III. LA POSITION DE VOTRE COMMISSION : UN DISPOSITIF SATISFAISANT DEVANT ÊTRE COMPLÉTÉ PAR DES MESURES FISCALES
A. UN DISPOSITIF SATISFAISANT CONFORTANT LES PRINCIPES POSÉS EN 1975
1. Une accélération bienvenue du règlement définitif de la prestation compensatoire
Les
dispositions adoptées par l'Assemblée nationale, fondées
sur la distinction du versement
d'un capital non révisable, qui
serait la règle
, et celui d'une rente viagère
révisable et capitalisable, qui serait l'exception, semblent de nature
à renforcer le caractère forfaitaire et définitif que le
législateur de 1975 avait souhaité donner à la prestation
compensatoire.
Le versement définitif de la prestation compensatoire interviendrait
ainsi relativement rapidement après le divorce. La situation des femmes
d'un certain âge et sans profession serait néanmoins
préservée dans la mesure où elles pourraient continuer
à bénéficier d'une rente viagère.
La question se pose de savoir si ces dispositions satisfaisantes sur le papier
sont réalistes.
On peut en effet se demander si la
situation des débiteurs
leur
permettra de verser un capital d'un montant suffisant sur huit années
seulement .
On peut craindre de plus que la multiplication des demandes de révision
des modalités de paiement en capital ne conduise, outre à un
encombrement des juridictions, à un allongement de la durée des
versements annihilant les effets de la réforme.
En pratique, si l'on compare la valeur moyenne des prestations en capital
allouées en 1996 par les juges sur demande des épouses
(203 480 F) et le montant moyen des rentes attribuées dans les
mêmes conditions (2008 F par mois), on peut constater que le
capital moyen versé correspond à 8,4 années de paiement
de rente mensuelle moyenne
.
Par ailleurs les chiffres donnés par la Chancellerie font ressortir que
les trois quart des rentes temporaires prononcées à l'heure
actuelle ne dépassent pas 10 ans.
La durée de huit ans fixée par l'Assemblée nationale pour
le paiement du capital semble donc être en phase avec les
décisions prises actuellement par les juges.
2. Une révision possible des rentes sans retour au régime des pensions alimentaires
L'Assemblée nationale a souhaité,
conformément
au voeu du Sénat, permettre la révision de la prestation
versée sous forme de rente viagère. Elle a cependant
prévu, ce que le Sénat n'avait pas fait, que cette
révision ne pourrait intervenir qu'à la
baisse,
à
la demande du débiteur et de ses héritiers, étant
précisé qu'elle pourrait entraîner la
suppression de la
prestation
.
Ces dispositions ne contreviennent pas aux principes qui avaient guidé
le Sénat. Le but de la réforme n'était pas en effet de
permettre la révision des prestations à la hausse et votre
rapporteur avait clairement indiqué au cours des débats que, dans
son esprit, la révision de la rente pourrait conduire à sa
suppression.
L'Assemblée nationale a permis la révision des rentes en cas de
modification "
importante
" dans la situation des parties. Le
Sénat avait préféré le terme
"
substantiel
" pour bien marquer la différence du
régime de la prestation compensatoire avec celui des pensions
alimentaires, révisables à tout moment. Le rapporteur de
l'Assemblée nationale a craint que le terme substantiel ne permette pas
d'infléchir l'attitude restrictive des juges. La révision des
modalités de versement du capital serait, quant à elle, possible
en cas de changement "
notable
" de la situation du
débiteur. La distinction entre les termes notable et important ne semble
pas évidente.
Mais peu importe en définitive les termes choisis dès lors que
les deux assemblées en donnent la même interprétation,
à savoir que la révision du montant de la rente ou des
modalités de paiement du capital sera possible mais qu'une simple
modification de la situation des parties ne sera pas suffisante pour la
justifier.
3. Une transmissibilité logiquement maintenue mais dont les effets peuvent être atténués
L'Assemblée nationale a confirmé le
caractère
transmissible de la prestation aux héritiers du débiteur, qu'elle
soit versée sous forme de capital
(
art. 1
er
quater
) ou sous forme de rente
(
article 2 bis
). Les deux assemblées ont donc
considéré que la prestation compensatoire était une dette
de la succession devant être prise en charge par les héritiers,
comme toute autre dette.
Les nouvelles possibilités de révision de la rente, qui peuvent
conduire à la suppression de celle-ci, devraient néanmoins
permettre de régler certaines situations peu justifiables existant
actuellement.
En outre, l'imputation prévue par l'Assemblée nationale du
montant de la
pension de réversion
perçue du chef du
débiteur prédécédé sur le montant de la
rente éviterait opportunément que le décès du
débiteur de la pension ne soit une source d'enrichissement pour le
créancier de la prestation compensatoire.
Les nouvelles dispositions adoptées par l'Assemblée nationale
semblent donc satisfaisantes. Il est néanmoins impératif de les
compléter par des dispositions fiscales.