B. REFUSER LE PRINCIPE DU MONOPOLE
•
L'attribution d'un monopole à un établissement public
financé par l'impôt n'est pas apparue à votre commission
comme de nature à permettre, comme le projet de loi en assigne la
mission à l'Etat, la " conciliation des exigences respectives de la
recherche scientifique, de la conservation du patrimoine et du
développement économique et social ".
Le dispositif proposé par le projet de loi ne se justifie en effet
pas plus sur le plan de l'efficacité que de la nécessité
d'assurer la qualité scientifique des opérations de
fouilles
.
Par ailleurs, les doutes soulevés sur la question
de sa conformité aux règles européennes de la concurrence
laissent craindre une remise en cause rapide de ce mécanisme, qui
risquerait de se traduire par une ouverture de l'archéologie à la
concurrence, situation que le projet de loi tente à juste titre de
prévenir.
Votre commission vous proposera donc de revenir sur le monopole
accordé à l'établissement public.
• Pour autant, la suppression du monopole ne signifie pas une ouverture
du marché de l'archéologie à la concurrence.
Votre commission ne contestera pas la nécessité de
remédier à l'inadaptation des modalités d'intervention de
l'Etat en ce domaine.
La structure associative est à l'évidence devenue insuffisante
et la formule de l'établissement public s'impose.
Par ailleurs, il
apparaît nécessaire de permettre aux constructeurs de recourir
à un organisme doté d'une dimension suffisante pour
répondre rapidement à leurs exigences.
Cependant, afin d'accorder à cet établissement la souplesse de
gestion nécessaire à l'accomplissement de sa mission, qui
consiste essentiellement en la réalisation d'opérations de
terrain,
votre commission a souhaité lui conférer un statut
d'établissement public à caractère industriel et
commercial.
Le rapport de MM. Demoule, Pêcheur et Poignant ne recommandait la
solution de l'établissement public administratif qu'à deux
conditions : qu'il puisse être autorisé à recruter des
contractuels et que ses "
règles financières et
comptables (soient) adaptées aux besoins très particuliers des
opérations de terrain
", en bref à condition que cet
établissement public administratif (EPA) ressemble à un
établissement public industriel et commercial (EPIC).
Si le projet de loi précise que les emplois permanents de
l'établissement seront des contractuels, l'avant-projet de décret
présenté par le gouvernement relatif au futur statut de
l'établissement public ne comporte aucune garantie s'agissant des
règles financières et comptables. Par ailleurs, il importe de
rappeler que l'adaptation des règles financières et comptables
des EPA connaît des limites.
Votre rapporteur soulignera, en outre, que la qualité d'EPIC n'est pas
incompatible -loin s'en faut- avec une activité de recherche comme le
prouve l'exemple du bureau de recherches géologiques et minières
ou encore le Commissariat à l'énergie atomique.
• Le refus du monopole apparaît également comme une
condition nécessaire pour
permettre le développement des
services archéologiques des collectivités territoriales.
Le projet de loi, certes assoupli sur ce point par l'Assemblée
nationale, soulève encore bien des interrogations sur la place qui sera
accordée à l'avenir à ces services qui ont pourtant
largement contribué aux cours des dernières années
à sensibiliser les aménageurs aux impératifs liés
à la protection du patrimoine archéologique et à permettre
une exploitation scientifique et culturelle des découvertes
archéologiques au plus près du territoire.
A la différence des personnels de l'AFAN aujourd'hui, et de
l'établissement public demain, qui sont appelés à se
déplacer au gré des chantiers, ces services, dont certains sont
dotés de capacités opérationnelles sont certainement les
mieux à même de faire de l'archéologie préventive un
instrument d'aménagement du territoire.
Cependant, le dispositif adopté par l'Assemblée nationale
méconnaît cette réalité en accordant un rôle
subsidiaire à ces services.
Afin de consacrer leur rôle et de ne pas entraver leur
développement, votre commission a souhaité reconnaître aux
collectivités locales la possibilité de se doter de services
archéologiques.
Cette préoccupation rejoint celles des auteurs de la proposition de loi
n° 374 (1998-1999) relative à l'organisation de
l'archéologie. Ce texte prévoyait que les collectivités
territoriales pouvaient exercer des compétences en matière
d'archéologie selon un mécanisme original permettant à
l'Etat de leur déléguer par le biais de conventions des
compétences étendues. Au nombre de celles-ci, figuraient des
compétences qu'elles exercent déjà (participation à
l'élaboration de la carte archéologique nationale, direction de
fouilles), mais également des prérogatives qui pour l'heure sont
réservées à l'Etat, et en particulier,
l'établissement des prescriptions archéologiques.
Le dispositif retenu par votre commission s'inscrit pour sa part dans la
logique qui préside aux dispositions du code général des
collectivités territoriales et des lois de décentralisation
relatives aux compétences culturelles facultatives des
collectivités territoriales.
Il prévoit que les
collectivités territoriales sont libres de déterminer
l'organisation et le fonctionnement de leurs services archéologiques
sous réserve du contrôle technique de l'Etat, qui s'exercera sur
les personnels, comme le prévoit déjà l'article 65 de la
loi n° 83-663 du 22 juillet 1983, et sur les opérations
de fouilles en application de la loi de 1941 et des dispositions du projet de
loi.
Ces services auront vocation, dès lors qu'ils existent et que la
collectivité en fait la demande, à participer de plein droit aux
opérations de fouilles qui se déroulent sur le territoire de
celle-ci, sous réserve de la compétence reconnue à l'Etat
de désigner le responsable de fouilles.
Le développement de ces services archéologiques territoriaux sera
encouragé par le mécanisme d'exonération introduit par
l'Assemblée nationale.
La loi doit inciter les collectivités territoriales à se doter
de véritables services archéologiques.