C. UNE RÉORGANISATION INACHEVÉE
La principale transformation introduite par la réforme doit donc être appréciée à sa juste mesure : il s'agit moins d'une simplification des structures que d'une substitution du ministère des affaires étrangères au secrétariat d'Etat à la coopération pour la partie de l'aide au développement dont la charge incombait à cette administration.
Cette nouvelle organisation permet-elle mieux que la précédente d'assurer une action efficace en faveur du développement ? La réponse apparaît nécessairement nuancée. Elle dépend de trois facteurs clefs : l'organisation de la DGCID, le « métissage » des cultures lié à la diplomatie et au développement, l'articulation des responsabilités respectives du ministère des affaires étrangères et des autres institutions responsables de la coopération.
1. La DGCID, instrument de nouvelles « synergies » ou « usine à gaz » ?
De la lutte contre le sida au Kenya à la promotion de l'audiovisuel français aux Etats-Unis, la DGCID embrasse un ensemble d'activités d'une extraordinaire diversité. L'étendue des attributions de cette nouvelle direction peut donner le vertige et vos rapporteurs ne jureraient pas que les responsables de cette administration n'éprouvent pas parfois ce sentiment.
Lors de son audition devant votre commission, M. Bruno Delaye, placé à la tête de la DGCID depuis août 2000, a rappelé les raisons qui plaident pour la réunion des instruments diplomatiques et d'aide au développement ; l'aide publique, a-t-il souligné, est vouée à l'inefficacité si les mesures de régulation à l'échelle internationale ne sont pas mises en oeuvre. A titre d'exemple, appuyer financièrement certains pays d'Afrique subsaharienne sans adopter parallèlement un dispositif international efficace contre le trafic des armes ne revient-il pas à « construire des châteaux de sable » ? L'efficacité de la coopération française dépend ainsi, dans une large mesure, de la capacité de notre pays à rallier la communauté internationale à la défense d'une mondialisation ordonnée, soucieuse des intérêts des pays du sud.
Pour donner tout l'impact nécessaire à notre aide, il nous faut donc d'abord gagner la « bataille des valeurs » auprès des Etats mais aussi des populations, selon les termes du directeur général. Or quel meilleur instrument pour cette stratégie d'influence que notre diplomatie culturelle ? Tel serait l'argument fondamental de l'intégration réalisée par la DGCID de la coopération culturelle et des métiers du développement. L'argument ne convainc pas entièrement car si la capacité pour la France de peser sur les positions des institutions multilatérales détermine pour une large part l'efficacité de sa politique de développement, l'effort de coordination souhaitable entre action culturelle et politique de développement n'implique pas nécessairement l'intégration de l'une à l'autre.
Par l'étendue de son champ d'attribution, l'importance de ses effectifs, la diversité des directions et services qu'elle réunit, la DGCID apparaît en fait comme une structure très lourde.
L'organigramme initial de la DGCID superposait aux quatre directions sectorielles (coopération culturelle, développement, coopération scientifique, audiovisuel extérieur) une direction à vocation horizontale , chargée de la stratégie, de la programmation et de l'évaluation . Cette structure constituait l'innovation emblématique de la réforme : elle apparaissait comme le creuset de la fusion des cultures de la diplomatie et du développement. Les missions avaient été définies de manière ambitieuse ; lui incombaient en effet « les fonctions de coordination et d'organisation de la concertation, de mise en évidence des contradictions et des conflits (...), la fonction d'arbitrage ou plus souvent de préparation d'arbitrages... Aucune des directions et sous-directions sectorielles ou des missions de la DGCID ne peut seule décider de sa politique, de ses modes opératoires, du déploiement de ses budgets et de ses programmes, de l'exécution de ses projets ».
En janvier 2000, un document établi par le Gouvernement à l'attention du Parlement dressait un bilan plutôt flatteur du rôle joué par la direction de la stratégie de la programmation et de l'évaluation, « principal creuset de fusion des traditions et des personnels hérités des deux anciennes structures, a pleinement joué son rôle de pilotage et de gestion au service de l'ensemble de la structure » 3 ( * ) .
Sept mois plus tard, pourtant, cette direction était supprimée. Ses compétences ont été réparties autour de trois pôles :
- le pôle de la stratégie et de l'évaluation ;
- le pôle de programmation des moyens du réseau et du contrôle de gestion ;
- le pôle de coordination géographique.
Ces ajustements inhérents sans doute à toute réorganisation traduisent cependant une difficulté de fond : l'étendue et surtout la diversité des tâches requièrent une instance de coordination ; parallèlement, cette structure introduit un nouvel échelon dans le processus de décision et la chaîne hiérarchique ; elle entraîne de nombreux délais à rebours de l'objectif d'efficacité mis en avant par la réforme. Si des modifications apparaissaient inévitables, pendant une période transitoire et même au-delà, elles ont porté ici sur l'instrument le plus marquant de la volonté exprimée par cette réforme.
* 3 Réponse au questionnaire budgétaire, projet de loi de finances de 1999.