INTRODUCTION
Comme
autant de diagnostics de médecins au chevet d'un malade, les rapports
sur la situation de la recherche et de la technologie française se
succèdent depuis deux ans :
rapport de M. Guillaume sur la technologie et l'innovation ;
étude de l'OST (observatoire des sciences et techniques) sur la
situation démographique de la recherche française ;
rapport de MM. Cohen et Le Déaut intitulé " quelle
recherche pour demain " ?
rapport enfin, du Commissariat du Plan sur le thème
" recherche et innovation " : la France dans la
compétition mondiale.
On avait pris l'habitude de se retrancher derrière le constat simple
suivant : le niveau de la recherche française est, dans l'ensemble,
satisfaisant, c'est sa valorisation qui fait défaut.
L'insuffisance de la valorisation demeure, malgré le foisonnement des
initiatives prises pour y remédier.
Mais ce n'est plus le seul sujet d'inquiétude. Il n'est plus possible,
désormais, de se dissimuler les retards accumulés par notre
recherche -même si son potentiel reste, globalement, remarquable- dans
certains domaines fondamentaux comme les sciences du vivant et les technologies
de l'information et de la communication ou nos difficultés du fait des
cloisonnements de notre système, à explorer des champs
d'investigation interdisciplinaires.
Pourtant, des prises de conscience ou des évolutions salutaires se
produisent. Les créations d'entreprises sont reconnues comme aussi si ce
n'est plus importantes que les transferts de technologie aux PME-PMI
existantes, pour le développement de l'innovation. Elles sont
encouragées ainsi que la mise en réseau des recherches et les
mobilités diverses entre organismes, établissements
d'enseignement supérieur et entreprises.
Ces dernières tendent à s'impliquer davantage dans
l'exécution de la recherche. Leur participation à la
dépense
intérieure
de recherche et développement
(DIRD) dépasse celle des administrations publiques.
Mais ce n'est plus le cas, depuis 1995, du financement redevenu majoritairement
public, de la dépense
nationale
de cette même recherche et
développement (DNRD).
Qu'on le regrette ou non, l'avenir de la recherche française
dépend donc principalement de l'évolution du budget de la
recherche.
Comme l'affirment MM. Cohen et Le Déaut, " les pouvoirs publics ont
le devoir de poursuivre leur soutien à la recherche à long
terme ", d'autant qu'elle se trouve, d'un point de vue
démographique, à un tournant décisif. Ainsi que le leur a
déclaré l'académicien Pierre Chambon, " une
réforme ne suffira pas si le budget de la recherche n'augmente
pas ". Il augmente, certes, mais trop modérément.
Il est anormal que la recherche ne recueille pas les dividendes
budgétaires qui lui reviennent, d'une croissance dont elle est l'un des
principaux moteurs.
C'est sa compétitivité, dans un contexte où elle se trouve
de plus en plus exposée aux effets d'une concurrence mondiale (menaces
de délocalisation, de fuite des cerveaux) qui est en jeu.
La progression, modeste, des crédits en cause en 2000, n'est pas
à la hauteur des ambitions du Gouvernement, ni des enjeux et des besoins
de notre recherche (I).
Les priorités de ce budget semblent pourtant, dans l'ensemble,
correctement orientées mais elles gagneraient à s'inscrire dans
une politique plus prospective, plus transparente et mieux
évaluée (II).
I. UNE PROGRESSION MODESTE EN CONTRADICTION AVEC LES AMBITIONS DU GOUVERNEMENT, ET QUI N'EST PAS À LA HAUTEUR DES ENJEUX ET DES BESOINS DE NOTRE RECHERCHE
A. UNE PROGRESSION MODESTE
1. L'évolution du BCRD
Le BCRD
(Budget civil de recherche et développement technologique)
recense
1(
*
)
, d'une façon
imparfaitement complète et précise, toutes les dépenses
civiles consacrées à la recherche par les différents
ministères concernés.
Le tableau suivant montre que
le total des dépenses
considérées
(DO + CP)
doit passer, en 2000, de
53,9 à 54,6 milliards de francs, soit une progression de 1,3 %,
à peine supérieure à celle de l'ensemble des
dépenses civiles de l'Etat (+ 1,2 %).
Les autorisations de programme (22,8 milliards) progressent, pour leur
part, de 2,2 %, à structures constantes
2(
*
)
, soit moins que la moyenne
(2,4 %) des différents départements ministériels.
Le BCRD regroupe les dotations de pas moins de 15 ministères
réparties en 17 fascicules budgétaires.
Le dispositif français de recherche publique est, en effet,
caractérisé par sa grande diversité
institutionnelle : il repose, non seulement sur l'action de
différents ministères, mais sur celle des universités et
de nombreux organismes subventionnés, dont les dimensions, les missions
et les statuts diffèrent.
On remarque, dans le tableau qui précède :
- le poids, en dehors du budget du ministère spécifiquement
chargé de la recherche, des contributions des ministères de
l'industrie et de l'équipement et des transports (diffusion des
techniques, valorisation de la recherche, programmes
aéronautiques...) ;
- les augmentations des dépenses de recherche effectuées
dans le cadre des actions culturelles du ministère des affaires
étrangères
3(
*
)
et
par le ministère de la justice
4(
*
)
(+ 14,9 % et
+ 21,7 %).
Même si son exhaustivité et sa précision laissent à
désirer, comme l'a souligné la Cour des Comptes dans une
monographie portant sur les exercices 1995-1998, l'annexe jaune à la loi
de finances sur " l'état de la recherche et du développement
technologique " n'en constitue pas moins un document récapitulatif
irremplaçable. S'y trouvent en effet détaillées à
la fois les principales orientations et priorités de la politique de la
recherche et les actions budgétaires et ministérielles
correspondantes, composantes du BCRD.
2. L'évolution des crédits du ministère chargé de la recherche et de la technologie
a) Une croissance globalement peu favorable
Le BCRD
(budget civil de recherche et de développement technologique) est
préparé et son exécution coordonnée par la
Direction de la Recherche du ministère de l'éducation nationale,
de la recherche et de la technologie.
Ce dernier exerce, de ce fait, des prérogatives à
caractère interministériel en raison de l'implication, ci-dessus
évoquée, de nombreux ministères dans le financement de la
recherche publique française.
Mais sa propre dotation, qui constitue le budget de la recherche et de la
technologie
stricto-sensu
, est la plus importante du BCRD.
Le tableau de la page 10 laisse à penser qu'elle régresse,
en 2000, de 0,4 %, passant de 40 à 39,86 milliards de francs.
A structures constantes, cependant, c'est-à-dire sans tenir compte,
principalement, d'un transfert de 600 millions de francs au budget de la
défense, de certains crédits relatifs à l'espace
5(
*
)
, le budget de la recherche
(DO + CP) progresse de 1,1 %.
Cette progression, à peine supérieure à la hausse des
prix prévue en 2000, est inférieure à l'augmentation de
l'ensemble des dépenses civiles de l'Etat (+ 1,2 %).
Les autorisations de programme, toutefois, croissent de 3,6 %
6(
*
)
.
b) Des variations contrastées
L'augmentation, plutôt médiocre, de l'ensemble du
budget de la recherche, recouvre des évolutions contrastées.
A de faibles écarts en pourcentage, tout d'abord, peuvent correspondre
des accroissements non négligeables en valeur absolue.
En effet, la grande diversité institutionnelle, déjà
soulignée, de la recherche française, s'accompagne d'une
concentration assez marquée de ses dépenses au profit de grands
organismes au rôle majeur.
Ainsi, le CNRS (centre national de la recherche scientifique) et le CNES
(centre national d'études spatiales) reçoivent, à eux
deux, plus de la moitié des crédits de ce budget, soit plus de
20 milliards de francs.
Quatre
autres établissements bénéficient de subventions
supérieures à 1 milliard, dont deux reçoivent plus de
3 milliards de francs :
- l'INRA (Institut national de la recherche agronomique) 3,5 Mds F
- le CEA (Commissariat à l'énergie atomique) 3,4 Mds
F
7(
*
)
- l'INSERM (Institut national de la santé et de la recherche
médicale) 2,7 Mds F
- l'IRD (Institut de recherche pour le développement)
ex.
ORSTOM 1,06 Md F
Au total, les 6 organismes susvisés mobilisent plus de 80 % des
crédits de la recherche.
Pourtant, près d'une trentaine d'établissements et institutions
divers sont subventionnés par le ministère comme le montre le
tableau plus loin (" synthèse des dotations du budget de la
recherche et de la technologie ").
Tous ces organismes de recherche sont subdivisés en trois grandes
catégories :
- les établissements publics à caractère scientifique
et technologique (EPST), correspondant à l'agrégat 02 du
" bleu ", parmi lesquels figurent quatre des six milliardaires en
subventions précités (CNRS - INRA - INSERM - IRD) ;
- les établissements publics industriels et commerciaux (EPIC),
dont les ressources propres sont, a priori, plus élevées,
auxquels se rattachent deux centres particulièrement importants
susmentionnés : le CNES et le CEA ;
- enfin, d'autres institutions, à statuts divers, fondations,
instituts sans but lucratif (comme les instituts Pasteur et Curie) ou
regroupements d'intérêt public.
L'ensemble des dépenses des EPIC et des organismes qui ne sont pas des
établissements publics figure dans l'agrégat 03
" autres organismes de recherche " du fascicule budgétaire
" Recherche et Technologie ".
Les crédits d'intervention, récapitulés dans le tableau
qui suit, en constituent l'agrégat 01.
L'analyse de ce tableau confirme l'existence de disparités importantes
en ce qui concerne les taux d'évolution des crédits.
Globalement, tout d'abord, les crédits d'intervention du
ministère (+ 7,1 %) sont privilégiés et, plus
particulièrement, les crédits de paiement du Fonds national de la
science (+ 247 millions de francs, soit + 131 %), ainsi que
les autorisations de programme du Fonds de la recherche technologique
(+ 235millillions de francs, soit + 35 %) et les actions
d'incitation, d'information et de communication (+ 45 millions de
francs, soit + 35 %).
Les dotations des organismes de recherche diminuent, dans l'ensemble, de
1 %. Elles progressent, certes, à structure identique
8(
*
)
, de 0,5 %, mais cela
équivaut à un recul, en francs constants.
Les EPST (+ 1,4 %) et les fondations et GIP (+ 1,3 %) sont
mieux lotis que les EPIC (- 5 %, + 0,6 % en
intégrant les crédits défense du CNES).
Des écarts assez importants, par rapport à la croissance moyenne
des budgets des organismes de recherche (+ 0,5 %) sont
constatés :
+ 4 % pour l'INRIA
- 1,9 % pour l'IFREMER.
Les crédits du CNES (y compris ceux du budget de la Défense)
diminuent de 1,7 % (- 160 millions de francs qui correspondent
en fait à une réduction de 60 millions de francs et à
un rééchelonnement, pour 100 millions de francs, de
l'apurement de la dette de l'établissement à l'égard de
l'agence spatiale européenne).
L'augmentation, faible en pourcentage, de la dotation du CNRS
(+ 1,1 %) dépasse cependant 150 millions de francs en
valeur absolue, soit trois fois plus, par exemple, que les 35 %
d'accroissement (+ 45 millions de francs) des dépenses
d'incitation, d'information et de communication, ou sept fois plus que la
majoration de la subvention à l'INRIA (+ 20 millions de
francs).
c) Une modération qui implique des renoncements et des difficultés
" Il est incontestable que nous avons fait des
choix " a
déclaré le ministre de la recherche, M. Claude Allègre,
lors de la discussion de son budget à l'Assemblée nationale.
De fait, le caractère modeste de l'augmentation globale des
crédits rend moins aisée la conciliation des exigences, qui ne
sont pourtant pas contradictoires :
- du soutien, d'une part, des disciplines nouvelles, des jeunes chercheurs
et des efforts de rattrapage nécessaires dans certains domaines ;
- de la préservation, d'autre part, des acquis de la recherche
française et de l'encouragement aux initiatives qui le méritent
des équipes en place et, malgré leurs défauts, des
organismes traditionnels.
Un certain nombre de projets se trouvent ainsi remis en cause et des organismes
mis en difficulté.
•
Le projet Soleil de synchrotron de troisième
génération
Ce projet se trouve gelé pour des raisons budgétaires. Son
coût, estimé à 2 milliards de francs sur huit ans
(exploitation comprise), pourrait être pris en charge en partie
(jusqu'à hauteur de 40 %) par la région d'accueil. Cette
machine remplacerait le LURE
9(
*
)
actuel d'Orsay, dont les frais de
fonctionnement, alourdis par la vétusté des installations en
cause, seraient ainsi économisés.
Soleil (source optimisée de lumière d'énergie
intermédiaire du Lure) avait été conçu de telle
sorte que ses caractéristiques soient complémentaires
10(
*
)
de celles de l'ESRF (European
Synchrotron Radiation Facility) de Grenoble.
Un synchrotron est un instrument scientifique à vocation
pluridisciplinaire et internationale, susceptible d'utilisations très
variées (physique, chimie, biologie, recherche fondamentale et
appliquée) et accessible à toutes sortes d'usagers (laboratoires,
PME, thésards...).
Le CSRT (conseil supérieur de la recherche et de la technologie) avait
arrêté, en 1997, une position très favorable au projet.
Il est néanmoins question de lui substituer une participation à
un projet tripartite, beaucoup moins mûr, baptisé
" Diamond ", joignant le gouvernement français au gouvernement
britannique et au Wellcome trust Fondation de droit privé britannique
émanant du grand groupe pharmaceutique Glaxo.
Cette solution
11(
*
)
serait,
naturellement, beaucoup plus économique (350 millions de francs),
mais elle offrirait, de façon tout aussi évidente, moins de
débouchés à la recherche et à l'économie
française.
•
Le remplacement du navire support d'engins Nadir de
l'IFREMER
L'IFREMER (Institut français pour l'exploitation de la mer) joue un
rôle unique en Europe en matière de sciences et technologies
marines, du fait, en particulier, qu'il est le seul à disposer de moyens
d'intervention sous-marine.
Il participe ainsi de façon déterminante, aux programmes cadre de
recherche et développement européens (PCRD), dans leur composante
marine.
L'Institut, dont le nombre de navires hauturiers a été
divisé par deux depuis 1985 (de 8 à 4 unités) avait
préparé, en 1994, un plan de renouvellement de sa flotte
approuvé par toutes les instances appelées à se prononcer.
Cependant, le CNER (Centre national d'évaluation de la recherche), ayant
jugé que le remplacement du navire support d'engins Nadir, qui devait
être arrêté en 2000, compte tenu de sa
vétusté, n'était pas une priorité, il a fallu
trouver une solution pour la mise en oeuvre du robot d'intervention
opéré par câble ROV Victor, déjà en cours
d'essais, qui nécessitait un bateau porteur moderne au système de
positionnement performant.
Une solution de construction en commun d'un navire adapté, avec le
Service hydrographique et océanographique de la marine nationale (SHOM),
a été trouvée.
Il semble qu'elle soit compromise par les difficultés budgétaires
de l'IFREMER dont la dotation, en 2000, doit diminuer de 1,9 %.
•
Le satellite astronomique Corot et la situation
budgétaire du CNES
Certains commentateurs de l'actualité de la recherche ont cru pouvoir
établir un lien direct entre la baisse de la subvention du CNES en 2000
(- 160 millions de francs) et la remise en cause du projet de
satellite astronomique COROT (Convention rotation et transits
planétaires) dont le coût total est évalué à
350 millions de francs
12(
*
)
.
En réalité, il ne s'agit pas d'une décision
ministérielle mais d'un arbitrage interne au CNES, dont la dotation,
compte tenu de la consolidation d'une mesure acquise, en services votés,
concernant les arriérés de paiements des cotisations de
l'établissement à l'agence spatiale européenne, ne diminue
que de 60 millions de francs.
Le projet n'est d'ailleurs pas annulé, mais doit faire l'objet d'une
recherche de cofinancements étrangers. Son intérêt
scientifique est incontestable (détection de planète extrasolaire
semblable à la terre) ainsi que sa contribution au rayonnement de notre
pays dans le domaine de l'astronomie.
Ses difficultés de financement, comme celles du synchrotron Soleil,
illustrent la difficulté, dans un contexte budgétaire restreint,
de faire coexister grands programmes ou grands équipements nationaux et
participation à des coopérations internationales qui constituent
parfois la seule façon de réaliser des projets de très
grande envergure (exploration de la planète Mars, construction d'une
station orbitale...).
COROT ou pas, la situation budgétaire du CNES est, à certains
égards, délicate malgré les marges de manoeuvre dont peut
sembler disposer l'établissement.
Certes, les contributions à l'agence spatiale européenne
diminuent
13(
*
)
depuis 1996
(voir annexe) et le coût de certains programmes peut être
abaissé, par exemple dans le domaine de l'observation de la terre,
grâce à des économies d'échelles permises par la
production en série de satellites et la baisse du prix de divers
composants. L'agence spatiale française peut aussi chercher,
éventuellement, à développer ses ressources propres dont
le niveau actuel est faible (11 millions de francs en 1996).
Mais, d'un autre côté, le contexte financier des activités
du Centre français d'études spatiales est contraignant, notamment
pour les raisons suivantes :
- sa dotation de fonctionnement (915 millions de francs) est
seulement reconduite en 2000, au niveau, insuffisant, de 1999, ce qui
l'obligera à continuer à financer des dépenses ordinaires
par des transferts, contraires à la loi organique de 1959, de
crédits d'investissements ;
- les engagements internationaux particulièrement coûteux
(et parfois discutables) doivent être respectés comme l'accord de
coopération avec la NASA
14(
*
)
relatif au retour
d'échantillons martiens (2,5 milliards de francs sur la
période 1999-2006) ;
- en ce qui concerne la contribution à l'ESA, en raison de
l'insuffisance des crédits de paiement mis à la disposition de
l'établissement, les arriérés de paiement de la cotisation
de celui-ci à l'agence spatiale européenne atteignaient
1.734 millions de francs au 31 décembre 1995 (somme qui
devrait être ramenée à 478 millions de francs à
la fin de l'exercice en cours).
D'autre part, la France assume une part particulièrement
élevée des programmes européens
15(
*
)
concernant les lanceurs (plus de
50 %, par exemple, du programme Ariane 5 plus...)
Notre pays se trouve enfin engagé dans le programme de
coopération de la station spatiale internationale à hauteur de
27,6 %, ce qui occasionnera une dépense de 780 millions de
francs en 2000 ;
- En dernier lieu, l'exploitation des possibilités de synergie
entre dépenses spatiales civiles et militaires est affectée par
la réduction, en 2000 tout du moins, des crédits
d'équipement de la défense, en général, et de ceux
de l'espace militaire, en particulier.
La baisse de ces derniers, qui dépassent à peine le seuil des
2 milliards de francs, est de 23,8 % en autorisations de programme et
de 15,3 % en crédits de paiement. La difficulté d'associer
des partenaires étrangers à certains programmes (les
Britanniques, par exemple, viennent de se retirer du projet de
coopération Trimilsatcom)explique en partie cette évolution.
L'enveloppe des crédits transférés du budget de la
défense à celui de la recherche, au titre du financement des
programmes duaux du CNES, passe, on l'a vu, de 900 millions de francs
à 1.500 millions de francs (+ 600 millions de francs).
•
Les problèmes rencontrés par le CEA
Les activités du CEA (Commissariat à l'énergie
atomique), comme celles du CNES, présentent un caractère mixte,
civil et militaire.
Le financement des activités civiles de l'établissement est
assuré à la fois par le budget de la recherche et par celui de
l'industrie.
Dans un passé récent, le commissariat a subi une
évolution positive, et une autre négative.
• L'élément favorable a été l'effort
accompli, par la loi de finances pour 1998, de rebudgétisation des
investissements du CEA (les contributions des ministères de la recherche
et de l'industrie étaient tombées, en 1997, à un niveau de
50 millions de francs chacune, soit 100 millions de francs, auxquels
s'ajoutaient 200 millions de francs du ministère de la
défense au titre des recherches duales. Ainsi, sur un total de
1.200 millions de francs de dépenses en capital, 550 millions
de francs étaient financés par des cessions d'actifs de CEA
Industrie et 350 millions de francs par le compte d'affectation
spécial des privatisations).
Il apparaissait que CEA-Industrie ne pouvait assumer à la fois la
charge de l'assainissement de ses installations nucléaires et celle
relative aux programmes de recherche de l'établissement.
Les crédits du titre VI, rebudgétisés,
s'élèvent aujourd'hui à 750 millions de francs et
sont inscrits, pour une moitié, dans le budget de la recherche et, pour
l'autre, dans celui de l'industrie.
• Mais le CEA a subi, l'année suivante, en 1999, une
diminution de 300 millions de francs de sa dotation. Cette baisse n'a
été compensée qu'à hauteur de 160 millions de
francs par les industriels (EDF pour 150 millions de francs et FRAMATOME
pour 10 millions de francs) et de 40 millions de francs par l'Etat.
L'établissement a donc dû réduire de 100 millions de
francs ses dépenses, pourtant tout à fait essentielles du point
de vue de l'avenir énergétique de notre pays et du niveau de sa
recherche et de sa technologie.
Dans ces conditions, l'évolution, retracée dans le tableau
suivant, du budget civil du commissariat en l'an 2000, n'apparaît pas
satisfaisante.
En effet, les crédits d'investissement du titre VI stagnent, tandis que
l'augmentation des dépenses ordinaires résulte surtout du
coût (163 millions de francs) de la séparation d'avec le CEA
de l'Institut de protection et de sécurité nucléaire
(IPSN).
Ces 163 millions de francs sont pris en charge, à hauteur de
26 millions de francs, par le budget de la recherche, et pour le restant,
par celui de l'industrie, une provision de 100 millions de francs restant,
pour le moment, non affectée, comme le précisent les
données ci-après.
Or, cette dernière somme de 100 millions de francs, ainsi
provisionnée, correspond précisément au chiffre de la
diminution forcée des dépenses du CEA en 1999.
Ne pourrait-on pas la lui restituer en l'affectant, dès maintenant, aux
chapitres budgétaires qu'il juge prioritaires en l'an 2000,
à charge pour une loi de finances rectificative de compléter, en
tant que de besoin, les crédits nécessités par la scission
de l'IPSN ?
Quoi qu'il en soit, le CEA en sera encore réduit en 2000 à
recourir à divers expédients pour faire face à ses
obligations courantes :
- il a été autorisé à augmenter de
21 millions de francs le montant de ses emprunts à CEA industrie
(ce qui implique la vente de filiales ou de participations de CEA-industrie,
autrement dit, de " bijoux de famille " pour financer des
dépenses ordinaires...) ;
- 50 millions de francs du FRT (fonds de la recherche technologique)
doivent lui être versés ;
- enfin, sur les 165 millions de francs attendus des industriels,
seuls 60 millions de francs, en provenance d'EDF, semblent garantis
(Framatome et la Cogema n'ayant, pour le moment, pris aucun engagement).
Les exemples, qui viennent d'être donnés, de remise en cause
éventuelles de projets et de programmes ou de difficultés
budgétaires rencontrées par des grands organismes concernaient
surtout des dépenses d'investissement.
Est-il besoin de souligner, à ce sujet, le rôle éminent et
stratégique joué par le CNES (importance de l'accès
à l'espace et de ses applications, en particulier celles liées
aux technologies de l'information...) ou par le CEA, en matière de
défense, de diffusion technologique, ou, surtout, d'énergie
(nucléaire, avec le maintien de cette option ouverte jusqu'en 2010, les
études du réacteur du futur, de nouveaux procédés
d'enrichissement et de traitement des déchets, ou alternative, avec la
participation à des recherches sur les piles à
combustible...) ?
Mais les ressources humaines sont tout aussi fondamentales pour la recherche
que les investissements en équipement.
Or, de ce point de vue aussi, la médiocre croissance de ce budget en
l'an 2000 est susceptible de provoquer des inquiétudes.
d) La faiblesse des mesures nouvelles concernant les personnels
Le
projet de loi de finances pour 2000 ne comprend aucune création
d'emplois de chercheurs et un très faible nombre de créations
d'emplois d'ITA (ingénieurs, techniciens, administratifs).
Les deux années précédentes (1998 et 1999) avaient
été marquées -il est vrai- par un renforcement
significatif des effectifs (500 créations d'emplois de chercheurs
et 234 d'ITA).
Mais le ministère considère, ce qui est discutable (voir plus
loin), que l'évolution du nombre des départs naturels en
retraite, dans les organismes publics de recherche, autorise une pause en 2000.
Le comblement de ces départs correspond en effet à un taux de
renouvellement annuel des effectifs de 3 % (qui implique le recrutement de
1.960 personnes, dont 1.440 enseignants-chercheurs et
520 chercheurs.
Dans les dix dernières années (1990-1999), l'accroissement global
de la population des chercheurs (+ 7 %) a été
insuffisant pour faire face au vieillissement des équipes des
laboratoires, considérées dans leur ensemble, malgré de
fortes progressions à l'INSERM et à l'INRIA.
Mais, dans le même temps, le nombre d'enseignants-chercheurs a
progressé de plus de 47 %. Cette croissance a profité
cependant davantage aux secteurs du droit, de l'économie et de la
gestion qu'à celui, par exemple, des disciplines de santé.
Au sein du CNRS , souvent accusé d' " autoreproduction
disciplinaire " par le ministre, des redéploiements internes
importants ont été effectués en faveur, plus
particulièrement, des sciences de l'ingénieur
(+ 21,5 %) et aussi, mais dans une moindre mesure, au
bénéfice de domaines -il est vrai- plus traditionnels, tels que
les sciences physiques et mathématiques (+ 10,8 %), la
physique nucléaire et corpusculaire (+ 10 %) ou les sciences
de l'univers (+ 7,5 %).
A ce jour, les effectifs de la recherche publique française
comprennent :
- 48.000 enseignants-chercheurs environ ;
- un flux annuel de 11.000 docteurs (dont 25 %
d'étrangers) ;
- 44.000 personnes, dont 17.350 chercheurs et 26.650 ITA
dans les EPST ;
- près de 20.000 emplois dans les autres organismes
(estimation incomplète) dont plus de 13.000 pour l'ensemble
CNES-CEA.
Ces données sont à utiliser avec précaution, en effet, les
emplois budgétaires (dont la définition n'est pas strictement
identique dans tous les organismes) peuvent différer des emplois
réels ; les organismes bénéficiant de subventions
mettent des emplois à disposition du ministère ; enfin, il
existe une " réserve d'emplois " (une vingtaine de chercheurs
et d'ITA en 1999).
Il est certain, en tout état de cause, que la part correspondant au
financement des dépenses de personnel, dans la subvention
attribuée aux EPST par le ministère de la recherche, est
très importante, comme l'illustrent les données suivantes,
extraites du " bleu " budgétaire.
L'impact
du glissement vieillesse technicité et de l'accord salarial, dans la
fonction publique, du 10 février 1998 dépasse ainsi
300 millions de francs (316,4 millions de francs) pour ces
établissements.
Aucune création d'emploi n'est inscrite aux budgets des EPIC ou des
fondations pour l'an 2000.
Concernant les EPST, 18 emplois sont créés, afin de
poursuivre l'apurement progressif de certaines situations pénalisantes.
Cette mesure bénéficie, en priorité, à deux
établissements :
- l'INRIA (5 adjoints techniques, 4 ingénieurs et
2 techniciens),
- l'IRD (5 adjoints techniques
16(
*
)
et 1 ingénieur
spécialisé dans les sciences du vivant).
Pour la deuxième année consécutive, une mesure
transversale aux EPST permettra la conversion de 700 emplois
administratifs en emplois d'IT dans la logique de rééquilibrage
de la pyramide des emplois selon les niveaux pertinents de recrutement
exprimés par les organismes.
Une mesure particulière de transformation d'emplois d'ITA
(ingénieurs, techniciens, administratifs) en chercheurs (30) permet
à l'INRA de consolider son potentiel de recherche scientifique au sein
des écoles vétérinaires sur des thématiques
prioritaires (génomique fonctionnelle et sécurité
alimentaire notamment).
L'ensemble de ces dispositions est récapitulé dans le tableau
ci-après :
Concernant les universités qui ont bénéficié de
recrutements massifs dans les années récentes, on s'efforcera,
dans la prochaine campagne d'attribution d'emplois, de limiter les
créations nettes en utilisant les marges de manoeuvre procurées
par les départs à la retraite, massifs d'ici 2012, et les
vacances de postes dues aux promotions, à la mobilité
géographique, etc...
D'un point de vue global (les situations étant très
inégales selon les disciplines et les organismes) et quantitatif (la
qualité des recrutements n'est pas examinée ici), ces mesures
peuvent sembler très insuffisantes.
3. Les raisons invoquées pour justifier l'augmentation limitée des crédits
Parmi les différentes raisons invoquées par la ministre de la recherche, M. Claude Allègre, pour justifier la faible progression de ses crédits, certaines, à défaut d'y souscrire, peuvent sembler recevables à votre rapporteur :
a) Les risques de gaspillages de deniers publics
Votre
commission des finances partage ainsi, à l'évidence, le souci,
proclamé par le ministre, d'
éviter tout gaspillage des deniers
publics.
Mais, la recherche et sa valorisation contribuent, à condition
d'être efficaces et bien orientées, à accroître,
à terme, les recettes fiscales et sociales des administrations
publiques. Il ne s'agit donc pas de dépenses stériles.
b) La concentration sur des objectifs prioritaires
D'autre
par, votre rapporteur admet, naturellement, qu'il y ait dans ce budget des
priorités
, celles du ministre lui paraissant, au demeurant,
souvent correctement orientées (voir II).
Il faut toutefois concilier soutien aux disciplines nouvelles, aux jeunes
chercheurs, au rattrapage de retards préjudiciables dans des secteurs
prioritaires et préservation de nos acquis, maintien de nos pôles
d'excellence, encouragement aux équipes en place...
c) La rigidité des grands organismes
Le
contraste entre la forte augmentation des capacités d'intervention du
ministère et celle, souvent médiocre, des dotations des
grands
organismes
semble témoigner d'une certaine défiance à
l'égard de ces derniers. De fait, le ministre a déclaré
lors de la discussion du budget à l'Assemblée nationale :
" Notre appareil de recherche, organisé autour des grands
organismes, a du mal à se redéployer vers les champs nouveaux du
savoir... si c'était pour qu'ils fassent de l'autoreproduction, ce
n'était pas la peine d'augmenter encore leur budget ! ".
Mais, comme l'ont souligné d'autres intervenants : " il
importe que le financement des études considérées comme
prioritaires ne se fasse pas au détriment des organismes " (dixit
M. Pierre Cohen auteur avec M. Jean-Yves le Déaut d'un remarquable
rapport sur l'avenir de la recherche française). " L'objectif n'est
pas en réalité de casser des outils existants, souvent
performants. Il doit être plutôt d'adapter la structure de chacun
des organismes et de développer entre eux les coopérations et les
coordinations nécessaires " (cf. M. Jean-Michel Dubernard,
rapporteur pour avis de la commission des affaires culturelles).
Dans une structure de la recherche française dont les diverses
composantes (CNRS, universités, laboratoires...) sont étroitement
imbriquées et ne sauraient ainsi être opposées les unes aux
autres, les grands organismes sont incontournables.
La création par le CNRS d'un département des sciences de
l'ingénieur, ses efforts de valorisation industrielle
17(
*
)
, sa participation à la
préservation du potentiel de recherche fondamentale du CNET, ne
témoignent-ils pas de son utilité et de ses facultés
d'adaptation (même si elles sont peut-être insuffisantes) ?
d) La nécessité de réformer les structures du budget.
Dans un
entretien au Monde, daté du 22 septembre 1999, le ministre de la
recherche a déclaré qu'il ne demanderait pas de hausse massive de
ce budget tant que " sa structure interne ", qu'il juge
" mauvaise ", n'aurait pas été remise en ordre. Il
visait ainsi la part excessive qu'y prenne, selon lui, les subventions aux
grandes entreprises, d'une part, et les très grands équipements
(TGE), d'autre part. Votre rapporteur partage le point de vue de M. Claude
Allègre sur le premier point, évoqué aussi dans le rapport
de M. Henri Guillaume, relatif à la technologie et l'innovation,
qui dénonçait " la concentration très forte des
financements sur un nombre limité de groupes travaillant pour la
défense ". Sur le deuxième point, en revanche, il convient
d'adapter un point de vue pragmatique et nuancé :
- le poids des TGE représente 10 %, en 1999, du montant des
autorisations de programme du BCRD, majoré des contributions du
ministère des affaires étrangères aux dépenses de
fonctionnement de grands organismes internationaux (CERN, etc...), 11 %
(300 millions de francs) des dépenses de soutien des programmes des
EPST (CNRS essentiellement), mais 28 % -il est vrai- de celles concernant
les EPIC
18(
*
)
(hors CNES et
CEA) :
- les laboratoires, dont les moyens de fonctionnement mobilisent
respectivement 67 % (pour les EPST) et 48 % (pour les EPIC) de ces
crédits de soutien ont besoin de tels équipements et les
utilisent largement (expériences sur synchrotrons ou embarquées
à bord de satellites...).
- une coopération européenne, voire
mondiale, est
évidemment nécessaire mais certains équipements, suivant
leurs dimensions et leurs coûts, ou pour des raisons stratégiques
(défense), peuvent être, légitimement,
réalisés au plan national,
- s'agissant plus particulièrement du projet Soleil, la question
principale est de déterminer dans quelle mesure les besoins de la
recherche française pourront être satisfaits, comme l'a admis M.
Claude Allègre, à l'Assemblée nationale, qui a promis que
le dossier serait rouvert si les synchrotrons accessibles à nos
chercheurs se révélaient saturés.
Les entreprises privée paraissant s'impliquer davantage dans le
financement des activités des laboratoires, n'incombe-t-il pas en
priorité aux pouvoirs publics (au niveau de l'Europe, des Etats ou des
régions) de financer ce type d'équipements lourds ?
Enfin, réaliser un TGE n'est pas nécessairement céder
à un lobby ou à la tentation du prestige, ce peut être un
moyen indispensable de motiver nos chercheurs et d'assurer notre
compétitivité.
e) Réfléchir avant de recruter
Selon le
compte rendu de l'examen, par la commission de la production et des
échanges, du budget de la recherche, le ministre de la recherche aurait
déclaré que les problèmes de déséquilibre de
pyramides des âges concernent davantage les enseignants chercheurs que
les chercheurs à temps plein et que, pour ces derniers, le
phénomène principal est la proportion excessive de personnes
ayant dépassé la cinquantaine.
Recruter massivement dans les organismes aboutirait selon lui à
" reporter les problèmes constatés aujourd'hui à
terme de dix ans " (ce qui signifie probablement que ce ne sont pas les
recrutements d'aujourd'hui qui pourront permettre de combler les départs
des quinze années à venir).
D'autre part, d'après le rapport spécial sur la recherche de la
commission des finances de l'Assemblée nationale, la politique du
ministère consisterait, avant de constituer, dans les dix prochaines
années des viviers dans les secteurs où les départs
à la retraite vont être massifs et soudains, à
réfléchir à l'avenir des différentes disciplines,
de façon à programmer les restrictions nécessaires dans
des domaines en déclin, les rénovations des secteurs
sinistrés qui s'imposent, les réorientations ou les renforcements
indispensables pour d'autres sujets ou, enfin, l'exploration de champs nouveaux.
Votre rapporteur comprend ce souci de réflexion préalable mais
souligne (voir B du I) l'urgence de l'élaboration d'une véritable
politique de l'emploi scientifique, à la fois ambitieux et prospective.
En résumé, les critiques de votre rapporteur portent davantage
sur l'insuffisance
globale
de ce budget que sur ses arbitrages, d'autant
que plusieurs de ses priorités lui paraissent plutôt bien
orientées (voir II).
La recherche et la technologie
19(
*
)
sont des moteurs de la croissance
de l'économie française. Il n'est pas normal que les
dépenses qui leur sont consacrées ne progressent pas au
même rythme que cette dernière, dont la persistance pourrait
même se trouver ainsi menacée.
Face à la rigidité et au poids écrasant des services
votés concernant les rémunérations et les dépenses
liées aux très grands équipements, une véritable
priorité budgétaire en faveur de la recherche permettrait de
dégager des marges de manoeuvre pour concilier le rattrapage de nos
retards les plus inquiétants, notre participation aux avancées de
la science et de la technologie et la préservation de nos acquis et de
nos pôles d'excellence.
B. UNE PROGRESSION EN CONTRADICTION AVEC LES AMBITIONS DU GOUVERNEMENT, ET QUI N'EST PAS À LA HAUTEUR DES ENJEUX ET DES BESOINS DE NOTRE RECHERCHE
1. Une situation en contradiction avec les ambitions affichées par le gouvernement
a) Des intentions ambitieuses
Dans le
compte rendu du CIRST (Comité interministériel de la recherche
scientifique et technique) du 15 juillet 1998, il était affirmé
que " la recherche scientifique et technique représente l'une des
clés essentielles de l'avenir économique et culturel de notre
pays ".
" La France -était-il encore proclamé- doit se donner les
moyens d'adapter son dispositif public de recherche pour être capable de
relever les défis du siècle prochain ".
De fait, comme l'écrit le commissaire au Plan, Jean-Michel Charpin, en
avant propos d'un récent rapport sur ces questions : " Les
changements qui affectent les fonctions de recherche et d'innovation
conditionnent en grande partie la capacité de la France à
créer de la richesse et des emplois ".
Certes, ce n'est pas tant notre potentiel scientifique et technologique qui
fait défaut que la façon dont il est valorisé, mais
laisser notre appareil de recherche en situation de perte de vitesse ne fera
qu'accroître les difficultés en ce domaine.
Une bonne valorisation suppose, fondamentalement, une bonne recherche,
maintenue comme telle et sachant s'adapter à l'émergence de
nouvelles disciplines et de nouvelles techniques.
Or, il faut, pour cela, une augmentation de moyens suffisante.
b) Des moyens décevants
La
progression des crédits de la recherche n'est pas à la hauteur
des ambitions annoncées par le gouvernement.
Force est de constater que celle-ci, si l'on en juge par ce budget, ne
constitue pas une priorité nationale.
Il n'est que de comparer le taux de progression des crédits
concernés (+1,3) à celui des dépenses d'autres
départements ministériels :
- Environnement et aménagement du territoire +8,1%
- Emploi et solidarité +4,3%
- Justice +3,9%
La recherche n'occupe donc pas dans le budget de l'Etat, la place
privilégiée qui lui revient en tant que facteur
déterminant de notre développement économique et
culturel.
2. Des enjeux qui nécessitent d'être en mesure de relever les défis qui nous sont lancés
a) Les enjeux de la recherche française
Les
principaux enjeux de la recherche et des crédits qui lui sont
consacrés, en dehors de la prétention -qui va de soi- à
l'excellence scientifique, concernent :
- notre souveraineté (en matière de défense,
d'accès à l'espace, d'indépendance
énergétique, d'autonomie culturelle...)
- notre économie, à travers la contribution à la
croissance et à l'emploi de la science et de la technologie.
Selon une récente étude de l'INSEE, le secteur de la recherche a
généré, à lui seul, 90.000 emplois en quinze ans.
De 1995 à 1998, dans un contexte de fort chômage, 30.000 personnes
ont été recrutées pour exercer ce type d'activités.
Les nouvelles technologies tirent de plus en plus la croissance
française, comme le souligne le rapport économique, social et
financier du projet de loi de finances pour 2000. Elles ont été
à la source, entre 1995 et 1998, d'un surplus cumulé de
croissance de 1,2 point.
En 1997, les seules technologies de l'information et de la communication, dont
le rythme élevé de consommation soutient fortement la demande
intérieure
20(
*
)
, ont
engendré 5% du PIB français soit davantage que l'industrie
automobile et l'énergie réunies.
Sans doute pourrions-nous encore mieux valoriser notre potentiel de recherche
selon les conclusions concordantes de nombreux experts.
b) Deux défis majeurs : compétitivité et emploi scientifique
Face
à ces enjeux, la recherche française doit être mise en
mesure de relever deux défis majeurs qui lui sont lancés :
celui de sa compétitivité d'une part, et celui, lié au
précédent, du renouvellement de ses effectifs.
•
Assurer la compétitivité de notre recherche
La compétitivité de la recherche française doit être
envisagée d'un double point de vue, celui, en amont, de l'excellence
scientifique et celui, en aval, de la valorisation.
- Tout d'abord, le secteur de la recherche n'échappe pas à
la mondialisation. La recherche française doit donc s'adapter, en
premier lieu, aux défis de la compétition mondiale. Comme le
souligne, en effet, le récent rapport précité, du
commissariat général du Plan
21(
*
)
, " la chasse aux cerveaux et
au dépôt des brevets transforme la recherche et l'innovation en un
véritable marché mondial soumis à la concurrence qui se
fait de plus en plus rude ", alors qu'auparavant, la comparaison avec les
autres pays permettait, simplement, de mesurer les efforts relatifs de chacun
et d'en déduire le potentiel d'innovation des industries correspondantes.
La division internationale des processus productifs s'étend
désormais aux activités de Recherche et Développement et,
dans ce contexte, " l'innovation -souligne le commissariat- joue un
rôle moteur, particulièrement dans certains secteurs parmi les
plus dynamiques de l'économie "
" La production des connaissances et des innovations peut aujourd'hui
être délocalisée au même titre que les autres
activités ".
- La France, -observe encore le rapport- est dotée d'un potentiel
humain de qualité ".
La même constatation se retrouve dans un autre rapport
22(
*
)
dont les auteurs, MM. Pierre Cohen
et Jean-Yves Le Déaut, estiment que " nous disposons en France d'un
potentiel de recherche tout à fait remarquable et dont les performances
sont reconnues à l'échelle internationale ".
Il ne faut pas pour autant se dissimuler certaines carences :
" Misère des sciences humaines et sociales ", notée par
le rapport Cohen-Le Déaut susvisé qui fait état, par
ailleurs, de " faiblesses ou retards préoccupants en sciences de
l'ingénieur, dans les services, dans la chimie industrielle,
l'électronique, les biotechniques et les NTIC (nouvelles technologies de
l'information et de la communication). S'agissant des sciences du vivant, le
constat du rapport, précité, du Plan est particulièrement
sévère : " La France n'a eu (dans ce domaine) ni de
véritable politique scientifique, ni de véritables
ambitions ", surtout en comparaison des autres pays (et notamment des
Etats-Unis). Les situations de la radiobiologie et de la microbiologie
demeurent particulièrement préoccupantes. Cette situation est
reconnue par le ministre de la recherche qui a fait du rattrapage de notre
retard dans ce domaine, l'une de ses priorités et a observé, lors
de la discussion de son budget à l'Assemblée nationale, que
" cela fait trente-deux ans que nous n'avons pas obtenu de prix Nobel de
biologie et de médecine ". Un cloisonnement trop rigide entre
disciplines se trouve aussi, parfois, à l'origine de certaines
déficiences, le cas de la bio-informatique en est une illustration
éclatante, tant il est vrai, comme le souligne le commissariat au Plan,
que les nouveaux enjeux se situent souvent aux frontières de
différentes spécialités.
- Enfin, " il faut faire en sorte -pour reprendre l'expression
utilisée par M. Claude Allègre à l'Assemblée
nationale- que la richesse de la science française alimente notre
économie ". Le ministre a également fait valoir aux
députés que " s'agissant de la création d'entreprises
innovantes, nous sommes le pays industrialisé le plus en retard ".
Ces analyses sont largement partagées :
Pour
l'Observatoire des Sciences et techniques
(rapport 1998), le
potentiel de recherche français reste mal valorisé et nos
résultats insuffisants dans de nombreux secteurs, en particulier les
biotechnologies et les technologies de l'information.
Ce constat se retrouve dans le rapport Guillaume sur la technologie et
l'innovation qui conclut que notre système national d'innovation passe
difficilement à la vitesse supérieure, au moment où la
concurrence s'intensifie. Le modèle français des grands
programmes technologiques fonctionne pour l'aérospatial et le
nucléaire, mais n'est pas adapté aux besoins du
développement des technologies de l'information et des biotechnologies,
plus proches du marché.
Votre rapporteur, pour sa part, était parvenu aux mêmes
conclusions dans son avis sur le projet de loi sur l'innovation et la
recherche, quant au décalage entre l'excellence de notre potentiel
scientifique et sa valorisation, relativement médiocre, au niveau de
l'industrie. Cette situation s'expliquait, notamment, pour lui, par la
conjonction d'un niveau relativement faible de créations d'entreprises
et d'un positionnement défavorable sur les secteurs à forte
croissance (comme les technologies de l'information et les biotechnologies).
Les analyses de MM. Cohen et Le Déaut vont dans le même sens :
" Nous assistons depuis plusieurs années -font-ils valoir- à
des tournants technologiques qui se sont amplifiés durant la
dernière décennie au plan international, mais pour lesquels la
position relative de la France est très médiocre, moins au niveau
de son potentiel de recherche que de ses capacités technologies et
industrielles, notamment :
- l'ensemble des biotechnologies,
- l'ensemble des nouvelles technologies de l'information et de la
communication (NTIC) ".
" Un rattrapage est observé depuis plusieurs mois, notamment dans
les NTIC, mais un simple rattrapage, parfois lent, n'est pas suffisant. Notre
pays doit figurer dans le peloton de tête des technologies de
demain ".
Or, " nos institutions de recherche, dans leur grande majorité,
-soulignent les deux députés- ne privilégient pas
suffisamment la recherche technologique, l'innovation ni la valorisation ".
" Il est donc nécessaire de compléter les dispositions de la
loi sur l'innovation par des mécanismes de promotion des
activités de valorisation, de recherche technologique et
d'innovation ".
•
Renouveler les effectifs des chercheurs
La position du ministre, analysée ci-avant, telle qu'elle peut
être interprétée d'après ses propos ou la
présentation qui en a été faite, semble se résumer
ainsi :
- la situation des effectifs et des départs à la retraite
autorise une pause dans les recrutements en 2000 ;
- il faut réfléchir au rééquilibrage entre les
disciplines avant de planifier les créations d'emplois dans les
années à venir ;
- les problèmes de pyramide des âges sont plus
inquiétants dans les universités que dans les organismes de
recherche dans lesquels, bien que la proportion de chercheurs âgés
de plus de 50 ans soit importante, il ne serait pas utile d'embaucher
massivement actuellement.
Sans qu'elles contredisent expressément cette appréciation, les
analyses présentées par les experts dans de récents
documents se montrent nettement plus alarmistes dans leur formulation de ce
problème.
Le commissariat au Plan évoque ainsi " le vieillissement
inquiétant de la recherche publique française ".
" Si aucune mesure d'anticipation des évolutions à venir
n'est prise durant les prochaines années, -est-il ainsi écrit
dans son dernier rapport, déjà cité-, le seul remplacement
des départs à la retraite (ainsi d'ailleurs que des
départs pour tout autre motif), conduira à une politique de
recrutement heurtée, avec des taux très
différenciés selon les institutions et les disciplines, mais
surtout alternativement faibles ou massifs selon les périodes
considérées. Une telle politique est totalement incompatible avec
le maintien du niveau de qualité du potentiel humain de recherche
publique. Elle ne permettra a fortiori pas les redéploiements
d'effectifs entre disciplines qui pourraient s'avérer
nécessaires ".
Cette assertion est fondée sur les résultats d'une étude
de l'OST (Observatoire des sciences et techniques) sur la situation
démographique de la recherche scientifique française.
L'observatoire juge non satisfaisante la situation démographique de la
recherche française, caractérisée par son
irrégularité et son
hétérogénéité selon les disciplines, les
institutions et les régions.
Le rapport de MM. Cohen et Le Déaut évoque aussi un effectif par
âge très irrégulier mais vieillissant, l'enseignement
supérieur ayant connu au cours des 15 dernières années une
croissance plus forte et continue de ses effectifs que le CNRS ou la plupart
des autres EPST, dont les effectifs sont restés pratiquement stables
depuis 1993.
Dans certains cas, les 30-40 ans constituent les classes d'âge les plus
nombreuses, comme à l'INRA, qui a étalé ses recrutements,
ou à l'INRIA, qui est un organisme plus récent.
Les âges moyens vont de 43 ans en Sciences pour l'ingénieur,
à près de 50 ans en médecine ".
Tous les avis sont convergents, en ce qui concerne le la
nécessité
d'anticiper
les évolutions, compte-tenu
de la durée des formations nécessaires (4 ou 5 ans au moins) et
du caractère prévisible des départs en retraite.
Les départs peu nombreux -il est vrai-, les prochaine années,
deviendront sensiblement plus importants de 2006 à 2012, avec un taux
maximum de 4,9 % en 2008.
Dans l'enseignement supérieur, les 2/3 des professeurs et 35 % des
maîtres de conférences atteindront, en effet, l'âge de 65
ans d'ici 2012.
Le commissariat au Plan et l'OST s'accordent à souhaiter que
l'anticipation des départs s'accompagne d'un lissage des remplacements,
afin d'éviter des à-coups préjudiciables à la
transmission des savoirs et susceptibles de provoquer une
détérioration de la qualité du potentiel de recherche.
Dans son avis sur le BCRD pour 2000, le CSRT (Conseil supérieur de la
recherche et de la technologie), constate " avec une vive
inquiétude " que l'évolution des crédits
concernés ne permettront pas " la prise en compte du vieillissement
de la population scientifique et de la vague de départs
prévisibles d'ici la fin de la prochaine décennie ".
La mobilité des chercheurs offre, certes, des marges de manoeuvre,
cependant limitées, en raison des obstacles auxquels elle continue de se
heurter dans notre pays, malgré de nombreuses mesures incitatives
(MM. Cohen et Le Déaut parlement de mobilité
" introuvable ").
Notre effort global de financement de la recherche ne semble pas de nature
à lui permettre de relever les défis qui lui sont lancés,
dans le contexte d'une compétition mondiale de plus en plus ouverte,
comme en témoignent plusieurs indicateurs.
c) Des indicateurs inquiétants
Les
indicateurs disponibles montrent que le moment est venu non pas de
relâcher, mais, au contraire, d'accentuer notre effort de recherche, dans
un contexte de concurrence internationale exacerbée.
Le tableau suivant indique, en effet, que malgré un effort accru des
entreprises dont les investissements en recherche ont augmenté de 4,3 %
en 1998, les parts de la DNRD, comme de la DIRD, dans notre PIB
décroissent depuis 1993, année où leurs pourcentages
atteignaient, respectivement 2,5 % et 2,45 %. Celle du BCRD s'est
stabilisée en 1998, au niveau de 1997 mais a de fortes chances de
baisser en 2000 (puisque la croissance des dépenses
considérées est inférieure à celle de
l'économie).
Les
comparaisons internationales qui peuvent être effectuées ne font
qu'accroître l'inquiétude suscitée par ces
évolutions.
Ce tableau montre, en effet :
- un accroissement de l'effort de recherche des Etats-Unis et du Japon
coïncidant avec une baisse de celui des principaux pays européens
dont la France ;
- un classement de notre pays en queue de peloton de tête des
principaux pays industrialisés, derrière les Etats-Unis, le Japon
et l'Allemagne, en ce qui concerne tant la DIRD par rapport au PIB et par
habitant que le ratio chercheurs/population (pour lequel, cependant, nous
dépassons légèrement l'Allemagne tout en étant
largement distancé par les deux premières puissances
économiques mondiales et par la Suède).
La situation est encore plus grave pour les dépôts de brevets qui
constituent un bon indicateur de comparaison de l'efficacité de la
valorisation de la recherche dans les différents pays.
Le rapport Guillaume, précité, révèle que les
dépôts de brevets français dans les systèmes
américain et européen ont chuté, entre 1987 et 1996, de
20 %. Ce recul a tendance à s'accélérer depuis 1993,
notamment par rapport à nos partenaires européens.
La part mondiale de la France en technologies-clés (mesurée en
part mondiale de brevet européen) a régressé de 2,5% par
an de 1990 à 1996.
En outre, c'est dans les domaines, pourtant essentiels, des technologies de
l'information que notre position est la plus faible.
Il serait temps de mettre, sans plus attendre, notre effort de recherche
à la hauteur de nos ambitions, des enjeux en cause et des besoins de nos
chercheurs.
3. Des besoins qui risquent d'être difficiles à satisfaire
Les
besoins de la recherche française sont liés à la fois
à son excellence, qui doit être maintenue, à ses
insuffisances auxquelles il convient de remédier, enfin aux situations
nouvelles auxquelles elle doit s'adapter.
Certes, il est possible de dépenser mieux, d'utiliser des marges de
manoeuvre (une meilleure coordination, une plus grande mobilité,
davantage de coopération internationale).
Il est vrai aussi que la contribution à la DIRD des entreprises reste
moins importante en France qu'aux Etats-Unis, au Japon et en Allemagne, et
pourrait continuer à augmenter.
Les nécessités de la recherche, enfin, ne sont pas toutes de
nature budgétaire. Leur satisfaction suppose aussi des mesures fiscales
(comme le crédit d'impôt recherche qui est une bonne disposition),
législatives (la loi du 12 juillet 1999 en est un exemple),
réglementaires ou statutaires.
Mais la recherche française, de par ses structures, qu'il serait vain de
bouleverser, dépend, pour une part essentielle, des ressources publiques
et doit faire l'objet incontestablement d'une véritable priorité
budgétaire.
Tel n'est pas le cas, aussi risque-t-il de s'avérer difficile de
satisfaire ses besoins de préservation, de rattrapage et de
renouvellement.
a) La préservation des acquis
Les
points forts de la recherche française doivent être
préservés.
Nos performances académiques (mesurées par le nombre de
publications rapportées au PIB) nous placent dans la moyenne des pays de
l'OCDE, sans spécialisation nette, puisque nous occupons la
troisième place dans l'Union européenne pour toutes les
disciplines, à l'exception des mathématiques où nous nous
trouvons au premier rang.
D'une point de vue technologique, deux des principaux domaines d'excellence de
la France sont le nucléaire et l'aérospatial.
Il importe, pour conserver ces atouts, de donner au CEA les moyens d'accomplir
ses missions fondamentales sans le contraindre à amputer son patrimoine
industriel, et de garantir également au CNES des ressources suffisantes
et surtout une stabilité financière compatible avec la
programmation rigoureuse de ses dépenses, à laquelle il s'efforce
de procéder.
Les télécommunications constituent un autre de nos points forts,
d'autant plus appréciable que nous sommes, par ailleurs, souvent
très en retard dans le domaine des nouvelles technologies de
l'information et de la communication. France-Télécom, depuis sa
soumission totale à la concurrence, accordant une priorité aux
recherches consacrées à la satisfaction des besoins, à
court terme, de sa clientèle, il importe absolument de préserver
le potentiel de recherche fondamentale du CNET. Le transfert dans un nouveau
laboratoire à Marcoussis, du pôle d'opto électronique de
Bagneux, par l'entremise du CNRS et avec le concours d'Alcatel, doit, à
cet égard, être salué.
b) Les rattrapages souhaitables
Les
principaux retards français concernent, on l'a vu, d'une part, dans le
domaine scientifique, les sciences du vivant (et notamment la radiobiologie et
la microbiologie) et plus généralement, la valorisation de notre
potentiel, et d'autre, part, en matière technologique, les technologies
de l'information et les biotechnologies.
Nos performances sont également médiocres en science pour
l'ingénieur ainsi qu'en chimie et en biologie appliqué, et
malgré un effort de R et D relativement soutenu, en
électronique.
On doit s'interroger, à ce sujet, sur les causes de l'écart
persistant entre les bonnes performances de notre système de recherche
et sa valorisation insuffisante dans de nombreux domaines.
Les redevances de brevets perçues par la recherche publique -souligne
ainsi le rapport Guillaume- ne sont pas à la hauteur de notre potentiel
scientifique (une amélioration de cette situation tendrait à
réduire les dépenses publiques). Les exemples de
l'électronique et des biens d'équipement montrent, selon le
même document, que " la France est moins efficace que les autres
pays pour traduire ses efforts de R et D en positions technologiques
affichées et valorisées sur les marchés mondiaux ".
c) Les renouvellements nécessaires
La
préservation de nos acquis et le rattrapage des retards
enregistrés dans des secteurs prioritaires en raison de leur potentiel
de valorisation en terme de croissance et d'emploi (biotechnologies, NTIC) sont
à concilier, budgétairement, avec un effort de renouveau
concernant les ressources humaines et les disciplines nouvelles de la recherche.
La question de l'emploi scientifique est -on l'a vu-, particulièrement
complexe, du fait de la diversité selon les organismes et les
disciplines, des pyramides des âges et des besoins de renforcement des
effectifs- votre rapporteur ne peut à ce sujet, que rappeler " la
vive inquiétude ", déjà signalée, su CSRT qui
constate que " les moyens apparaissant dans le BCRD ne permettent pas
cette année, contrairement à 1999, la prise en compte du
vieillissement de la population scientifique et de la vague de départs
prévisibles d'ici la fin de la prochaine décennie ".
De fait, si les départs s'intensifient à compter de 2006, c'est
dès maintenant, compte tenu des délais de formation
nécessaires pour maintenir le niveau des recrutements, qu'il faudrait se
préoccuper de constituer des " viviers " et d'éveiller
les vocations de chercheurs qui, dans les sciences " pures " tendent
aujourd'hui à se raréfier.
Ceci est difficile dans la mesure où les débouchés des
quelques 11.000 docteurs formés chaque année en France sont
actuellement insuffisants, que ce soit dans le secteur académique, qui
attire le plus grand nombre (alors que 4.000 places seulement de
chargés de recherche ou de maîtres de conférences sont
offertes) ou dans les entreprises (pour des raisons dues à l'âge
des intéressés, à la concurrence des ingénieurs
sortis d'école ou parce qu'il n'est pas d'usage de recruter des
universitaires...)
Dans ces conditions, le nombre de " post-doc augmente et leur insertion
devient de plus en plus tardive. 70% des séjours post-doctoraux ont lieu
à l'étranger (dont 80 %, à parts égales, aux
Etats-Unis et dans l'Union européenne, et 60 % dans les secteurs de
la biologie, de la médecine et de la santé).
A la veille d'une vague importante de départs de chercheurs à la
retraite, il conviendrait de ne pas décourager les candidats à
une formation par la recherche et donc, pour reprendre une expression de MM.
Cohen et Le Déaut, plutôt " d'ouvrir les vannes "
(notamment vers le secteur privé, plus particulièrement dans les
services) que de " fermer le robinet ", en limitant les inscriptions
en doctorat.
Les deux députés insistent également, à juste
titre, sur " l'insertion, la responsabilisation et l'autonomie des jeunes
chercheurs ", qui retiennent également toute l'attention du
ministre. Ils soulignent que c'est davantage une autonomie scientifique que
revendiquent ces derniers que des responsabilités de gestion. " Les
jeunes chercheurs -écrivent-ils- éprouvent des difficultés
pour conduire des projets novateurs, créer leur équipe dans un
environnement de faible renouvellement des structures de recherche ".
" C'est -estiment-ils- dans les disciplines expérimentales que le
problème se rencontre avec la plus grande acuité. Les projets
scientifiques y sont souvent conduits par des chercheurs très
expérimentés qui laissent peu de place aux initiatives de jeunes
chercheurs souhaitant explorer de nouveaux sujets ".
" Se pose ainsi, de manière cruciale -poursuivent-ils- la
capacité de la recherche française, à développer de
nouveaux domaines d'investigation, situés, notamment, comme la
bio-informatique, à l'interface de plusieurs disciplines ".
Il aurait fallu, dans ce dernier cas, que cette spécialité
d'avenir soit reconnue comme prioritaire par les informaticiens et que se
constituent rapidement, autour d'eux, des équipes intégrant des
chercheurs de plusieurs organismes (CNRS-CEA...).
Si une politique plus ambitieuse était menée, observent MM. Cohen
et Le Déaut, de jeunes chercheurs pourraient explorer, plus rapidement,
de nouveaux champs disciplinaires (la révolution thématique de la
génétique, par exemple, a eu lieu en France avec des
années de retard sur les Etats-Unis).
Il conviendrait enfin de récompenser, d'une manière ou d'une
autre, dans le déroulement de leur carrière, les membres des
jeunes équipes qui présentent des projets innovants et de leur
donner la possibilité de " faire école " (les
habilitations à diriger des recherches sont actuellement très
difficiles à obtenir).
*
* *
Les
priorités de ce budget qui vont être examinées dans la
partie suivante de ce rapport, privilégient semble-t-il les rattrapages
et les renouvellements nécessaires aux dépens de la
préservation de nos acquis, les interventions directes du
ministère au détriment des délégations de moyens
aux grands organismes, le soutien aux laboratoires par rapport aux très
grands équipements.
Un certain attentisme semble prévaloir en ce qui concerne tant une
augmentation réellement significative de moyens, repoussée
à plus tard, qu'une programmation des recrutements dans le cadre d'une
véritable politique scientifique jusqu'ici différée.
Or, il devient urgent de faire correspondre l'évolution des
crédits de la recherche à l'importance de ses enjeux
économiques et de ses différents besoins. Notre effort,
globalement, tend à se relâcher tandis que celui de nos principaux
concurrents (Etats-Unis, Japon) augmente.
Nos retards et notre manque de " réactivité " face
à l'émergence de nouvelles disciplines, sont préoccupants
ainsi que les carences de la valorisation de notre recherche.
Mais la priorité qui doit être accordée à ces
problèmes ne doit pas conduire à négliger nos domaines
d'excellence (nucléaire, spatial, océanographie) ou à
priver nos chercheurs d'un accès suffisant à certains très
grands équipements (synchrotron).
Le défi du vieillissement de la population de chercheurs
française doit, par ailleurs, être relevé.
Une augmentation appropriée de ce budget permettrait de concilier ces
différentes exigences, sans pour autant renoncer à faire des
choix (nous ne pouvons tout faire).
Elle serait d'autant plus souhaitable et efficace qu'elle s'accompagnerait d'un
effort de prospective et d'évaluation.
II. DES PRIORITÉS CORRECTEMENT ORIENTÉES QUI GAGNERAIENT CEPENDANT À S'INSCRIRE DANS UNE POLITIQUE PLUS PROSPECTIVE, PLUS TRANSPARENTE ET MIEUX ÉVALUÉE
A. DES PRIORITÉS PLUTÔT BIEN ORIENTÉES
Les priorités de ce budget et de la politique du ministre tendent à remédier aux insuffisances de la recherche française (retards dans certains domaines, valorisation déficiente...) et à l'ouvrir davantage aux disciplines nouvelles et aux jeunes chercheurs.
1. Les priorités thématiques
Les
principales priorités thématiques retenues par le
Gouvernement
23(
*
)
concernent :
- les sciences du vivant,
- les NTIC (nouvelles technologies de l'information et de la
communication),
- l'étude de la planète et de l'environnement.
Les deux premières sont incontestables dans la mesure où il
s'agit de discipline dont les perspectives de retombées
économiques en terme de croissance et d'emplois sont
particulièrement prometteuses, à un horizon rapproché, et
dans lesquels, pourtant, nous accusons un retard
24(
*
)
notablement important.
Les actions menées dans les sciences du vivant privilégient la
biologie et la génomique
25(
*
)
.
On assiste par ailleurs à une relance de la recherche en sciences
humaines et sociales.
En matière spatiale, priorité est donnée à l'espace
" utile " (navigation par satellite avec la participation au
programme européen Galileo, observation de la terre,
télécommunications...).
Dans le domaine de l'énergie, les recherches sur la maîtrise de
l'énergie et les énergies renouvelables bénéficient
d'un nouvel essor (avec une participation du CEA aux études relatives
aux énergies alternatives : piles à combustible,
photovoltaïque...).
Enfin, s'agissant du secteur des transports et du cadre de vie, on note :
- le prolongement du programme de recherche interministériel sur
les transports terrestres,
- une réflexion sur les possibilités de développement
d'un avion supersonique de deuxième génération,
- enfin, une attention particulière accordée aux travaux sur
les conséquences de l'urbanisation.
2. Les priorités transversales
a) La recherche universitaire
Que ce
soit à moyen terme, avec le plan U3M et à travers les contrats de
plan
26(
*
)
, ou à plus
court terme, dans ce budget, la recherche universitaire déjà
privilégiée ces dernières années en matière
de recrutements (+ 47 % d'enseignants chercheurs entre 1990 et 1999)
continuera à bénéficier des faveurs du Gouvernement.
Le ministre semble vouloir concilier -ce qui n'est pas facile !- le
respect de l'excellence qui, selon ses propos " ne se
décrète pas " et un maillage du territoire supposant une
correction des inégalités géographiques.
" U3M, a-t-il déclaré à l'Assemblée nationale-
c'est aussi un treillis de plates-formes technologiques dans les villes
moyennes pour assurer le développement et l'irrigation complète
du tissu économique grâce à la recherche et aux structures
d'enseignement technologique (lycées professionnels, IUT, BTS) ".
b) La valorisation
L'insuffisante valorisation de notre potentiel scientifique et
technologique est peut-être le défaut majeur du système
français de recherche et d'innovation.
Le rapport Guillaume, publié en 1998, avait dénoncé la
concentration très forte des aides publiques à la recherche
industrielle sur un nombre limité de groupes travaillant pour la
défense.
Même au sein du FRT, la part des grandes entreprises qui restait depuis
1981 au niveau de 40 % était passée, de 1993 à 1996,
à 50 %.
Dans ces conditions, le Gouvernement a poursuivi, au cours des deux
dernières années, deux objectifs :
- redéployer l'aide aux technologies et à l'innovation des
grands groupes vers les PME-PMI,
- compléter le dispositif existant dans ce domaine.
Concernant le premier point, le ministre de la recherche a indiqué aux
députés, lors de la discussion de son budget, à
l'Assemblée nationale, que les sommes versées par le FRT aux
grands groupes étaient passées de plus de 200 millions de
francs en 1996 à 90 millions de francs en 1998.
Sur le deuxième point, les subventions aux organismes ou les avances
remboursables accordées aux entreprises pour le financement de certains
projets, ont été complétées par des
mécanismes spécifiques d'aide à la création et
à la croissance d'entreprises innovantes (fonds d'amorçage,
incubateurs, capital risque...).
D'autre part, la loi sur l'innovation et la recherche (cf. encadré
ci-après) a, fort opportunément, facilité l'implication de
chercheurs ou d'établissements de recherche du secteur public, dans des
activités de valorisation de leurs travaux ou de participation à
la création ou aux activités de sociétés innovantes.
LA LOI SUR L'INNOVATION ET LA RECHERCHE
Destinée à favoriser le transfert des résultats de la recherche publique vers le secteur productif, la loi du 12 juillet 1999 vise également à développer l'émergence de nouveaux produits et nouveaux services et à encourager la création d'entreprises innovantes. Elle s'articule autour de quatre axes :
La mobilité des personnels de la recherche vers les entreprises
Chercheurs, enseignants-chercheurs, ingénieurs,
jeunes
docteurs, personnels techniques ou administratifs peuvent
désormais :
- créer une entreprise qui valorise leurs travaux. La loi les
autorise à participer en tant qu'associé ou dirigeant à
cette entreprise nouvelle, en conservant leur statut de fonctionnaire, pendant
une durée maximale de 6 ans. A l'issue de cette période ils
peuvent choisir entre le retour dans le service public et le départ
définitif dans l'entreprise,
- apporter leur concours scientifique (en tant que consultants) à
une entreprise qui valorise leurs travaux tout en restant dans la fonction
publique,
- prendre une participation dans une entreprise qui valorise leurs travaux
(jusqu'à 15 % du capital),
- siéger au conseil d'administration d'une entreprise.
Les coopérations entre recherche publique et entreprise
Création d'incubateurs d'entreprises : les
établissements d'enseignement supérieur et de recherche peuvent
créer ces incubateurs, afin de mettre à la disposition des
étudiants et des jeunes entreprises, des locaux, des équipements
et du matériel.
Développer des services de valorisation de la recherche : des
" services d'activités industrielles et commerciales "
pourront être mis en place par les universités et les
établissements de recherche.
Simplification des formalités administratives et de la gestion des
contrats : la loi simplifie les créations de filiales et de
groupements d'intérêt public (GIP) qui fédèrent des
organismes de recherche, des universités et des entreprises.
Le cadre fiscal pour les entreprises innovantes
La loi améliore les dispositions financières pour les entreprises de croissance, en assouplissant le régime des bons de souscription de parts de créateur d'entreprise (BSCPE), afin d'intéresser les salariés au développement de leur entreprise. Elle permet également d'assouplir le régime des fonds communs de placement dans l'innovation (FCPI) et de rendre plus intéressant le crédit d'impôt-recherche.
Le cadre juridique des entreprises innovantes
La loi crée un environnement juridique favorable à l'ensemble des entreprises, en ouvrant largement le régime de la société par actions simplifiées (SAS) qui offre une plus grande souplesse de gestion et de fonctionnement.
3. Les priorités méthodologiques
Dans l'utilisation des crédits consacrés au financement de ses priorités, le Gouvernement privilégie la coordination des moyens et la mobilité des hommes.
a) La coordination des moyens
- Le ministre a rappelé, lors de la discussion de
son
budget à l'Assemblée nationale, la poursuite d'une politique de
rapprochement entre universités et organismes de recherche.
Comme le rappellent MM. Cohen et Le Déaut, près de 90 %
des unités du CNRS sont associés, d'une façon ou d'une
autre, aux universités.
L'INSERM et l'INRA sont, tout de suite après, les plus avancés
dans cette voie.
Peu à peu, tous les organismes sont incités, dans le cadre des
contrats pluriannuels conclu avec le ministère, à créer
des unités mixtes.
- Par ailleurs, le CIRST (comité interministériel de la
recherche scientifique et technique) du 1
er
juin 1999 a
annoncé que les priorités thématiques retenues (voir
ci-dessus) seraient développées à travers :
des
actions concertées incitatives (ACI)
favorisant
notamment l'émergence de disciplines nouvelles,
des
actions coordonnées
entre divers organismes dans des
domaines jugés particulièrement importants,
enfin, des
réseaux de recherche technologique
associant des
acteurs de la recherche publique et des industriels sur des projets
susceptibles de favoriser la création d'emplois (comme le PREDIT ou le
RNRT, évoqués plus loin, qui sont financés par le FRT).
b) La mobilité des hommes
Comme le
soulignent MM. Cohen et Le Déaut, la mobilité est un facteur
de décloisonnement et de circulation des idées dont
l'intérêt est reconnu par tous et qui doit être
encouragée sous toutes ses formes (entre organismes, des organismes vers
l'université ou de la recherche publique vers les entreprises).
A cet effet, les possibilités d'accueil par le CNRS
d'enseignants-chercheurs en délégation, ou de chercheurs
associés ont été accrues à partir de 1999.
177 emplois, soit 70 de plus qu'en 1998, ont été
consacrés à l'accueil de chercheurs extérieurs en 1999,
dont 22 au titre de l'interdisciplinarité. A la demande du
ministre, un effort particulier a été consenti en faveur des
sciences du vivant et des sciences humaines et sociales.
La mobilité entre chercheurs et enseignants chercheurs est, d'autre
part, apparue comme susceptible d'apporter une contribution, partielle mais
souple, à la solution des problèmes de pyramide des âges et
de recrutement des organismes de recherche et des universités.
La nécessité de disposer d'un plus grand nombre d'enseignants a
notamment conduit à faciliter les passages de corps de recherche dans le
corps des enseignants-chercheurs.
Les conditions de cette mobilité ont été organisées
par une circulaire du 10 janvier 1990, et un décret du
1
er
octobre 1990 modifiant le décret n° 84-431
du 16 juin 1984 portant statut du corps des professeurs
d'université et du corps des maîtres de conférences. Ce
texte permet aux chercheurs d'être détachés puis ensuite
intégrés dans les corps d'enseignants-chercheurs.
Ces mesures ont permis sur les années 1990 à 1995 à
500 chercheurs environ d'être accueillis sur des postes
d'enseignants-chercheurs par la voie du détachement et par la voie du
recrutement direct. En 1998, 100 postes d'enseignants-chercheurs ont ainsi
été pourvus dont environ 2/3 par recrutement direct (concours)
dans le corps des professeurs d'université, et 1/3 par voie de
détachement.
Concernant, enfin, la mobilité vers les entreprises, les incitations en
sa faveur ont tout d'abord été renforcées, les gains de
rémunération possibles dans le cadre de ce type de
détachement étant portés à 50 %, tandis qu'ils
demeurent limités à 30 %, dans les autres cas, pour les
fonctionnaires.
Puis, la loi du 12 juillet 1999 sur l'innovation et la recherche a encore
assoupli les règles applicables en matière de
détachement : possibilités de temps partiels, d'allongement
de la durée des contrats à durée déterminée,
etc...
4. Les priorités budgétaires
Les
priorités du budget de la recherche en l'an 2000 vont essentiellement
- au renforcement des capacités d'intervention du ministère,
- à la restauration des moyens des laboratoires des organismes de
recherche,
- à la recherche universitaire.
a) Le renforcement des capacités d'intervention du ministère
Le
renforcement des capacités d'intervention directe du ministère de
la recherche se traduit par l'augmentation spectaculaire du fonds national de
la science (FNS), créé par la loi de finances pour 1999, et du
fonds de la recherche technologique (FRT), dont les autorisations de programme
avaient déjà fortement progressé en 1999 (de près
de 200 MF, soit plus de 40 %).
Au total, le milliard et demi de francs est dépassé en
autorisations de programme.
L'écart entre les évolutions des AP et des CP du FRT paraît
difficile à expliquer, compte tenu des problèmes
rencontrés précédemment
27(
*
)
, les mêmes
phénomènes ne risquent-ils pas de se reproduire ?
Le ministre entend utiliser ces fonds comme un moyen de favoriser
l'émergence de disciplines nouvelles, d'encourager les jeunes chercheurs
et les créations d'entreprises innovantes, de faire respecter les
priorités thématiques fixées, enfin de promouvoir les
recherches pluridisciplinaires et les coopérations (actions
concertées ou en réseau).
Le rôle du FRT
Le FRT est l'instrument privilégié d'incitation au partenariat
entre recherche publique et recherche privée.
Il est plus particulièrement orienté vers le soutien à la
création et à la croissance de sociétés innovantes
et les transferts de technologie aux entreprises.
Il incite à la mutualisation des moyens des équipes de recherche
publique et privées réunies en " réseau de recherche
et d'innovation technologique " qui reçoivent près de la
moitié de sa dotation.
Les deux principaux réseaux déjà existants sont le PREDIT
(programme de recherche dans le domaine des transports terrestres) et le RNRT
(réseau national de la recherche en télécommunications),
grand programme fédérateur, lancé en 1997 pour une
durée de cinq ans, qui associe le ministère chargé des
télécommunications, l'ANVAR et le ministère chargé
de la recherche.
Des nouveaux réseaux ont été créés en 1999
(nanotechnologies, génoplante, génie civil et urbain, piles
à combustible)... D'autres sont en train d'être constitués
dans des domaines correspondant aux priorités gouvernementales
(technologies de l'information, santé et environnement...).
Des appels à proposition peuvent également être
lancés et des actions incitatives menées sur d'autres
thèmes conjointement avec l'ANVAR (crédits du ministère de
l'industrie), le FRT soutient ainsi financièrement les projets
d'innovation associant des entreprises françaises et européennes
dans le cadre de la procédure Euréka.
Le ministre a lancé, en 1999, un concours national de création
d'entreprises innovantes disposant de moyens incitatifs nouveaux. Deux types de
projet, plus ou moins en amont de la création proprement dite, peuvent
être présentés : les projets " en
émergence " et les projets
" création-développement ", plus
élaborés. Il y a eu, dans l'année qui s'achève,
2.000 demandes dont 100 seulement ont pu être satisfaites.
A ces actions imputées sur le chapitre 66-04 du budget de la recherche,
s'ajoute la mise en place de deux dispositifs relatives, respectivement,
à l'incubation et à l'amorçage.
S'agissant de l'incubation, le soutien du fonds est orienté vers les
projets nouveaux associant plusieurs établissements d'enseignement
supérieur ou de recherche avec le concours des collectivités
locales.
Concernant l'amorçage, un seul fonds " I - source "
réunissant l'INRIA, le CNRS, la Caisse des dépôts et des
investisseurs privés existe à ce jour. Un autre est en cours de
création avec la participation du CEA.
Un compte d'affectation spéciale destiné à aider à
la mise en place de fonds de capital-amorçage et doté de 100
millions de francs en 1999 a été mis en place.
Pour 1999, la ventilation des crédits, par domaines d'intervention et
par type d'action a été la suivante.
La présentation suivante qui permet de distinguer la part réservée aux réseaux, à Eurêka et au concours de créations d'entreprises, peut aussi être proposée (en millions de francs).
L'année 2000 sera consacrée à la
consolidation
des initiatives prises en 1999 pour soutenir la création d'entreprises
(concours national, incubateurs), à la poursuite des programmes et des
actions incitatifs en cours ainsi qu'à la création de nouveaux
réseaux dans les domaines prioritaires.
Les actions du FNS
Le Fonds national pour la science (FNS) est un nouvel instrument,
créé par la loi de finances pour 1999, plus
particulièrement dédié au soutien aux recherches
fondamentales, lancées ou poursuivies dans des domaines, correspondent
aux priorités du Gouvernement, pour lesquels les actions menées
par les voies habituelles risquent de se révéler insuffisantes.
Les sciences du vivant en constituent un bon exemple. En
génétique, notamment, l'effort entrepris va de la connaissance de
la séquence des génomes à l'analyse
post-séquençage. Des infrastructures lourdes ont
été mises en place à Evry, dont le Genopole comprend un
Centre national de séquençage (CNS) et un Centre national de
génotypage (CNG).
Le programme génomique, dans le cadre duquel un réseau national
de Génopoles est en cours de constitution, a été
doté de 230 millions de francs en 1999.
Ces recherches nécessitent de pouvoir disposer de moyens informatiques
puissants et performants (la bio-informatique revêt donc une importance
fondamentale).
Comme le FRT, le FNS est aussi un outil de
coordination
, aussi les
actions
concertées
incitatives en constituent le cadre
d'intervention ordinaire.
La ventilation prévisionnelle des autorisations de programme en 1999 a
été la suivante :
b) La restauration des moyens des laboratoires des organismes de recherche
La
dotation des EPST n'augmente que de 1,4 % en DO + CP, mais de
3 % en AP avec une priorité au soutien de base des unités de
recherche dont les crédits bénéficient d'une progression
globale de 3,5 %.
Les budgets des laboratoires en biologie et en nouvelles technologies de
l'information croîtront même de 15 à 20 % -selon
les déclarations du ministre à l'Assemblée nationale-
grâce aux moyens supplémentaires apportés par le FNS et le
FRT.
c) La stimulation de la recherche universitaire.
Malgré la baisse des AP, retirées à compter de 1999 du BCRD 28( * ) pour être intégrées dans les crédits de l'enseignement, la dotation des universités (DO + AP) augmente davantage que celle du CNRS ou que le BCRD en 2000.
Les
activités de recherche dans l'enseignement supérieur
bénéficient d'une mesure nouvelle de 25 millions de francs
et 160 post-doctorants supplémentaires seront accueillis l'an
prochain dans les universités françaises.
415 millions de francs, au minimum, ont été consacrés
par les contrats de plan Etat-régions, entre 1994 et 1999, à la
construction de locaux de recherche universitaire.
A ces chiffres s'ajoutent :
- 1 milliard de francs de contributions des EPST et EPIC ;
- 170 millions de francs de dépenses d'équipement et de
fonctionnement ;
- 500 millions de francs du FRT ;
- 253 millions de francs d'actions en direction des entreprises par
l'intermédiaire des CRITT
29(
*
)
;
- 60 millions de francs, enfin, au titre de la diffusion de la
culture scientifique et technique.
La politique suivie par le plan U3 M, qui laisse une large place à
la recherche universitaire, devrait être guidée par les deux axes
suivants :
- réalisation, en premier lieu, d'équipements
nationaux
(réseaux
30(
*
)
, centres techniques, très
gros calculateurs) ;
- création,
au niveau régional
, d'autre part, de
laboratoires dans les universités nouvelles, d'instituts
spécialisés, de centres de recherche technologique ou de
plates-formes technologiques ouvertes aux PME-PMI.
Les
priorités qui viennent d'être rappelées semblent à
votre rapporteur être, dans leur ensemble, correctement orientées.
Peut-être sont-elles cependant, sur le plan thématique, à
la fois trop vastes, trop nombreuses et trop vagues.
Si les sciences du vivant et les technologies de l'information et de la
communication doivent, incontestablement, être
privilégiées, pour des raisons déjà exposées
(parce qu'elle sont génériques, transversales et susceptibles
d'une valorisation rapide et forte), les actions dans les vastes domaines des
sciences de l'homme et de la société ou de la planète et
de l'environnement mériteraient d'être mieux ciblées.
En effet, comme le souligne le rapport -précité- sur la recherche
et l'innovation du commissariat au Plan " la France apparaît comme
un pays d'importance intermédiaire qui n'a pourtant pas fait de choix
explicite de positionnement.
Mais le rattrapage de nos retards ou notre participation à
l'émergence de nouvelles disciplines ne doivent pas, pour autant,
s'effectuer aux dépens de nos acquis et de nos pôles d'excellence.
En ce qui concerne la valorisation, insuffisante, de notre recherche, force est
de constater que si, d'un côté, le FRT augmente, d'un autre
côté, les crédits de l'ANVAR ou ceux consacrés aux
CORTECHS (convention de recherche pour techniciens supérieurs) sont
stagnants.
On peut s'interroger, par ailleurs, sur la cohérence entre la
priorité annoncée en faveur des sciences de la vie et la
progression de 1,8 % de la dotation de l'INSERM. S'agit-il d'une
quelconque défiance à l'égard de cet
établissement ?
D'autre part, la politique de recherche universitaire du Gouvernement semble
quelque peu hésiter entre concentration des moyens sur des pôles
d'excellence et maillage fin et égalitaire du territoire en laboratoires.
Enfin, votre rapporteur juge insuffisants, en raison de leur caractère
tout à fait essentiel, les crédits (300 millions de francs
sur cinq ans) consacrés au RNRT (réseau national de la recherche
en télécommunications). Il s'inquiète plus
particulièrement du niveau des dépenses relatives à la
conception des composants électroniques de nouvelle
génération.
Concernant le FNS et le FRT, il comprend le souhait du ministre de disposer de
capacités d'interventions accrues pour financer des actions prioritaires
et nouvelles mais se préoccupe de la gestion de ces Fonds (compte tenu,
notamment, des problèmes rencontrés précédemment
avec le FRT), d'une éventuelle dispersion de leur utilisation, de leur
évaluation et de leur contrôle par le Parlement.
En dernier lieu, il voudrait souligner que ces Fonds doivent inciter à
la coordination des actions de recherche et ne saurait donc, constituer un
moyen de contournement des grands organismes.
Sous ces réserves, votre rapporteur approuve la plupart des
priorités thématiques (sciences du vivant, NTIC...) et
méthodologique (actions concertées et en réseau...) du
ministre, et les trouve, dans l'ensemble, cohérentes avec ce budget. Sa
progression lui semble cependant globalement insuffisante pour permettre
à la recherche française de relever, dans les meilleures
conditions, tous les défis qui lui sont lancés
(compétitivité scientifique et technologique, valorisation...)
Quoi qu'il en soit, ces priorités gagneraient à s'inscrire dans
une politique plus prospective, plus transparente et mieux
évaluée.
B. UNE POLITIQUE QUI GAGNERAIT À ÊTRE PLUS PROSPECTIVE, PLUS TRANSPARENTE ET MIEUX ÉVALUÉE
1. La nécessité d'une vision plus prospective des activités de recherche
a) Ne pas se contenter de programmer
Plan U3M
(Université du 3
ème
millénaire), volet
recherche des contrats de plan Etat-Régions, négociations de
contrats pluriannuels avec les organismes, plans stratégiques du
CNES et du CEA : la nécessité d'une programmation des
activités de recherche n'est pas méconnue, loin de là, par
le gouvernement ni par la communauté des chercheurs.
Au niveau de la coopération européenne aussi, ces
activités sont planifiées par les PCRD communautaires successifs
(programmes cadres de recherche, de développement technologique et de
démonstration).
La France a toujours eu le goût des grands programmes nationaux
volontaristes (nucléaires, spatiaux, aéronautiques...), mais
cette démarche n'est pas adaptée, on l'a vu, à des
technologies nouvelles à la fois plus foisonnantes et proches du
marché (biotechnologies, NTIC...).
D'autre part, tout ne peut pas être planifié et c'est souvent de
souplesse et de réactivité que manque le plus la recherche
française, pour redéployer ses ressources vers les disciplines
nouvelles ou à la frontière de plusieurs disciplines, là
où se situent les principaux enjeux du futur.
Est-ce à dire qu'il faut renoncer à toute vision d'avenir ?
Non ! Ce n'est pas parce que l'avenir ne peut pas se
décréter qu'il ne doit pas être anticipé, dans toute
la mesure du possible.
Programmation et prospective ne doivent pas être confondues, ce qui ne
signifie pas, naturellement, qu'il faille abandonner toute planification dans
les domaines qui s'y prêtent (développement de nouveaux lanceurs,
étude des réacteurs nucléaires du futur...)
b) Anticiper l'avenir
Créateur au Sénat, d'un groupe d'étude du
futur, votre rapporteur ne peut qu'approuver les conclusions du rapport,
précité, du commissariat au Plan selon lesquelles le gouvernement
doit être éclairé dans ses choix avec une vision
prospective.
" Promouvoir le changement, en effet - comme l'écrivent les auteurs
du rapport- va de pair avec une capacité renouvelée à se
projeter dans l'avenir, c'est-à-dire à identifier les futurs
possibles... "
On l'a vu, anticiper les évolutions à venir est
particulièrement important en ce qui concerne l'emploi scientifique,
comme le reconnaissent aussi bien les rapporteurs du Plan que MM. Cohen et Le
Déaut et le ministre lui-même.
c) Elaborer une stratégie à long terme
La
programmation des actions à venir, quand elle est permise, et
l'exploration des futurs possibles, doivent s'intégrer dans une
stratégie globale à long terme de la recherche française.
Il s'agit par exemple, de déterminer comment il va être
tiré parti des départs massifs à la retraite de chercheurs
et d'enseignants chercheurs dans les prochaines années, pour
redéployer les effectifs en fonction des rééquilibrages
souhaitables entre les disciplines.
C'est aussi à la lumière de cette vision stratégique
globale souhaitable, que doivent être étudiées les
réformes de structures éventuelles des grands organismes, en
concertation avec tous les intéressés et, en tenant compte de
l'imbrication des différentes composantes de la recherche
française et de leurs pondérations délicates.
Une telle stratégie permettrait d'assurer à la France la
continuité des choix dont, selon le commissariat au Plan, elle a
manqué jusqu'alors (sauf en ce qui concerne les grands programmes de
développement technologiques).
Elle assurerait ainsi l'harmonisation des actions des différents
intervenants : Europe, Etat, régions, organismes,
universités, entreprises...
Mais, réfléchir à l'avenir ne doit, bien évidemment
pas servir de prétexte à repousser à plus tard des mesures
qui s'imposent : ceci est vrai, notamment, de l'augmentation du budget de
la recherche.
2. Pour une politique de la recherche plus transparente
En
souhaitant une politique de la recherche plus transparente, votre rapporteur ne
sous-entend pas qu'il y ait, de la part du ministre, une quelconque
volonté de dissimulation de ses intentions ou de ses actions.
Si celui-ci a parfois l'impression, comme il l'a déclaré à
l'Assemblée nationale, que sa politique est méconnue, c'est sans
doute, d'abord, en raison du caractère " complexe et peu
lisible " pour reprendre les termes de MM. Cohen et Le Déaut,
des structures de la recherche publique française.
Se pose aussi le problème du contrôle de l'utilisation du FNS et
du FRT dont, par définition, l'affectation des crédits ne peut
être précisée à l'avance.
a) Un système complexe et peu lisible
Comme le
soulignent MM. Cohen et Le Déaut, la faible lisibilité de notre
système de recherche est la conséquence principale de son
émiettement (qui n'empêche pas -on l'a vu- une certaine
concentration de ses moyens au profit des plus grands organismes).
- S'agissant des organismes, l'hétérogénéité
de leurs statuts, de leurs dimensions et de leurs missions, a
déjà été relevée. Mais, comme le font valoir
les deux députés précités
" l'efficacité de notre système de recherche ne semble pas
affectée outre mesure par le morcellement, voire l'éclatement de
ses institutions qui, bien souvent, se complètent, se concurrencent (au
bon sens du terme) et s'associent ".
Les notions de " périmètre de recherche " ou de champ
disciplinaire " vont devenir, de toute façon, de plus en plus
caduques.
Une certains complexité est donc inévitable : raison de plus
pour accentuer l'effort d'explication des actions de recherche !
Il ne faut pas non plus renoncer à simplifier ce qui peut l'être,
par exemple, à rapprocher les statuts des personnels de
différents établissements de façon à faciliter les
mobilités...
- Les observations de la Cour des comptes sur le manque de précision des
documents budgétaires, l'émiettement des responsabilités
ministérielles, les problèmes de consommation de crédits
de certains établissements mériteraient, d'autre part,
d'être suivis d'effet.
- Enfin, notre dispositif de transfert de technologie et de valorisation de la
recherche demeure particulièrement foisonnant : à l'occasion
de la préparation d'un colloque, M. Paul Rabette, responsable des
relations industrielles de l'Université Pierre et Marie Curie (Paris
VI), dit avoir recensé, dans une seule région française,
pas moins de 162 organismes affichant le transfert comme raison sociale.
La politique menée, par exemple, en la matière, au niveau
régional, fait intervenir :
- les DRIRE (directions régionales de l'industrie et de
l'environnement) ;
- les DRRT (délégations régionales à la
recherche et à la technologie) ;
- les délégations régionales de l'ANVAR ;
- les services des conseils régionaux.
Entre en jeu, en outre, les CRITT (centres régionaux d'innovation et de
transfert de technologie), les CDT (conseiller en développement
technologique), les CRT (centres de ressources technologiques).
Une réflexion des pouvoirs publics a cependant conduit à
distinguer parmi les CRITT et les autres structures d'appui technologique aux
entreprises (centres techniques industriels, cellules de valorisation des
universités ou des organismes de recherche, services des chambres de
commerce et d'industrie...) deux fonctions bien
différenciées :
- le conseil en développement technologique
- la fourniture de prestations technologiques.
Votre rapporteur aurait préféré que cette réflexion
débouche sur une simplification !
b) Le suivi des actions du FNS et du FRT
Dans son
rapport spécial sur les crédits de la recherche, le
député Christian Cuvilliez " s'interroge, compte tenu de
l'augmentation régulière des montants dont sont
crédités ces deux fonds sur le choix d'attribution des
subventions et
leur transparence. "
Le ministre Claude Allègre, s'est engagé, en réponse, en
séance publique, à l'Assemblée nationale, à fournir
pour le 1
er
janvier au Parlement une note d'information sur leur
utilisation et la composition des comités scientifiques qui
répartissent les crédits.
Le problème de la transparence rejoint, en l'occurrence, celui de
l'évaluation qui sera évoqué plus loin.
Même si la fixation de priorités claires et des incitations
à la coordination peuvent limiter les risques de saupoudrage des
crédits et le foisonnement des projets, ce type de fonds, appelés
à financer de nombreuses opérations, souvent en co-financement
avec d'autres partenaires, n'est pas facile à gérer.
Le suivi de leurs actions est tout aussi difficile.
Par le passé, le FRT a connu des problèmes importants de
consommation de ses crédits de paiement et de décalage entre AP
et CP ;
Il est à espérer que ce phénomène ne se reproduira
pas.
La transparence de la politique de la recherche exige, tout d'abord, un effort
de communication et de dialogue du ministre, ensuite une simplification, autant
que faire se peut, des structures, enfin, une plus grande
sincérité budgétaire.
Elle doit permettre d'améliorer les relations du ministre tant avec les
organismes qu'avec le Parlement.
3. L'amélioration souhaitable de l'évaluation
a) Une tâche particulièrement difficile
" Clé de voûte " d'un système de
recherche, selon les termes de MM. Cohen et Le Déaut,
l'évaluation est à la fois particulièrement difficile et
particulièrement nécessaire.
Particulièrement difficile en raison de la multitude des
différentes sortes d'évaluation et du niveau élevé
de leurs exigences. Difficile aussi parce que les instances qui en sont
chargées sont, elles aussi, très nombreuses, et que leurs
tâches ne sont pas réparties, entre elles, d'une façon qui
corresponde parfaitement aux distinctions qui peuvent être
établies entre les différentes missions à accomplir en la
matière. Il y a donc des conflits, positifs ou négatifs de
compétence.
L'évaluation est, d'autre part, particulièrement
nécessaire pour éviter les gaspillages de ressources publiques,
s'assurer de l'efficacité de notre dispositif de recherche et du respect
de ses priorités. Enfin, la nécessité de
l'évaluation est liée à celles, décrites
précédemment, d'une anticipation stratégique des
évolutions de la recherche et d'une plus grande transparence des
décisions qui la concernent.
b) Des missions très diverses
Les
formes d'évaluation, toutes souhaitables, varient en fonction :
- du stade du processus de décision auquel elles se situent :
préparation (évaluation ex ante), exécution (suivi),
résultats (évaluation ex post) ;
- de leur objet : évaluation de la politique de la recherche
dans son ensemble, d'une politique publique particulière (spatiale,
nucléaire...) ou d'un organisme, des chercheurs eux-mêmes... ;
- de leur destinataire : le Parlement, l'exécutif
(Gouvernement, administration), les dirigeants ou les autorités de
tutelle des grands organismes ;
- de leur caractère : scientifique, stratégique,
appréciatif de la qualité de la gestion et des résultats
obtenus (en terme de publications, de brevets...).
Il est évident que l'évaluation qui intéresse davantage le
Parlement n'est pas celle des chercheurs ou de la qualité scientifique
de la recherche, qu'il n'est pas à même d'apprécier, mais
plutôt ce qui concerne la ou les politiques menées, la
stratégie suivie, l'efficacité des actions. Ceci suppose un
dialogue avec la tutelle et les dirigeants des organismes de recherche et un
contrôle de leurs dépenses et de celles des Fonds de la science et
de la recherche technologique.
c) Une multitude d'instances
La
multiplicité des instances qui ont à connaître des
décisions concernant la recherche sème la confusion.
Le CSRT (conseil supérieur de la recherche et de la technologie),
créé par la loi d'orientation et de programmation du
15 juillet 1982 et placé auprès du ministre
chargé de la recherche, est une instance de concertation et de dialogue,
consultée sur tous les grands choix de la politique scientifique et
technologique (notamment le BCRD, le volet recherche du Plan, les rapports de
prospective et d'analyse...).
Sa composition est représentative, d'une part, des communautés
scientifiques et techniques, d'autre part, des partenaires de la recherche
(secteurs productifs, sociaux et culturels, régions, syndicats...).
Doté d'une capacité d'autosaisine (il peut prendre l'initiative
de propositions et constituer des commissions d'étude
spécialisée), il rend un avis annuel sur
l'évaluation
de la politique de recherche et de
développement technologique et doit présenter, chaque
année, au Parlement, un rapport sur les activités de recherche et
de développement technologique qui retrace les choix stratégiques
de la politique nationale et l'état de réalisation de ses
objectifs...
Le CNER (comité national d'évaluation de la recherche)
procède, à son initiative, ou à la demande du ministre
chargé de la recherche, à l'évaluation périodique
des organismes, programmes, incitations de toute nature, financées par
le BCRD, en vue d'apprécier le bien fondé des orientations et des
choix retenus, l'adéquation des moyens aux programmes et
l'efficacité des coopérations mises en oeuvre, notamment avec les
entreprises...
Il existe encore un comité national d'évaluation (CNE) plus
généralement chargé de l'évaluation des
établissements publics, y compris scientifiques, dans les domaines
correspondant aux missions du service public de l'enseignement
supérieur, ainsi qu'un conseil scientifique d'évaluation, qui
doit veiller à la qualité des évaluations de politiques
publiques décidées par le Comité interministériel
de l'évaluation...
Créé par Jacques Valade en avril 1988 et confirmé
par Hubert Curien, par un arrêté du 25 juin 1995, le
Conseil des TGE, faute de renouvellement de ses membres, a cessé
d'exister.
Le comité d'orientation stratégique (COS),
créé le 3 janvier 1995 par François Fillon a
été remplacé par un Conseil national de la Science,
institué par un décret du 20 octobre 1998 dont les
membres sont tous nommés par le ministre (c'est son droit !) et qui
comprend , ce qui est très appréciable, un tiers de scientifiques
étrangers, pour l'essentiel européens.
Pour terminer cette énumération -fastidieuse et pourtant
incomplète !- il convient de mentionner encore deux
organismes : l'OST (observatoire des sciences et techniques), souvent
cité dans ce rapport, qui effectue un travail, notamment statistique,
très intéressant et le comité national de la recherche
scientifique, placé auprès du CNRS, qui a pour mission
d'évaluer l'activité des chercheurs et des laboratoires et dont
les deux tiers des membres -ce qui en fait une sorte de " Parlement de la
Science "- sont élus par leurs pairs. MM. Cohen et Le
Déaut estiment satisfaisant le fonctionnement de ce comité, bien
rodé et autonome, mais soulignent, s'agissant de l'ensemble des
établissements publics de recherche, la lourdeur du dispositif
d'évaluation qui mobilise des centaines de commission thématiques
et plusieurs centaines, voire des milliers d'évalueurs.
Ils estiment que les questions d'évaluation stratégique et de
politique scientifique, de valorisation et de transferts de technologie, ne
sont pas assez prises en considération.
d) Comment rendre le système plus efficace ?
Pour
s'en tenir aux aspects qui intéressent le Parlement (à
l'exclusion de l'appréciation de la qualité scientifique des
organismes et des chercheurs), il semble qu'il faille garantir à
l'évaluation de la politique et du budget de la recherche :
- qualité et rigueur,
- indépendance et objectivité,
- concertation et transparence.
Les deux premiers objectifs supposent de consacrer à l'évaluation
des moyens financiers suffisants de façon à pouvoir confronter
les points de vue d'experts suffisamment nombreux et qualifiés et
recrutés, en partie, à l'étranger.
Evaluer n'est pas juger, le troisième objectif requiert un dialogue, le
plus en amont possible, entre ceux qui prennent les décisions et ceux
qui sont concernés par elles, les évaluateurs et les
évalués.
Il semble, tout d'abord, que la
préparation des décisions
ne fasse pas l'objet d'une attention suffisante. C'est dès ce stade que
doivent intervenir l'évaluation et la concertation.
Comme l'estime le groupe de travail du Commissariat au Plan,
présidé par M. Majoie, dans son rapport
précité : " Que ce soit auprès du premier
ministre lorsque cela s'avère nécessaire, ou auprès du
ministre chargé de la recherche, il faut un conseil qui prépare
les choix " avec " une vision prospective ", favorisant
" l'émergence d'un consensus sur les choix stratégiques
à promouvoir " et " la continuité des efforts
engagés au-delà des cycles électoraux ".
Le dispositif actuel d'évaluation de la recherche française,
d'autre part, n'est pas assez stratégique. " Il ne semble pas
-écrivent MM. Le Déaut et Cohen- que les instances
actuelles, très dispersées, aient une vision d'ensemble des
politiques de recherche. Le rapport de conjoncture et de prospective du
Comité national ne répond pas à cette exigence ".
" L'évaluation stratégique reste une mission du CNER
-poursuivent-ils- mais ses recommandations restent insuffisamment prospectives.
Le Conseil national de la science n'a pas cette approche
stratégique ".
Et les deux députés de proposer les réformes suivantes,
qui semblent, à votre rapporteur, tout à fait dignes
d'intérêt :
- conseil des instances de décision par des rapports de conjoncture
et de prospective ;
- fusion, d'une part, des organismes d'évaluation actuels (CNE,
CNER, Conseil national...) et, d'autre part, des organismes d'analyse et
réflexion (OST et ADIT) ;
- création d'un Forum comprenant des personnalités
extérieures, des acteurs de la recherche
et des représentants
du Parlement
.
Si, aujourd'hui, les activités scientifiques des organismes et des
chercheurs sont évaluées avec une certaine rigueur, malgré
tous les défauts du système, il n'en va pas de même du
dispositif de transport et de diffusion de la technologie :
" Il était au-dessus des moyens dont je disposais -écrit
M. Guillaume dans son rapport précité- de procéder
à un inventaire et à une évaluation des
structures
31(
*
)
de transfert
et de diffusion de la technologie ".
" C'est sans doute dans ce domaine -poursuivait-il- que le besoin d'un
processus d'évaluation systématique se fait le plus sentir ".
Il demandait, enfin, que soient dégagés les moyens de
procéder à cette mission indispensable et qui, semble-t-il, n'a
toujours pas été accomplie.
Une des réponses du ministère au questionnaire budgétaire
de votre rapporteur précise que la Direction de la recherche " met
en oeuvre les procédures et les moyens d'évaluation et
d'expertise nécessaires à l'accomplissement de ses
missions ".
Qu'en est-il de la Direction de la Technologie ?
De même, l'annexe jaune à la loi de finances (" état
de la recherche et du développement technologique ")
précise, pour le FNS, mais pas pour le FRT, la procédure de
sélection, de suivi et d'évaluation des projets par des
" comités de programme " " pour chaque programme
identifié ". Qu'en est-il des programmes non
identifiés ?
En bref, il faudrait " évaluer l'évaluation " et en
rationaliser le dispositif actuel quelque peu foisonnant et complexe.