b) Une expansion bridée par de lourdes contraintes financières
. Un fonctionnement qui reste largement à la charge des familles
Regroupés au sein du budget de l'AEFE, les crédits publics affectés aux établissements scolaires français à l'étranger ne couvrent qu'une partie de leurs frais de fonctionnement , dont la moitié demeure à la charge des familles.
Ainsi, pour l'année scolaire 1998/1999, le coût global de l'enseignement français à l'étranger représentait 3 976 millions de francs , dont 1 784 millions de francs (44,9%) couverts par la subvention de l'État, 1 953 millions de francs (49,1%) à la charge des familles et 238 millions de francs (6%) à la charge des pays d'accueil ou de sociétés.
La rémunération des personnels constitue l'essentiel des dépenses et obéit à des modalités de financement différentes selon les types de personnels.
Les établissements français emploient en effet trois catégories de personnels : des agents expatriés, recrutés en France pour une mission maximum de 6 ans dans le même pays, des agents « résidents », recrutés dans le pays de résidence mais considérés comme des titulaires de la fonction publique, et enfin des « recrutés locaux », rémunérés selon des bases locales.
Les fonctionnaires expatriés qui, outre leur salaire, perçoivent une indemnité d'expatriation, sont entièrement rémunérés par l'Agence pour l'enseignement français à l'étranger. Les « résidents » sont rémunérés de France, sur une base française, mais les établissements assument environ 50% de leur rémunération. Enfin, les « recrutés locaux » sont entièrement à la charge des établissements.
Il résulte de ces éléments que les « frais d'écolage » à la charge des familles demeurent importants, même s'ils varient considérablement d'un pays à l'autre. En moyenne, ils se situent entre 12 000 francs et 20 000 francs par an, mais aux États-Unis ou en Asie, ces chiffres sont très largement dépassés. En revanche, ces frais sont sensiblement équivalents entre familles françaises et ressortissants du pays d'accueil, des tarifs plus élevés pouvant être appliqués aux étrangers tiers.
Frais de scolarité annuels dans
quelques
établissements scolaires français à
l'étranger
Ville |
Etablissement |
Frais de scolarité annuels |
Londres |
Lycée Charles de Gaulle |
De 18 546 F à 22 566 F |
New York |
Lycée français |
De 50 120 F à 75 180 F |
Chicago |
Lycée français |
De 52 170 F à 69 500 F |
San Francisco |
Lycée La Pérouse |
De 51 060 F à 62 160 F |
Boston |
Ecole bilingue |
De 54 000 F à 57 000 F |
Washington |
Lycée français Rochambeau |
De 50 895 F à 66 185 F |
Montréal |
Collège Stanislas |
De 7 870 F à 12 753 F |
Madrid |
Lycée français |
De 13 585 F à 16 700 F |
Münich |
Lycée Renoir |
De 11 792 F à 18 626 F |
Sydney |
Lycée Condorcet |
De 10 000 F à 31 000 F |
Rome |
Lycée Chateaubriand |
De 15 892 F à 18 809 F |
Tokyo |
Lycée franco-japonais |
De 29 000 F à 35 000 F |
Mexico |
Lycée franco-mexicain |
De 14 300 F à 23 400 F |
La Haye |
Lycée Van Gogh |
De 13 880F à 43 779 F |
Singapour |
Lycée français |
De 22 387 F à 54 533 F |
Hong Kong |
Lycée Victor Segalen |
De 34 600 F à 56 200 F |
Pékin |
Lycée français |
De 21 420 F à 37 800 F |
(Source : AEFE)
L'attribution de bourses scolaires doit en principe permettre d'atténuer l'impact de ces frais de scolarité élevés. L'augmentation significative de l'enveloppe globale ne compense pas, loin s'en faut, celle des besoins d'un nombre de plus en plus élevé de « cas sociaux », notamment au sein des communautés où la proportion de binationaux est forte.
Des besoins nouveaux, un budget contraint
Si l'on s'en tient aux 268 établissements relevant de l'AEFE, on constate depuis 1993 une augmentation significative de leurs effectifs, qui sont passés de 150 294 élèves pour l'année scolaire 1993-1994 à 158 477 élèves pour l'année scolaire 1999-2000. Cette progression de 8 000 élèves supplémentaires (+ 5,7 %) est entièrement imputable à l'accroissement, en nombre identique, des élèves français. Elle est très inférieure à l'augmentation, durant la même période, de la population française à l'étranger (15% d'expatriés supplémentaires de 1995 à 1999). Par ailleurs, ce bilan montre qu'en 6 ans, le nombre d'étrangers scolarisés dans nos établissements a stagné.
On remarque par ailleurs que la répartition géographique des effectifs scolarisés diffère très sensiblement de celle des populations françaises à l'étranger. La part de l'Afrique, du Maghreb et du Moyen-Orient dans les effectifs est relativement plus forte, alors que celle de l'Europe occidentale, et surtout de l'Amérique du nord est inférieure au poids de ces zones dans la population française à l'étranger. Les conditions historiques de création des établissements français à l'étranger, mais également l'intensité des besoins dans des régions du monde où l'offre locale d'éducation n'est pas satisfaisante, expliquent cette situation. Par ailleurs, l'Amérique du nord comporte un nombre important d'établissements homologués mais non conventionnés situés hors du réseau de l'AEFE.
Établissements du réseau
AEFE
Evolution des effectifs scolarisés
Nationalité |
1996-1997 |
1997-1998 |
1998-1999 |
1999-2000 |
Français |
64 090 |
64 605 |
66 069 |
66 951 |
Nationaux |
71 735 |
70 680 |
72 062 |
70 415 |
Etrangers - tiers |
21 190 |
20 759 |
19 803 |
21 111 |
Total |
157 015 |
156 084 |
157 934 |
158 477 |
(Source : AEFE)
Cette progression des effectifs ne doit pas masquer qu' il devient de plus en plus difficile à l'AEFE de faire face à sa double mission : assurer le service public de l'éducation au profit des familles françaises expatriées et participer à l'action culturelle extérieure de la France .
Depuis plusieurs années déjà, confrontée à une forte tension budgétaire , l'AEFE procède à un mouvement du substitution d'emplois de résidents à des emplois d'expatriés . Compte tenu du régime indemnitaire de ces derniers, les coûts salariaux correspondants sont environ 2,5 fois plus élevés que ceux des résidents. On comptait, dans le réseau de l'AEFE, 2 035 expatriés et 3 533 résidents en 1994. Pour l'année scolaire 1999/2000, il n'y avait plus que 1 754 expatriés pour 3 978 résidents. La création de postes de résidents répond aussi pour partie à la nécessité de remplacer les coopérants du service national, qui n'étaient plus que 358 en 1999/2000 contre près de 500 avant la réforme de la conscription.
Inspirée par un souci de contenir les coûts salariaux, cette politique vient d'être fortement affectée par le mouvement social qui s'est propagé, au cours des derniers mois, dans les établissements scolaires français à l'étranger, et qui a pris pour cible la disparité des statuts et des régimes de rémunération des personnels exerçant dans ces établissements. A la suite des concertations engagées avec les personnels, le principe d'une poursuite de la transformation de postes d'expatriés en postes de résidents a été réaffirmé, les résidents obtenant par ailleurs une revalorisation de leur condition (versement de majorations familiales et d'une indemnité de résidence remplaçant la prime de cherté de vie allouée par les établissements). En l'attente d'une refonte des textes réglementaires, des mesures transitoires ont été mises en oeuvre dès la rentrée de septembre 2000, notamment en matière de majorations familiales.
Cette importante refonte de la situation des personnels doit en principe s'opérer à coût budgétaire constant. Il y a tout lieu de penser que si tel est bien le cas, les tensions déjà très fortes en matière de charges de personnels seront accentuées et que pour une part, elles risquent de se reporter sur les familles, au travers des frais de scolarité.
Dans un tel contexte, il devient difficile de répondre aux besoins liés à l'accroissement rapide de la population française à l'étranger , notamment dans des pays comme le Royaume-Uni ou les États-Unis. Toutefois, compte tenu du caractère prioritaire de cette mission, il est probable que l'AEFE sera amenée réduire l'autre volet de son action, en limitant , selon des critères de priorité, le nombre d'élèves étrangers accueillis dans ses établissements. La mission considère que ceci n'est pas acceptable .
Rien ne serait plus grave que de ne plus pouvoir répondre à l'attente de tous ceux qui, à l'étranger, souhaitent étudier dans nos écoles, et donc dans notre langue et notre culture. Pour nombre d'entre eux, ces élèves étrangers, futurs décideurs, seront nos alliés de demain.
Il nous faut au contraire une grande politique, une politique ambitieuse pour l'enseignement français à l'étranger.
Évolution du budget de l'AEFE
(en
millions de francs)
Année |
1996 (1) |
2000 (2) |
2001 (3) |
2001/1996 |
Subvention de l'Etat
|
1 807,7
|
1 994,2
|
2 035,9
|
+ 12,6%
|
Total recettes |
2 147, 2 |
2 390,7 |
2 488,1 |
+ 15,9% |
Rémunérations et charges sociales
|
1
741,6
|
1
938,3
|
2 027,7
|
+ 16,4%
|
Total dépenses |
2 099,5 |
2 390,7 |
2 488,1 |
+ 18,5% |
(1) Compte administratif 1996
(2) Budget primitif
2000
(3) Budget prévisionnel 2001
(4) dont
prélèvement sur fonds de roulement