3. L'exemple emblématique des trente-cinq heures comme facteur de diminution de la productivité et de détérioration de l'image de la France
La politique de réduction généralisée du temps de travail menée ces dernières années constitue à cet égard l'archétype de cette poussée de fièvre périodique qui traverse notre pays et provoque l'étonnement de nos voisins.
La mission ne veut pas s'étendre trop longtemps sur les entraves que représente ce dispositif d'abaissement de la durée légale du travail pour le développement des entreprises et notamment les petites et moyennes entreprises. Le Sénat s'est déjà prononcé sur le rapport de sa commission des Affaires sociales, et a mis en évidence les limites et les défauts des lois adoptées 41 ( * ) .
On doit simplement rappeler que nombre des chefs d'entreprises interrogés par la mission ont souligné les difficultés qu'ils avaient rencontrées de ce fait, au moment où leur entreprise était en concurrence frontale à l'extérieur mais aussi à l'intérieur par rapport aux autres filiales de leur groupe.
Les 35 heures aggravent dans certains secteurs la pénurie de main-d'oeuvre et accroissent les coûts de recrutement, indépendamment des effets positifs en matière de flexibilité. Certaines PME devraient rencontrer de sérieuses difficultés.
Il semble même qu'un certain nombre d'entreprises, préfèrent créer des emplois ailleurs qu'en France dans la mesure où la faiblesse de leurs marges leur fait paraître lourdes les charges induites part le journées supplémentaires accordées à leur salarié.
Dans ce contexte, les trente-cinq heures ont été ressenties par les entreprises étrangères comme une menace - compte tenu de la forte implication de l'administration dans la mise en place de cette législation - un facteur de renchérissement des coûts et une source de rigidités .
M. Gérard Pélisson, Président de l'Union des Français de l'étranger (UFE), fondateur du groupe ACCOR, a confirmé que notamment dans son secteur, la France ne s'engageait pas dans la bonne voie et que la prospérité de notre pays ne résisterait pas indéfiniment à ce genre de mesures.
Il n'est pas étonnant de ce fait que les responsables interrogés aient eu tendance à mentionner les trente-cinq heures comme un motif de réallocation des investissements intra-firmes hors de Fran ce. Cette tendance est confirmée en particulier par l'enquête de la Chambre de commerce américaine (« AmCham »).
Baromètre « AmCham » 2000
Quelles sont/seront les principales raisons de la
diminution
du nombre d'employés dans votre
société ?
* « Autres » : gains de productivité, réduction des effectifs liée à une réorganisation et autres raisons non spécifiées
La mission a pu constater que les trente-cinq heures avaient renforcé dans l'esprit des investisseurs étrangers, l'idée selon laquelle notre pays était caractérisé par un excès de réglementation .
*
* *
En définitive, il ne faut guère s'étonner de ce que certains classement comme celui d' l'Institut international du management de Lausanne (IMD), soient défavorables à la France.
Bien qu'ayant enregistré une croissance plus forte que ses partenaires, la France n'arrive qu'au 25e rang 42 ( * ) , en recul de trois places par rapport au classement 2000. « Il y a un paradoxe français » pour le responsable de l'étude : aux yeux des entreprises, la France se place au tout premier plan pour les investissements à l'étranger, les exportations dans les services, la productivité des salariés, leur formation, le niveau scientifique , les infrastructures ou le système bancaire.
Pour le responsable de l'étude d'IMD, tous ces atouts semblent balayés par d'autres faiblesses structurelles. La France est au dernier rang pour les charges sociales, les régulations sociales, les charges fiscales, le temps de travail ou son état d'esprit à l'égard de la mondialisation . « Il existe une différence entre la perception et la réalité. Les entreprises en France peuvent, comme dans les autres pays, licencier ou embaucher. Mais les crises épidermiques comme Danone avec les jeux de rôle entre le pouvoir et le patronat nourrissent la caricature et confortent les groupes dans leur jugement ».
On ne peut que regretter cette situation qui constitue un obstacle au développement des investissements et un facteur de « ringardisation » de la France.
Il y a en effet une contradiction dans le fait de souhaiter promouvoir l'image d'un pays moderne, inspiré par une culture entrepreneuriale ancienne qui s'appuie sur l'initiative et l'innovation alors que, par ailleurs, est promue une politique qui organise la pénurie du travail et limite la marge de manoeuvre des entrepreneurs.
* 41 Voir notamment à cet égard le rapport n° 30 du Sénat (1999-2000) fait au nom de la commission des affaires sociales sur le projet de loi relatif à la réduction négociée du temps de travail, M. Louis Souvet, rapporteur.
* 42 les États-Unis se classent au premier rang, suivis par les pays asiatiques - Singapour (2e), Hong Kong (6e) pour leur capacité à attirer des entreprises. Les petits pays européens très marqués par les nouvelles technologies et les flux financiers sont assez près derrière tels la Finlande (3e), du Luxembourg (4e), des Pays-Bas (5e) ou de l'Irlande (7e).