EXPOSÉ GÉNÉRAL
Mesdames, Messieurs,
Le Sénat est saisi en deuxième lecture d'une proposition de loi
interdisant les candidatures multiples aux élections cantonales.
Ce texte, adopté par le Sénat le 23 novembre 1999, dans
la rédaction proposée par votre commission des Lois,
résulte à l'origine des initiatives de nos collègues
MM. Bernard Joly, Michel Dreyfus-Schmidt et les membres du
groupe socialiste, et de M. Georges Gruillot et plusieurs de ses
collègues.
Les dispositions de ce texte concernant spécifiquement l'interdiction
des candidatures multiples aux élections cantonales ayant
été adoptées sans modification par l'Assemblée
nationale, au cours de sa séance du 4 avril 2000, il n'y a plus lieu d'y
revenir.
Suivant les conclusions de votre commission des Lois, rectifiées pour
reprendre un sous-amendement de nos collègues
MM. Michel Mercier et René Trégouët, le
Sénat a introduit en outre, lors de l'examen de la proposition de loi en
première lecture, une disposition concernant l'élection du
conseiller général d'un nouveau canton créé par la
fusion de deux cantons n'appartenant pas à la même série de
renouvellement.
Cette disposition a, en revanche, été modifiée par
l'Assemblée nationale.
Enfin, les députés ont ajouté au texte deux dispositions
additionnelles :
- l'une concerne la procédure permettant à un contribuable de se
substituer à une collectivité territoriale pour la défense
des intérêts de cette dernière ;
- l'autre porte sur le régime fiscal des indemnités de fonction
des maires.
Votre rapporteur évoquera successivement les trois points restant en
discussion de la proposition de loi, destinés, dans le premier cas,
à apporter une solution législative à une question
jusqu'à présent réglée par la jurisprudence, et,
dans les deux autres cas, à remédier à des
" incidents de parcours " survenus lors de procédures
législatives récentes.
Sur le fond, les deux assemblées ont déjà exprimé
leur accord de principe sur les solutions qui nous sont soumises.
I. LE DÉCOUPAGE CANTONAL
A. LES CONDITIONS D'UN REDÉCOUPAGE CANTONAL
Les
dispositions législatives concernant les conditions d'un nouveau
découpage cantonal, peu nombreuses, ont été
complétées par la jurisprudence.
L'article L. 3113-2 du code général des
collectivités territoriales prévoit que les modifications des
limites territoriales des cantons, les créations et suppressions de
cantons sont décidées
par décret
en Conseil d'Etat
après consultation du conseil général.
Le Gouvernement n'est cependant pas lié par l'avis du conseil
général
1(
*
)
.
Pour autant, le pouvoir d'appréciation qui lui est reconnu a
été encadré d'une manière de plus en plus
étroite.
Tout d'abord, l'article 7 de la loi n° 90-1103 du
11 décembre 1990 organisant la concomitance des
renouvellements des conseils généraux et des conseils
régionaux
interdit tout redécoupage des circonscriptions
électorales dans l'année précédant
l'échéance normale de renouvellement des assemblées
concernées, cette disposition de caractère général
concernant naturellement les élections cantonales.
L'état actuel de la jurisprudence concernant le pouvoir
d'appréciation en matière de redécoupage cantonal
résulte de deux arrêts récents du Conseil d'Etat
2(
*
)
.
L'arrêt du 13 novembre 1998 précise que les remodelages
de circonscriptions cantonales "
ne peuvent légalement augmenter
les disparités d'ordre démographique existantes ; qu'elles
ne sauraient avoir pour objet ni, en principe, pour effet d'accroître,
sauf pour des motifs d'intérêt général, ni
l'écart de la population de chaque canton à la population
cantonale moyenne dans le département, ni dans les cas autres qu'une
scission l'écart entre le plus peuplé et le moins peuplé
des cantons redécoupés, ni, dans le cas de la scission d'un
canton préexistant, l'écart entre le canton le plus peuplé
et le canton le moins peuplé de la partie du département
englobant ce canton et affectée par ce remodelage
".
Quant à l'arrêt précité du 6 janvier 1999,
il énonce que "
si la délimitation des circonscriptions
cantonales peut ne pas être strictement proportionnelle à la
population, mais peut tenir compte d'autres impératifs
d'intérêt général, elle doit reposer sur des bases
qui ne s'éloignent pas d'une façon excessive des données
démographiques résultant d'un recensement
récent
".
Dans cet arrêt,
le Conseil d'Etat statuant sur la demande,
formulée par un électeur, d'annulation de la décision
implicite du Premier ministre de ne pas procéder à un nouveau
découpage cantonal
, a considéré qu'il appartenait au
Gouvernement de procéder, "
soit de sa propre initiative, soit
à la demande de tout intéressé, au remodelage des
circonscriptions cantonales d'un département lorsque, à la suite
de changements dans les circonstances de droit ou de fait postérieurs
à la précédente délimitation, et notamment de
l'évolution démographique, le maintien inchangé des
circonstances existantes est contraire au principe d'égalité des
citoyens devant le suffrage
".
Il a considéré, dans le cas d'espèce, que "
la
décision attaquée du Premier ministre (laissait) subsister un
écart de population excessif entre le deuxième canton et les
autres cantons urbains de Lyon
; que ni l'existence dans le
département de cantons ruraux faiblement peuplés ni la
circonstance que la délimitation des circonscriptions
législatives est fixée par la loi, n'ont d'influence sur la
légalité de la décision attaquée ; que le
ministre de l'Intérieur n'invoque aucune raison d'intérêt
général ni aucune difficulté particulière qui
s'opposerait à ce qu'il soit procédé à un nouveau
découpage cantonal dans la ville de Lyon incluant notamment le
deuxième canton
".
En conséquence, le Conseil d'Etat a annulé la décision du
Premier ministre refusant ce nouveau découpage cantonal et fait
injonction à celui-ci d'y procéder avant les prochaines
élections cantonales
3(
*
)
.
On notera cependant que le Gouvernement n'a pas procédé à
un réexamen général des limites cantonales à la
suite du recensement de 1999, dont les résultats officiels n'ont
été connus définitivement qu'à la fin de
l'année dernière.
En effet, le délai pour y procéder, après consultation des
conseils généraux, était trop court (deux mois, compte
tenu de l'impossibilité de redécoupage des circonscriptions
électorales dans l'année précédant
l'échéance normale de renouvellement).
Le réexamen des limites cantonales devrait donc intervenir après
les élections cantonales de mars 2001.