B. QUE SIGNIFIE LE PRINCIPE DU PAYS D'ORIGINE ?
1. Un principe déjà appliqué pour les marchandises
Selon le principe du pays d'origine, le droit applicable à une prestation de services est celui de l'État membre dans lequel l'entreprise qui fournit la prestation a son siège statutaire, quel que soit l'État dans lequel a lieu l'opération . Ainsi, l'entreprise qui fournit un service dans n'importe quel pays de l'Union n'est soumise qu'au droit de son pays d'origine et n'a pas à se conformer à d'autres législations nationales éventuellement plus contraignantes. Il appartient à l'État membre dans lequel est implantée l'entreprise de veiller que ses opérations soient conformes à sa législation et au droit communautaire, que ses opérations aient, ou non, un caractère transfrontalier.
Le principe du pays d'origine n'est pas une nouveauté au sein de l'Union européenne. Ainsi, pour la libre circulation des marchandises, il a été consacré par l'arrêt « Cassis de Dijon » de la CJCE en 1979. Il s'applique également aux services, dans une certaine mesure, d'après la jurisprudence de la Cour de Justice qui prévoit toutefois des aménagements, notamment en cas de fraude à la loi et de raisons impérieuses d'intérêt général.
La règle du pays d'origine est une notion qui existe également dans quelques textes communautaires relatifs au marché intérieur, mais pour des domaines bien spécifiques, comme dans la directive sur la télévision sans frontière (89/552/CEE) ou encore dans la directive sur le commerce électronique (2000/31/CE). Les activités de télédiffusion et de commerce électronique, par nature transfrontalières, se prêtaient à l'application de la loi du pays d'installation du prestataire de services. Les domaines en cause avaient fait l'objet de mesures d'harmonisation et la portée de cette disposition était en outre limitée (ainsi, il ne s'agissait pas d'une règle de conflit de lois et le domaine pénal était exclu).
2. Une rupture avec les procédures d'harmonisation en matière de services
Récemment, la Commission européenne a cependant souhaité étendre le principe du pays d'origine, au point d'en faire une règle de base du marché intérieur . Le principe du pays d'origine est apparu notamment dans trois textes : la proposition de directive sur la lutte contre les pratiques commerciales déloyales, le projet de règlement sur la promotion des ventes et bien évidemment la présente proposition de directive sur les services dans le marché intérieur, qui est le texte le plus général.
La Commission européenne a fait le constat qu'il faudrait des dizaines de directives sectorielles pour réaliser une harmonisation des activités de prestations de services dans l'Union, ce qui demanderait du temps. D'où le choix du principe du pays d'origine, plutôt que d'une harmonisation poussée.
Elle semble ainsi considérer que, dans une Europe élargie et de plus en plus hétérogène, le PPO constitue une alternative à l'harmonisation . Un autre choix pourrait cependant être fait, celui d'une intégration communautaire plus poussée, par le biais de l'harmonisation des droits nationaux. Ainsi, même si le débat n'est pas clos, le Conseil des ministres de l'Union européenne a adopté le 10 juin 2004 une position commune sur la proposition de directive sur les pratiques commerciales déloyales, rejetant l'application du PPO au profit d'une harmonisation plus poussée.
Il faut également noter que le choix du PPO pour ce qui concerne la prestation transfrontalière de services pourrait entrer en contradiction avec des dispositions juridiques existantes. Dans un avis du 18 novembre 2004, le Conseil d'État relève en effet une éventuelle contradiction entre le principe du pays d'origine et le dernier alinéa de l'article 50 du Traité instituant la Communauté européenne , alinéa repris sans modification à l'article III-145 du Traité établissant une Constitution pour l'Europe, et selon lequel « sans préjudice de la sous-section 2 relative à la liberté d'établissement, le prestataire peut, pour l'exécution de sa prestation, exercer, à titre temporaire, son activité dans le pays où la prestation est fournie, dans les mêmes conditions que celles que ce pays impose à ses propres ressortissants ».
En conclusion, le choix de retenir, ou non, l'application du PPO sera important pour le secteur des services, mais également pour toute la construction communautaire . En effet, ce principe pourrait s'étendre à d'autres domaines, au-delà de celui du marché intérieur, et avoir par exemple des incidences dans le domaine « Justice et Affaires intérieures » pour lequel se pose la question de l'équilibre entre harmonisation et reconnaissance mutuelle. Le résultat des négociations sur la présente directive devrait avoir des conséquences sur la nature même de la construction européenne .