evolution du montant de l'allocation de rentrée scolaire
|
Montant |
Montant total |
1993 |
1.097 F |
1.500 F |
1994 |
1.089 F |
1.500 F |
1995 |
830 F |
1.500 F |
1996 |
580 F |
1.000 F |
1997 |
1.180 F |
1.600 F |
1998 |
1.176 F |
1.600 F |
1999 |
1.173 F |
1.600 F |
Le
coût total de l'allocation de rentrée scolaire
s'élève à 9,7 milliards de francs, dont 2,5 milliards
de francs à la charge de la branche famille et 7,2 milliards de
francs pris en charge par l'Etat au titre de la majoration.
Lors de la Conférence de la famille du 7 juillet dernier, le Premier
ministre a annoncé la pérennisation de la majoration de
l'ARS :
" la majoration de l'ARS a donc vocation à devenir
une prestation familiale. De ce fait, son financement sera pris en charge par
la branche famille, selon un calendrier à définir.
Parallèlement, l'Etat reprendra à sa charge le financement du
Fonds d'action sociale pour les travailleurs immigrés et leurs
familles. "
Les modalités de cette prise en charge progressive ne sont pas
connues : tout juste sait-on qu'elle se fera à hauteur de 2,5
milliards de francs en 2000. La branche famille verra par conséquent ses
dépenses au titre de l'ARS augmenter de 2,5 milliards de francs en 2000
pour atteindre, selon le rapport de la Commission des comptes, 5 milliards de
francs.
En contrepartie, la prise en charge par l'Etat du FASTIF, si elle a
effectivement lieu, ne déchargerait la branche famille que de 1 milliard
de francs par an. Le coût net pour la branche famille de cette
opération est donc au moins de 1,5 milliard de francs en 2000.
Le Gouvernement a beau jeu de présenter cette mesure comme un
" progrès " pour les familles : en réalité,
l'ARS était déjà,
de facto
,
pérennisée au niveau de 1.600 francs depuis 1997. Il apparaissait
en effet politiquement risqué pour un Gouvernement de ne pas confirmer
cette majoration exceptionnelle à caractère annuel.
La prétendue pérennisation de l'ARS n'apportera donc rien de
plus aux familles. Elle constitue surtout le prétexte d'une
opération massive de débudgétisation aux dépens de
la branche famille. L'Etat se décharge ainsi sur la
sécurité sociale d'une dépense qu'il a lui-même
créée.
Votre rapporteur observe qu'il est toujours facile, pour l'Etat, de faire le
généreux avec l'argent de la sécurité sociale...
3. 1,1 milliard de francs seulement de mesures nouvelles en faveur des familles
Seules les mesures effectivement favorables aux familles
sont recensées dans l'annexe C du projet de loi de financement, qui doit
pourtant détailler l'impact des différentes mesures
décidées par le Gouvernement. Ces mesures seront
analysées, sur le fond, de manière approfondie dans la partie II
du présent rapport ; on se limitera ici à examiner leur
impact sur l'équilibre de la branche famille.
Ces différentes mesures accroissent les dépenses
de
la branche famille :
- le " coup de pouce " de 0,3 % accordé en
matière de revalorisation des prestations familiales :
340
millions de francs
;
- le relèvement de 20 à 21 ans de l'âge limite
d'ouverture du droit au complément familial :
330 millions de
francs
;
- le relèvement de 20 à 21 ans de l'âge limite
d'ouverture du droit à l'allocation de logement familial (ALF) et
à l'aide personnalisée au logement (APL) :
220 millions
de francs
;
- la dotation supplémentaire au Fonds d'action sociale de la
CNAF :
250 millions de francs.
L'ensemble de ces mesures se traduit par une augmentation de 1,14 milliard
de francs des dépenses de la branche famille en 2000
; le coût
pour les années ultérieures de certaines mesures, notamment le
relèvement des âges limites, sera cependant plus
élevé.
L'impact du projet de loi de financement de la sécurité sociale
pour 2000 sur les recettes, les dépenses et le solde de la branche
famille est résumé dans le tableau suivant :
Incidence des mesures annoncées par le Gouvernement
sur l'équilibre de la branche famille en 2000
(en milliards de francs)
|
Recettes |
Dépenses |
Solde |
Evolution spontanée en 2000 |
268,194 |
262,141 |
+ 6,053 |
• Prise en charge progressive de la majoration de l'ARS par la CNAF |
|
+ 2,5 |
- 2,5 |
• Diminution des ressources affectées à la branche famille au titre du prélèvement de 2% |
- 1,017 |
|
- 1,017 |
• " Coup de pouce " de 0,3 % de la BMAF |
|
+ 0,34 |
- 0,34 |
• Aides au logement jusqu'à 21 ans |
|
+ 0,22 |
- 0,22 |
• Complément familial jusqu'à 21 ans |
|
+ 0,33 |
- 0,33 |
• Augmentation de la dotation au FNAS |
|
+ 0,25 |
- 0,25 |
Total des mesures : |
- 1,017 |
+ 3,64 |
- 4,657 |
Total général : |
267,177 |
265,781 |
+ 1,396 |
Par les diverses mesures annoncées, le Gouvernement dégrade
de 4,7 milliards de francs le solde de la branche famille en 2000 qui passerait
ainsi de 6,1 milliards de francs en évolution spontanée à
seulement 1,4 milliard de francs
Par rapport à l'évolution spontanée, les recettes
diminueraient d'un milliard de francs (- 0,4 %) pour atteindre 267,2
milliards de francs tandis que les dépenses progresseraient de 3,6
milliards de francs (+ 1,4 %) pour s'établir à 265,8
milliards.
L'objectif de dépenses de la branche famille était, quant
à lui, fixé initialement par l'article 27 du projet de loi
à 265,0 milliards de francs. L'Assemblée nationale a
rectifié ce chiffre pour tenir compte des modifications intervenues
quant aux modalités de la contribution des différentes branches
de la sécurité sociale au financement de la réduction du
temps de travail. Le nouvel objectif de dépenses intègre donc
l'abandon du versement de 1 milliard de francs de la branche famille au fonds
de financement de la réforme des cotisations patronales et se voit
désormais fixé à 264,0 milliards de francs.
C. DES EXCÉDENTS FUTURS CONFISQUÉS
Si les décisions du Gouvernement ont pour effet immédiat de dégrader de 4,7 milliards de francs le solde de la branche famille en 2000, elles ont également pour effet de priver cette branche du bénéfice de ses excédents futurs.
1. Une pré-affectation des excédents futurs
En
annonçant la prise en charge totale, à terme, de la majoration de
l'allocation de rentrée scolaire par la branche famille, le Gouvernement
décide du même coup de l'affectation des excédents futurs
de la branche.
En effet, le coût total de la MARS est aujourd'hui de 7,2 milliards de
francs par an ; c'est donc cette somme très importante qui sera,
à terme, intégralement prise en charge par la branche famille. Il
est vraisemblable que la participation de la branche au financement de la MARS
ira croissant au fur et à mesure des années, en fonction des
excédents prévisionnels.
A terme, les excédents de la branche sont donc déjà
engagés à hauteur de 6,2 milliards de francs si l'on fait
l'hypothèse d'une prise en charge effective du FASTIF par l'Etat.
Si, par aventure, la branche parvenait à dégager un nouvel
excédent après le financement d'une si lourde charge, le
Gouvernement pourra alors très aisément, comme il vient de le
faire à l'occasion de ce projet de loi, modifier les règles
d'affectation du produit du prélèvement social de 2 % sur
les revenus de placement pour diminuer -voire supprimer- les recettes dont
bénéficie la branche famille.
Il n'y a que le premier pas qui coûte et le Gouvernement semble
aujourd'hui bien disposé à utiliser ce prélèvement
de 2 % comme un instrument de gestion et d'affectation
prévisionnelle des soldes des différentes branches.
L'avenir de la branche famille est désormais tout tracé :
elle financera, selon le choix du Gouvernement, la majoration de l'allocation
de rentrée scolaire ou, via le fonds de réserve pour les
retraites, les " 35 heures ".
2. Un réexamen hypothétique du périmètre des dépenses financées par la branche famille
La
contrepartie de la prise en charge de la MARS par la branche famille -et de la
débudgétisation afférente- devait normalement être
un réexamen d'ensemble du périmètre des dépenses
supportées par la branche.
La CNAF avait en effet fait valoir très justement qu'elle supportait,
pour le compte de l'Etat, un certain nombre de charges qui pouvaient être
qualifiées d'indues (gestion du RMI, de l'AAH et des tutelles,
financement du FASTIF...).
Lors de son intervention devant la Conférence de la famille, le
7 juillet dernier, le Premier ministre avait ainsi reconnu :
" se pose aussi la question du périmètre des
dépenses financées par la branche famille ".
Cette déclaration n'a cependant été suivie d'aucun effet
concret.
Le Gouvernement a certes promis que le FASTIF serait financé par l'Etat
à compter de l'année 2000. Cette annonce ne trouve cependant sa
traduction dans aucun document législatif ou budgétaire.
Votre
rapporteur s'étonne notamment que cette mesure, pourtant
décidée au début du mois de juillet 1999 et dont le
coût pour le budget de l'Etat sera de 1 milliard de francs par an, ne
figure pas dans le projet de loi de finances pour 2000.
Interrogée par votre rapporteur sur ce point, Mme Martine Aubry,
ministre de l'emploi et de la solidarité, a indiqué pour sa part
que cette mesure figurerait dans le collectif budgétaire de 2000.
Votre rapporteur juge par conséquent vraisemblable de considérer
que cette mesure, si elle est effectivement proposée, figurera dans
le collectif de décembre 2000
, qui sera probablement
promulgué le 30 ou le 31 décembre 2000. La branche famille se
verrait ainsi remboursée de la charge du FASTIF le dernier jour de
l'année 2000 ou dans les premiers jours de l'année 2001.
Dans ces conditions, il paraît illusoire d'espérer que le
Gouvernement entreprendra un véritable réexamen d'ensemble des
charges indûment supportées par la branche famille. Dans le
meilleur des cas, l'opération de débudgétisation totale de
la MARS se fera sans autre contrepartie pour la branche famille que la prise en
charge par l'Etat du FASTIF.
3. Une nouvelle garantie de ressources très illusoire
La
nouvelle garantie de ressources pour la branche famille instituée par
l'article 9 du projet de loi paraît, dans ces conditions, très
illusoire.
Selon l'exposé des motifs du projet de loi, cet article
" a pour
objet de donner une meilleure lisibilité aux ressources de la branche
famille, en instituant une garantie de ressources au regard de la richesse
nationale ".
Il fait partie des mesures annoncées par le
Gouvernement lors de la Conférence de la famille du 7 juillet 1999.
Cet article reprend une idée ancienne consistant à assurer
à la branche famille une certaine pérennité de ses
ressources et qui a trouvé sa traduction législative dans
l'article 34 de la loi n° 94-629 du 25 juillet 1994 relative à
la famille.
L'article 34 de la loi famille dispose que
" les ressources de la
Caisse nationale des allocations familiales sont au moins égales chaque
année, pour la période du 1
er
janvier 1994 au
31 décembre 1998, au montant qu'elles auraient atteint à la
fin de l'année considérée en cas de maintien des
dispositions législatives et réglementaires applicables le
1
er
janvier 1993 aux taux, à l'assiette et au champ
d'application des cotisations et contributions énumérées
à l'article L. 241-6 du code de la sécurité sociale.
" S'il est constaté par la Commission des comptes de la
sécurité sociale que les ressources de cette caisse sont
inférieures au titre d'une année civile au montant
déterminé dans les conditions définies à
l'alinéa précédent, un versement de l'Etat
équivalent à cette différence intervient selon des
modalités prévues par la loi de finances établie au titre
de l'année suivante ".
Cet article entendait mettre fin à des pratiques récurrentes qui
avaient abouti à des baisses ou à des exonérations de
cotisations non compensées, obérant d'autant les ressources de la
branche famille.
Cette garantie de ressources n'a cependant jamais joué, les
différentes parties concernées (CNAF, ACOSS, Direction de la
sécurité sociale, ministère de l'agriculture, Direction du
Budget) ne parvenant pas à s'accorder sur l'évaluation des pertes
ou des gains de recettes enregistrés par la branche famille.
Le présent article prévoit pour sa part que la Caisse nationale
des allocations familiales (CNAF) bénéficie d'une garantie de
ressources pour une période de cinq années courant du
1
er
janvier 1998 au 31 décembre 2002.
Le deuxième alinéa précise que les ressources de la CNAF
perçues au titre de l'année 2002 ne seront pas inférieures
aux ressources de cette caisse pour l'année 1997 revalorisées,
déduction faite de la subvention versée par l'Etat au titre de la
majoration de l'allocation de rentrée scolaire (MARS) et d'un montant
équivalent aux ressources transférées en 2000 à la
CNAMTS en vertu de l'article 10 de la loi n° 99-641 du 27 juillet
1999 portant création d'une couverture maladie universelle.
Dans le cas contraire, constaté par la Commission des comptes de la
sécurité sociale à l'issue de la période, un
versement à la CNAF permet, dans des conditions prévues par la
loi de financement de la sécurité sociale, de combler la
différence observée.
La revalorisation évoquée au deuxième alinéa de
l'article est égale à l'évolution du produit
intérieur brut en valeur aux prix courants sur l'ensemble de la
période 1998-2002, mentionnée dans le rapport sur les comptes de
la Nation.
Même si l'objectif se veut probablement identique, le dispositif
proposé par le Gouvernement est très différent de celui
institué en 1994 :
• l'approche est globale : seul est visé le niveau
absolu des ressources de la branche alors que l'article 34 de la loi famille de
1994 prévoyait que ces ressources seraient comparées au montant
qu'elles auraient atteint en cas de maintien des dispositions
législatives et réglementaires applicables le
1
er
janvier 1993 aux taux, à l'assiette et au champ
d'application des cotisations et contributions énumérées
à l'article L. 241-6 du code de la sécurité sociale ;
• le constat est désormais dressé en fin de
période alors que l'article 34 de la loi famille de 1994
prévoyait une évaluation
" chaque année "
: les ressources peuvent donc éventuellement baisser en cours de
période ;
• les modalités d'application restent très floues
puisqu'il est fait mention d'un versement à la CNAF pour compenser une
éventuelle perte de ressources, versement dont on ignore la
provenance : s'agit-il d'un versement de l'Etat, comme c'était le
cas dans le dispositif de 1994 ? Pourquoi alors ne pas le dire ?
S'agit-il d'un versement d'une autre branche de la sécurité
sociale, voire de l'ACOSS ?
Votre rapporteur est naturellement favorable à l'institution d'une
garantie de ressources pour la branche famille. Toutefois, il ne peut que
s'étonner que le Gouvernement propose un nouveau dispositif de garantie
de ressources alors même qu'il s'est refusé à appliquer la
garantie de ressources existante.
Il remarque en outre que l'année 1997 qui a été choisie
par le Gouvernement comme année de référence est une
année peu favorable pour les ressources de la branche. Il s'interroge
sur les raisons du choix de l'année 1997 alors que les comptes
définitifs de 1998 sont aujourd'hui disponibles et qu'il aurait donc
été possible de faire porter cette garantie sur les années
1999-2003.
Il émet des doutes sur l'effectivité du dispositif proposé
dans la mesure où la provenance du versement compensateur n'est pas
mentionnée.
Enfin, il se demande quelle peut être l'utilité réelle
d'une garantie de ressources si l'on multiplie parallèlement les
ponctions sur la branche sous la forme de dépenses nouvelles, telles que
la prise en charge de la majoration de l'allocation de rentrée
scolaire.
Votre rapporteur exprime donc sa crainte que cette nouvelle garantie de
ressources ne soit très rapidement vidée de toute portée.
Le Gouvernement attache d'ailleurs si peu d'importance à cette
disposition qu'il n'a pas crû bon de la modifier par coordination avec le
vote, par l'Assemblée nationale, de la diminution des ressources
affectées à la branche au titre du prélèvement
social de 2 % sur les revenus du patrimoine.
*
* *
La
branche famille se retrouve une nouvelle fois victime des décisions du
Gouvernement. Lorsqu'elle est en déficit, ce dernier prend
prétexte de cette situation pour imposer des mesures drastiques
pénalisant les familles ; lorsqu'elle est en excédent, on la
prive du bénéfice de cet excédent sans pour autant revenir
sur les mesures décidées.
Votre rapporteur ne peut que se désoler d'avoir pressenti ce
" mauvais coup " porté à la branche famille.
Dans son rapport sur le projet de loi de financement de la
sécurité sociale pour 1998, votre rapporteur s'inquiétait
déjà des tentations que pouvait générer la
perspective d'excédents structurels de la branche famille. Aussi
avait-il, lors de l'examen du projet de loi de financement de la
sécurité sociale pour 1999, formulé
une mise en
garde :
" Il serait inacceptable que ces excédents servent
à combler d'éventuels déficits futurs des autres branches
de la sécurité sociale. (...) Il ne serait pas davantage
concevable que ces excédents aillent alimenter le fonds de
réserve pour les retraites créé par le présent
projet de loi. Le Gouvernement a en effet évoqué la
possibilité d'abonder ce fonds par " les excédents de la
sécurité sociale ". Compte tenu de la situation
financière des branches vieillesse et maladie, il est clair que cette
hypothèse visait explicitement la branche famille... Votre rapporteur
souhaite rappeler à cette occasion qu'une politique familiale ambitieuse
est aussi un moyen d'assurer les équilibres futurs de nos régimes
de retraite par répartition.
" Les errements du passé où l'on voyait les excédents
répétés de la branche famille financer les autres branches
de la sécurité sociale ne doivent pas se reproduire. "
Votre rapporteur regrette que les faits lui aient donné raison.
En limitant artificiellement l'excédent affiché de la branche
famille, la Gouvernement évacue la question politique du devenir de ces
excédents. Quatre options peuvent en effet être envisagées
et mériteraient d'être débattues :
- accroître les dépenses en faveur des familles, par la
création de nouvelles prestations familiales ou l'assouplissement des
conditions d'obtention de prestations existantes ;
- baisser les cotisations familiales à la charge des employeurs ou
la CSG famille ;
- rembourser les dettes accumulées au titre de la branche, dettes
reprises par la caisse d'amortissement de la dette sociale (CADES) ;
- mettre ces excédents en réserve, afin de faire face
à une dégradation ultérieure de la situation de la branche.
Il n'appartient pas à votre rapporteur de trancher aujourd'hui entre ces
différentes options.
Votre rapporteur juge que la question de l'affectation des excédents
doit faire l'objet d'un très large débat. Il regrette par
conséquent que le Gouvernement ait choisi d'esquiver ce débat
pourtant essentiel pour l'avenir de notre pays en apportant une mauvaise
réponse : celle de la confiscation des excédents futurs de
la branche au profit d'un allégement des charges de l'Etat et du
financement du fonds de réserve pour les retraites.
A tout le moins, la prudence et le respect de l'autonomie des branches
voudraient que ces excédents soient dans un premier temps
affectés en réserve de la branche.
II. LA POLITIQUE FAMILIALE : UNE ABSENCE D'AMBITION
A. DES AVANCÉES MODESTES
Un
certain nombre de facteurs auraient pu contribuer à faire de
l'année 2000 une grande année pour la politique familiale.
Sur le plan politique, l'occasion était donnée au Gouvernement de
rattraper les errements des deux dernières années
marquées, rappelons-le, par
la multiplication de mesures défavorables aux
familles : suppression puis rétablissement de l'universalité
des allocations familiales, diminution du plafond du quotient familial,
réduction de
l'allocation de garde d'enfant à domicile (AGED), report de 10 à
11 ans et de 15 à 16 ans des majorations pour âge des allocations
familiales...
Sur le plan financier, la situation saine et excédentaire de la branche
famille permettait, on l'a analysé plus haut, de dégager les
moyens de financer de nouvelles priorités.
Sur le plan technique, enfin, il convenait d'esquisser la suite de la loi
famille de 1994, qui couvrait la période 1994-1999 et prévoyait
notamment un certain nombre d'amélioration des prestations familiales et
des prestations logement avant le 31 décembre 1999.
On était donc en droit d'attendre cette année un discours
politique ambitieux sur l'avenir de notre politique familiale. Sans doute
échaudé par ces expériences passées, le
Gouvernement fait au contraire preuve d'une grande prudence qui rime presque
avec l'inaction.
Le dossier de presse qui accompagnait le projet de loi détaille les
thèmes prioritaires de la politique familiale du Gouvernement, laquelle
s'articule autour d'un slogan :
" poursuivre la
rénovation ".
Il est ainsi expliqué que "
depuis deux ans, le Gouvernement
rénove progressivement et en profondeur notre politique
familiale ".
Les mesures déjà prises ou à venir s'organisent selon
quatre thèmes majeurs :
- conforter les parents dans leur rôle éducatif ;
- soutenir les familles les plus modestes ;
- améliorer l'accueil des jeunes enfants ;
- aider à la prise en charge des jeunes adultes.
1. Des mesures positives mais de portée limitée
Les
principales mesures trouvent leur traduction législative dans le
présent projet de loi.
Malgré leur caractère indéniablement positif, ces
mesures ne traduisent aucun engagement politique fort. La juxtaposition de
simples mesures techniques d'aménagement, de consolidation, d'ouvertures
de chantiers ne saurait remplacer un plan ou un engagement à moyen ou
long terme.
•
Le recul de 20 à 21 ans de l'âge limite
d'ouverture du droit au complément familial et aux aides au
logement
L'article 8 du projet de loi permet de reculer, par voie réglementaire,
de 20 à 21 ans l'âge limite d'ouverture du droit au
complément familial et aux aides au logement.
Cet article est la traduction législative d'une mesure annoncée
par le Gouvernement lors de la Conférence de la famille du 7 juillet
1999. Le Gouvernement avait alors indiqué qu'il entendait accentuer, en
2000, l'effort de justice sociale en portant de 20 à 21 ans, au
1
er
janvier 2000, l'âge limite d'ouverture du droit au
complément familial et aux allocations de logement.
Ces mesures devaient, selon le Gouvernement, permettre de mieux tenir compte de
l'allongement de la durée de cohabitation des jeunes chez leurs parents,
73 % des jeunes de 20 ans habitant encore chez leurs parents. Elles
avaient également pour objectif de réduire la diminution des
ressources des familles lorsque l'enfant atteint 20 ans, notamment pour les
familles modestes et nombreuses.
Pour comprendre cette disposition, il convient de rappeler que l'article 22 de
la loi du 25 juillet 1994 relative à la famille prévoyait
déjà que les limites d'âge des enfants ouvrant droit aux
prestations familiales seraient progressivement et successivement
relevées à 22 ans, au plus tard le 31 décembre 1999,
afin de tenir compte du fait que les enfants demeurent plus longtemps
qu'autrefois à la charge de leurs parents, notamment en raison de
l'allongement de la durée des études.
Le projet de loi prévoyait que ces mesures, qui normalement
relèvent du domaine réglementaire, interviendraient après
constatation d'un excédent de ressources disponibles de la branche
famille pour l'exercice précédent. Cette hypothèse
semblant trop incertaine au Parlement, le Gouvernement avait accepté de
fixer une date butoir pour la mise en place de ces mesures : le
31 décembre 1999.
L'article 22 de la loi famille de 1994 a connu un début
d'application : deux décrets successifs (n° 97-1245 du 29
décembre 1997 et n° 98-1213 du 29 décembre 1998)
ont en effet progressivement relevé la limite d'âge pour
l'ensemble des prestations familiales de 18 à 19 ans puis de 19 à
20 ans pour les enfants dont la rémunération éventuelle
n'excède pas un plafond fixé à 55 % du SMIC
calculé sur 169 heures.
Votre rapporteur accueille de manière favorable les I, II et IV de
l'article 8 relatifs au relèvement de 20 à 21 ans de l'âge
limite d'ouverture du droit au complément familial et aux aides au
logement. Ces dispositions s'inscrivent dans la droite ligne des objectifs
définis par l'article 22 de la loi famille de 1994.
Votre rapporteur relève cependant que ces prestations, placées
sous condition de ressources, ne bénéficient qu'à un
nombre limité de personnes.
Selon le relevé de décisions de la Conférence de la
famille du 7 juillet dernier, la mesure concernant l'allocation de
logement familial et l'aide personnalisée au logement devrait concerner
175.000 familles et coûtera 800 millions de francs en année
pleine. Compte tenu de sa montée en charge progressive, elle se traduira
par une dépense supplémentaire de 220 millions de francs
pour la branche famille en 2000 (cf. annexe C du projet de loi).
Le recul de 20 à 21 ans de l'âge limite pour le versement du
complément familial concernera 60.000 familles et coûtera 700
millions de francs à la branche famille en année pleine. Cette
mesure se traduira en 2000 par une dépense supplémentaire de 330
millions de francs (cf. annexe C du projet de loi).
•
Le " coup de pouce " de 0,3 % accordé
aux prestations familiales
Les prestations familiales, à l'exception des aides au logement, de
l'allocation de garde d'enfant à domicile (AGED) et de l'aide à
la famille pour l'emploi d'une assistante maternelle agréée
(AFEAMA) hors majoration, sont calculées en fonction d'un pourcentage de
la base mensuelle de calcul des allocations familiales (BMAF).
L'article 36 de la loi du 25 juillet 1994 relative à la famille
prévoyait, pour une période allant du 1
er
janvier
1995 au 31 décembre 1999, que la BMAF serait revalorisée
" une ou plusieurs fois par an conformément à
l'évolution des prix à la consommation hors tabac prévue
dans le rapport économique et financier annexé au projet de loi
de finances pour l'année civile à venir ".
Le second alinéa de cet article précisait cependant que
" si l'évolution constatée des prix à la
consommation hors tabac est différente de celle qui avait
été initialement prévue, il est procédé
à un ajustement destiné à assurer pour l'année
civile suivante une évolution des bases mensuelles conforme à
l'évolution des prix à la consommation hors tabac ".
L'article 7 du présent projet de loi confère un caractère
pérenne à ce dispositif qui remplace désormais à
l'article L. 551-1 du code de la sécurité sociale les
dispositions en vigueur avant 1995. La rédaction retenue est identique
à celle figurant dans la loi de 1994 : elle prévoit une
possibilité d'ajustement positif ou négatif en fonction de
l'évolution observée des prix l'année
précédente. Lors de ces dernières années,
l'évolution observée des prix a été
systématiquement inférieure à l'évolution
prévisionnelle : l'ajustement a donc toujours été
négatif.
Ce mécanisme a donné lieu à une revalorisation de :
• 1,1 % au 1
er
janvier 1998, compte tenu d'une
hypothèse prévisionnelle d'évolution des prix hors tabac
de 1,3 % et de la révision à la baisse de la
prévision pour 1997 (1,1 % au lieu de 1,3 % initialement
prévu) ;
• 0,71 % au 1
er
janvier 1999, compte tenu d'une
évolution prévisionnelle des prix hors tabac de 1,2 % et de
la révision à la baisse de la prévision pour 1998
(0,8 % au lieu de 1,3 %).
En application de l'article 8 du projet de loi, la revalorisation de la BMAF
serait donc de 0,2 % au 1
er
janvier 2000, compte tenu d'une
évolution prévisionnelle des prix de 0,9 % et d'une nouvelle
révision à la baisse de la prévision pour 1999 (0,5 %
au lieu de 1,2 %).
Le Gouvernement,
" souhaitant en 2000 faire participer les familles
à la croissance ",
propose de majorer de 0,3 point la
revalorisation telle qu'elle découle des règles définies
à l'article L. 551-1 du code de la sécurité sociale.
Grâce à ce " coup de pouce ", la revalorisation sera
donc finalement de 0,5 % au 1
er
janvier 2000.
Cette majoration exceptionnelle se traduira par une augmentation des
dépenses de la branche famille de 340 millions de francs en
2000
6(
*
)
.
Votre rapporteur considère que le dispositif de revalorisation de la
BMAF institué en 1994 a permis de garantir aux familles une
évolution des prestations familiales au moins égale à
celle des prix. Ce dispositif laisse en outre au Gouvernement la
possibilité de donner un " coup de pouce " à la BMAF,
afin de faire bénéficier les familles d'un gain de pouvoir
d'achat.
Votre rapporteur est donc favorable à sa reconduction. Il remarque
cependant que des mécanismes plus avantageux, fondés sur
l'évolution de la richesse nationale ou des salaires, auraient pu
être envisagés mais n'ont pas été retenus par le
Gouvernement.
Evolution de la BMAF
|
1 er janvier |
1 er juillet |
Moyenne annuelle |
Prix* |
||
Année |
Montant |
Evolution |
Montant |
Evolution |
Evolution |
Evolution |
1990 |
1.848,40 |
2,24 |
1.873,35 |
1,35 |
3,3 |
3,4 |
1991 |
1.905,20 |
1,70 |
1.920,44 |
0,80 |
2,9 |
3,2 |
1992 |
1.939,64 |
1,00 |
1.974,55 |
1,80 |
2,3 |
2,3 |
1993 |
2.014,04 |
2,00 |
2.014,06 |
0,00 |
3,0 |
1,8 |
1994 |
2.054,32 |
2,00 |
2.054,32 |
0,00 |
2,0 |
1,4 |
1995 |
2.078,97 |
1,20 |
2.096,64 ** |
0,00 |
1,7 |
1,7 |
1996 |
2.078,97 |
0,00 |
2.078,97 |
0,00 |
0,0 |
1,9 |
1997 |
2.108,49 |
1,42 |
2.108,49 |
0,00 |
1,3 |
1,1 |
1998 |
2.131,68 |
1,10 |
2.131,68 |
0,00 |
1,1 |
0,6 |
1999 |
2.146,81 |
0,71 |
2.146,81 |
0,00 |
0,7 |
0,5 *** |
2000 |
2.157,54 |
0,50 |
2.157,54 |
0,00 |
0,5 |
0,9 *** |
* Prix
à la consommation de l'ensemble des ménages en moyenne annuelle,
hors tabac depuis 1992, base 100 en 1990.
** Suite au contentieux 1995, revalorisation au 1
er
juin 1995 de
0,85 %.
*** Evolution prévisionnelle 1999 et 2000 estimée en septembre
1999.
Source : Direction de la sécurité sociale (SDPEF/6A)
Il accueille favorablement le " coup de pouce " de 0,3 %
accordé en 2000 qui témoigne d'un changement de méthode
bienvenu.
En 1999, le Gouvernement avait fait le choix, pour la deuxième
année consécutive, d'opérer un rattrapage négatif
sur l'évolution de la BMAF et de ne revaloriser les prestations
familiales que de 0,71 %, contre 1,2 % pour les pensions de retraite.
Il avait en effet décidé de ne pas proroger le mécanisme
de revalorisation des retraites institué par la loi de 1993 pour
éviter d'appliquer aux pensions de retraites le rattrapage
négatif de 0,5 % qu'il imposait pourtant aux prestations
familiales.
Votre rapporteur a la satisfaction de constater qu'en 2000 les retraités
et les familles bénéficieront des mêmes conditions, soit
une revalorisation de 0,5 % intégrant une " coup de
pouce " de 0,3 %.
•
L'augmentation des moyens de l'action sociale de la branche
famille
En complément des prestations qu'elle verse, la branche famille
mène une action sociale importante en direction notamment des familles
qui ont les plus lourdes charges, ont les ressources les plus modestes ou
rencontrent des difficultés dans leur vie.
Le budget de l'action sociale de la branche famille relève du Fonds
national d'action sociale (FNAS) de la caisse nationale des allocations
familiales. Il est substantiel et en croissance soutenue. L'action sociale
occupe une place plus importante dans la politique de la branche famille que
dans celle des autres branches du régime général.
Représentant environ 7,5 % des prestations légales, elle
contribue fortement dans certains domaines stratégiques -par exemple
l'accueil des jeunes enfants- à la politique familiale.
Le budget du FNAS est en forte progression depuis plusieurs années.
Selon le rapport de la Commission des comptes, les dépenses du FNAS
atteindront 13,447 milliards de francs en 1999, en progression importante
(+ 8,3 %) par rapport à l'année
précédente, qui avait déjà enregistré une
augmentation de 6 %.
Evolution des dépenses du FNAS
(en millions de francs)
|
Montant |
% d'évolution |
1996 |
11.455 |
5,5 |
1997 |
11.720 |
2,3 |
1998 |
12.419 |
6,0 |
1999 |
13.447 |
8,3 |
2000 (1) |
13.904 |
3,4 |
2000 (2) |
14.154 |
5,3 |
(1)
avant projet de loi de financement de la sécurité sociale pour
2000
(2) après projet de loi de financement de la sécurité
sociale pour 2000
Le rapport de la Commission des comptes prévoit un accroissement de
3,4 % en 2000 des moyens du Fonds national d'action sociale, portés
à 13,904 milliards de francs.
Le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour
2000 prévoit une dotation supplémentaire de 250 millions de
francs au Fonds national d'action sociale, qui viendrait s'ajouter à
cette augmentation prévisionnelle.
Au total, les moyens du Fonds national d'action sociale augmenteraient, en
2000, après le projet de loi de financement, d'un milliard de francs
pour atteindre 14,154 milliards de francs, soit une progression de
5,3 %.
Ces crédits sont destinés à développer les actions
en faveur de la petite enfance, avec un accent particulier sur l'accueil en
crèches.
Dans son rapport sur la sécurité sociale de septembre
1999
7(
*
)
, la Cour des comptes observe que les
crédits du FNAS sont déployés sur le terrain par deux
canaux d'égale importance.
Premier canal
: la CNAF met en oeuvre des prestations de service
qui constituent une contribution financière réglementaire
à de nombreux équipements et services gérés par les
associations et surtout les communes : crèches, centres de loisirs
sans hébergement, haltes-garderies, foyers de jeunes travailleurs,...
Elle prend en charge le plus souvent 30 % des dépenses dans la
limite d'un plafond. Ce système des prestations de service obéit
donc à deux principes étroitement liés :
- ce sont les communes et les associations qui sont les vrais ordonnateurs
de la dépense ; certes, les caisses ont la responsabilité
d'agréer les équipements et services et, à la limite, la
possibilité de les déconventionner si leur gestion ne respecte
pas les règles convenues. Mais dans la généralité
des cas, la prestation de service est accordée et maintenue, lui donnant
de fait le caractère d'une dépense quasi obligatoire pour la
branche ;
- le budget des prestations de service n'a pas de caractère
limitatif et la dépense réelle " suit " les choix des
communes. Sans doute la CNAF peut-elle influencer les choix des promoteurs
communaux (en fixant le montant de la prestation de service ou en associant
à son versement des règles qui limitent l'autonomie des
gestionnaires) ; mais c'est une influence à la marge. Il
résulte de ces caractéristiques juridiques que le système
ne garantit aucune homogénéité géographique des
actions financées par les prestations de service.
Le
second canal
de l'action sociale consiste en une dotation limitative
donnée aux CAF, et dont elles ont le libre emploi. Sans doute
l'arrêté prévoit-il que ces caisses doivent suivre les
orientations définies par la CNAF. Mais cette dernière n'a pas
décidé de mesures obligatoires et se contente de recommandations.
On constate que la branche dégage, sans tension majeure, des
références d'action sur lesquelles se réalise une
réelle convergence. Le niveau de la dotation n'a pas, il est vrai,
contraint les caisses à des arbitrages trop difficiles.
L'intensité des échanges entre les CAF et les services de la CNAF
permet le plus souvent de parvenir à des solutions consensuelles. Enfin,
le poids des prestations de service (premier canal), dont la politique est
définie par la CNAF à l'échelle nationale et qui
complètent ou structurent nombre d'actions des caisses, donne à
la caisse nationale les bases réelles de pilotage de l'action conduite
sur le terrain par les caisses.
La Cour des comptes juge pour sa part positif ce mode de fonctionnement : les
caisses ont une vraie marge de manoeuvre dont les conseils d'administration
locaux s'emparent avec soin et une forte motivation ; cette gestion sur le
mode de la " décentralisation encadrée " ne se traduit
pas par de fortes divergences entre les caisses et la CNAF.
2. Le renoncement aux objectifs de la loi famille de 1994
Dans la
droite ligne des objectifs définis par l'article 22 de la loi relative
à la famille de 1994, le projet de loi autorise le relèvement de
20 à 21 ans de l'âge limite d'ouverture du droit au
complément familial et aux aides au logement.
Ce relèvement ne constitue cependant, pour votre rapporteur, qu'une
étape dans le processus prévu par ledit article.
L'article 22 expirera certes au 31 décembre 1999 ; les objectifs
qu'il avait définis en 1994 -relèvement progressif jusqu'à
22 ans de l'âge limite d'ouverture de l'ensemble des prestations
familiales- restent, pour votre commission tout à fait pertinents.
Or, telle ne semble pas être l'analyse du Gouvernement qui a clairement
écarté, par la voix du Premier ministre, lors de la
Conférence de la famille du 7 juillet dernier, tout
" prolongement indéfini des allocations familiales ".
Soucieux de faire disparaître cet article dont la portée
symbolique est évidente, le Gouvernement propose de l'abroger alors
même qu'il cesse d'être applicable.
Votre rapporteur, qui est attaché au maintien de cet article, ne peut
accepter cette logique. Il vous proposera par conséquent de supprimer
l'abrogation de l'article 22 et de prolonger l'application de cet article de
trois années, soit jusqu'au 31 décembre 2002.
B. UN SURSAUT NÉCESSAIRE
1. Une situation démographique encourageante
Il est
naturellement toujours hasardeux d'établir une corrélation entre
la politique familiale et la situation démographique d'un pays.
Cependant, la France connaît aujourd'hui une situation
démographique plus favorable que celle de ses principaux partenaires.
Votre rapporteur considère que ceci n'est sans doute pas sans lien avec
les efforts importants accomplis en matière de politique familiale par
notre pays.
Selon le bilan démographique de l'INSEE pour 1998
8(
*
)
, le nombre de naissances a augmenté de nouveau
en 1998 avec 740.300 nouveau-nés, soit 1,9 % de plus qu'en 1997. Ce
chiffre est à peu près égal au nombre de naissances
(737.100) enregistré vingt ans plus tôt, en 1978 et le nombre
absolu des moins de 20 ans se stabilise enfin, après 24 ans de baisse
ininterrompue.
La natalité retrouve pratiquement son niveau de 1992 (avant la baisse
importante de 1993). Ainsi, après un sursaut en 1995, la natalité
est stable depuis trois ans, voire en légère hausse.
L'indicateur conjoncturel de fécondité remonte à 1,75
enfant par femme en 1998, le plus élevé de ces sept
dernières années. La France a l'un des indicateurs conjoncturels
les plus hauts de l'Union européenne. En 1997 (derniers résultats
disponibles pour l'Europe), notre pays se situait au troisième rang avec
1,71 enfant par femme, comme le Royaume-Uni et le Luxembourg, après
l'Irlande (1,92) et le Danemark et la Finlande (1,75). L'Italie et l'Espagne
avaient les indicateurs les plus faibles d'Europe, et même du
monde : respectivement 1,22 et 1,15. L'indicateur conjoncturel de
fécondité pour l'ensemble de l'Union européenne s'est
stabilisé à 1,44 enfant par femme depuis 1994.
Avec l'allongement de la durée des études, les difficultés
pour trouver un emploi stable, de plus en plus de femmes retardent
l'arrivée de leurs enfants. La fécondité des femmes de
moins de 30 ans diminue progressivement au cours des vingt dernières
années alors qu'elle augmente nettement à partir de la trentaine.
Lorsque la fécondité augmente, comme en 1995 ou 1996, c'est que
la fécondité en hausse des femmes de plus de 28 ans compense la
baisse de celle des plus jeunes. Lorsqu'elle se stabilise ou diminue, la
réduction est particulièrement prononcée chez les plus
jeunes : en 1997, la légère baisse était
entièrement redevable aux femmes de moins de 30 ans. L'âge de
la maternité augmente régulièrement : 29,2 ans en
1997 contre 26,5 ans vingt ans plus tôt. En 1977, seulement un quart des
nouveau-nés avaient une mère âgée de trente ans ou
plus ; en 1997, c'est le cas pour presque la moitié des naissances
(46 %).
Ces décalages ont eu jusqu'ici peu d'incidence sur la descendance finale
des générations. Les Françaises nées avant le
début des années soixante sont parmi les plus fécondes de
l'Union européenne, après les Irlandaises. Ainsi, les femmes de
la génération 1958 ont assuré leur remplacement bien avant
la fin de leur vie féconde en ayant eu, en moyenne, 2,08 enfants chacune
à 39 ans, soit autant que les femmes de la génération 1948
au même âge, alors qu'à 26 ans elles présentaient un
retard de 0,22 enfant. Le rattrapage reste possible pour les
générations du début des années soixante qui auront
certainement plus de deux enfants en moyenne ; pour les plus jeunes, il
est encore trop tôt pour conclure.
2. Les principes qui doivent guider notre politique familiale
Votre
rapporteur partage la conviction exprimée par le Président de la
République, lors de la remise de la médaille de la famille
française, au Palais de l'Elysée, le 31 mai dernier, que
" notre société, pour le XXI
e
siècle,
aura plus que jamais besoin de la famille, une famille forte et reconnue, une
famille unie, assurée d'elle-même, une famille capable de remplir
pleinement sa fonction irremplaçable auprès de
l'individu. "
Le Président de la République a souhaité à cette
occasion
" que la France se dote d'une nouvelle ambition familiale,
qu'elle redonne souffle et vigueur à sa politique de la famille, une
politique qui doit se traduire non par une redistribution entre familles, mais
par un accroissement régulier des ressources que la Nation leur
consacre. "
Votre rapporteur considère pour sa part, comme M. Jean-Paul Probst,
ancien Président de la CNAF, que toute politique familiale suppose
d'investir dans la durée. Elle doit reposer sur
cinq principes
permanents
:
-
la simplicité
: celle-ci est au coeur de la
prévision sûre et de l'exercice par chaque famille de ses
droits ;
-
la neutralité
vis-à-vis des choix de vie des
familles, en termes notamment de logement, d'éducation, de travail ou
non des deux parents ;
-
la responsabilité
: une politique familiale doit
aider les familles chaque famille à assumer son rôle, soutenir
celles d'entre elles qui sont les plus fragiles, veiller à leur bonne
intégration dans la vie de la cité ;
-
l'universalité
: une politique familiale doit
être ouverte à toutes les familles, avec une attention
particulière aux plus modestes d'entre elles, et non se résumer
à cette seule et dernière hypothèse ;
-
l'équité
dans la prise en charge des coûts de
l'enfant sur le cycle de vie familiale : une politique familiale doit
couvrir les coûts liés à l'éducation, à la
santé, au logement, au temps pendant lesquels les enfants sont hors de
la famille (accueil de la petite enfance, temps libre des enfants et des
adolescents), et cela de façon harmonieuse sur le cycle de vie familiale.
La définition de notre politique familiale doit prendre en compte
trois exigences
.
Tout d'abord,
l'exigence des nouvelles aspirations des femmes.
Comme l'a
souligné le Président de la République :
" Aujourd'hui, 80 % des femmes en âge de travailler exercent un
métier. C'est une aspiration très profonde. Elle n'est pas
négociable. Ce n'est pas en éloignant les femmes du monde du
travail qu'on donnera un nouvel élan à la politique familiale.
C'est au contraire en leur offrant la possibilité de continuer à
exercer, si elles le souhaitent, une activité extérieure. Pour
cela, il faut mettre en place une souplesse accrue des emplois du temps et des
facilités de garde, notamment à domicile, qui permettent de mieux
concilier travail et enfants. "
Il s'agit de permettre à toutes les femmes qui le souhaitent de
concilier vie professionnelle et vie familiale. Il s'agit également de
réfléchir aux moyens de ne pas freiner, par une
législation dissuasive, les femmes qui ont le potentiel de " faire
carrière ", c'est-à-dire d'accepter les charges liées
à des fonctions d'encadrement ou de direction. La mixité
professionnelle est à ce prix.
Ensuite,
l'exigence démographique
. Notre pays n'assure pas
aujourd'hui le renouvellement des générations. C'est à
terme une menace grave pour l'équilibre de notre société,
pour son dynamisme et pour le financement des retraites. Paradoxalement, le
désir d'enfants des familles reste important : 2,2 enfants, un taux
supérieur à celui qui permettrait le renouvellement des
générations (2,1). Aider les familles à réaliser
leur désir d'avoir un deuxième ou un troisième enfant est
donc la tâche prioritaire à laquelle notre pays doit s'atteler.
Enfin,
l'exigence de l'éducation des enfants
. Sans des familles
en mesure d'exercer leurs responsabilités, on ne réglera aucun
des problèmes majeurs auxquels notre société est
confrontée. Il faut donc aider à l'accueil de l'enfant mais sans
négliger les problèmes que posent aujourd'hui les grands enfants,
qui rentrent de plus en plus tard dans la vie active.
Il est, à cet
égard, urgent de revaloriser le rôle des pères en les
incitant, par des mesures législatives favorables, à exercer
encore davantage leur fonction éducative au sein de la famille. Votre
rapporteur souhaite également que soit pleinement reconnu à cette
occasion le rôle essentiel que jouent très souvent les
grands-parents au sein de la famille.
Votre rapporteur juge impératif de réfléchir
parallèlement aux moyens de
simplifier le système des
prestations familiales
dont chacun s'accorde à reconnaître la
complexité.
Comme le constatent MM. Thélot et Villac dans leur rapport sur la
politique familiale,
" au fil du temps, les mesures, prestations,
transferts financiers exprimant la politique familiale se sont
multipliés et diversifiés, à un point tel que, dans
certains de ses aspects, le système devient difficile, voire impossible,
à lire et à comprendre ".
La complexité des droits gérés par les CAF est
indéniable. De fait, les CAF gèrent environ 25 prestations
légales qui représentent 15.000 règles de
droit ; elles prennent en compte 250 faits générateurs de
droit, elles utilisent 270 modèles de pièces justificatives et en
traitent 70 millions par an.
Les comparaisons, qu'il est possible de
faire dans le temps, concernant ces indicateurs, montrent que la
complexité a fortement crû.
La complexité de ce droit est fortement aggravée par son
instabilité, sa mouvance dans le temps. Ainsi depuis la création
de l'APL en 1977, il y a eu environ 150 textes qui en ont modifié le
régime initial et sur les dernières années, ce sont plus
de 100 modifications de règles qui sont intervenues par an.
Pour sa part, la CNAF distingue huit raisons qui expliquent la
complexité des règles gérées par les CAF :
• la complexité et la mouvance de la réalité
sociale ;
• la volonté de nos concitoyens de règles totalement
objectives définies au niveau national, prenant en compte le moindre cas
particulier et ménageant les droits acquis ;
• la volonté politique de ciblage social et financier ;
• la multiplicité des objectifs poursuivis : les
prestations servies par les CAF vont très au-delà d'une
compensation des charges des familles et sont utilisées comme incitation
ou comme sanction dans le cadre de politiques aussi diverses que celles des
revenus, de la santé, de l'emploi, du logement, de la lutte contre la
pauvreté ;
• la volonté de prendre en compte en temps réel les
modifications des situations ; de fait un tiers du fichier des CAF est
modifié en moyenne chaque mois ;
• la poussée de trois types de prestations très
complexes : celles qui ont recours à des barèmes
extrêmement sensibles que sont les aides personnelles au logement ;
les prestations différentielles que sont les minima sociaux ;
celles qui impliquent des relations avec de multiples partenaires ; les
CAF sont en moyenne en lien avec 60 partenaires ou organismes tiers
susceptibles d'intervenir dans la gestion du système des
prestations ;
• les CAF gèrent des prestations qui ressortissent d'ordres
juridiques différents (les prestations familiales inscrites dans le code
de la sécurité sociale, l'APL inscrite dans le code de la
construction de l'habitat, le RMI) ce qui conduit à des règles
différentes en matière de contentieux, de
récupération d'indus, etc.
• le faible intérêt du " fabricant de
règles " pour sa gestion par les CAF et sa compréhension par
l'allocataire.
Il est clair que ces raisons ne sont pas toutes de mauvaises raisons et que
l'Etat se doit de répondre à la diversité et la
vitalité de la réalité sociale.
Les effets de la complexité sont redoutables :
- l'incompréhension des allocataires ;
- le ciblage social n'est pas toujours efficace ;
- le ciblage financier n'est pas toujours atteint ;
- la complexité coûte en termes de gestion.
Tous ces éléments conduisent votre rapporteur à estimer
que la simplification n'est pas un projet technique ou gestionnaire, mais un
projet politique.
Il est par conséquent nécessaire de redonner une cohérence
et une lisibilité au système de prestations familiales en
fusionnant certaines prestations afin d'en réduire le nombre et en
simplifiant leurs modalités d'octroi.
*
* *
Sous réserve de ces observations et des amendements qu'elle propose dans le tome IV du présent rapport, votre commission vous demande d'adopter le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2000 pour ses dispositions relatives à la famille.
1
Cour des comptes, rapport sur la
sécurité sociale de septembre 1997, p. 51.
2
Rapport n° 433 (Sénat, 1998-1999).
3
L'ampleur du déficit provient cette année-là
d'une dépense exceptionnelle due à un apurement des
opérations entre la CNAF et la CNAVTS au titre de l'assurance vieillesse
des parents au foyer (AVPF).
4
Pour une analyse de cette disposition et du débat qu'elle a
suscité, cf. le tome I du présent rapport.
5
Intervention de Mme Martine Aubry, ministre de l'emploi et de la
solidarité lors de la réunion de la Commission des comptes de la
sécurité sociale le 21 septembre 1999
6
On rappellera qu'un point de revalorisation de la BMAF
équivaut à 1,4 milliard de francs de dépenses pour la
branche famille.
7
P. 310 et suivantes.
8
" Bilan démographique 1998 ",
INSEE-Première, n° 633, février 1999.