III. LA POLITIQUE COMMERCIALE DES GRANDS GROUPES EN QUESTION
A. UNE STRATÉGIE DE FERMETURE DE LIGNES « DE GRANDE AMPLEUR »
L'immense majorité des réponses au questionnaire fait mention de multiples suppressions de lignes desservant les petites et moyennes villes, considérées comme peu rentables, tandis que la desserte des agglomérations les plus importantes se trouve développée, voire améliorée.
Quelques exemples témoignent de cette politique :
Le conseil régional du Limousin signale la fermeture des lignes Montluçon/Gueret-Paris et Limoges-Clermont Ferrand, cette dernière liaison représentant 11 % du trafic de l'aéroport de Limoges.
Le conseil régional de Bretagne regrette quant à lui la suppression de la ligne quotidienne Rennes-Le Havre, la réduction, de quatre à deux fréquences quotidiennes, des vols sur la ligne Rennes-Clermont Ferrand, et la suppression des dessertes directes de Brest vers Nice ou vers Marseille.
La chambre de commerce et d'industrie du Havre relate les décisions brutales et sans préavis de suppression des lignes Nantes-Le Havre-Amsterdam, Brest-Le Havre-Bruxelles et Caen-Le Havre-Birmingham. L'aéroport du Havre a perdu en conséquence 60% de son trafic.
La chambre de commerce et d'industrie de Caen déplore quant à elle la fermeture des lignes Caen-Clermont-Ferrand et Caen-Le Havre-Birmingham.
La chambre de commerce et d'industrie d'Epernay signale la fermeture de la ligne Reims-Saint Etienne, à la suite de laquelle l'aéroport de Reims n'assure plus de ligne régulière.
La chambre de commerce et d'industrie de Granville Saint Lo déplore la suppression des lignes Caen Le Havre et Caen-Clermont Ferrand.
La chambre de commerce et d'industrie de Pau constate elle aussi la disparition de la ligne Pau-Clermont Ferrand.
La chambre de commerce et d'industrie d'Angoulème fait état de « suppressions de lignes correspondant à 13% de notre clientèle ».
La chambre de commerce et d'industrie de Nantes regrette que cette ville « ne dispose plus de liaison sur Orly et [soit] ainsi privée de relation aérienne avec le réseau de villes secondaires françaises ».
La chambre de commerce et d'industrie de Rennes fait état de la suppression de la ligne Rennes-Le Havre.
La chambre régionale de commerce et d'industrie d'Auvergne observe que « la couverture de l'ensemble du territoire (...) se dégrade rapidement (...) par une réduction des maillages qui s'étaient instaurés (...) sans d'ailleurs se préoccuper des investissements réalisés par les collectivités qui accueillaient ces hubs ».
La chambre régionale de commerce et d'industrie de Bretagne fait état elle aussi de « suppressions de lignes ou de réductions de programmes (...) observées récemment ».
La chambre de commerce et d'industrie de Dijon rapporte que « plusieurs destinations finales ont été supprimées » et estime que « les profondes mutations des compagnies aériennes auxquelles nous venons d'assister ne sont pas de bon augure pour la pérennité des dessertes qui nous concernent ».
La chambre de commerce et d'industrie Nord-Isère constate elle aussi une « très forte polarisation [du] trafic sur les plus importants des aéroports régionaux » tandis qu' « un certain nombre d'aéroports secondaires (...) ont connu des pertes de lignes régionales » en dépit de conditions climatiques étaient très favorables.
La chambre de commerce et d'industrie de Montpellier constate pour sa part la suppression d'une desserte quotidienne par Air France de la ligne Montpellier-Roissy « bien que cette liaison soit en progression constante depuis trois ans de 15 à 20 % » et des suppressions de fréquence sur la desserte Montpellier-Clermont Ferrand.
L'aéroport Nice-Côte d'Azur remarque « qu'une dizaine de destinations régionales ont disparu de la carte de notre réseau (...) A l'inverse, nous avons bénéficié d'une augmentation de fréquences sans précédent sur les grandes métropoles régionales » et estime que la politique des deux grands groupes « ne[paraît] pas favoriser un développement des lignes régionales françaises ».
La chambre de commerce et d'industrie de Brest, après avoir considérée comme « satisfaisante » la desserte Brest-Paris et salué l'amélioration de la qualité de cette ligne, n'en exprime pas moins la crainte que « la réduction du nombre de compagnies régionales par le rachat de nombre d'entre elles par Air France [ne pose] un problème dans le développement des liaisons interrégionales ; la suppression de nombreuses lignes desservies par Regional Airlines (Brest-Le Havre par exemple) en est l'illustration ».
Certains portent néanmoins des appréciations plutôt positives sur les évolutions récentes.
Le Président du conseil général de Tarn et Garonne, M. Jean-Marie Baylet, considère que « le développement des liaisons radiales Paris-Province ainsi que des liaisons transversales métropolitaines conduit à un maillage aérien de plus en plus dense, utile aux acteurs économiques et bénéfique à l'aménagement du territoire. La multiplication des hubs régionaux destinés à désengorger les grandes plates-formes concourt également à l'accroissement des liaisons intérieures.
« Dans un premier temps, on pouvait craindre l'absorption des compagnies régionales par les grands transporteurs. Il semblerait finalement que ces derniers intensifient leur politique régionale. La récente fusion des compagnies aériennes Proteus et Flandre Air sous franchise Air France a permis d'ouvrir des vols quotidiens entre Paris et trois villes du sud-ouest, Agen, Périgueux et Bergerac ».
La chambre régionale de commerce et d'industrie des pays de Loire considère que « la qualité de la desserte est bonne, et l'on a vu s'accroître l'offre de dessertes au départ d'aéroport comme Nantes, mais également au départ d'Angers, via le hub de Clermont Ferrand », et salue « la multiplication des liaisons transversales ».
L'aéroport de Clermont-Ferrand-Auvergne salue également le « désenclavement des provinces (...) par la création de compagnies dites de 3 ème niveau, qui ont acquis des appareils adaptés au potentiel des régions et (...) par la déréglementation qui a permis l'ouverture de lignes directes », « la création des hubs ou plates formes, de correspondances [qui] a offert de nombreuses possibilités de connexions à des villes moyennes ou petites », ainsi que « l'émergence de compagnies low cost ».
La chambre de commerce et d'industrie du Lot considère comme « satisfaisante, tant pour les destinations que pour le nombre de vols » la desserte aérienne de Toulouse Blagnac, et se félicite d'une amélioration notable du service au cours des 10 dernières années.
Mais la politique commerciale des grands groupes est plus généralement jugée préjudiciable à la desserte territoriale française dès lors qu'elle est sans alternative et que les acteurs concernés ne disposent d'aucun recours efficace contre les conditions qui leur sont imposées : « la forte concentration entre les compagnies ne laisse pratiquement aucune place à la concurrence, le marché français se polarisant autour d'Air France (80 % du marché) et Swissair (20 % du marché )» (région Haute Normandie). « L'offre anormalement basse de transport aérien enregistrée par notre département (...) résulte directement de la situation de position dominante du groupe Air France dont celui-ci ne manque pas d'abuser » (chambre de commerce et d'industrie de Tarbes et des Hautes Pyrénées).
Dès lors, les petits aéroports, obligés d'accepter les conditions dictées par les grandes compagnies, se trouvent dans la situation décrite par la chambre de commerce et d'industrie du Roannais : « Pour les petits aéroports tel celui de Roanne, il serait souhaitable de pouvoir réellement exiger de la compagnie aérienne responsable de l'exploitation de la ligne Roanne-Paris/Orly le respect des obligations du service public .
« En effet, nous ne disposons d'aucun moyen contractuel suffisamment contraignant.
« La résiliation de la convention ne représente pas une alternative crédible puisqu'elle nous priverait de la liaison aérienne, nous contraindrait à relancer une procédure d'appel d'offres (longue et complexe) qui, dans la situation de duopole, risquerait de nous replacer dans la situation initiale.
« Les pénalités contractuelles n'apparaissaient pas réellement dissuasives et leur mise en oeuvre est placée sous le contrôle de la Direction de l'Aviation Civile ».