II. RÉUNION DU MERCREDI 28 AVRIL 2004

Réunie le mercredi 28 avril 2004 sous la présidence de M. Jean Arthuis, président, la commission a entendu une communication de M. Jean Arthuis, président, et de M. Philippe Marini, rapporteur général , sur la mise en oeuvre de la loi organique du 1 er août 2001 relative aux lois de finances (LOLF).

M. Jean Arthuis, président , a rappelé que le gouvernement avait présenté, le 21 janvier 2004, le projet de nomenclature pour la deuxième partie des lois de finances, dans le cadre de la mise en oeuvre de la LOLF. Il a souligné que les propositions de la commission des finances constituaient l'aboutissement de travaux engagés il y a trois mois, lors du séminaire de Compiègne puis, lors de la réunion d'information du 24 février, ouverte à l'ensemble des sénateurs. Il a remercié, pour leur mobilisation, les rapporteurs spéciaux ayant interrogé les ministères sur le projet de nouvelle nomenclature budgétaire.

Concernant les principes budgétaires, il s'est félicité que la LOLF donne sa pleine portée à l'autorisation parlementaire par l'adoption d'un budget en base zéro, alors que, dans le droit actuel, les services votés reconduits quasi automatiquement d'une année sur l'autre représentaient de l'ordre de 94 % des crédits.

Il a ajouté que cette lisibilité accrue des finances publiques concourait à l'application du principe de sincérité, ce qui signifiait qu'au plan comptable, les comptes de l'Etat devaient « être réguliers, sincères et donner une image fidèle de son patrimoine et de sa situation financière » aux termes de l'article 27 de la LOLF. Après s'être félicité de l'approbation unanime des nouvelles normes comptables par le Conseil national de la comptabilité, il a mis en exergue l'importance du traitement comptable des engagements de retraite et de la valorisation du patrimoine de l'Etat. Il a évoqué la préconisation de M. Olivier Debains de créer une agence des propriétés immobilières de l'Etat, dont les missions pourraient renforcer celles de l'agence des participations de l'Etat. Il a jugé ainsi prioritaire que plusieurs rapporteurs spéciaux accomplissent des missions de contrôle sur le patrimoine de l'Etat.

M. Jean Arthuis, président, a présenté ensuite les incidences de la nouvelle nomenclature budgétaire sur l'organisation des travaux en commission et du débat en séance publique.

S'agissant de l'organisation des travaux en commission et des débats en séance publique, il a mentionné la nécessaire adaptation, à compter du projet de loi de finances pour 2006, du périmètre des rapports spéciaux, compte tenu des nouvelles règles d'examen et de vote des crédits par mission, et non plus par ministère et par titre.

Il a souligné que la consultation des commissions des finances sur les principaux actes de gestion du gouvernement conduirait à l'animation d'un débat budgétaire durant tout l'exercice. Il a rappelé que l'examen du projet de loi de règlement de l'année précédente devrait précéder celui du projet de loi de finances initiale, mettant ainsi en place un « chaînage vertueux », et a souligné que les informations complètes annexées à la loi de règlement étaient de nature à ce que cette loi s'affirme comme un des actes majeurs de la vie parlementaire.

Il a ensuite exposé les conséquences des nouvelles modalités d'appréciation de la recevabilité financière des amendements au projet de loi de finances, puisque l'application de l'article 40 de la Constitution rendrait désormais possibles des transferts de crédits entre programmes, sans augmenter les dépenses globales de la mission. Il a mentionné les questions pratiques concernant l'ordre de discussion des amendements, leur coordination éventuelle ainsi que la définition des objectifs et des indicateurs de performance associés à des programmes nouvellement créés. Il a souhaité que le Parlement prenne toute sa part dans la définition des indicateurs et des objectifs de performance, estimant que ceux-ci ne devaient pas relever d'une simple contrainte d'affichage.

Il a rappelé que le projet de loi de finances pour 2005 ferait l'objet d'une double présentation, suivant l'ancienne et la nouvelle nomenclatures, mais que la discussion du projet de loi de finances pour 2006 serait bien la première à être organisée entièrement selon les nouvelles règles de la LOLF.

M. Jean Arthuis, président, a observé que la plus grande lisibilité du budget de l'Etat avait pour corollaire un contrôle accru des finances publiques. Il a estimé que le renforcement des contrôles apparaissait comme la contrepartie de la liberté de gestion nouvelle des responsables de programme et a souligné que les récentes auditions de méthode effectuées par la commission des finances, tant avec les responsables des corps d'inspection des ministères qu'avec les représentants des grands cabinets d'audit, s'inscrivaient dans cette voie.

Il a formulé le voeu que les pouvoirs accrus de contrôle du Parlement permettent une responsabilisation effective des gestionnaires, en développant la dimension stratégique de la gestion. Il a relevé que la mise en place d'équipes de contrôle de gestion traduisait ce changement culturel de l'administration dans la recherche de la performance. Enfin, il a estimé que la commission pourrait organiser, à l'avenir, des auditions de responsables de programme, appelés à devenir de véritables « managers » publics.

En conclusion, il a exhorté la commission des finances à s'engager pleinement pour faire vivre la réforme budgétaire, afin d'engager une « révolution culturelle » pour l'administration. Il a évoqué la question orale avec débat sur la mise en oeuvre de la LOLF, inscrite à l'ordre du jour du Sénat le 29 avril, qui permettrait d'interroger le gouvernement sur les difficultés rencontrées, notamment dans le déploiement du nouveau système comptable ACCORD 2, et sur les enjeux pour la réforme de l'Etat : rémunération au mérite, sanction de la gestion des responsables de programme, implication de la LOLF sur la gestion de la fonction publique. Il a ajouté que la LOLF devait permettre « d'éclairer chaque pièce de la maison des finances publiques », au service d'une transparence accrue de l'action de l'Etat, le Parlement devant s'affirmer comme l'aiguillon politique de la réforme de l'Etat.

M. Philippe Marini, rapporteur général , a exposé ensuite les principales propositions de modifications de la maquette budgétaire présentée par le gouvernement le 21 janvier 2004, propositions résultant pour une large part, des observations formulées par les rapporteurs spéciaux, qu'il a tenu à remercier pour leur implication.

Concernant le budget général de l'Etat, il a souligné qu'il était proposé de doubler le nombre de missions interministérielles. Il a observé que le nombre de programmes augmentait également d'une vingtaine, tout en restant inférieur à cent cinquante, bien que cette évolution fût due, principalement, à des motifs techniques d'individualisation de certaines dépenses ministérielles.

Il s'est félicité que cette nouvelle présentation des lois de finances permette d'affermir le contrôle du Parlement sur les priorités gouvernementales, en insistant sur le caractère prioritaire du débat à venir sur les objectifs et les indicateurs de performance afin d'exercer pleinement ce suivi. Il a ajouté que cette plus grande lisibilité répondait à l'affirmation du Parlement comme « intercesseur » entre le gouvernement et l'opinion publique.

M. Philippe Marini, rapporteur général, a fondé sa présentation des propositions de modification de la maquette sur deux principes fondamentaux, conformément à l'esprit de la LOLF : mieux garantir les compétences du Parlement, d'une part, et rendre plus lisible l'action de l'Etat, d'autre part.

Il a souligné que le plein respect des compétences du Parlement conduisait à la suppression de trois missions « mono-programme » : le Conseil économique et social, en le rattachant à la mission « Premier ministre », la mission « Protection des populations » et celle relative à la « Sécurité ».

Il a relevé, également, la nécessité d'un découpage plus fin des programmes regroupant des volumes trop importants de crédits, afin d'harmoniser davantage la taille des programmes : au sein de la mission « Défense », les programmes « Préparation et emploi des forces » et « Préparation et conduite des programmes d'armement » seraient scindés respectivement en deux programmes « Recrutement et formation du personnel » et « Activité et soutien des forces » d'une part, « Armement nucléaire » et « Armement conventionnel » d'autre part. Concernant la mission « Enseignement scolaire », un programme « Vie de l'élève » serait distingué. Il a justifié le choix d'une réorganisation des programmes de la mission « Défense » par la volonté politique d'opérer une présentation transversale, ainsi que par celle de faciliter la pleine compréhension du rôle de la France comme puissance nucléaire.

Afin d'accroître la lisibilité de l'action de l'Etat, M. Philippe Marini, rapporteur général, a déclaré vouloir clarifier les missions à caractère ministériel, restructurer certaines missions interministérielles et créer de nouvelles missions interministérielles.

S'agissant des missions à caractère ministériel, il a souhaité que le programme « Agriculture, pêche et territoires ruraux » de la mission « Agriculture, pêche et affaires rurales » soit scindé en deux programmes « Promotion de l'agriculture et du développement rural » et « Valorisation des produits, orientation et régulation des marchés », le programme « Enseignement supérieur et recherche agricoles » étant rattaché à la mission « Recherche et enseignement supérieur ». Il a proposé plusieurs aménagements des missions du ministère de l'économie, des finances et de l'industrie, en distinguant trois programmes « Gestion comptable », « Assiette de l'impôt » et « Recouvrement fiscal » qui remplaceraient le programme « Gestion fiscale et financière de l'Etat et du secteur public local » au sein de la mission « Gestion et contrôle des finances publiques ». En outre, il a préconisé que le programme « Remboursements et dégrèvements d'impôts » du programme « Engagements financiers de l'Etat » soit remplacé par trois programmes : « Admissions en non-valeur et remboursement de trop-perçus » de la mission « Gestion et contrôle des finances publiques » ; « Remboursements et dégrèvements législatifs d'impôts locaux » de la mission « Relations avec les collectivités territoriales » et « Dégrèvements pour promotion économique » de la mission « Politique économique ». De même, compte tenu de l'hétérogénéité du programme « Direction de l'action du gouvernement » de la mission « Premier ministre », il a proposé d'ériger en un programme distinct les crédits relatifs à la réforme de l'Etat et aux relations avec les citoyens.

Dans le domaine des missions interministérielles, il a estimé qu'un consensus se dégageait pour rattacher, à la mission « Sécurité », les crédits de la gendarmerie nationale. Il a préconisé, également, de rattacher les grandes écoles d'application à la mission « Recherche et enseignement supérieur ». Au sein de cette même mission, il a recommandé de dissocier les formations supérieures universitaires et la recherche universitaire, en vue d'une meilleure identification des moyens consacrés à la recherche universitaire, d'une part, et à l'enseignement universitaire, d'autre part. Il a souligné que cette démarche nécessiterait d'établir des conventions comptables pour opérer une répartition analytique des dépenses de personnels.

Enfin, il a proposé que soient rattachés à une mission nouvelle « Ecologie et maîtrise des risques » les programmes de la mission « Ecologie et développement durable », les crédits de la météorologie, ceux de la sécurité civile, ainsi qu'un programme « Prévention et contrôle des risques industriels », reprenant une partie des compétences des directions régionales de l'industrie, de la recherche et de l'environnement.

S'agissant des nouvelles missions interministérielles, il a détaillé la composition d'une mission « Stratégie de l'aménagement du territoire », qui rassemblerait les programmes « Aménagement du territoire » et « Interventions territoriales de l'Etat » de l'actuelle mission « Premier ministre » et les programmes « Soutien des politiques d'équipement », « Aménagement, urbanisme et ingénierie publique » et « Information géographique et cartographique » de la mission « Logement, aménagement et tourisme ».

M. Philippe Marini, rapporteur général, a déploré que l'intitulé et le contenu de la mission « Ville » réduise la politique de l'espace urbain à la discrimination positive en faveur des quartiers en difficulté. Ainsi, il a proposé de créer une mission « Urbanisme et logement » regroupant les trois programmes de la mission « Ville » et les crédits de la politique du logement de l'actuelle mission « Logement, aménagement et tourisme ».

Enfin, il a souhaité la création d'une mission entièrement nouvelle regroupant les différentes autorités administratives indépendantes, ainsi que le programme « Juridictions financières », afin de marquer solennellement la séparation entre les régulateurs et les administrations des secteurs qu'ils avaient la charge de réguler.

Il a achevé son exposé en signalant que deux importants chantiers restaient encore ouverts, relevant de la compétence du ministère de l'économie, des finances et de l'industrie : le choix des responsables de programme et la définition des indicateurs de performance.

Un large débat s'est alors ouvert.

M. Michel Sergent s'est félicité des évolutions proposées, qui avaient marqué une nette amélioration par rapport à la maquette du 21 janvier, car elles prenaient en compte tant les observations formulées lors du séminaire de Compiègne et de la réunion d'information du 24 février que les propositions émises par les rapporteurs spéciaux. Il a rappelé que l'adoption de la LOLF provenait de l'initiative parlementaire, en formulant l'espoir que la totalité des propositions de la commission des finances du Sénat soit reprise lors des derniers arbitrages.

Il a exprimé, toutefois, deux inquiétudes. D'une part, il a relevé que des mises au point définitives du progiciel ACCORD 2 s'avéraient nécessaires pour accompagner techniquement la mise en oeuvre de la LOLF. D'autre part, il a déploré le caractère parfois surdimensionné de certains programmes support.

En tant que rapporteur spécial des crédits du sport, il s'est félicité de ce que la mission interministérielle « Jeunesse et sport », ait perdu son caractère interministériel avec la constitution du nouveau gouvernement et s'est interrogé sur l'opportunité de faire correspondre le périmètre futur des ministères avec la nouvelle nomenclature budgétaire.

M. Jean Arthuis, président , a précisé que le gouvernement serait interrogé en séance publique le jeudi 29 avril sur la mise en place d'ACCORD 2. Par ailleurs, il a observé que le périmètre des ministères, dans le nouveau gouvernement dirigé par M. Jean-Pierre Raffarin, confortait les positions du Sénat concernant les missions interministérielles.

M. Jacques Oudin s'est félicité de la qualité du travail ici réalisé et a plaidé, également, pour que la structure ministérielle se rapproche de la nomenclature en missions et programmes. Il s'est demandé s'il était pertinent d'individualiser les passifs financiers ferroviaires, et s'est interrogé sur la distinction entre les programmes « Routes » et « Transports terrestres ».

M. Maurice Blin notant l'aspect « spectaculaire » du chantier en cours de réalisation, a mis en exergue le choix de programmes transversaux comme un des aspects les plus importants de la nouvelle nomenclature budgétaire. Il a estimé que cette approche « révolutionnaire » pourrait susciter des difficultés d'adaptation dans le domaine de la défense.

M. Yann Gaillard , après avoir souligné les progrès accomplis par rapport à la maquette initiale du 21 janvier, a fait part de ses interrogations concernant les programmes « Patrimoines », « Création » et « Transmission des savoirs et démocratisation de la culture » de la mission « Culture », considérant que cette organisation reflétait les structures administratives existantes.

Après avoir remercié les intervenants successifs, M. Philippe Marini, rapporteur général, a suggéré, au sujet de la mission « Transports », d'opérer une distinction par programme entre les transports routiers, ferroviaires, fluviaux et maritimes. Il a précisé que les actions ne relevant pas de l'un ou l'autre mode de transport pourraient faire partie du programme « Stratégie en matière d'équipement ».

Il a déclaré partager les observations de M. Yann Gaillard concernant les pesanteurs administratives du ministère de la culture, tout en reconnaissant ne pas avoir pu formuler de propositions satisfaisantes.

M. Jean Arthuis, président , s'est félicité que l'unanimité qui avait prévalu lors de l'adoption de la LOLF se retrouve, à nouveau, dans les différentes interventions des rapporteurs spéciaux. Il a estimé que cela justifiait pleinement « l'esprit de la LOLF » qui résultait d'une démarche conjointe de la majorité et de l'opposition de l'époque. Il a estimé qu'un langage budgétaire commun au sujet de la LOLF était « aussi important que le vocabulaire et la syntaxe », et a donné rendez-vous aux membres de la commission des finances pour poursuivre ces débats lors de la discussion de la question orale avec débat inscrite à l'ordre du jour de la séance du jeudi 29 avril 2004.

Aussi bien, a-t-il proposé à la commission de se réunir à nouveau le mercredi 5 mai pour examiner le rapport finalisé sur la nouvelle maquette budgétaire, dans le même esprit de consensus et d'unanimité qui avait prévalu depuis l'adoption de la LOLF.

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