B. MOBILISER TOUS LES MOYENS TECHNIQUES EN DÉBUT DE CRISE
Comme l'indiquait un haut fonctionnaire devant votre mission d'information : Rien ne sert de courir après le virus aphteux . Pour le maîtriser, il est indispensable de détecter les animaux infectés très rapidement et de juguler sa diffusion le plus tôt possible.
1. « Rien ne sert de courir après le virus » : minimiser le délai entre découverte des foyers et abattages préventifs
Comme le souligne le professeur B. Toma 83 ( * ) , il est nécessaire de réduire au minimum le délai qui s'écoule entre la découverte d'un foyer et la fin des abattages des animaux qui en sont issus. L'identification des animaux malades et leur destruction doivent donc s'effectuer avec la plus grande célérité.
a) Disposer d'une « force de frappe » régionale
La capacité d'abattage des animaux est limitée, en pratique, par le nombre des agents susceptibles de le réaliser 84 ( * ) , surtout lorsque la campagne d'éradication concerne de grands troupeaux. La Grande-Bretagne offre d'ailleurs un excellent exemple de cette situation puisque les mesures d'abattage ont subi des retards dus au manque de vétérinaires et que les pouvoirs publics, désarmés, ont eu recours à la coalition hétéroclite de chasseurs, de vétérinaires en retraite et d'étudiants en fin d'études vétérinaires pour procéder aux abattages. En France, votre mission d'information a constaté, sur le terrain, que la mise en oeuvre de certains abattages -réalisés de nuit et sans moyens de contention- aurait pu être moins efficace si les services vétérinaires avaient dû abattre davantage d'animaux. C'est pourquoi il serait souhaitable de prévoir l'intervention d'une « force de frappe » interrégionale susceptible de mettre en oeuvre des moyens humains et matériels suffisants.
b) Eliminer les animaux de façon digne
Votre mission d'information considère que les abattages des animaux doivent être effectués avec dignité, et qu'il faut apporter une attention particulière à la destruction des cadavres.
(1) Les abattages
Il convient de noter, en premier lieu, que la France n'a pas la même tradition que la Grande Bretagne en matière d'abattage. Si des animaux ont toujours été sacrifiés dans notre pays, même lorsque la vaccination généralisée était pratiquée, le phénomène n'a jamais atteint la même ampleur qu'en Grande-Bretagne. Ainsi, lors de la crise de 1967, la Grande-Bretagne a abattu jusqu'à 470.000 animaux. Le plus grand nombre d'abattages pratiqués en France dans les années 1960 fut, selon l'AFSSA, de 12.259 en 1962 (pour 198 foyers) et de 10.479 en 1961 (pour 2.626 foyers).
Notre pays ne saurait procéder à des abattages dans les conditions observées en Grande-Bretagne -que certains ont décrites comme choquantes-. Vis-à-vis de l'opinion publique, un soin particulier doit être apporté aux modalités d'abattage des animaux. Il semble, s'agissant des abattages de porcs, que les véhicules dotés d'un dispositif d'électrocution soient adaptés pour les animaux adultes et non pas pour des porcelets. Il convient, par conséquent, de se doter d'autres instruments (injection de poisons curarisants) pour les éliminer.
(2) La destruction des cadavres
Le traitement de milliers de cadavres d'animaux suscite des difficultés incontournables . Il n'est pas possible de les ensevelir quand les terres sont gorgées d'eau, ni de les incinérer lorsque l'on se situe en zone de forte densité, surtout si des bovins susceptibles d'être atteints de l'ESB se trouvent parmi eux. C'est dire qu'une attention particulière mérite d'être portée à la disponibilité des moyens de destruction traditionnels (équarrissage...) et à la mise en oeuvre de l'élimination des cadavres.
L'expérience prouve, en outre, que les éleveurs sont déconcertés par la procédure qui consiste à prendre un arrêté préfectoral ordonnant l'abattage de leur cheptel, sans que les services compétents leur donne des informations précises sur les résultats des sérologies pratiquées sur les animaux détruits. La transparence des pratiques de l'administration doit être la contrepartie de la transparence que la loi exige des éleveurs .
2. Devancer le virus en recourant à l'abattage des animaux « contact »
Votre commission d'information approuve la pratique de l'abattage des animaux-contacts . Il serait nécessaire de lui donner, à l'avenir, une base textuelle plus claire que l'habilitation générale qui résulte de l'article L. 221-1 du code rural. Il conviendrait, au surplus, d'expliquer aux éleveurs les raisons de ces abattages et de leur notifier personnellement les résultats des analyses sérologiques effectués, de même qu'à toutes les personnes dont les animaux sont abattus.
3. Etre en mesure de procéder à une vaccination d'urgence
Pour procéder à une vaccination d'urgence si le risque apparaît de perdre le contrôle de l'épidémie, il faut disposer :
- des doses de vaccins nécessaires ;
- d'une méthodologie opérationnelle pour calculer le moment le plus opportun pour réaliser cette opération , notamment compte tenu du risque de voir l'épidémie se prolonger (ce qui a une incidence déterminante sur les embargos décrétés à l'étranger, et donc sur le montant des pertes pour l'économie).
a) Disposer de stocks vaccinaux suffisants
Pour faire face à une épizootie aphteuse, les pouvoirs publics doivent constituer des stocks de vaccins suffisants , à l'instar de ceux préparés aux Etats-Unis. On trouvera la description dans le tableau ci-après du stock vaccinal préparé par les autorités françaises à partir de 1991.
Il convient, en outre, que ces vaccins soient régulièrement renouvelés. On sait, en effet, que le respect des limites de validité de ce type de produit a une incidence capitale sur leur efficacité.
ÉTAT DES RÉSERVES FRANÇAISES
1. Stock disponible dans la banque française de vaccins contre la fièvre aphteuse (Mérial-Lyon) : 250.000 doses de vaccins AFTOVAX - type 01 MANISSA (actif contre la souche sévissant actuellement au Royaume-Uni et en France) - utilisables chez les ovins, caprins et bovins - date de péremption : 29/03/01, sachant que les vaccins restent efficaces six mois après leur date de péremption (le teste de contrôle d'efficacité de ce vaccin est en cours à l'AFSSA Lyon) 30.000 doses de vaccins AFTOPOR - type 01MANISSA - utilisables chez les porcins, caprins et bovins 2. Marchés en cours Commande exceptionnelle à Mérial : - 300.000 doses de vaccins AFTOPOR - type 01MANISSA - utilisables chez les porcins, caprins et bovins - coût : 775.000 F Appel d'offre européen : - 900.000 doses de vaccins - types A, ASIA1 et SAT2 - utilisables chez les porcins, caprins et bovins - coût : 2.500.000 F |
Source : DGAL
b) Définir dans la transparence les conditions dans lesquelles il serait procédé à la vaccination
Les observations du professeur B. Toma 85 ( * ) sur la nécessité de mettre à jour les analyses coût-bénéfice des stratégies de lutte méritent d'être, une nouvelle fois, citées : « il paraît indispensable, aux plans français et de l'Union européenne, qu'une étude avantages/coûts comparative des scénarios majeurs : abattage versus vaccination soit utilisée en prenant en compte l'évolution des différents facteurs depuis les dernières études faites au plan européen, il y a une quinzaine d'années, et que ses résultats soient largement disponibles. En résumé : il faut refaire des études avantages/coûts des scénarios de lutte contre la fièvre aphteuse en Europe. »
* 83 « Les leçons d'une épizootie », article cité.
* 84 Cf. S. Maragon et al. « The Italian foot and mooth disease [...] », article cité page 57, voir également S.C. Howard et C.A. Donnelly, « The importance of immediate destruction in epidemies of foot and mooth disease», dans Researche in Veterinary Science, 2000, n° 69.
* 85 B. Toma, « Les leçons d'une épizootie », article cité.