2. Deux revendications plus récentes : reconnaître et valoriser l'expérience bénévole.
Sujet récurrent et qui apparaît en filigrane dans le discours, quels que soient le statut, l'âge et le parcours, le manque de reconnaissance est un facteur dont souffrent particulièrement les bénévoles.
Soupçonnés d'amateurisme, ceux-ci peinent à faire valoir leurs compétences. Confrontés à une opinion publique qui tient l'altruisme pour douteux et la gratuité pour suspecte, ils sont parfois contraints de justifier leurs motivations, alors même que l'existence du monde associatif repose sur leur engagement.
Conscients de ce besoin de reconnaissance, les pouvoirs publics ont progressivement donné une visibilité aux activités bénévoles, notamment en permettant d'aménager l'activité bénévole avec d'autres statuts.
a) Reconnaître le phénomène bénévole
Reconnaître les bénévoles, c'est d'abord donner une visibilité à leurs activités. C'est ce qu'a fait le législateur dans deux textes de loi, respectivement celle du 29 juillet 1998 relative à la lutte contre les exclusions et du 19 janvier 2000 relative à la réduction négociée du temps de travail.
(1) La compatibilité d'une activité bénévole avec le chômage
La loi du 29 juillet 1998 relative à la lutte contre les exclusions a clairement affirmé que « tout demandeur d'emploi peut exercer une activité bénévole ».
Cette possibilité est toutefois subordonnée à trois conditions, reprises de la jurisprudence antérieure 104 ( * ) :
- cette activité ne peut s'exercer chez le précédent employeur ;
- elle ne peut se substituer à un emploi salarié ;
- elle doit rester compatible avec l'obligation de recherche d'un emploi.
A titre d'exemple, la chambre criminelle de la Cour de cassation a jugé le 28 février 1996 qu'un chômeur occupé bénévolement à plein temps par un club de modélisme ne pouvait percevoir d'indemnités de chômage. Selon la Cour, le plaignant s'est rendu coupable de « fraude ou de fausse déclaration pour obtenir des allocations d'aide aux travailleurs sans emploi » indues, car son activité au sein de l'association, « par son caractère permanent (...) l'a placé dans l'impossibilité de rechercher un autre emploi ».
(2) La possibilité d'aménager le temps de travail avec des activités bénévoles
La loi du 19 janvier 2000 relative à la réduction négociée du temps de travail a également pris en compte le souhait des salariés de pouvoir concilier travail, loisirs, vie familiale et activités associatives, en prévoyant que les accords de branche ou d'entreprise pourront comporter des dispositions spécifiques pour les salariés exerçant à titre bénévole des responsabilités dans une association, s'agissant en particulier des délais de préavis, des actions de formation et des jours de repos.
(3) La reconnaissance du bénévolat au niveau européen.
Dans le cadre du programme « Leonardo da Vinci », programme d'action de la Communauté européenne (Commission européenne, Direction générale de l'éducation et de la culture) pour la mise en oeuvre d'une politique de formation professionnelle à l'échelon européen, un cycle de formation continue a été proposé aux professionnels qui travaillent avec des bénévoles.
Élaboré à l'initiative de l'Institut de recherche ISIS (Allemagne), en partenariat avec le « European Center » (Autriche) et l'Institut de recherche et d'information sur le volontariat (IRIV, France) et intitulé : « Encourager et faciliter le travail avec les bénévoles », il a été lancé en janvier 2000.
Destiné aux professionnels, salariés d'une association par exemple, mais aussi aux fonctionnaires publics (par exemple des collectivités territoriales), le curriculum se présentait sous la forme de 11 modules, les trois premiers analysant le contexte général du bénévolat dans les trois pays participants (Allemagne, Autriche, France), les six suivants traitant de problèmes concrets rencontrés par des professionnels qui travaillent avec des bénévoles (recrutement, relations bénévoles-salariés, valorisation d'une expérience bénévole...), les deux derniers modules abordant des thématiques précises (bénévolat des juniors et bénévolat des seniors).
Cette prise de conscience au niveau européen est essentielle, à un moment où les questions liées au secteur associatif appelleront de plus en plus des réponses coordonnées 105 ( * ) .
b) Valoriser l'expérience bénévole
Les attentes des personnes bénévoles ont sensiblement évolué. Aujourd'hui, on ne peut plus ignorer les aspirations des intéressés à bénéficier, en retour de leur investissement, d'une valorisation de leur parcours.
(1) La validation des acquis de l'expérience bénévole : l'avance du mouvement sportif
Jusqu'à l'adoption de la loi de modernisation sociale du 17 janvier 2002, seuls les acquis professionnels pouvaient faire l'objet d'une validation dans le cadre d'un diplôme. Les compétences acquises hors du champ salarié n'avaient qu'un caractère accessoire dans une démarche de validation. Désormais ouverte au champ des acquis bénévoles, la validation des acquis de l'expérience (VAE) permet de reconnaître et valider, à part entière, les compétences des bénévoles au même titre que les compétences des salariés.
Le mouvement sportif, dont le dynamisme repose essentiellement sur le bénévolat (15 % des associations qui se créent chaque année sont des associations sportives, 57 % vivent sans aucun « employé temps plein ») a été précurseur dans le domaine de la validation des acquis de l'expérience.
Qu'il s'agisse des clubs, des comités départementaux, des ligues régionales, des fédérations, tous les niveaux de l'organisation sportive sont constitués en associations de la loi du 1 er juillet 1901. Elles sont animées par près d'1,5 million de bénévoles.
Alors que les métiers du sport sont en pleine évolution et que la demande de professionnalisme s'accroît 106 ( * ) , les candidats à la validation des acquis de l'expérience bénévole dans le secteur sportif sont en augmentation constante, depuis la promulgation de la loi en 2002, comme le montre le tableau suivant :
ANNEES DIPLOMES |
2002 |
2003 |
2004 |
BEES 1
|
162 |
1 809 |
1 096 |
BEES 2 |
40 |
408 |
174 |
BPJEPS
|
294 |
632 |
|
TOTAL |
202 |
2 511 |
1 902 |
Source: ministère de la jeunesse, des sports et de la vie associative
En termes de résultats, 40 % des candidats ont obtenu tout ou partie du diplôme sollicité.
Afin d'identifier les profils et les parcours des bénévoles, à partir d'une analyse individuelle des dossiers de candidats à la VAE, la délégation à l'emploi et aux formations (DEF) a conduit un groupe de travail interministériel 107 ( * ) , dont l'objectif était de mieux cerner les compétences mobilisées par les bénévoles et d'analyser le rôle des associations dans la construction des compétences acquises tout au long de la vie.
Deux documents ont été réalisés, qui devraient servir de modèle à l'ensemble du monde associatif : un guide de repérage des acquis bénévoles pour les membres de jury et une méthodologie d'élaboration du portefeuille des expériences bénévoles.
? Le guide de repérage des acquis bénévoles... 108 ( * )
...est destiné aux membres des jurys qui délivrent des diplômes, des titres à finalité professionnelle et des certificats de qualification, et vise à fournir des repères des acquis bénévoles dans le cadre de la validation des acquis de l'expérience (VAE).
En effet, les compétences mises en oeuvre par les bénévoles ne s'appuient pas sur les preuves traditionnelles que peuvent apporter les salariés (bulletins de salaires, curriculum vitae, etc.). Les membres de jury, non avertis du niveau professionnel de certaines activités bénévoles, pourraient être conduits à limiter la portée de la loi pour les activités se déroulant dans un cadre bénévole.
C'est pourquoi le guide s'attache à définir le bénévolat 109 ( * ) , à préciser le cadre des activités bénévoles et rappelle que si les modalités d'évaluation des compétences acquises dans un contexte salarié ou bénévole sont identiques, c'est leur repérage qui diffère.
Des points de repères à l'usage des membres de jury sont identifiés tels que l'objet de l'association, son niveau d'intervention, son affiliation à une fédération, le nombre de salariés et de bénévoles, la fonction du bénévole (dirigeant, responsable d'activité), son niveau d'autonomie, etc...
Il s'agit également pour les membres de jury d'identifier les compétences transférables telles que la prise de responsabilité, l'esprit d'initiative, les capacités d'organisation et de communication.
? La méthode d'élaboration du classeur des expériences bénévoles ... 110 ( * )
...doit permettre aux associations qui le souhaitent de créer un classeur, propriété du bénévole et renseigné par lui-même afin de constituer une mémoire active de ses divers engagements bénévoles.
Ce classeur a une double fonction de conservation de pièces justificatives attestant des acquis et de valorisation des expériences.
Il est destiné à être produit dans toutes les circonstances de la vie où ces preuves peuvent être attendues et considérées comme susceptibles de favoriser une meilleure reconnaissance professionnelle, sociale ou personnelle
? ...réservé au secteur sportif ?
Ces outils, extrêmement précieux pour renforcer et développer la reconnaissance de l'expérience bénévole, sont encore à l'état d'ébauche.
C'est néanmoins à partir du modèle du « classeur des expériences bénévoles » que le comité national olympique et sportif français (CNOSF) a expérimenté auprès de jeunes dirigeants associatifs « le carnet de vie du bénévole », présenté au cours de la journée « engagement des jeunes » qui s'est déroulée en décembre 2004.
On peut se procurer ces documents, pour l'instant restreints au mouvement sportif, auprès des centres décentralisés du CNOSF.
(2) Vers une généralisation à l'ensemble du mouvement associatif ?
L'extension du périmètre du ministère des sports à la vie associative depuis le décret du 8 avril 2004, portant attributions du ministère de la jeunesse, des sports et de la vie associative, a naturellement ouvert la voie à l'élargissement du dispositif à l'ensemble du secteur associatif, au-delà du seul secteur sportif.
Lors de la présentation, le 8 juillet 2004, au Conseil économique et social, des grands axes de sa politique associative, M. Jean-François Lamour, ministre de la jeunesse, des sports et de la vie associative, affirmait que « les compétences acquises par les bénévoles, qu'elles soient reconnues ou non par la VAE, doivent pouvoir être attestées quelle que soit leur mobilité ».
C'est dans cette optique qu'il annonçait la généralisation d'un dispositif, expérimenté dans certaines régions, de « passeport du bénévolat » : le ministre a souhaité, « tout en généralisant cette initiative, la rendre cohérente et lisible sur l'ensemble du territoire ».
* 104 En 1994, l'Agence nationale pour l'emploi (ANPE) et l'Unedic avaient confirmé la possibilité pour les chômeurs indemnisés d'exercer des responsabilités bénévoles. La première, dans une circulaire du 26 avril 1994, la seconde dans une délibération du 11 janvier 1994 complétée au mois de juin 1994.
* 105 L'entrée en vigueur de la « directive services », notamment, va accélérer l'harmonisation des règles régissant le secteur associatif.
* 106 L'article L. 363-1 du code de l'éducation pose l'obligation d'être titulaire d'une certification pour encadrer les activités physiques et sportives contre rémunération.
* 107 Ce groupe de travail a réuni des représentants du Comité Olympique et Sportif Français (CNOSF), du Conseil National de la Vie Associative (CNVA) et des représentants de diverses associations.
* 108 Le guide de repérage des expériences bénévoles est reproduit en annexe du présent rapport.
* 109 Sous le terme « bénévole », le Centre national du volontariat entend « toute personne qui s'engage de son plein gré, de façon désintéressée, notamment dans une action organisée au service de la communauté, pour mener en direction d'autrui une activité non rémunérée en dehors de son activité professionnelle ou familiale ».
* 110 La méthodologie d'élaboration du classeur des expériences bénévoles est reproduite en annexe du présent rapport.