Projet de loi tendant à favoriser l’égal accès des femmes et des hommes aux mandats électoraux et fonctions électives
CABANEL (Guy)
RAPPORT 263 (1999-2000) - Commission mixte paritaire
Rapport
au
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RAPPORT
FAIT
AU NOM DE LA COMMISSION MIXTE PARITAIRE (1) CHARGÉE DE PROPOSER UN TEXTE SUR LES DISPOSITIONS RESTANT EN DISCUSSION DU PROJET DE LOI tendant à favoriser l'égal accès des femmes et des hommes aux mandats électoraux et fonctions électives,
PAR M. BERNARD
ROMAN, PAR M. GUY CABANEL,
Député. Sénateur.
(1)
Cette
commission est composée de
: Mme Catherine Tasca, députée,
présidente
; M. Jacques Larché, sénateur
,
vice-président ;
MM. Bernard
Roman,
député,
Guy Cabanel,
sénateur, rapporteurs.
Membres titulaires
: Mmes Huguette Bello, Marie-Thérèse
Boisseau, Cécile
Helle, Muguette Jacquaint, Marie-Jo Zimmermann ,
députés
;
MM. Patrice Gélard, Henri de Richemont, Daniel Hoeffel, Mme Dinah
Derycke,
M. Michel Duffour,
sénateurs
.
Membres suppléants
: Mme Odette Casanova, M. André
Vallini,
Mmes Nicole Feidt, Véronique Neiertz, MM. Jacky Darne, Jean-Luc
Warsmann,
Claude Goasguen,
députés
; MM. Nicolas About, Luc Dejoie, Paul
Girod,
Pierre Jarlier, François Marc, Jean-Pierre Schosteck, Simon Sutour,
sénateurs
.
Voir les numéros :
Assemblée nationale
:
2012, 2103
et T.A.
432.
Sénat
:
192, 231
et T.A.
94
(1999-2000).
Elections et référendums.
MESDAMES, MESSIEURS,
La commission mixte paritaire chargée de proposer un texte sur les dispositions
restant
en discussion du projet de loi tendant à favoriser l'égal accès des femmes et
des
hommes aux mandats électoraux et fonctions électives s'est réunie, le jeudi 9
mars
2000, au Palais Bourbon.
Elle a tout d'abord procédé à la nomination de son bureau qui a été ainsi
constitué :
-- Mme Catherine Tasca, députée, présidente,
-- M. Jacques Larché, sénateur, vice-président.
La Commission a ensuite désigné M. Bernard Roman, député, et M. Guy
Cabanel,
sénateur, respectivement rapporteurs pour l'Assemblée nationale et le Sénat.
Jugeant souhaitable d'aborder d'emblée le coeur des divergences entre les deux
assemblées, M
. Guy Cabanel, rapporteur pour le Sénat
a indiqué que
le
Sénat avait supprimé l'article premier A du projet de loi introduit par
l'Assemblée nationale qui abaissait de 3 500 à 2 000 habitants le
seuil
déterminant l'application du mode de scrutin proportionnel pour les élections
municipales. Il a considéré qu'il constituait, en effet, une contravention
manifeste au
compromis qui avait permis d'aboutir, l'an passé, à la révision
constitutionnelle.
Rappelant que le Premier ministre s'était, à cette occasion, solennellement
engagé à
ne pas changer les modes de scrutin, il a regretté qu'ait été introduit dans le
projet
de loi une disposition qui mélange le débat sur l'application du principe de
parité,
auquel souscrit le Sénat avec celui sur un mode de scrutin. Il a souligné, en
outre,
qu'il ne s'agissait pas d'une disposition anodine puisque, à moins d'un an des
élections
municipales, elle remettait en cause le système du panachage auquel les
populations des
petites communes sont attachées. Il a souhaité qu'une attaque de cette nature
ne soit
pas portée contre les petites communes qui, souvent, élisent un nombre
important de
femmes dans les conseils municipaux, y compris aux fonctions de maire.
Observant que la
France était le seul pays dans lequel le principe de parité avait été inscrit
dans la
Constitution, il a estimé qu'il n'y avait pas nécessairement lieu d'en tirer
satisfaction, et rappelé que certains sénateurs avaient d'ailleurs proposé,
lors du
débat constitutionnel, que ce dispositif soit temporaire. Il a considéré que le
principe de parité gagnerait à être appuyé sur un vaste mouvement d'adhésion et
d'entraînement, déjà observé lors du scrutin européen, à l'occasion duquel, sans
règle coercitive, 40 % de femmes ont été élues au Parlement européen. En
conclusion, il a souhaité que l'on ne multiplie pas les contraintes imposées aux
électeurs, exprimant sa conviction que la parité se réaliserait, en l'absence
même de
contrainte législative excessive et pourrait être constatée à l'occasion du
rapport
d'étape en 2002.
Soulignant, en préambule, la manière très différente dont le projet avait été
abordé par l'Assemblée nationale et par le Sénat,
M. Bernard Roman,
rapporteur
pour l'Assemblée nationale
a considéré que cette divergence de fond était
peu
propice à la poursuite d'une discussion fructueuse en commission mixte
paritaire.
Evoquant les conditions d'examen concomitantes au Sénat du présent projet de
loi et des
projets de loi relatifs à la limitation du cumul des mandats, il s'est élevé
contre le
choix du Sénat de lier, par le biais d'un marchandage choquant, sa décision de
rétablir
un seuil de 3 500 habitants pour l'application aux conseillers municipaux
de la
limitation du cumul des mandats, avec celle, prise par l'Assemblée nationale,
dans le
projet sur la parité, d'abaisser à 2 000 habitants le seuil à partir
duquel les
élections municipales auraient lieu au scrutin de liste majoritaire à deux
tours. Il a
regretté une telle attitude dans le cadre de l'examen d'un texte dont l'objectif
- la parité des candidatures féminines et masculines aux élections -
semblait
pourtant partagé par tous. Observant que, à l'exception du changement de mode
de scrutin
pour les communes dont la population est comprise entre 2 000 et 3 500
habitants, le texte issu des travaux de l'Assemblée nationale avait recueilli
une
approbation presque unanime de tous les groupes de cette assemblée, le
rapporteur a
souhaité rappeler que la démarche suivie par les députés, consistait à mettre en
oeuvre des solutions permettant d'optimiser la présence des femmes dans la vie
politique.
Déplorant que le Sénat ait préféré, au contraire, en rester aux dispositions
initiales du projet de loi, il a conclu en constatant qu'il semblait, dans ces
conditions,
difficile de trouver une conciliation permettant d'aboutir à un accord en
commission
mixte paritaire.
M. Jacques Larché, vice-président
, s'est inscrit en faux contre les
propos
tenus par le rapporteur pour l'Assemblée nationale, en indiquant qu'aucun
marchandage
n'avait eu lieu entre le Sénat et le Gouvernement. Il a d'ailleurs souligné que
le
ministre de l'Intérieur n'avait pu que se satisfaire du soutien actif du Sénat
à son
projet de loi, contrairement à la position critique adoptée par l'Assemblée
nationale.
Il a, en revanche, regretté que l'engagement pris par le Premier ministre, lors
du débat
constitutionnel, sur les modes de scrutin n'ait pas été respecté. Il a insisté
sur le
fait que les communes de moins de 3 500 habitants étaient des lieux
d'administration
humaine, où les contacts personnels prévalaient. Il a donc rejeté tout
changement de
mode de scrutin qui introduirait des mécanismes partisans et abstraits dans ces
collectivités où l'appartenance politique des élus est fort peu prise en compte.
Réaffirmant que le Sénat ne s'était livré à aucun chantage contrairement aux
allégations du rapporteur pour l'Assemblée nationale, il a, au contraire,
affirmé que
la position de la Haute Assemblée relevait d'une conception cohérente et
constante de la
société.
Considérant que les propos de M. Bernard Roman faisant état d'une presque
unanimité sur les bancs de l'Assemblée nationale lors du vote du projet lui
imposaient
d'intervenir,
M. Claude Goasguen
a rappelé que le ministre de
l'intérieur
s'était engagé, lors de son audition par la commission des Lois de l'Assemblée,
à ce
que la discussion sur la parité soit dégagée de toutes contingences électorales.
Evoquant les différents textes dont la discussion a suivi ou précédé celle du
présent
projet, qu'il s'agisse de ceux relatifs au cumul des mandats ou de la réforme
du mode
d'élection des sénateurs, il a constaté que l'ensemble du dispositif législatif
ainsi
proposé semblait contredire en définitive cet engagement. Tout en rappelant son
opposition à la modification du seuil déterminant l'application du scrutin
proportionnel
pour les élections municipales, il a tenu à préciser que, malgré ce mélange
fâcheux
entre l'objectif paritaire et des considérations électorales, il avait voté ce
texte.
Souscrivant aux propos de M. Claude Goasguen sur l'opposition qui s'est
manifestée
à la modification des seuils concernant les élections municipales,
Mme Marie-Thérèse
Boisseau
a ajouté que les groupes de l'opposition à l'Assemblée nationale
étaient
en réalité plus favorables au texte proposé par le Gouvernement qu'à celui issu
des
travaux de l'Assemblée nationale. Evoquant les amendements qu'elle avait
déposés lors
de l'examen en première lecture destinés à permettre le respect de l'obligation
paritaire moyennant une marge de plus ou moins 10 % dans la présentation
des
candidatures masculines et féminines, elle a exprimé sa crainte à l'égard d'un
dispositif trop rigide, imposant une parité stricte des candidatures. Ajoutant
qu'elle ne
souscrivait pas non plus au principe retenu par l'Assemblée nationale
concernant les
pénalités financières susceptibles d'être appliquées aux partis ne présentant
pas un
nombre égal de candidates et de candidats aux élections législatives, elle a
salué les
propositions pragmatiques faites par le Sénat à ce sujet, qui introduisent une
certaine
souplesse dans le dispositif en prenant également en compte le nombre d'élues.
Mme Muguette Jacquaint
a plaidé pour un système électoral qui
reconnaîtrait enfin aux femmes la place qui leur revient. Contestant les
arguments
développés par le rapporteur et le président de la commission des Lois du
Sénat, elle
a estimé que les conseils municipaux des petites communes, quel que soit le
mode de
scrutin retenu pour les élections municipales, gagneraient en humanité par une
présence
accrue des femmes. Estimant qu'il était indispensable d'obtenir une
représentation
beaucoup plus égalitaire des hommes et des femmes dans tous les postes de
responsabilité, elle a appelé de ses voeux un dispositif législatif
volontariste ;
elle s'est dès lors déclarée favorable au texte issu des travaux de l'Assemblée
nationale.
Mme Dinah Derycke
a rappelé que le Sénat n'avait pas été unanime
dans son
opposition aux dispositions nouvelles introduites par l'Assemblée nationale en
première
lecture. Elle a ainsi souligné que la minorité sénatoriale rejoignait la
majorité de
l'Assemblée nationale dans un souhait de renforcer l'application du principe de
parité,
ajoutant qu'elle avait même souhaité en étendre le champ d'application aux
établissements publics de coopération intercommunale. Faisant observer que
l'engagement
du Gouvernement de ne pas modifier les règles électorales dans le cadre de la
mise en
oeuvre des principes constitutionnels relatifs à la parité portait sur les
élections
législatives, elle a considéré que les parlementaires étaient fondés à modifier
le
mode de scrutin des communes de moins de 3 500 habitants, afin de
permettre la
constitution de listes paritaires dans un plus grand nombre de collectivités
locales.
Réfutant l'argument selon lequel l'élection dans les communes de 2 000 à
3 500 habitants était davantage fondée sur des relations personnelles que
sur des
idées politiques, elle a estimé que les électeurs étaient appelés à choisir une
équipe et un projet, plutôt que des individus. Elle a, par ailleurs, souligné
que la
mise en oeuvre de la mixité par tranches de six, pour la constitution des listes
électorales plutôt que l'application d'une stricte alternance des candidats des
deux
sexes, était une position raisonnable, rompant avec le maximalisme défendu par
certains.
Enfin, elle a jugé que l'opposition entre la majorité sénatoriale et la majorité
gouvernementale révélait un conflit de fond sur des problèmes de société
essentiels.
Mme Catherine Tasca, présidente
, a rappelé qu'après des débats
nourris
lors de la révision constitutionnelle, les deux assemblées s'étaient désormais
rejointes sur le principe de la parité. Considérant que la parité devait être un
instrument d'évolution de la vie politique et non une fin en soi, elle a
cependant
souligné que ce principe impliquait une égale représentation des hommes et des
femmes,
ce qui excluait une modulation de plus ou moins 10 % des candidatures
féminines ou
masculines. Elle a, par ailleurs, souligné qu'il n'était pas possible de
reporter les
modifications des règles électorales du fait de la proximité des élections
municipales, sans retarder l'entrée en vigueur de la parité. Estimant que la
majorité
de l'Assemblée nationale souhaitait conforter l'effet d'entraînement impulsé
par la
révision constitutionnelle, elle a constaté que les divergences entre les deux
chambres
portaient sur le degré de contraintes à mettre en oeuvre dans le but d'atteindre
l'égalité de représentation entre les hommes et les femmes.
M. Patrice Gélard
a fait observer que la révision constitutionnelle
de juin
1999 visait à favoriser et non à imposer l'égal accès des hommes et des femmes
aux
mandats et fonctions. Or, il a considéré que les amendements adoptés par
l'Assemblée
nationale allaient au-delà de cet objectif constitutionnel en imposant des
contraintes
excessives, alors que le Sénat souhaitait, au contraire, comme le Gouvernement,
s'en
tenir strictement au cadre défini par les articles 3 et 4 de la
Constitution.
M. Bernard Roman, rapporteur de l'Assemblée nationale
, a tenu à
souligner
que la démarche dans laquelle s'était inscrite l'Assemblée lors de l'examen du
texte
était volontariste, sans pour autant être maximaliste ; citant à ce propos
les
termes de la Constitution qui énoncent que la loi doit favoriser l'égal accès
des
femmes et des hommes aux mandats électoraux et fonctions électives, le
rapporteur a
constaté que le projet de loi adopté par l'Assemblée restait en deçà de cet
énoncé
en n'imposant aucune obligation quant aux fonctions électives. Evoquant les
travaux de
l'Observatoire de la Parité ainsi que ceux de la Délégation de l'Assemblée
nationale
aux droits des femmes, le rapporteur a rappelé que le texte issu de l'Assemblée
nationale n'était pas uniquement le fruit de la réflexion des groupes de la
majorité.
Constatant que, outre le problème de la modification des seuils pour le mode de
scrutin
aux élections municipales subsistaient trois autres points de désaccord tenant à
l'instauration d'une stricte alternance pour les candidatures masculines et
féminines aux
élections au scrutin proportionnel à un tour, la répartition égale des
candidats des
deux sexes par groupe de six candidats pour les élections à deux tours et la
nature des
sanctions financières pour lesquelles le Sénat avait introduit le principe de
non-pénalisation lorsqu'un parti obtient autant d'élus que d'élues, le
rapporteur a
estimé qu'il serait difficile de surmonter ces divergences pour parvenir à un
accord.
Rappelant que les propos du Premier ministre tenus lors du Congrès sur la
révision
constitutionnelle relative à la parité portaient sur les modes de scrutin de
manière
générale, tout en insistant particulièrement sur les élections législatives,
M. Guy
Cabanel, rapporteur pour le Sénat
, a regretté que le texte adopté par
l'Assemblée
nationale ne démente ces propos en procédant à une manipulation du mode de
scrutin
municipal. Admettant qu'il pouvait sembler souhaitable de réfléchir aux seuils
retenus
pour ces élections locales, afin de les adapter aux réalités sociologiques
d'aujourd'hui, il a jugé nécessaire de ne pas mélanger cette question avec
celle de la
parité. Il a rappelé que M. Jean-Pierre Chevènement avait répondu le
25 mars 1999 à M. André Rouvière, qui l'interrogeait sur
l'opportunité
de modifier le seuil de 3 500 habitants pour les élections municipales,
qu'il
n'était pas favorable à une telle modification en raison des perturbations
qu'elle
pourrait susciter dans la vie politique locale. Il a considéré que la
modification du
seuil était la disposition la plus contestable du projet de loi dans la mesure
où elle
contredisait les engagements du Gouvernement et procèdait à une modification du
mode de
scrutin à moins d'un an de l'élection, risquant ainsi de jeter la suspicion sur
l'ensemble de la réforme. Il a rappelé que le Sénat, qui proposait à l'origine
une
modification du seul article 4 de la Constitution relatif au rôle des
partis
politiques, avait finalement accepté de compléter aussi son article 3,
afin de
mener la révision constitutionnelle jusqu'à son terme. Il a exprimé la crainte
que la
multiplication des contraintes figurant dans le projet de loi ne conduise à
porter le
débat devant le Conseil constitutionnel, desservant ainsi la cause de la
parité.
*
* *
Le vote sur l'article premier A , abaissant à 2 000 habitants le seuil déterminant l'application du scrutin proportionnel pour les élections municipales ayant abouti à un partage égal des voix, Mme Catherine Tasca, présidente, a constaté l'échec de la commission mixte paritaire.