COMPTE-RENDU INTÉGRAL DE LA QUESTION ORALE AVEC DÉBAT DU 29 AVRIL 2004 RELATIVE À LA MISE EN oeUVRE DE LA LOLF
Discussion d'une question orale avec débat
(Ordre du jour réservé)
M. le président. L'ordre du jour appelle la discussion de la question orale avec débat n° 2 de M. Jean Arthuis à M. le secrétaire d'Etat au budget et à la réforme budgétaire sur la mise en de la loi organique du 1 er août 2001 relative aux lois de finances, dite LOLF.
M. Arthuis rappelle que cette réforme, initiée par le Parlement, vise non seulement à rénover la procédure et le débat budgétaires, mais également à permettre d'aborder avec davantage de clarté certains enjeux majeurs de la réforme de l'Etat : les effectifs de la fonction publique, la responsabilisation des gestionnaires, les opérations hors bilan du budget de l'Etat, le recensement et la valorisation du patrimoine public.
Dans ce cadre, le Gouvernement a présenté le 21 janvier dernier la maquette de la nouvelle nomenclature du budget de l'Etat en missions et en programmes, sur laquelle le Sénat et l'Assemblée nationale sont consultés. Après une double présentation des crédits budgétaires suivant l'ancienne et la nouvelle nomenclatures dans le projet de loi de finances pour 2005, le projet de loi de finances pour 2006 sera le premier à être voté par missions, c'est-à-dire par politiques publiques, et non plus par ministères et par titres, comme c'est le cas aujourd'hui.
Compte tenu de la proximité de ces échéances, il interroge M. le secrétaire d'Etat sur l'état d'avancement des travaux de définition des indicateurs de performance et des objectifs associés à chaque programme, ainsi que sur le déploiement du progiciel intégré ACCORD, qui doit permettre la mise en oeuvre de la nouvelle comptabilité de l'Etat.
Il demande à M. le secrétaire d'Etat de présenter les mesures en cours pour préparer les administrations à la mise en place prochaine de la LOLF. En particulier, il s'interroge sur la mise en jeu de la responsabilité des gestionnaires de programmes à partir d'une évaluation approfondie de l'action publique, et plus largement, sur la diffusion d'une culture de résultats et de performances à l'appui de laquelle peuvent se développer des dispositifs de rémunération au mérite.
Je tiens à féliciter tout particulièrement M. le président de la commission des finances pour cette initiative. Le débat qui s'ouvre aujourd'hui présente en effet un double intérêt.
Sur le fond, il n'est pas besoin de rappeler l'importance de la nouvelle « Constitution financière de la France » résultant de la loi organique du 1 er août 2001, à laquelle la commission des finances du Sénat avait beaucoup contribué sous la présidence de notre ancien collègue Alain Lambert, et dans la continuité de la réflexion que j'avais moi-même engagée à l'époque en tant que président de la commission des finances. Je parle sous le contrôle de Jean Arthuis, qui était alors rapporteur général.
Il s'agit là d'une pièce maîtresse de la réforme de l'Etat, qui tend à permettre une plus grande souplesse de gestion pour l'exécutif, mais aussi à renforcer le contrôle du Parlement sur les finances publiques, conformément à une préoccupation constante de notre assemblée.
Sur la forme, le débat d'aujourd'hui constitue une nouvelle illustration de l'implication constante du Parlement, et particulièrement du Sénat, à chaque étape de la mise en oeuvre de la réforme budgétaire.
M. Jean Arthuis, président de la commission des finances, puis M. Philippe Marini, rapporteur général, vont en effet pouvoir nous présenter les réflexions de la commission des finances à la suite de la consultation menée par le Gouvernement sur la future maquette des missions et des programmes.
Conformément à l'esprit de la loi organique du 1 er août 2001, le Parlement devient ainsi un interlocuteur permanent du Gouvernement en matière budgétaire, ce dont, pour ma part, je me réjouis vivement en souhaitant que ce sentiment soit partagé par le Sénat unanime. (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'Union centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
Je ne doute pas que M. Dominique Bussereau, dans ses nouvelles fonctions de secrétaire d'Etat au budget et à la réforme budgétaire, saura maintenir le dialogue fructueux engagé par le Sénat avec son prédécesseur M. Alain Lambert. (M. le secrétaire d'Etat acquiesce.)
La parole est à M. Jean Arthuis, auteur de la question.
M. Jean Arthuis , président de la commission des finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la nation. Monsieur le président, je veux tout d'abord vous remercier pour les paroles que vous venez de prononcer : elles mettent en évidence toute l'importance de ce débat.
Vous avez souligné à quel point cette loi organique relative aux lois de finances est appelée à devenir le levier de la réforme de l'Etat, l'instrument de la transparence des finances publiques.
Je veux remercier M. le président Michel Mercier et les membres du groupe de l'Union centriste qui ont souhaité inscrire à l'ordre du jour de cette fenêtre parlementaire une question orale avec débat sur la loi organique relative aux lois de finances, la LOLF. Il s'agit de populariser ce nouvel instrument mis à la disposition du Parlement pour exercer pleinement ses prérogatives.
Avant de céder la parole à M. le rapporteur général pour qu'il présente nos propositions de modification de la maquette budgétaire, je souhaiterais mettre en perspective les enjeux de la réforme de nos finances publiques à cette étape fondatrice.
Je rappellerai d'abord que la loi organique relative aux lois de finances du 1er août 2001 que j'appellerai la LOLF dans la suite de mon propos tant ce terme est désormais entré dans le vocabulaire des finances publiques, a fait l'objet d'une démarche parlementaire conjointe des deux assemblées, avec l'attention bienveillante du Gouvernement, qui a réussi à réunir, en période de cohabitation, un quasi-consensus politique.
Je me réjouis que cette loi ait engagé une concertation qui se poursuit aujourd'hui : c'est d'ailleurs l'un des premiers mérites de la LOLF que d'avoir contribué à substituer aux rapports de force et de méfiance qui existaient entre les commissions des finances des deux assemblées et les services du ministère de l'économie, des finances et de l'industrie, des relations davantage tournées vers la coopération et la confiance. Je veux d'ailleurs saluer à cette occasion l'impulsion tout à fait décisive de notre ancien collègue Alain Lambert, ministre du budget et premier ministre de la réforme budgétaire. Je veux saluer aussi le travail tout à fait remarquable effectué par la toute nouvelle et « biodégradable » direction de la réforme budgétaire au service de la mise en oeuvre de la LOLF.
L'ordonnance portant loi organique du 2 janvier 1959 avait, dans la logique du parlementarisme rationalisé, bridé en quelque sorte l'influence du Parlement sur le budget de l'Etat. Sans rompre avec la logique de la Constitution, il était indispensable de redonner tout son sens à l'article 14 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen : « Tous les citoyens ont le droit de constater, par eux-mêmes ou par leurs représentants, la nécessité de la contribution publique, de la consentir librement, d'en suivre l'emploi et d'en déterminer la quotité, l'assiette, le recouvrement et la durée », mais aussi à l'article 15 : « La société a le droit de demander compte à tout agent public de son administration ».
Il s'agit de rendre compte. C'est bien l'ambition de la LOLF que de redonner toute sa place au consentement à l'impôt et de permettre aux parlementaires, représentants du peuple, de demander des comptes au Gouvernement quant à sa gestion des crédits, c'est-à-dire des impôts présents, ou trop souvent futurs, de nos concitoyens.
Aux principes traditionnels d'annualité, d'unité et d'universalité éprouvés par l'histoire budgétaire, la LOLF donne sa pleine portée à l'autorisation parlementaire et consacre un principe nouveau de sincérité des comptes publics.
La lisibilité accrue des finances publiques est essentielle, car si nous voulons mettre de l'ordre dans les affaires de la maison Etat, il faut d'abord que nous mettions de la lumière dans toutes les pièces.
La lisibilité de la loi de finances et la sincérité des données qui y figurent sont essentielles pour informer nos concitoyens sur les enjeux et nous permettre de prendre nos décisions de manière éclairée.
Sur le plan budgétaire, l'article 32 de la LOLF exige une présentation sincère de l'ensemble des ressources et des charges de l'Etat, compte tenu des informations disponibles et des prévisions qui peuvent en découler.
Sur le plan comptable, selon les termes de l'article 27 de la LOLF, « les comptes de l'Etat doivent être réguliers, sincères et donner une image fidèle de son patrimoine et de sa situation financière ».
La réforme de la comptabilité de l'Etat, en particulier la mise en oeuvre d'une comptabilité générale, fondée sur le principe de la constatation des droits et des obligations, dont les règles ne se distinguent de celles qui sont applicables aux entreprises qu'en raison des spécificités de son action, est un élément fondamental de la réforme. Les nouvelles normes comptables ont reçu l'approbation unanime des membres du Conseil national de la comptabilité, qui s'est réuni le 6 avril dernier.
Cette novation est essentielle. Les états financiers comprendront désormais un bilan - c'est une quasi-révolution -, un compte de résultat, un tableau des flux de trésorerie et une annexe. Deux sujets méritent de retenir toute notre attention : le traitement comptable des engagements de retraite et la valorisation du patrimoine de l'Etat. Pour avoir engagé ce chantier lorsque j'étais en charge du ministère de l'économie et des finances, je ne peux que me réjouir de cet aboutissement.
Afin de mettre en oeuvre ce nouveau cadre comptable, l'Etat s'est engagé dans la réforme de son système d'information budgétaire et comptable avec la mise en place du progiciel ACCORD 2. Cet outil, nous le savons, est contesté. Par ailleurs, des doutes ont été émis sur son caractère opérationnel et sur les délais de sa mise en oeuvre.
Monsieur le secrétaire d'Etat, pourriez-vous nous indiquer si le projet de déploiement d'ACCORD 2 est bien maintenu et si celui-ci sera opérationnel le 1 er janvier 2006 ? Si tel n'était pas le cas, qu'avez-vous prévu pour que nous disposions, dès la première année d'application de la LOLF, des informations indispensables à la clarté des comptes de l'Etat ?
Je me permets de vous mettre en garde contre tous les accommodements que pourraient vous suggérer vos services tendant à maintenir en l'état la comptabilité actuelle et à multiplier les systèmes de retraitement des données. Un tel exercice réduirait à néant notre démarche. Nous resterions alors dans un exercice virtuel. Nous serions suspects de camper sur une position si préjudiciable au crédit de l'action et de l'engagement politiques.
La nouvelle nomenclature budgétaire aura une triple incidence : d'abord, sur l'organisation de nos travaux et du débat budgétaire ; ensuite, sur l'information et les moyens de contrôle du Parlement ; enfin, sur la responsabilisation des fonctionnaires et la réforme de l'Etat.
Concernant l'organisation de nos travaux et de nos débats, l'examen des crédits et leur vote par mission plutôt que par ministère nécessiteront d'adapter le périmètre de nos rapports spéciaux et pour avis. Les discussions devront porter non plus sur les moyens des ministères - à cet égard, le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie, Nicolas Sarkozy, rappelait fort justement cette semaine que les ministres ne sont pas propriétaires de leur budget -, mais sur la performance des politiques publiques. Tel sera l'essentiel de la discussion.
Cela devrait nous permettre de poser les questions fondamentales portant sur les objectifs de l'action du Gouvernement, sur les moyens qu'il convient d'y affecter et sur la manière dont ceux-ci seront utilisés. Nous prêtons en effet trop souvent attention à la variation des moyens des ministères d'une année sur l'autre sans mesurer pleinement l'efficacité et l'efficience de l'action dont ils ont la charge. C'est donc bien à une évaluation des politiques publiques, telle que la définit le décret du 18 novembre 1998, que nous sommes appelés à procéder : « évaluer une politique, c'est apprécier son efficacité en comparant ses résultats aux objectifs assignés et aux moyens mis en oeuvre ».
S'agissant du vote des crédits par le Parlement, alors que les services votés reconduits quasi automatiquement d'une année sur l'autre représentent 94 % des crédits, l'adoption d'un budget en base zéro prévue par la LOLF fera de la discussion budgétaire un exercice annuel de remise en cause des dépenses de l'administration et des activités des différents services au sein de chaque mission.
Par ailleurs, l'organisation de la loi de finances nous permettra d'avoir des débats davantage centrés sur les enjeux majeurs des finances publiques : l'évolution des prélèvements obligatoires, mais aussi celle des emplois rémunérés par l'Etat et celle de la dette. Il s'agit de consacrer plus de temps aux grands enjeux qui engagent l'avenir, plutôt que de s'attacher à examiner le détail de dépenses parfois symboliques, voire, pour certaines, virtuelles.
Un « chaînage vertueux » des discussions budgétaires permettra de fonder les arbitrages en loi de finances initiale d'après les résultats de l'exercice antérieur. A cette fin, la LOLF dispose que la discussion du projet de loi de règlement de l'année précédente doit précéder celle du projet de loi de finances initiale.
La loi de règlement sera désormais accompagnée d'informations complètes sur l'utilisation, par mission et par programme, des crédits de l'exercice budgétaire concerné ainsi que d'annexes explicatives justifiant les écarts de gestion avec les prévisions de la loi de finances initiale. La loi de règlement sera ainsi appelée à devenir l'un des actes majeurs de la vie parlementaire, auquel il conviendra de donner une place nouvelle dans le calendrier des travaux du Parlement.
Jusqu'à maintenant, il était d'usage de consacrer trois semaines à l'examen de la loi de finances initiale et, de façon subreptice, quelquefois le lundi soir, une heure et demie à la loi de règlement. Ces pratiques seront rapidement périmées.
M. Paul Girod. Très bien !
M. Jean Arthuis , président de la commission des finances. Je veux insister sur ce point. La loi de règlement est aujourd'hui une loi purement comptable. Elle nous mobilise peu et il est difficile d'en tirer des enseignements. La LOLF lui conférera une place éminente.
D'abord, les comptes de l'Etat seront désormais une source importante d'information sur la situation des finances de l'Etat, sur son appauvrissement ou son enrichissement - on peut rêver ! -, et son exposition au risque. Ils feront d'ailleurs l'objet d'une certification de sincérité et de régularité de la part de la Cour des comptes.
Ensuite, la loi de règlement deviendra le moment où les gestionnaires rendront des comptes sur leur gestion. Aujourd'hui, une fois l'exercice budgétaire clos, nous passons à autre chose. Demain, c'est à un véritable audit des finances publiques que nous invitera chaque année l'examen de la loi de règlement.
Il nous reviendra donc de faire en sorte que cette loi devienne un moment fort de la vie budgétaire et de la vie parlementaire, un moment où nous tirerons les leçons du passé pour mieux construire l'avenir. Si nous n'utilisons pas les informations dont nous disposerons à travers la loi de règlement, quelle pression pèsera sur ceux à qui l'on a confié la liberté de gérer les crédits d'une politique ? Quelle sera leur responsabilité ?
Nous disposerons de comptes rendus précis de l'exécution, mais aussi de comptes rendus de la performance de chaque programme à travers les rapports annuels de performance annexés à la loi de règlement. Ces éléments devront nous servir dans l'exercice, le cas échéant, de notre droit d'amendement, que la LOLF étend. En effet, les modalités d'application de l'article 40 de la Constitution rendront possibles des transferts de crédits entre programmes d'une même mission, sans en augmenter le montant, ce qui pourrait entraîner une forte progression du nombre d'amendements en deuxième partie du projet de loi de finances. Nous devrons d'ailleurs en étudier les modes de recevabilité et de discussion.
Cet exemple illustre les questions pratiques auxquelles nous allons être confrontés lors de la discussion du projet de loi de finances pour 2006, qui sera le premier à être entièrement organisé selon les nouvelles règles de la LOLF.
Afin que le Parlement se prépare à cette échéance ultime, le projet de loi de finances pour 2005 doit faire l'objet d'une double présentation, suivant l'ancienne et la nouvelle nomenclatures, tout en continuant à être voté par titre et par ministère. Aux différents programmes seront associés des objectifs et des indicateurs de performance qui permettront de mesurer l'efficacité de la gestion publique.
Le débat prochain sur les indicateurs et les objectifs de performance devra ainsi retenir toute notre attention afin qu'ils ne relèvent pas seulement d'une contrainte d'affichage, comme cela a pu être le cas pour certains agrégats, mais qu'ils traduisent réellement les objectifs et la performance de l'action publique d'une manière accessible à tous.
Je me félicite à ce sujet que le cadre d'élaboration des indicateurs et des documents budgétaires fasse l'objet d'une consultation des assemblées. Pouvez-vous nous indiquer, monsieur le secrétaire d'Etat, si les propositions d'objectifs et d'indicateurs figureront dans les documents annexés à la loi de finances pour 2005 ?
Plus lisible, le budget sera d'autant plus facile à contrôler que les rapporteurs spéciaux disposent de pouvoirs accrus, avec l'assistance de la Cour des comptes, et d'une information plus complète, avec, notamment, la communication des rapports des corps d'inspection. Le renforcement des contrôles apparaît comme la nécessaire contrepartie de la liberté de gestion nouvelle dont disposeront les gestionnaires de programme. C'est donc sur notre capacité de développer nos missions de contrôle que repose le succès de la réforme.
L'exercice de ces pouvoirs accrus du Parlement forme le corollaire d'une responsabilisation effective des gestionnaires, en permettant d'identifier les sources d'inefficience et en développant la dimension stratégique de la gestion. La recherche de la performance constitue un changement culturel qui doit être relayé à tous les niveaux de l'administration où doit se mettre en place un contrôle de gestion. Prenant en compte la séparation entre la responsabilité politique et la responsabilité de gestion, les commissions pourront envisager de conduire des auditions de responsables de programme. Ceux-ci seront appelés à devenir de véritables « managers » de la gestion publique.
Je souhaite vous interroger sur cette question des responsables de programme, monsieur le secrétaire d'Etat, car elle est centrale pour la réussite de la réforme.
Avec la LOLF, des hauts fonctionnaires se verront confier la responsabilité de programme. Ils seront donc en mesure d'arbitrer entre les dépenses en cours d'année. C'est une grande liberté, qui est indispensable pour moderniser la gestion publique. Nous constatons parfois que les ministères sont en rupture de crédits sur un chapitre et qu'ils les consomment de manière précipitée en fin d'année sur d'autres chapitres afin de voir leur dotation préservée l'année suivante. C'est là un bien mauvais usage de l'argent des contribuables.
Désormais, les gestionnaires seront en mesure de faire face aux aléas qui surviennent en cours d'année, mais ils auront également la capacité de prendre des décisions de gestion de manière plus réactive. C'est donc une véritable révolution et c'est dire l'importance considérable de la désignation des responsables de programme.
Quand seront-ils officiellement désignés ? Pouvez-vous nous confirmer qu'il n'y aura qu'un seul gestionnaire par programme ? Quelles seront les modalités de récompense ou de sanction au regard de la performance de la gestion ?
Un rapport sur la rémunération au mérite des directeurs d'administration centrale a été remis il y a deux jours au Premier ministre par M. Jean-Ludovic Silicani. Qu'en est-il des perspectives de généralisation de ces modalités de rémunération qui s'inscrivent dans la logique de performance de la LOLF ?
De manière plus générale, quelles conséquences la mise en oeuvre de la LOLF implique-t-elle sur la gestion de la fonction publique ?
J'aimerais, monsieur le secrétaire d'Etat, que vous acceptiez de répondre à ces questions.
Mes chers collègues, nous ne sommes qu'au début d'un processus qu'il nous appartient de conduire à son terme afin de faire vivre la réforme budgétaire et de faire en sorte qu'elle ne se résume pas à la réforme technique qu'elle nous paraît être en surface.
C'est une révolution culturelle qui ne s'opérera pas sans résistance ni sans heurts. Elle requiert, au-delà de l'entière mobilisation des administrations qui la mettront en oeuvre, notre propre mobilisation. Nous devons, en effet, conduire nous aussi ce changement pour que le Parlement, initiateur de la réforme budgétaire, s'affirme comme l'aiguillon politique de la réforme de l'Etat. Cette réforme est une coproduction des deux assemblées et du Gouvernement.
Ne doutez, monsieur le secrétaire d'Etat, ni de notre engagement ni de notre volonté. Le Sénat, grâce à vous, mes chers collègues, prendra toute sa part dans la mise en oeuvre de la LOLF afin que, sans délai, elle devienne l'instrument de la transparence des finances publiques et le levier de la réforme de l'Etat.
Et puis, allant jusqu'au bout de cette logique, peut-être une fois confirmées et consacrées les missions deviendront-elles la préfiguration de la composition du Gouvernement. Peut-être les missions aujourd'hui qualifiées d'interministérielles disparaîtront-elles un jour parce qu'à chaque mission correspondra un ministre responsable. (Applaudissements sur les travées de l'Union centriste et de l'UMP, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président . La parole est à M. le rapporteur général.
M. Philippe Marini , rapporteur général de la commission des finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la nation. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'Etat, mes chers collègues, le débat qui nous rassemble cet après-midi témoigne d'une utilisation judicieuse de l'ordre du jour réservé aux groupes politiques.
M. Jean Arthuis , président de la commission des finances. Merci !
M. Philippe Marini, rapporteur général. Je tiens donc à remercier le groupe de l'Union centriste de nous avoir autorisés à utiliser son temps pour échanger des propos sur la réforme budgétaire. De la même manière d'ailleurs, le débat sur les prélèvements obligatoires avait été organisé - si ma mémoire est bonne - sur le quota d'ordre du jour réservé du groupe UMP.
M. Jean Arthuis , président de la commission des finances. C'est une coproduction !
M. Philippe Marini, rapporteur général. Si nous sommes, bien entendu, coproducteurs de ce débat, nous le sommes encore beaucoup plus de tout ce qui doit contribuer globalement à une bonne lisibilité, à une bonne transparence du processus de décision publique des comptes et des comptes prévisionnels de l'Etat.
Mes chers collègues, la réforme budgétaire va bien au-delà de la transformation du budget. En fait, c'est un nouveau comportement à l'égard de la dépense publique qu'elle va promouvoir par la relation quasi contractuelle qu'elle instaure entre des directeurs de programme et des responsables d'unités de moyens, par l'obligation de comptes rendus périodiques, par l'établissement d'indicateurs de performance, au vu desquels l'opinion jugera la manière dont les engagements pris par un gouvernement sont effectivement tenus. Tout cela est en germe dans la réforme budgétaire. Cela rend d'autant plus remarquable qu'elle ait fait l'objet d'un tel consensus, lequel perdure malgré les aléas momentanés de notre vie politique.
En effet, hier matin, lors du premier examen en commission des finances des propositions que je vais vous présenter, nous avons eu le plaisir de constater qu'il y avait de la part de tous les groupes représentés convergence et même, probablement, consensus. C'était la première consultation de la commission puisque, la semaine prochaine, elle aura à confirmer son avis sur ces propositions.
Une telle réalité est suffisamment rare, monsieur le secrétaire d'Etat, pour qu'on se plaise à la souligner. Le fait est d'autant plus significatif qu'il s'agit non de l'accessoire mais du principal.
En vérité, l'enjeu de cette réforme est encore sous-estimé, et dans l'administration, et dans les milieux parlementaires. On pense - à tort, M. le président Arthuis l'a rappelé - qu'il s'agit de technique. Il ne s'agit pas de technique. Il s'agit de politique au sens le plus élevé du terme, puisque cette politique est focalisée sur l'intérêt général.
Il convient tout d'abord, monsieur le secrétaire d'Etat, de saluer le chemin qui a déjà été parcouru par le Gouvernement, aidé par une unité administrative spécialisée, la direction de la réforme budgétaire.
Grâce au travail déjà effectué, le Premier ministre nous a soumis une maquette. Il a demandé aux présidents et aux rapporteurs généraux des commissions des finances des deux assemblées de s'entourer de tous les avis nécessaires et de remettre, le cas échéant, des souhaits de modifications ou d'amendements par rapport à cette maquette.
Nous devions rendre cette copie le 30 avril. Nous sommes le 29 avril et de manière publique, à l'occasion de ce débat, nous allons, pour notre part, tenter de contribuer à ce progrès vers une gestion plus moderne, véritable levier de la réforme de l'Etat.
Nous sommes consultés sur une maquette qui comporte en tout, avec les Comptes spéciaux du Trésor et les budgets annexes, 45 missions et 150 programmes.
Nous avons abordé ce travail dans un esprit d'étroite concertation avec nos collègues de l'Assemblée nationale. Je voudrais pour ma part rendre hommage en particulier au rapporteur général de la commission des finances, Gilles Carrez. Nous avons eu plusieurs entretiens sur le fond, chacun, bien entendu, dans le respect du mandat qui lui est donné par sa commission. Nous avons travaillé en toute transparence, cherchant à faire prévaloir autant que possible des idées communes. Il y aura certes des variantes - c'est le jeu du bicaméralisme- entre l'Assemblée nationale et le Sénat, mais sur l'état d'esprit, sur les principes directeurs, sur l'essentiel, notre accord est réel et profond.
Nous avons par ailleurs, sur l'initiative de M. le président Arthuis, consulté les autres commissions du Sénat et tenu compte autant que possible de leurs avis.
En février, un séminaire de travail, émanation de la commission des finances, s'est réuni à Compiègne. Toutes sortes d'idées y ont été exprimées de façon très constructive. Elles trouvent aujourd'hui leur traduction concrète dans le document qui a été examiné par notre commission et que je vous expose.
Nous avons réuni ensuite les rapporteurs pour avis qui s'intéressent à chaque secteur de l'action gouvernementale. Puis, nous avons tâché de faire une synthèse.
Pour le budget général, le nombre de missions qui résulteraient de nos propositions est presque identique à celui ressortant de la maquette du Gouvernement : 31 missions contre 32.
Toutefois, nous proposons deux modifications importantes : d'une part, les missions interministérielles passeraient de 8 sur 32 à 15 sur 31, c'est une forte proportion qui me paraît correspondre à l'esprit de la loi organique ; d'autre part, le nombre des programmes augmenterait corrélativement, passant de 126 à 145.
Il convient de rappeler à ce propos que plus les programmes sont importants, et plus la marge de manoeuvre laissée à leurs responsables est grande du fait de la fongibilité des crédits. Mais aussi plus faibles sont les possibilités d'intervention et de contrôle du Parlement. Dans nos propositions, nous nous efforçons, monsieur le secrétaire d'Etat, de faire la juste part entre les nécessités de l'action administrative et le respect des droits du Parlement.
Précisément, pour mieux garantir les compétences de nos assemblées, deux modifications nous semblent tout à fait vitales, et ce dans le respect de l'esprit et de la lettre de la loi organique.
Monsieur le secrétaire d'Etat, il faut supprimer les missions mono-programmes. Qu'il s'agisse du Conseil économique et social, de façon accessoire, certes, puisque ne sont en jeu que 32 millions d'euros, qu'il s'agisse, surtout, de la sécurité ou de la protection des populations, cette formule n'est absolument pas conforme à la lettre et encore moins à l'esprit de la loi organique.
En ce qui concerne la sécurité intérieure, notre préférence va à une mission subdivisée en deux programmes- police nationale et gendarmerie - ce qui ne saurait, bien entendu, porter atteinte aux particularités statutaires de part et d'autre ni à l'organisation des unités de moyens.
Une seconde modification nous paraît essentielle pour mieux garantir le respect des droits du Parlement. Il s'agit de scinder - de manière prudente - les méga-programmes.
Il est certes inévitable que l'ordre de grandeur des programmes varie considérablement. Mais à quoi nous servirait-il de disposer d'un luxe de détails pour des actions très ponctuelles - par exemple, pour savoir où se situe la Météorologie nationale - alors que l'on devrait s'accommoder, pour des fonctions essentielles de l'Etat, de l'existence de masses de crédits considérables reconnues comme insécables ? En effet, de tels programmes surdimensionnés pourraient être des zones budgétaires opaques, de véritables boîtes noires, sources de difficultés du point de vue tant du contrôle a priori que du contrôle d'exécution exercé par les assemblées parlementaires.
Ainsi, s'agissant de la fonction défense, pour permettre au Parlement de jouer tout son rôle, mais aussi pour tenir compte des réalités du commandement et du bon emploi des moyens, nous suggérons de diviser le programme n° 2 - préparation et emploi des forces - qui dépasse, dans l'état actuel des choses, avec les pensions, 20 milliards d'euros en deux parties : l'une comprenant les hommes et les matériels - en d'autres termes, le recrutement et la formation - l'autre, le soutien, notamment la mise en condition opérationnelle.
S'agissant du programme n° 5 de la défense - préparation et conduite des politiques d'armement - nous estimons que l'on doit au moins séparer l'arme nucléaire, la dissuasion, des armements conventionnels. Il s'agit, dans l'allocation des crédits, de choix stratégiques sur lesquels la représentation nationale doit pouvoir s'exprimer.
Dans le même esprit, au sein de la fonction éducation et, plus précisément, dans la mission enseignement scolaire, il nous paraît souhaitable d'isoler de l'enseignement à proprement parler les crédits consacrés à la vie de l'élève.
Voilà quelques propositions, monsieur le secrétaire d'Etat, concernant la garantie des compétences du Parlement.
Il faut aller au-delà et, de façon plus générale, faire en sorte que chacun de nos concitoyens puisse, en lisant la maquette, en examinant la formulation des missions et des programmes, se faire une idée des vraies priorités qui animent l'action de l'Etat.
Il est nécessaire de rendre plus lisible l'action de l'Etat. Cela nous conduit à souhaiter des clarifications pour certaines missions à caractère ministériel. Il s'agit notamment de l'agriculture, dont la structure interne dans le projet de maquette nous paraît déséquilibrée. En accord avec la commission des finances de l'Assemblée nationale, il nous paraît utile de scinder le programme n° 1 en deux fractions : d'un côté, promotion de l'agriculture et développement rural, de l'autre, valorisation des produits, orientation et régulation des marchés.
En ce qui concerne la mission Transports, nous estimons qu'elle pourrait être décomposée de façon plus compréhensible afin d'avoir pour chaque mode de transport un programme identifié. On regrouperait ainsi dans une rubrique Stratégie en matière de transport, toutes les dépenses, toutes les actions qui ne peuvent pas être directement affectées à un mode particulier, que ce soit le transport routier, le transport ferroviaire, le transport fluvial ou le transport maritime.
S'agissant des fonctions exercées par le ministère de l'économie, des finances et de l'industrie, nous pensons qu'il est possible de supprimer, dans la mission Engagements financiers de l'Etat, le programme Remboursements et dégrèvements d'impôts - dont le montant atteint plus de soixante milliards d'euros -, pour répartir, comme le propose également la commission des finances de l'Assemblé nationale, les éléments bien identifiables dans les programmes auxquels ils correspondent.
Ainsi, la prime pour l'emploi, incitation à l'emploi, doit, à notre sens, rejoindre la mission Travail, qui devient ainsi interministérielle ; le crédit d'impôt recherche a vocation à se retrouver dans la mission interministérielle Recherche et enseignement supérieur.
De même, suivant en cela une recommandation de notre collègue Yves Fréville, nous avons considéré que les dégrèvements d'impôts locaux devaient rejoindre la mission Relations de l'Etat avec les collectivités territoriales.
Pour ce qui est des missions financières, permettez-moi enfin d'évoquer la mission Gestion et contrôle des finances publiques.
Il nous semblerait plus clair, monsieur le secrétaire d'Etat, que cette mission, qui comporte le programme Gestion fiscale et financière de l'Etat, compte trois programmes au lieu d'un seul : un programme Gestion comptable, avec notamment la dimension patrimoniale qu'évoquait à juste titre M. le président Arthuis tout à l'heure, un programme Assiette des impositions, puis un programme Recouvrement des impositions, tout cela ne préjugeant pas d'éventuelles restructurations organiques qui pourront intervenir au cours des années à venir.
Enfin, toujours au titre de la clarification des missions à caractère ministériel, je voudrais évoquer deux points d'inégale importance.
Selon la commission des finances, le programme Tourisme a plutôt vocation à s'intégrer à la mission Politique économique.
De plus, la mission Premier ministre nous semble devoir logiquement comporter un programme Réforme de l'Etat et relations avec les citoyens, car il s'agit là, bien sûr, d'une priorité tout à fait essentielle, d'une priorité qui se situe au niveau du chef du Gouvernement et qui doit être lue et appréhendée comme telle.
S'agissant des missions interministérielles, j'ai déjà évoqué, mes chers collègues, la sécurité intérieure qui nous paraît devoir marcher sur deux jambes.
J'en viens à l'écologie. Pour nous, la mission Ecologie et développement durable peut et doit prendre un caractère interministériel et regrouper, sous le nouvel intitulé Ecologie et maîtrise des risques, outre les trois programmes déjà prévus, un programme Sécurité civile, le programme Météorologie et surtout un programme Prévention et contrôle des risques industriels reprenant une partie des compétences des directions régionales de l'industrie, de la recherche et de l'environnement.
J'en viens à une fonction particulièrement essentielle qu'il faut savoir appréhender dans son vrai contour, la mission interministérielle Enseignement supérieur et recherche.
La proposition qui nous est faite en matière de recherche nous semble présenter deux défauts importants. Le premier est de laisser de côté bon nombre de grandes écoles rattachées à des ministères spécifiques, comme par exemple l'Ecole supérieure des mines ou l'Ecole nationale des ponts et chaussées, l'Ecole polytechnique, des écoles supérieures comme l'Ecole des chartes, l'Ecole du patrimoine, qui dépend du ministère de la culture, ou encore les différents instituts et établissements d'enseignement supérieur relevant du ministère de l'agriculture. L'enseignement supérieur a vocation à se trouver financé par la mission interministérielle Recherche et enseignement supérieur. Ces écoles font naturellement l'objet de programmes spécifiques.
Second reproche en ce qui concerne la recherche et l'enseignement supérieur : la maquette ne permet pas d'isoler les crédits que la collectivité consacre à la recherche universitaire.
Les enseignants chercheurs se consacrent par définition aux deux finalités ; nous savons bien qu'il n'est pas simple de séparer les coûts des deux fonctions mais cela pourrait être fait avec un système de clé forfaitaire. Cette séparation aurait une grande vertu pédagogique, car on pourrait ainsi mieux apprécier l'effort global de recherche. On pourrait également mieux arbitrer entre les différentes disciplines scientifiques, mieux repérer les pôles d'excellence et mieux se prêter au dialogue entre les programmes et les moyens, ce qui est le véritable moteur de la loi organique et de la nouvelle gestion budgétaire de l'Etat.
Enfin, nous souhaitons créer de nouvelles missions interministérielles. Ainsi, une nouvelle mission Stratégie de l'aménagement du territoire permettrait d'afficher la priorité que constitue ce point fort pour la politique gouvernementale.
Nous n'avons pas vraiment compris, monsieur le secrétaire d'Etat, pourquoi cette mission si importante n'était pas visible dans la nomenclature budgétaire.
Cette nouvelle mission interministérielle Stratégie de l'aménagement du territoire rassemblerait les programmes Soutien des politiques d'équipement, Aménagement, Urbanisme et ingénierie publique, Information géographique et cartographique, ainsi que Interventions territoriales de l'Etat et Météorologie.
Enfin, il nous semble important que l'urbanisme soit apprécié dans sa globalité. Nous reconnaissons tous la nécessité de la discrimination positive en faveur des quartiers les plus défavorisés. Cependant, le fait d'inscrire dans la maquette en rang 1, la mission Ville appelle une appréciation nécessaire pour la mise en oeuvre de la politique de l'Etat, qui ne saurait se limiter à la politique en faveur des quartiers défavorisés mais doit s'élargir dans une vision plus globale de l'urbanisme.
Nous proposons de rattacher à cette mission le logement sous la forme de deux programmes qui reprennent la distinction déjà classique de l'aide à la personne et de l'aide à la pierre. Il y aurait donc une vraie mission interministérielle Urbanisme et logement, comportant les actions de rééquilibrage social au sein des villes, mais permettant aussi de voir globalement les enjeux de développement de nos territoires urbains et les moyens financiers qui doivent être consacrés à la politique du logement.
En conclusion, j'évoquerai les deux étapes qui nous restent à franchir : le choix des directeurs de programmes ; la détermination des indicateurs de performance.
La nomination des directeurs de programmes sera, bien sûr, de la responsabilité pleine et entière du pouvoir exécutif. C'est au cours de cette étape que devront se créer les conditions du dialogue entre ceux qui alloueront les crédits, les directeurs de programmes, qui devront se livrer à des arbitrages et ceux qui consommeront ces crédits les chefs d'unités de moyens. C'est cette dissociation qui permettra de mettre sous tension tout l'appareil administratif et jouera comme levier de la réforme de l'Etat.
Il ne faudra pas confondre directeurs de programmes et directeurs de moyens, ou nommer directeur de programmes quelqu'un qui raisonne comme un directeur de moyens. Il faudra aussi que les échelons de direction de programmes soient légers, pluridisciplinaires et aptes à un tel dialogue, en quelque sorte à l'image de ce que sont aujourd'hui, et depuis la réforme de 1996, les agences régionales de l'hospitalisation par rapport aux unités importantes du secteur hospitalier public. C'est le meilleur exemple que l'on peut donner aujourd'hui, dans notre organisation publique, du dialogue entre programmes et moyens, et parmi les éléments de la réforme de 1996, c'est certainement le plus utile et le plus durable.
Monsieur le secrétaire d'Etat nous allons observer avec une grande attention les décisions qui seront prises. Nous espérons que, de même que pour la maquette, nous pourrons être consultés sur la détermination des indicateurs de performances. A ce sujet, je m'associe, bien sûr, aux questions que vous a posées M. le président Arthuis. (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'Union centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
(M. Serge Vinçon remplace M. Christian Poncelet au fauteuil de la présidence.)
PRÉSIDENCE DE M. SERGE VINÇON
vice-président
M. le président. J'indique au Sénat que, compte tenu de l'organisation du débat décidée par la conférence des présidents, les temps de parole dont disposent les groupes pour cette discussion sont les suivants :
Groupe Union pour un mouvement populaire, 50 minutes ;
Groupe socialiste, 28 minutes ;
Groupe de l'Union centriste, 13 minutes ;
Groupe communiste républicain et citoyen, 12 minutes.
Dans la suite du débat, la parole est à M. Michel Sergent.
M. Michel Sergent. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'Etat, mes chers collègues, la loi organique du 1 er août 2001 est une loi d'origine parlementaire qui a recueilli l'assentiment quasi unanime de nos deux assemblées, ainsi que Jean Arthuis et Philippe Marini l'ont rappelé.
Elle réécrit la constitution financière de la France, qui n'avait pas été modifiée depuis quarante ans malgré trente-six tentatives de réforme.
Elle vise deux objectifs majeurs : réformer le cadre de la gestion publique pour l'orienter vers les résultats et la recherche de l'efficacité ; renforcer la transparence des informations sur les finances publiques et la portée de l'autorisation budgétaire accordée par le Parlement.
Je ne m'attarderai pas sur le premier objectif et rappellerai simplement que le budget de l'Etat se présentera désormais selon trois niveaux d'organisation budgétaire.
Tout d'abord, à chaque politique publique correspond une mission qui deviendra l'unité de vote du budget.
Ensuite, les missions sont composées de programmes ; le programme sera donc l'unité de spécialité, ce qui signifie que les crédits y figurant ne pourront être affectés à un autre objet que celui du programme.
Enfin, les programmes sont déclinés en actions.
Au sein d'un programme, le gestionnaire aura donc une liberté presque complète pour affecter les crédits dont il dispose entre les différentes natures de dépenses, sauf en matière de création d'emplois et de dépenses de personnel : la fongibilité des crédits est dite asymétrique.
En contrepartie de cette plus grande liberté, les gestionnaires de chaque programme devront élaborer chaque année des « projets annuels de performance », assortis d'objectifs et d'indicateurs de performance précis sur le respect desquels ils s'engageront. A l'issue de l'exercice budgétaire, dans le cadre de la loi de règlement, qui prendra toute son importance, ainsi que Jean Arthuis l'a souligné, ils devront rendre compte précisément de l'utilisation des crédits qui leur auront été confiés, mais aussi renseigner les indicateurs de performance et indiquer les raisons pour lesquelles ils n'auraient pas, le cas échéant, atteint les objectifs fixés par la loi de finances. L'examen de la loi de règlement de l'année précédente fournira donc aux parlementaires des enseignements précieux pour l'examen de la loi de finances de l'année suivante. L'obligation de rendre des comptes au Parlement est la contrepartie de la plus grande liberté de gestion accordée au Gouvernement.
Selon ce schéma, le budget général comprendra 45 missions et 150 programmes, à comparer aux 848 titres des budgets ministériels tels que nous les examinions jusqu'alors.
Permettez-moi d'aborder maintenant ce qui représente pour moi une grande avancée : le renforcement de la transparence de la gestion budgétaire et de la portée de l'autorisation parlementaire.
La LOLF renforce la transparence de la stratégie économique et budgétaire de l'Etat en l'inscrivant dans une perspective pluriannuelle. Le débat d'orientation budgétaire est institutionnalisé et renforcé.
En présentant la nomenclature budgétaire envisagée par la loi de finances de l'année suivante, le Gouvernement permettra au Parlement de participer davantage à la construction de la loi de finances. Le Parlement voit le champ de ses compétences élargi à des domaines qui lui échappaient. Il disposera d'une information précise sur la politique d'emprunt de l'Etat, les garanties qu'il accorde, les affectations de recettes.
Une comptabilité de l'Etat modernisée permettra de mesurer le coût des actions et de mieux connaître la situation financière et patrimoniale de l'Etat, dont les comptes feront l'objet d'une certification par la Cour des comptes.
Les commissions des finances bénéficieront par ailleurs de nouveaux outils pour assurer leur contrôle sur les finances publiques et l'exécution des lois de finances.
Cette loi organique sera applicable au 1 er janvier 2006.
Force est donc de constater que, s'il s'est écoulé près de trois ans depuis son adoption le 1 er août 2001, il ne reste guère qu'un an et demi avant que son application ne soit effective. Il était donc judicieux, monsieur le président de la commission des finances, d'interroger le Gouvernement afin de savoir où nous en étions de sa mise en place, d'autant que, pour l'examen à l'automne du budget 2005, nous bénéficierons d'une double présentation qui sera un exercice à blanc de la nouvelle loi organique.
J'en arrive, monsieur le secrétaire d'Etat, aux questions qui se posent encore aujourd'hui.
Un constat s'impose tout d'abord : l'avancée inégale, le mot est faible, de la mise en place de la LOLF dans les ministères. Certains d'entre eux n'auraient même pas encore nommé leurs responsables. Comment pensez-vous, monsieur le secrétaire d'Etat, remédier à cette situation ?
Chaque ministère devait s'attacher à définir, avant le mois de juin 2004, comme l'a indiqué Alain Lambert en janvier dernier, les objectifs et les indicateurs de performance pour chaque programme. Les responsables doivent mettre en place les nouveaux modes de gestion, examiner les conséquences de la réforme sur la politique des ressources humaines dans l'administration, revoir les relations entre les administrations centrales et les administrations déconcentrées. Serons-nous prêts d'ici au mois de juin ?
Au demeurant, en tant que rapporteur spécial du budget de la jeunesse et des sports, je me plais à souligner l'implication de ce ministère dans la mise en place de la loi organique.
Aujourd'hui, le ministère a retrouvé son périmètre antérieur incluant la jeunesse et la vie associative. La logique politique a cédé devant la logique organisationnelle. La partition avait en effet compliqué les choses, les services déconcentrés demeurant au ministère des sports tandis que la jeunesse devenait une partie infime du ministère de l'éducation nationale, qui ne s'en souciait guère.
Suivant cet exemple, serait-il utopique, monsieur le secrétaire d'Etat, et c'était la conclusion de Jean Arthuis, que, dans l'avenir, les compétences des ministères correspondent aux périmètres des missions ? J'en mesure la difficulté mais cela contribuerait à la simplification et à la transparence budgétaire.
J'en reviens à la mission Jeunesse et sports pour faire les remarques suivantes.
L'état d'avancement est très inégal entre les composantes jeunesse, d'un côté, et sports, de l'autre, en particulier s'agissant des indicateurs et de la ventilation des charges indirectes dans une perspective de coût complet. Seule la composante sports du ministère a opéré cette ventilation.
Le programme de soutien proposé apparaît trop large ; c'est d'ailleurs une remarque que l'on peut faire, me semble-t-il, pour de nombreuses missions.
Il tempère la portée réformatrice de la LOLF. Monsieur le secrétaire d'Etat, il ne saurait rester en l'état. Il faut autant que possible ventiler les dépenses de personnel et d'équipement dans les deux autres programmes selon une logique de comptabilité analytique et éviter qu'une fonction support ne représente plus de 20 % des crédits de rémunération.
Dans un ordre général, je veux aussi revenir sur l'importance des indicateurs. Pour bien éclairer le Parlement, ils doivent être suffisamment nombreux sans être pléthoriques et il convient de se demander comment se fera l'évaluation.
Je ferai encore une remarque : il importe que les responsables de programme soient nommés rapidement. Eux seuls sont susceptibles de prendre le relais de la motivation en interne, car il importe que l'administration s'implique sans inertie, que ce soit au niveau central ou dans les services déconcentrés.
Dernière question, monsieur le secrétaire d'Etat, dont vous mesurerez l'importance : qu'en est-il du système ACCORD 2, dont la mise en place est indispensable à la mise en oeuvre de la LOLF ? Je partage totalement à ce sujet les préoccupations de Jean Arthuis.
En conclusion, j'émettrai le souhait que la maquette modifiée par la commission des finances du Sénat et qui vient d'être présentée par M. le rapporteur général soit largement prise en compte par le Gouvernement. Des modifications pertinentes ont été apportées dans la composition des missions, qu'elles soient ministérielles ou interministérielles.
J'ai commencé mon propos en rappelant l'initiative parlementaire qui avait permis le vote de cette loi organique. J'espère donc que le Parlement sera entendu jusqu'au bout. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste, ainsi que sur certaines travées de l'UMP, de l'Union centriste et du RDSE.)
M. le président. La parole est à Mme Françoise Férat.
Mme Françoise Férat. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'Etat, mes chers collègues, rapporteur pour avis du budget de l'enseignement agricole, je ne peux que me réjouir de ce débat portant sur la mise en oeuvre de la loi organique du 1 er août 2001 relative aux lois de finances, la LOLF. A cet égard, je tiens à saluer l'initiative de notre collègue et ami Jean Arthuis, auteur, avec mon groupe parlementaire, de cette question orale avec débat et l'un des éminents artisans de la réforme de 2001.
Rappelons que cette réforme a été le résultat d'une réflexion dépassant les clivages politiques. La modernisation des finances publiques et de l'Etat est indispensable à l'heure de l'approfondissement de la construction européenne, dans un contexte de mondialisation croissante de l'économie. Grâce au consensus des principales forces politiques de ce pays, nous voilà dotés avec la LOLF d'un outil permettant une gestion moderne de l'Etat, pour des raisons économiques mais aussi afin d'améliorer le fonctionnement de la démocratie.
La transparence budgétaire est le gage dans les prochaines années d'un contrôle parlementaire plus efficace et d'une plus grande implication de nos concitoyens dans les affaires publiques. On ne peut que s'en réjouir alors que la montée de l'abstention et du rejet du politique menacent toujours notre système démocratique. L'intervention de l'Etat génératrice de prélèvements ne va plus de soi depuis plusieurs années : elle doit être légitimée, expliquée aux citoyens. A cet égard, la nouvelle LOLF peut être particulièrement utile.
Parmi les grands enjeux de cette réforme, comme l'a très justement dit Jean Arthuis, figure la responsabilisation des gestionnaires. Nous avons en effet à faire accepter une nouvelle culture de gestion des services de notre administration. Il ne faut pas avoir peur de parler d'amélioration de la production administrative. La rémunération au mérite est certes un instrument « adjectif » pour moderniser nos administrations. Il faut toutefois veiller à ne pas altérer la qualité du travail de certains services ; je pense notamment aux services de police ou à ceux de la justice. Je crains en effet une dérive de la culture du résultat au détriment d'un service de qualité pour nos concitoyens.
C'est pourquoi nous devons chercher d'autres moyens d'adapter l'administration aux évolutions des missions de l'Etat. La répartition des effectifs constitue selon moi, et comme le précise le rapport du comité d'enquête sur le coût et le rendement des services publics, un outil moderne de gestion de ces services. Leurs responsables doivent pouvoir répartir leur effectif en fonction de la diversité des situations.
C'est notamment le cas pour le personnel de l'éducation nationale. On ne peut envisager sérieusement d'avoir les mêmes besoins pour une classe de trente élèves de milieux familiaux éduqués et attentifs et une classe de trente élèves dont le milieu familial ne favorise pas les études et qui ont pris du retard les années précédentes. Il faut avoir une démarche pragmatique fixant des objectifs, démarche qui s'inscrit dans la logique de la LOLF.
En conclusion, monsieur le secrétaire d'Etat, je me permettrai de vous interroger sur un sujet qui me tient particulièrement à coeur : la place accordée à la recherche et à l'enseignement agricoles. Je vous serais donc très reconnaissante de m'indiquer leurs références dans la nouvelle nomenclature du budget de l'Etat et, par voie de conséquence, leur rattachement ministériel. (Applaudissements sur les travées de l'Union centriste et de l'UMP, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président. La parole est à M. Paul Girod.
M. Paul Girod. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'Etat, mes chers collègues, cette loi du 1 er août 2001 qui est d'origine parlementaire et qui bouleverse complètement la constitution financière de notre pays a découlé d'une série d'excellentes intentions. Je pense qu'il faut rendre hommage à ceux qui l'ont conçue, comme à ceux qui ont voulu ce débat au stade actuel de la mise en oeuvre de cette loi.
Les excellentes intentions, c'était la définition claire de grandes politiques et leur présentation à la fois au Parlement et au pays.
C'était cette culture, que l'on voulait greffer sur l'administration française, de la performance, de l'efficacité, avec son corollaire qui est celui de la nécessaire souplesse permanente d'adaptation aux situations telles qu'elles se présentent au fil du temps.
C'était aussi l'information plus complète du Parlement sur la réalité du budget, puisqu'on discutera désormais à partir du premier euro et non plus à partir des services votés : aujourd'hui, 94 % des crédits - excusez du peu - sont reconduits quasi automatiquement, 6 % seulement du budget général étant soumis à nos discussions quelquefois un peu futiles.
Au rang des excellentes intentions figurait une réforme de la comptabilité, qui est la conséquence de toutes celles que je viens d'énumérer. Elle introduit la notion de bilan à la place de la notion de recettes-dépenses et nous fait ainsi entrer de plain-pied dans le monde moderne.
On peut également se féliciter de l'apparition de la notion des patrimoines de l'Etat, toujours passés sous silence et dont on pourra apprécier l'évolution au cours du temps, la bonne ou, éventuellement, la mauvaise utilisation, que traduit parfois la passivité d'un certain nombre de placements sans intérêt.
La transparence des comptes spéciaux et le rattachement des budgets annexes s'inscrivent aussi dans cette série d'excellentes intentions dont il faut, encore une fois, se réjouir.
Toutefois, un certain nombre de difficultés étaient prévisibles dès le départ. J'en donnerai quelques exemples.
Première difficulté : la notion de mission, qui, dans ce texte, est d'ordre budgétaire, vient fatalement concurrencer quelque peu la notion de grande politique, ces deux notions n'étant pas forcément adaptées l'une à l'autre ni non plus adaptées à la structure gouvernementale.
A cet égard, tant M. le président de la commission des finances, Jean Arthuis, qui espère qu'à terme la structure du Gouvernement rejoindra les structures des missions, que le rapporteur général, Philippe Marini, qui, dans ses propositions, a multiplié les missions interministérielles par rapport à celles qui figuraient dans la première maquette fournie par le Gouvernement, ont bien senti où était la difficulté de ce double affichage entre mission budgétaire et réalité de grande politique décidée. Nous allons, à un moment ou à un autre, être obligés de travailler au rapprochement de l'une et de l'autre.
J'en viens à la deuxième difficulté de la réforme, à savoir la hiérarchie entre la notion de programme et celle d'action tout en restant à l'intérieur du système, ne serait-ce que pour connaître le niveau de fongibilité.
Troisième difficulté : la « culture de résultats » implique nécessairement l'appréciation des résultats, ce qui pose le problème des indicateurs de performance. Je partage - sur un mode plutôt majeur que mineur, je vous le dis très honnêtement, monsieur le secrétaire d'Etat - les réserves qui ont été émises tout à l'heure à propos du choix de ces indicateurs de performance. Qui les définira ? Si, au bout du compte, les administrations proposent à un gouvernement qui les acceptera des indicateurs de performance qu'elles auront elles-mêmes suscités, calculés, présentés et, évidemment, qu'elles exploiteront ensuite sans que la représentation nationale ait son mot à dire - je pense plus particulièrement aux rapporteurs spéciaux des différents budgets -, il est évident que l'on passera à côté de 95 % de l'objectif de la réforme.
Une fois ce problème résolu, restera celui de l'exploitation de ces indicateurs de performance par rapport aux objectifs affichés. J'ai été très sensible aux propos tenus par M. Arthuis sur la loi de règlement. Nous avons déjà longuement discuté de ce problème. Pour ma part, je déplore, que, dans la loi organique, aient été maintenus les délais de discussion de la loi de finances initiale et que rien ne soit précisé concernant le temps de discussion de la loi de règlement.
Certes, la loi organique précise - et c'est une excellente chose - que la loi de règlement doit être discutée avant la loi de finances de l'année n+1, ce qui fait n+2 en réalité. A mon sens, la loi de règlement doit être discutée à fond et à temps. Autrement dit, nous devons pouvoir en discuter avant la fin du mois de mai, c'est-à-dire avant le moment où le Gouvernement rend ses arbitrages internes pour la loi de finances de l'année n+2, quitte à y consacrer une partie du temps que nous réservons à l'examen de la loi de finances initiale. Ainsi, pour préparer le budget, le Gouvernement pourra prendre en compte les leçons de la loi de règlement et des indicateurs de performances, qui, sinon, ne serviraient à rien. Parallèlement, le Parlement pourra contrôler que cette prise en compte est effective.
La définition de grandes politiques pose le problème de l'adéquation des compétences ministérielles. Sur ce point, je rejoins les propos de M. Arthuis.
On mise sur la souplesse, la performance et l'autonomie des chefs de programme, bien ! Mais qu'en est-il du rapprochement de ces notions intéressantes et de la lourdeur de gestion des grands corps de l'Etat ? Par exemple, dans le domaine du logement, j'ai l'impression que nous sommes en train de traverser une épreuve en ce moment.
Ainsi, pour ce qui est des grands corps, de leur autonomie, leur souplesse et leur responsabilisation, quelles sanctions ou quelles récompenses pourra-t-on appliquer à ceux qui auront la gestion des programmes et des missions ?
Le 21 janvier dernier, nous avons reçu une maquette extrêmement intéressante et, d'une certaine manière, extrêmement révélatrice concernant les différents programmes et missions proposés. Je remercie encore la commission des finances, et en particulier M. le rapporteur général, d'avoir mis le doigt, sans indulgence, sur un certain nombre de faiblesses de cette maquette.
Par exemple, en tant que rapporteur spécial du logement, j'avais été stupéfait de l'accueil qu'avait réservé, au mois de décembre dernier, une partie du gouvernement au souhait de tous les rapporteurs concernés par les problèmes du logement de voir créer une mission interministérielle entre les ministères de l'équipement et de la ville. Il m'avait semblé qu'une partie du gouvernement était favorable à ce projet. Or, aujourd'hui, la maquette gouvernementale comporte un programme extraordinaire Logement et tourisme, par lequel le ministère de la ville, qui bénéficie d'un programme Evolution et rénovation des villes, n'est absolument pas concerné.
J'ai donc constaté avec satisfaction la proposition de création d'une mission Urbanisme et logement, qui me semble infiniment plus logique que la précédente. L'adoption de la proposition de la commission des finances sera peut-être facilitée grâce aux nouvelles structures gouvernementales. Quoiqu'il en soit, cette situation pose de nouveau le problème de l'adéquation entre les grandes politiques, les structures gouvernementales et la réalité.
J'évoquais tout à l'heure les inquiétudes à propos des grands corps s'agissant des évolutions évidentes que contient en filigrane la loi organique. Je crois savoir que l'administration du logement, qui fait partie du ministère de l'équipement, a quelque mal à s'adapter à la restructuration gouvernementale qui vient de se mettre en place. Le fait que, sur le terrain, ce soient toujours les DDE, les directions départementales de l'équipement, qui sont hiérarchiquement dépendantes du ministère de l'équipement, lui-même dépouillé des politiques du logement et de la ville, qui gardent la main sur la question ne va pas faciliter la situation. Ce problème est l'une des joies que nous réservent les années qui viennent.
Autre exemple, sur lequel je m'interroge beaucoup plus gravement : la défense civile. Dans la première maquette figurait uniquement la sécurité des personnes, qui comprenait la sécurité civile, au sein du ministère de l'intérieur.
Le général de Gaulle, en 1959, ne s'était pas contenté de prendre les ordonnances sur les lois de finance. En effet, à l'article 17 de l'ordonnance de 1959 portant organisation de la défense, on trouve la définition de la défense civile : celle-ci est, par nature, interministérielle. Certes, le pilotage en est confié au ministère de l'intérieur. C'est d'ailleurs de cet article que découle la présence de hauts fonctionnaires de défense dans tous les ministères. Je ne peux malheureusement pas dire que leur réputation, leur influence interne dans chaque ministère soient à la hauteur de la grande ambition que l'on pouvait avoir. Quoi qu'il en soit, intégrer la sécurité civile dans un programme Protection des personnes ne correspond absolument pas à la réalité du monde moderne !
A mon sens, il y a lieu de réfléchir. Monsieur le secrétaire d'Etat, la défense du pays ne concerne pas uniquement le ministère de la défense, ne concerne plus uniquement les militaires. Nous le savons bien ! La ligne de front peut se trouver rue de Tournon dans dix minutes ; il faut protéger les populations et anticiper la menace : c'est bien d'une conception générale de la défense qu'il s'agit. Faut-il trouver un moyen d'articuler défense militaire et défense civile, dont les préoccupations et les matériels sont parfois duals, même si la direction générale de l'armement a quelques difficultés à en accepter l'idée ?
Chers collègues de la commission des finances, je suis un peu déçu d'avoir retrouvé la sécurité civile au sein d'une mission Ecologie et maîtrise des risques. A mes yeux, la réflexion n'est pas terminée. Il nous faudra la reprendre complètement autour de la notion de défense civile.
Par ailleurs, le Parlement serait également friand de discuter des actions. Monsieur le secrétaire d'Etat, le Sénat examine en ce moment le projet de loi relatif au développement des territoires ruraux qui, au vu du déroulement des débats, atteindra très certainement son objectif. Parallèlement, bien entendu, nous évoquons la promotion de l'agriculture et des territoires ruraux.
Je sais que la commission des finances s'interroge sur l'article 74 du projet de loi, qui prévoit la mise en place d'un établissement public national, afin de concevoir et de mettre en oeuvre la communication en matière agricole et rurale. En effet, la commission des finances n'est pas très favorable, en général, à la création de nouveaux offices, de nouveaux organismes permanents.
M. Philippe Marini, rapporteur général. C'est le moins que l'on puisse dire !
M. Paul Girod. C'est bien pour cette raison que je m'exprimais par litote, monsieur le rapporteur général.
Je pense qu'il y a lieu non seulement d'examiner les propositions de la commission des finances sur ce sujet, mais aussi de prévoir, monsieur le secrétaire d'Etat, une action spécifique et exclusive en faveur du développement rural. En effet, réunir la promotion de l'agriculture et celle du développement rural ne me semble pas suffisant au regard de l'importance d'un sujet aussi précis. Je sais que ce point tient particulièrement à coeur à un certain nombre de nos collègues.
Plus globalement, monsieur le secrétaire d'Etat, je crois que la démarche qui est suivie actuellement est bonne, sous réserve que n'ait pas raison un article de presse assez angoissant sur ce sujet. Pour ma part, je salue avec respect les efforts de la direction « biodégradable » de la réforme budgétaire, car je sais que son travail est extrêmement difficile.
Je souhaite cependant que vous multipliiez les réunions avec les commissions des finances du Parlement, afin que nous puissions vous apporter de plus en plus d'idées. Nous ne souhaitons pas vous compliquer la tâche mais au contraire faire en sorte que la présentation du budget soit une vraie démarche politique et non pas la fameuse « Litanie, liturgie, léthargie » que dénonçait Edgar Faure et qui explique que le public se désintéresse de la discussion budgétaire. De ce fait, la notion et la réalité du déficit ont totalement échappé à nos concitoyens, qui croient toujours à l'existence d'un trésor caché. Cette situation est probablement à l'origine de la situation globale dans laquelle se trouve le pays aujourd'hui. Bien que cette remarque s'éloigne de l'objet de notre débat, je crois qu'il était important de souligner ce point. (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'Union centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président. La parole est à Mme Odette Terrade.
Mme Odette Terrade. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'Etat, mes chers collègues, j'ai écouté avec beaucoup d'attention l'argumentaire détaillé de M. le rapporteur général.
Si l'on dépasse la technicité du propos, il s'agit, à travers la question de notre collègue président de la commission des finances, de mesurer la souplesse et la célérité avec laquelle les gestionnaires de la dépense publique intègrent effectivement les données nouvelles de traitement budgétaire induites par la mise en oeuvre de la loi organique relative à la discussion des lois de finances et, de manière plus générale, à leur conception même.
Je vais m'efforcer d'exposer la conception de l'action publique telle qu'elle est traduite par les choix budgétaires assumés par le législateur et le gouvernement.
Au printemps et à l'été 2001, notre groupe parlementaire avait été le seul, alors que paraissait émerger un consensus entre les rapporteurs généraux de l'Assemblée nationale et du Sénat, à émettre les plus grandes réserves quant à l'adoption de la loi organique. A l'époque, nous avions souligné en particulier que bien des aspects de la loi organique posaient problème, qu'il s'agisse du traitement des dépenses de personnel, du principe même de la fixation des enveloppes budgétaires, de la logique de constitution des programmes d'intervention de l'Etat.
Dans son essence, la loi organique telle qu'elle a été conçue par ses auteurs, ou plutôt par ses coauteurs, apparaissait en fait comme un outil de gestion, la plus austère et la plus rigoureuse possible, des deniers publics, assorti de quelques menus sacrifices imposés par des choix conditionnés à la fois par la réalité de la situation économique et l'alignement de la politique économique et budgétaire sur les contraintes européennes qui servent de toile de fond à toute démarche publique dans notre pays depuis de longues années. A la vérité, si l'on peut admettre in fine que la nouvelle présentation des dépenses budgétaires sera susceptible de permettre une meilleure lisibilité des mouvements réels et une vision plus analytique de la réalité de l'intervention de l'Etat, les conclusions qu'en tire l'auteur de la question ne peuvent manquer, a posteriori, de justifier nos interrogations initiales.
En effet, que viserait spécifiquement la mise en oeuvre de la loi organique ?
Il s'agit de permettre, selon les termes de la question, l'émergence d'une culture de résultats et de performances et de favoriser l'instauration d'une rémunération au mérite des gestionnaires responsables, en dernier ressort, de programmes.
Où est le sens de l'action publique, du service public, de l'intérêt général dans cette affaire ?
Quels seraient les indicateurs les mieux à même de mesurer l''efficacité de la dépense publique ? La faculté de remplir une mission au moindre coût, en effectuant les gains de productivité les plus importants en termes de frais de personnel, de fonctionnement ? La diligence à sous-traiter des pans chaque fois plus larges de telle ou telle mission à des opérateurs privés ?
Si l'on appelle culture de résultats et de performances le démantèlement progressif des services publics quels qu'ils soient, leur marchandisation effrénée, cela doit être clairement exposé. Et si la loi organique offre l'opportunité de considérer ainsi l'action de l'Etat et de ses services, que ce soit dit !
Et nous aurions eu raison, sur le fond, d'avoir quelques réticences initiales sur l'adoption, en ces termes, de ladite loi organique.
Comment mesurer, par exemple, l'efficacité de la mission Education de l'Etat ? Par la dégradation du ratio enseignants/enseignés ou par la constatation de l'obtention d'un diplôme général ou professionnel par les jeunes ?
Pour notre part, nous sommes, sans la moindre hésitation, du côté des fonctionnaires de l'Etat, que ces conceptions profondément libérales de l'intervention publique révulsent au plus haut point et qui sont susceptibles, mes chers collègues, de vous le faire savoir. Ceux du ministère des finances vous l'ont d'ailleurs déjà fait savoir en 2003 pour la réforme des retraites et pour la décentralisation.
Quant à la question de la rémunération des cent quatre-vingts gestionnaires de programme, soyons clairs : premièrement, cette rémunération n'est pas excessive ; deuxièmement, ces deux millions de fonctionnaires ne sont pas payés à leur juste valeur.
Les choix budgétaires en cours sont également en cause, et force est pour nous d'y revenir.
La situation des comptes publics est en effet particulièrement critique.
La dette publique est parvenue à un niveau jamais atteint, dépassant les 1 000 milliards d'euros, et les choix opérés depuis 2002 n'ont pas réussi à modifier la donne, loin de là !
La progression de la dette publique est d'ailleurs plus importante que celle de la richesse créée, ce qui montre que nous sommes bien loin de la croissance qui nous était promise lors de la déclaration de politique générale du printemps 2002.
La mise sur le marché du nouveau produit d'épargne retraite participe de cette orientation, puisque le traitement réservé à l'épargne concernée et notamment le fait qu'elle soit bloquée permettraient a priori de capitaliser une bonne partie de la dette publique sur les engagements pris par les banques et les compagnies d'assurance gérant les plans.
Mais permettez-moi d'inclure dans cet intéressant débat le grave problème posé par les mesures de gel annoncées la semaine dernière. Tous les secteurs, ou presque, de l'action publique sont en effet directement concernés par ces mesures de gel, mesures dont nous avons dit qu'elles anticipaient probablement des mesures d'annulation pure et simple des dépenses.
Ce sont en effet 7 milliards d'euros de dépenses publiques qui sont ainsi mis en réserve. Et, 7 milliards d'euros, cela représente beaucoup ! On se rappellera, par exemple, que les dépenses nouvelles votées au titre des moyens des services et des interventions publiques s'élevaient, dans le cadre de la loi de finances, à environ 5,3 milliards d'euros.
Par conséquent, indépendamment des efforts demandés au budget de la défense, dont on a beaucoup parlé la semaine dernière, c'est la quasi-totalité des dépenses nouvelles des ministères civils qui est directement frappée par l'orientation fixée.
Dans cette logique, il n'y aurait donc plus de sanctuaire ni de domaine préservé, tous les éléments de l'action publique étant directement concernés par la mise en oeuvre de cette orientation.
Est-ce là la réponse aux attentes sociales si fortement exprimées par nos concitoyens ?
Derrière le prétendu « courage » budgétaire, que voit-on ? Les fermetures d'écoles primaires en zone rurale, la limitation de la dépense d'action sociale, le retard dans la mise en chantier des logements sociaux, l'interruption des travaux d'aménagement de voirie, le ralentissement des procédures de classement des sites protégés, la réduction progressive de l'implantation des services publics dans les villes et les campagnes,...
M. Philippe Marini , rapporteur général. Il faut augmenter le déficit ! C'est la seule ressource que vous connaissiez !
Mme Odette Terrade. ...la stagnation du pouvoir d'achat des fonctionnaires, la réduction des postes offerts aux concours de recrutement, la remise en cause du droit à réparation des anciens combattants, l'abandon du soutien à la création artistique vivante et au développement des activités physiques et sportives, de la lutte contre l'exclusion, contre les pandémies de notre époque...
M. Philippe Marini , rapporteur général. C'est tout !
Mme Odette Terrade . Non, la liste pourrait être encore longue !
Tel est le tableau général de la politique de réduction de la dépense publique que nous voyons aujourd'hui mise en oeuvre .
Je l'ai dit, nous pourrions multiplier les exemples, parce qu'il ne se passe pas de jour sans que nous ne soyons saisis par une association, des citoyens ou des élus locaux de tel ou tel retard dans l'exécution d'engagements public pris par l'Etat.
Je ne sais pas s'il convient de se féliciter qu'une amélioration de la modernisation de la gestion de la dépense publique conduise ainsi au reniement de la parole donnée, donc à la persistance des inégalités et des discriminations sociales, mais le fait est là.
A ce stade du débat, tout concourt à justifier pleinement la position que nous avions adoptée lors de la discussion de la proposition de loi organique relative aux lois de finances. Comment, en effet, ne pas lier in fine ce débat à celui qui persiste sur le sens de la construction européenne, actuellement à l'oeuvre, et le rôle si particulier que l'on fait jouer à son instrument monétaire, la Banque centrale européenne, dont nous parlions il y a peu ?
Telles sont les quelques observations que le groupe communiste républicain et citoyen ne pouvait manquer de formuler, au risque d'apparaître quelque peu en décalage avec le contenu même de la question, mais ce décalage est pleinement assumé. (Applaudissements sur les travées du groupe CRC.)
M. le président . La parole est à M. le secrétaire d'Etat.
M. Dominique Bussereau , secrétaire d'Etat au budget et à la réforme budgétaire. Monsieur le président, monsieur le président de la commission des finances, monsieur le rapporteur général, mesdames, messieurs les sénateurs, avant toute chose, permettez-moi de vous dire combien je me réjouis que le groupe de l'Union centriste m'ait donné l'occasion de dialoguer avec chacune et chacun d'entre vous sur cette question centrale de la réforme budgétaire, que Mme Terrade a un peu oubliée au fil de son discours. Je remercie Jean Arthuis, président de la commission des finances, d'en avoir pris l'initiative.
Je veux dire aussi ma reconnaissance à tous les membres de la Haute Assemblée, notamment aux orateurs qui sont intervenus cet après-midi, pour leur contribution au débat.
La qualité de l'échange que nous avons aujourd'hui manifeste, une fois de plus, l'intérêt que vous portez, mesdames, messieurs les sénateurs, à la mise en oeuvre de la loi organique du 1 er août 2001 relative aux lois de finances, la LOLF. Naturellement, votre rôle dans l'émergence de cette nouvelle « Constitution financière » a été décisif. Et, au moment où celle-ci doit se traduire concrètement, je souhaite que votre implication n'en soit que plus forte. Après vous avoir entendus, j'en suis certain.
Avant de revenir sur les différents points que vous avez soulevés, sans être complètement exhaustifs, je souhaite resituer notre propos dans un contexte plus large, en rappelant les grandes orientations du Gouvernement sur cette question.
Je profiterai aussi de l'occasion que vous me donnez aujourd'hui pour détailler le programme de travail que Nicolas Sarkozy et moi-même avons devant nous. C'est une feuille de route très serrée et nous devrons sans doute accélérer la cadence. Mais au sein du Parlement comme dans l'ensemble de l'administration, je crois que nous pouvons compter sur l'engagement de chacun pour être prêt dans les délais imposés.
Quel est le sens profond de cette réforme qui mobilise tant d'énergie sur les bancs des assemblées et, je le souhaite, dans les bureaux des ministères ? Il s'agit avant tout - vous l'avez rappelé, monsieur le président de la commission des finances, monsieur le rapporteur général - de redonner au Parlement les moyens de remplir pleinement son rôle central historique : donner un consentement éclairé à l'impôt et à la dépense. Nous voulons que les parlementaires puissent voter le budget de l'Etat au premier euro et qu'ils se voient dotés de moyens leur permettant de sortir de l'assujettissement tacite dans lequel l'exécutif les tient parfois, en les noyant d'informations finalement trop peu exploitables.
Ce que nous voulons, mesdames, messieurs les sénateurs -et c'est une exigence évidemment partagée- c'est que le Parlement soit un véritable coacteur dans la « fabrication » et le vote du budget, et non plus seulement un partenaire au rôle limité. Au-delà, ce sont tous les citoyens et, naturellement, les contribuables que nous souhaitons réconcilier avec l'Etat et l'action publique.
Grâce à cette réforme budgétaire que nous ciselons ensemble, nous discuterons bientôt de vraies politiques publiques, auxquelles seront assignés des objectifs clairs, sanctionnés par des résultats mesurables. En sortant du jargon de spécialistes, en instaurant une vraie culture du résultat, sans dogmatisme excessif - vous l'avez souligné, madame Férat - nous permettrons à chaque Français d'être juge de la manière dont l'argent public, c'est-à-dire le fruit de son travail, est utilisé. Naturellement, madame Terrade, nous souhaitons le faire sans démanteler le service public. C'est ainsi, et pas autrement, que nous réhabiliterons l'impôt.
Cette réforme est un vrai tournant dans l'histoire de l'Etat : elle donnera à tous ses gestionnaires une vision claire de l'avenir ; elle incitera tous les ministres à agir comme s'ils étaient leur propre ministre des finances au sein de leur ministère ; elle donnera au travail gouvernemental, par delà les structures, un esprit sans doute plus coopératif ; enfin, elle permettra aux deux millions d'agents de l'Etat, qu'il faudra progressivement mais fortement sensibiliser à la réforme, former à ses objectifs et à ses méthodes, d'améliorer leurs compétences dans l'accomplissement de leurs missions au service de nos compatriotes.
Ces évolutions - vous l'avez toutes et tous indiqué - transformeront en profondeur notre façon de travailler. La nouvelle « Constitution financière » sera l'instrument d'une nouvelle approche plus stratégique de la dépense et de l'action publiques. Ces objectifs, la quasi-totalité d'entre vous, mesdames, messieurs les sénateurs, s'est battue, au-delà des opinions de chacun, pour les faire graver dans le marbre de la loi. Il faut maintenant nous battre ensemble pour les inscrire dans le quotidien de l'Etat et dans le fonctionnement de nos administrations.
Pour faire de la LOLF un succès dès 2006, vous pouvez compter sur l'engagement énergique de l'ensemble du Gouvernement.
M. Philippe Marini , rapporteur général. Très bien !
M. Dominique Bussereau , secrétaire d'Etat. Je le dis d'une manière très solennelle, car, vous l'avez rappelé, les choses ne sont pas évidentes : nous tiendrons les délais fixés, quelles qu'en soient les difficultés. Et, s'il faut redoubler d'efforts pour être prêts à l'heure, nous le ferons. (Applaudissements sur certaines travées de l'UMP, de l'Union centriste et du RDSE.)
L'année 2004 - vous l'avez rappelé, monsieur le président de la commission, monsieur le rapporteur général - est une année décisive dans la mise en oeuvre de la loi organique du 1 er août 2001. Dans quelques mois, nous discuterons du projet de loi de finances pour 2005 dans le cadre en vigueur depuis 1959. Néanmoins, nous serons en mesure de vous soumettre la nouvelle présentation par mission et par programme, intégrant des indicateurs de performance. Cela ne sera pas un simple ravalement de façade : nous voulons vous présenter une première version de la stratégie des programmes, articulée autour d'objectifs politiques clairement identifiés et d'indicateurs de performance pertinents ; M. Paul Girod y a fait allusion.
Bref, l' oeuvre à accomplir dans chacun des ministères reste importante et toutes les énergies doivent se mobiliser pour que ce premier grand rendez-vous, dont vous serez les acteurs privilégiés, soit une réussite. Si nous rations ce premier rendez-vous, c'est un peu la première étape de la LOLF qui serait en danger.
Dans ce calendrier serré, notre débat de ce jour revêt une grande importance. Nous avons un intérêt commun à ce que la maquette de la nouvelle nomenclature budgétaire puisse être rapidement arrêtée, en respectant naturellement, monsieur Arthuis, le travail de la commission des finances, qui est maîtresse de son calendrier. Nous devons agir vite et bien, et nous avancerons dans le plus grand respect des intuitions - nombre d'entre elles ont été exprimées à cette tribune - des observations, des préoccupations et des propositions des parlementaires.
Alain Lambert, qui a tant oeuvré avec vous pour que cette réforme puisse voir le jour, a présenté cette nouvelle maquette du budget de l'Etat le 21 janvier dernier. Dès son élaboration, ce projet avait tenu grand compte des observations du Parlement, et en particulier de celles qui avaient été formulées dans les rapports spéciaux du projet de loi de finances pour 2004.
Depuis le 21 janvier dernier, le même esprit a prévalu. Le Gouvernement veillera scrupuleusement à ce que la voix du Parlement soit entendue. Le Premier ministre a personnellement souhaité que les commissions chargées des finances des deux assemblées puissent se concerter et discuter de ce projet de maquette d'ici à la fin du mois d'avril prochain ; nous y sommes.
L'état d'esprit du Gouvernement est très clair sur ce point : il sait tout ce que cette réforme doit au Parlement. Par conséquent, dans la continuité du travail accompli, il fera en sorte qu'elle puisse faire la plus large place aux idées des parlementaires, qu'ils appartiennent à la majorité ou à l'opposition.
En quelques semaines à peine, mesdames, messieurs les sénateurs, vous avez travaillé sur la maquette du Gouvernement ; vous vous l'êtes appropriée. Je me réjouis que les conclusions que M. le rapporteur général vient d'esquisser puissent être rendues publiques prochainement. De ce que vous avez bien voulu nous en dire, je note qu'elles se signalent par une hauteur de vue qui fait honneur à votre assemblée.
M. Philippe Marini , rapporteur général. Merci !
M. Dominique Bussereau , secrétaire d'Etat. Vous avez su appréhender l'ensemble des enjeux posés par cette nouvelle architecture, sans vous arrêter à des points de détail, que nous aurons d'ailleurs le temps d'apprécier ensemble dans les mois et les années à venir.
Soyez en, d'ores et déjà, sincèrement remerciés au nom du Gouvernement, et soyez assurés que votre voix sera entendue et, mieux encore, écoutée.
L'Assemblée nationale nous a déjà fait connaître son sentiment cette semaine. Elle valide globalement la maquette que lui a soumise le Gouvernement et formule, comme vous, d'intéressantes propositions.
Dans l'ensemble, vos suggestions seront, par principe, et je dirai : naturellement, accueillies favorablement, et Nicolas Sarkozy et moi-même souhaitons pouvoir en discuter sereinement avec vous, dans l'état d'esprit constructif qui a guidé votre démarche. Vos propositions et vos remarques, monsieur Marini, seront appréciées dans un esprit le plus ouvert possible !
Sur la base de ces contributions, le Premier ministre a souhaité lancer une dernière consultation des ministères.
Notre objectif est de parvenir le plus rapidement possible à une réponse d'ensemble pour que soit arrêtée la maquette budgétaire définitive qui servira de base à nos prochains travaux et dans laquelle nous reprendrons certaines de vos idées. En particulier, j'ai noté le voeu de Mme Férat de voir l'enseignement supérieur et la recherche agricoles figurer dans la mission interministérielle Recherche. J'ai également pris acte des excellentes remarques de Paul Girod sur le caractère interministériel ou sur l'exercice par le Parlement de ses pouvoirs de contrôle, de même que j'ai entendu, récemment, M. de Rohan souhaiter que la promotion de la ruralité fasse l'objet d'une action dans le cadre des dispositions de la LOLF plutôt que d'un nouvel EPIC, comme cela était envisagé dans la discussion du texte présenté par mon collègue Hervé Gaymard.
Il n'est même pas besoin de vous rassurer sur la prise en compte de vos remarques dans l'élaboration de la maquette, car elle va de soi : nous ferons les choses ensemble et dans l'esprit qui a été le vôtre, c'est-à-dire un esprit d'ouverture et d'intelligence.
Maintenant, il faut passer à la phase d'accélération de la cadence pour être au rendez-vous du budget pour 2006.
Quelles sont les prochaines étapes de la feuille de route que, avec Nicolas Sarkozy, nous nous sommes fixée pour les semaines et mois à venir ?
Après la consultation du Parlement, qui a montré tout son intérêt, nous devrons présenter très rapidement une architecture budgétaire incluant sa contribution.
Nous devrons non moins rapidement faire en sorte que chacun puisse être préparé à la gestion des nouveaux programmes. C'est ainsi que nous devrons accélérer et peut-être élargir le mouvement des expérimentations dans les ministères. Les différents volets de la réforme devront être inclus dans ces expérimentations : la fongibilité du budget global, la constitution de budgets opérationnels de programme, la nouvelle gestion des effectifs et des dépenses de personnel, ou encore la gestion des autorisations d'engagement. Notre ambition est que chaque administration, qu'elle soit centrale ou déconcentrée, soit en mesure de commencer à travailler selon ces nouvelles règles dès le début de l'année 2005.
Au coeur de la réforme figure également un autre élément très important, que vous avez tous évoqué : le pilotage de la performance. D'ici à la fin du mois de mai, nous mettrons au point un guide partagé sur la performance qui est appelé à faire référence. Nous voulons le concevoir dans le plus grand consensus, en liaison avec les deux commissions parlementaires chargées des finances et avec la Cour des comptes.
Je tiens donc, monsieur le président de la commission des finances, à vous rassurer sur ce point, qui est en effet tout à fait essentiel : le Parlement, comme vous le souhaitez à juste titre, sera pleinement associé à la préparation du cadre méthodologique dans lequel seront produites les informations sur la performance. Nous serons d'autant plus attentifs à la préparation de ce document que la définition d'indicateurs pertinents et incontestables détermine le succès opérationnel de la réforme.
En matière de comptabilité et de procédures, l'arrêté interministériel établissant les nouvelles normes de comptabilité de l'Etat sera publié et les nouvelles modalités d'exercice du contrôle financier arrêtées dans le même délai d'un mois.
L'étape suivante, en juin prochain, sera le débat d'orientation budgétaire. Les ministères, monsieur Sergent, auront alors désigné tous les responsables de programme : c'est un nouveau métier qui verra le jour au coeur de l'Etat, et nous devrons lui accorder une grande importance.
Je souhaite également confirmer, en réponse aux questions du président de la commission et du rapporteur général, qu'il y aura bien un responsable par programme et un seul. Sur ce point, les choses sont claires.
M. Jean Arthuis , président de la commission des finances. Bien !
M. Dominique Bussereau , secrétaire d'Etat. Par ailleurs, la question de la modernisation de la gestion des ressources humaines qu'implique la LOLF, en particulier celle des moyens d'introduire de nouveaux modes de récompense et de sanction des responsabilités managériales, ou encore celle de la rémunération au mérite, paraît essentielle au Gouvernement, comme à vous-mêmes. Chaque ministère doit donc apporter sa part à la réflexion sur sa mise en place ; le ministère de l'économie et des finances se montrera volontaire et, je le souhaite, exemplaire en la matière.
D'ici au débat d'orientation budgétaire - j'essaie d'être le plus précis possible -, les ministères auront donc réfléchi aux moyens concrets de piloter ces programmes.
Ce nouvel état d'esprit doit naturellement se diffuser dans l'ensemble de l'Etat : si la réforme est imposée d'en haut, elle ne marchera pas. Nous devons, au contraire, faire le choix du « sur-mesure » et de la souplesse. Chaque ministère, par la façon dont il fera vivre la réforme dans sa propre administration, devra apporter sa pierre à l'édifice commun.
Par ailleurs, chaque ministère devra définir un ambitieux programme de formation, dont bénéficiera chacun de ses agents. Un dispositif d'animation et de suivi de la réforme devra aussi être mis sur pied à l'échelon territorial, sous l'autorité des préfets - vous avez pris connaissance du décret qui a été adopté hier par le conseil des ministres - et des trésoriers-payeurs généraux.
En juillet sera arrêtée la maquette définitive des projets annuels de performance autour de ces programmes. Ils remplaceront les « bleus ».
A la rentrée, nous déposerons devant le Parlement, en complément du projet de loi de finances pour 2005, un document indicatif présentant les crédits selon la nouvelle architecture du budget. Puisque les ministères, par définition, auront fait leur travail, nous serons présents au rendez-vous fixé au paragraphe I de l'article 66 de la loi organique. Nous irons même, je le souhaite, au-delà de la lettre de la loi en vous proposant un vrai document sur les performances associées aux programmes, en préfiguration des projets annuels de performance.
Cette précision répond pleinement, je l'espère, au souhait que vous venez d'exprimer, monsieur le président de la commission des finances : à l'automne, les ministères seront en mesure de fournir au Parlement, outre les documents officiellement exigés par la LOLF, une première version des futurs « projets annuels de performance », qui se substitueront l'an prochain aux « bleus budgétaires ».
M. Jean Arthuis , président de la commission des finances. Très bien !
M. Dominique Bussereau , secrétaire d'Etat. En janvier 2005, nous lancerons en grandeur réelle les expérimentations de budgets préfigurant les programmes. Nous avons pour ambition qu'à cette date aucune administration ne puisse plus ignorer ou faire semblant d'ignorer les exigences et les objectifs de la LOLF. Il nous aura fallu, pour ce faire, définir les périmètres exacts et désigner les responsables de tous les futurs budgets opérationnels de programme.
Tels sont le schéma et le calendrier. Naturellement, nous n'allons pas réussir en si peu de temps une réforme qui change près de cinquante ans de pratique budgétaire. Elle demandera des efforts sans précédent, pour casser les habitudes - ce n'est pas le plus simple -, pour déplacer les « cloisons » des actuels budgets et pour passer d'une culture de moyens à une culture de résultats, mais toujours, madame Terrade, dans l'intérêt du citoyen et du contribuable.
Nous serons peut-être appelés - soyons humbles - à tâtonner. Car malgré nos efforts et notre persévérance, nous commettrons sans doute des imprécisions, voire des erreurs. Et si la commission des finances veut bien l'accepter, il ne nous sera pas interdit de corriger des points qui seraient inadaptés, de préciser, d'améliorer notre travail. Ce qui nous est interdit, en revanche, ce qui ne serait pas pardonnable, car cela contreviendrait à l'esprit de la loi que vous avez votée, ce serait l'immobilisme.
Naturellement, il est un point épineux, évoqué par M. Arthuis et par M. Sergent : le volet informatique de la réforme, dont il a beaucoup été et dont il sera certainement encore beaucoup question.
Le marché informatique ACCORD 2, dont tout le monde reconnaît la très grande complexité, a en effet subi un incident de procédure très sérieux du fait de l'avis négatif rendu voilà un mois par la Commission spécialisée des marchés informatiques.
Le Gouvernement a demandé l'avis d'experts, en l'occurrence de quatre inspecteurs généraux, sur les suites à donner à ce marché et sur la meilleure solution technique, juridique et financière qui permettra de respecter le calendrier de la LOLF. Leur rapport est attendu dans les prochains jours.
Nicolas Sarkozy a eu l'occasion de rappeler mardi matin, devant l'Université des finances publiques, que, sur la base de cet avis, nous prendrons une décision très rapidement. Les parlementaires seront tenus informés de l'évolution de ce dossier, essentiel aux yeux du Parlement comme du Gouvernement.
Quoi qu'il advienne, mesdames, messieurs les sénateurs, l'objectif politique d'appliquer la LOLF dès 2006 ne sera pas remis en question. Même si mon propos peut vous paraître optimiste, l'informatique n'est qu'un outil, dont nous veillerons qu'il permette d'appliquer le coeur des fonctionnalités de la LOLF dans des conditions satisfaisantes dès 2006, quitte à développer ensuite une application plus complète. Pour parler plus clairement encore : nous attendions une Rolls, si l'on nous livre une C5 - et ce pourrait être pire -, nous ferons avec, et cela marchera. La LOLF sera appliquée et nous procéderons à des améliorations au fur et à mesure que nous le pourrons.
D'ailleurs, mesdames, messieurs les sénateurs, vous qui connaissez bien le monde de l'entreprise, pouvez-vous me citer un établissement qui aurait réussi à remodeler d'un seul coup tout son système d'information financière sans accrocs ? L'Etat semble avoir eu la présomption d'y parvenir ; soit ! Mais nous devrons certainement, en la matière, procéder par étapes, comme le bon sens nous le recommande, sur la base d'expérimentations. Néanmoins, l'objectif politique d'appliquer la LOLF dès 2006 ne sera pas remis en question.
Cette précision étant apportée - et elle était d'importance, puisqu'elle répondait à vos questions, mesdames, messieurs les sénateurs -, j'insisterai sur le fait que chacun d'entre nous, Gouvernement, Parlement, fonction publique, doit redoubler d'ardeur pour permettre à ce changement culturel majeur de se concrétiser dans les délais qui nous sont imposés. Je sais que vous partagez cet objectif, et le Gouvernement a besoin de vous pour l'aider à surmonter les difficultés, les conservatismes, pour l'aider à réaliser une montée en puissance sereine mais efficace, étape après étape. D'ici au mois de septembre 2005 et à l'examen du projet de loi de finances pour 2006, qui inaugurera cette réforme, nous ne devons perdre aucun instant dans la préparation très concrète de cette révolution.
Mesdames, messieurs les sénateurs, par la mise en oeuvre de la LOLF, le Parlement, travaillant conjointement avec le Gouvernement, a voulu relever un défi : celui de la réforme. L'Etat compte fortement sur vous pour être, avec vous, pour vous, et pour nos concitoyens, au rendez-vous. (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'Union centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président. En application de l'article 83 du règlement, je constate que le débat est clos.