d) Les paradoxes de la fiscalité française du patrimoine
A force de mettre en place des régimes dérogatoires pour encourager des pratiques jugées socialement légitimes, on finit par mettre en place un système peu cohérent, aboutissant parfois à défavoriser des opérations pourtant a priori souhaitables du point de vue de la collectivité nationale.
Comme l'affirme le rapport de M. Frédéric Lavenir, le régime français « réussit le tour de force paradoxal de favoriser le patrimoine hérité par rapport au patrimoine créé, le patrimoine immobile par rapport au patrimoine financeur de projets, la filiation par rapport à la compétence ! ».
C'est ainsi qu'un créateur d'entreprise qui déciderait de céder sa société serait assujetti à l'impôt sur les plus-values au taux de 26 % puis à l'ISF, tandis qu'un chef d'entreprise décidant de « passer la main » en mettant en place un meilleur gestionnaire deviendrait passible de l'ISF.
En revanche, un chef d'entreprise qui reste aux commandes jusqu'au bout, transmet la direction de son entreprise à ses héritiers et que ces derniers conservent son capital et la direction de leur société, l'ISF n'est jamais dû et la seule fiscalité applicable est celle de l'impôt sur les successions au taux réduit de 17 %. S'il avait décidé d'organiser sa succession en faisant appel à un gestionnaire extérieur, peut-être plus efficace que ses héritiers naturels, il aurait été non seulement assujetti à l'ISF mais également au droit de succession à taux plein.
La morale de ces exemples concrets est que la définition nécessairement arbitraire du régime dérogatoire, finit, dans bien des cas, par susciter des opérations préjudiciables au dynamisme économique et à l'emploi.