N° 324

SÉNAT

SESSION ORDINAIRE DE 2002-2003

Annexe au procès-verbal de la séance du 3 juin 2003

RAPPORT D'INFORMATION

FAIT

au nom de la délégation aux droits des femmes et à l'égalité des chances entre les hommes et les femmes (1) sur la proposition de loi n° 313 (2002-2003) de MM. Christian PONCELET, Josselin de ROHAN, Michel MERCIER, Henri de RAINCOURT, Xavier de VILLEPIN, Daniel HOEFFEL et plusieurs de leurs collègues, portant réforme de l' élection des sénateurs ,

Par Mme Gisèle GAUTIER,

Sénateur.

(1) Cette délégation est composée de : Mme Gisèle Gautier, président ; Mmes Paulette Brisepierre, Françoise Henneron, Hélène Luc, Danièle Pourtaud, M. André Vallet, vice-présidents ; MM. Jean-Guy Branger, André Ferrand, Patrice Gélard, secrétaires ; Mmes Michèle André, Maryse Bergé-Lavigne, Annick Bocandé, Claire-Lise Campion, Monique Cerisier-ben Guiga, MM. Marcel-Pierre Cléach, Yvon Collin, Gérard Cornu, Robert Del Picchia, Mme Sylvie Desmarescaux, M. Claude Domeizel, Mmes Josette Durrieu, Françoise Férat, MM. Yann Gaillard, Francis Giraud, Alain Gournac, Serge Lagauche, Serge Lepeltier, Mmes Valérie Létard, Josiane Mathon, M. Philippe Nachbar, Mmes Anne-Marie Payet, Gisèle Printz, Janine Rozier, Odette Terrade, M. André Trillard.

Elections et référendums - Femmes.

Mesdames, Messieurs,

Au cours de sa séance du mardi 27 mai 2003, la commission des Lois constitutionnelles, de Législation, du Suffrage universel, du Règlement et d'Administration générale du Sénat, a décidé de saisir, à sa demande, votre délégation de la proposition de loi n° 313 (2002-2003) portant réforme de l'élection des sénateurs.

Déposé par MM. les présidents Poncelet, de Rohan, Mercier, de Raincourt, de Villepin, Hoeffel et plusieurs de leurs collègues, ce texte constitue le second volet d'une réforme de l'institution sénatoriale, le premier faisant l'objet d'une proposition de loi organique n° 312 (2002-2003) portant réforme de la durée du mandat et de l'élection des sénateurs ainsi que de la composition du Sénat.

S'il existe évidemment une solidarité et une cohérence entre les deux dispositifs, seule la proposition de loi ordinaire, qui élève de 3 à 4 sénateurs par département le seuil à partir duquel il est recouru au scrutin proportionnel, avec alternance obligatoire, sur les listes, d'un candidat de chaque sexe, intéresse la compétence de votre délégation.

Cette question difficile et fréquemment débattue du meilleur régime électoral possible pour la Haute Assemblée, votre rapporteur l'a abordée avec un souci d'équilibre. On ne saurait, en effet, apprécier un mode de scrutin à la seule aune de ses incidences sur la parité entre hommes et femmes. Mais, à l'inverse, la vocation même de votre délégation, ainsi que le constat préoccupant du retard français quant à la place des femmes dans la vie publique, justifient que l'on se penche sur cette dimension de la réforme proposée.

I. L'ACCÈS DES FEMMES AUX MANDATS POLITIQUES ÉLECTIFS OU LA PERSISTANCE D'UN MAL FRANÇAIS

La sous-représentation des femmes dans les assemblées élues reste, en France, très marquée, malgré des progrès récents liés essentiellement à la législation sur la parité.

A. UNE SOUS-REPRÉSENTATION DES FEMMES DANS LA PLUPART DES ASSEMBLÉES ÉLUES

1. Au niveau local, une situation contrastée

Comme le montrent les deux tableaux ci-après, une amélioration sensible, en termes de mixité, est intervenue, depuis les dernières élections, au niveau des conseils municipaux et des conseils régionaux .

LES FEMMES DANS LES CONSEILS MUNICIPAUX (métropole)

Date de l'élection municipale

Nombre de femmes conseillères municipales

Nombre total de sièges

Pourcentage de femmes conseillères municipales

1947

14.889

477.565

3,1 %

1953

13.832

479.648

2,9 %

1959

11.246

470.487

2,4 %

1965

11.145

470.714

2,4 %

1971

20.684

466.682

4,4 %

1977

38.304

459.743

8,3 %

1983

70.155

501.591

14,0 %

1989

86.549

503.070

17,2 %

1995

107.979

497.208

21,7 %

2001

156.393

474.020

33,0 %

Source : ministère de l'Intérieur, 2001

PART DES FEMMES ÉLUES DANS LES CONSEILS RÉGIONAUX

Nombre de candidates

Part des femmes parmi les candidats (en %)

Nombre de femmes élues

Part des femmes parmi les élus (en %)

ratio relatif de succès aux élections

1986

2.883

22,5

156 (1)

9,0

0,34

1992

4.075

27,0

206 (2)

12,0

0,37

1998

6.333

35,9

467 (3) (4)

27,1 (4)

0,60

Note : le ratio représente la proportion de femmes élues parmi les candidates rapportée à celle calculée pour les candidats hommes.

(1) France métropolitaine (avec la Corse) et les régions d'outre-mer.

(2) France métropolitaine (sans les conseillers à l'Assemblée de Corse).

(3) France métropolitaine (y compris l'Assemblée de Corse) et régions d'outre-mer.

(4) Situation en 2001 : ces statistiques tiennent compte des changements intervenus depuis les élections de 1998.

Source : ministère de l'Intérieur - extrait de INSEE Regards sur la parité, édition 2003 .

Le nombre de femmes élues au conseil général continue de se situer, en revanche, à un niveau particulièrement bas (au-dessous de 10 %).

PART DES FEMMES ÉLUES DANS LES CONSEILS GÉNÉRAUX

(en %)

Source : ministère de l'Intérieur - extrait de INSEE Regards sur la parité, édition 2003

Cette situation doit sans doute beaucoup au mode de scrutin uninominal majoritaire -jugé beaucoup moins favorable aux femmes que le scrutin de liste- qui régit les élections cantonales.

2. Au niveau national, un Parlement français qui demeure à près de 90 % masculin

Cette difficulté d'accès au scrutin majoritaire, avec des résultats comparables, on la retrouve au niveau des élections législatives : 12,2 % de femmes à l'Assemblée nationale .

Avec ce chiffre, la France se trouve placée au 65 ème rang du classement établi sur 183 pays par l'Union interparlementaire 1 ( * ) . C'est certes un peu mieux que l'Italie, la Grèce ou le Japon, mais beaucoup moins bien que toues les autres démocraties développées.

Il est, en outre, préoccupant de constater que le pourcentage de femmes parmi les députés, s'il s'est certes accru au fil du temps, n'a évolué que très lentement : 5,3 % en 1981 ; 5,7 % en 1988 ; 6,1 % en 1993, 10,9 % en 1997. Encore cette progression globale a-t-elle été parfois interrompue par des reculs : il y a eu moins de femmes élues à l'Assemblée nationale en 1968 et en 1973 qu'en 1962 et 1967.

La situation du Sénat, à cet égard, n'est pas profondément différente et l'évolution y a été, elle aussi marquée -sauf en 2001- par la lenteur et interrompue par quelques reculs.

Dates des élections sénatoriales

Nombre total de sénateurs

Nombre de femmes sénatrices

Pourcentage

Juin 1947

314 (conseillers de la République

22

7, 0 %

Mai 1949

317

12

3,78 %

Juillet 1952

317

9

2,84 %

Juillet 1954

317

9

2,84 %

Novembre 1956

317

9

2,84 %

Juillet 1958

314

6

1,91 %

Octobre 1960

307

5

1,63 %

Dates des élections sénatoriales

Nombre total de sénateurs

Nombre de femmes sénatrices

Pourcentage

Décembre 1962

271

5

1,85 %

Octobre 1964

273

5

1,83 %

Octobre 1966

274

5

1,82 %

Septembre 1968

283

5

1,77 %

Septembre 1971

282

4

1,42 %

Septembre 1974

283

7

2,47 %

Septembre 1977

295

5

1,69 %

Septembre 1980

304

7

2,30 %

Septembre 1983

317

9

2,84 %

Septembre 1986

319

9

2,82 %

Septembre 1989

321

10

3,11 %

Septembre 1992

321

16

4,98 %

Septembre 1995

321

18

5,60 %

Septembre 1998

321

19

5,92 %

Septembre 2001

321

35

10,9 %

L'idée que le cours naturel des choses et le changement des mentalités suffiraient à mettre fin, même à moyen terme, à un déséquilibre aussi marqué entre le nombre des hommes et celui des femmes au Parlement ne paraît donc guère recevable.

Certes, on cite à juste titre le contre-exemple du Parlement européen , où la délégation française fait une large place aux femmes (40 %). Mais les enjeux de pouvoirs n'y sont peut-être pas aussi importants et, surtout, les sièges y sont pourvus à la représentation proportionnelle.

* 1 On trouvera ce classement en annexe.

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