3. Comment diminuer le nombre de recours contentieux ?
La Cour des comptes formule, dans son rapport, plusieurs recommandations pour favoriser la baisse du nombre de recours.
a) Une majoration de l'indemnisation par le FIVA ?
Constatant que les indemnisations accordées sur le fondement de la faute inexcusable sont souvent supérieures à celles du FIVA, et que cela incite les victimes à intenter des actions en justice, et observant que la quasi-totalité des recours en faute inexcusable aboutit à la condamnation de l'employeur, la Cour des comptes propose d'instaurer une forme de « présomption de faute inexcusable » et de majorer l'indemnisation du FIVA en conséquence, pour la porter, dans tous les cas, au niveau atteint en cas de reconnaissance de la faute inexcusable de l'employeur. De cette manière, les victimes n'auraient plus d'intérêt financier à aller en justice.
Le FIVA a évalué à 47,9 millions d'euros le coût d'une telle mesure en 2006. Si le fonds continue à n'intenter qu'un faible nombre de recours subrogatoires, la majoration pour faute inexcusable par la voie judiciaire devrait avoir un coût global de 17,6 millions d'euros en 2006 ; le coût de la reconnaissance automatique étant estimé à 65,5 millions d'euros, le surcoût lié à la mesure serait donc de 47,9 millions d'euros. Le surcoût maximum serait atteint en 2027 et s'élèverait à cette date à 150 millions d'euros. Un développement des recours subrogatoires du FIVA diminuerait bien sûr ce différentiel.
La Cour des comptes suggère de compenser cette dépense supplémentaire par des économies réalisées sur le budget du FCAATA, grâce à un resserrement des critères d'attribution de l'ACAATA. Si la mission approuve l'idée de majorer l'indemnisation versée par le FIVA, elle n'a, en revanche, pas été convaincue par cette dernière recommandation.
b) Désigner une cour d'appel unique ?
L'hétérogénéité des décisions de justice est ressentie douloureusement par les victimes de l'amiante. Comme l'a noté Me Jean-Paul Teissonnière, l'organisation des victimes au sein de l'ANDEVA rend plus perceptibles les différences de traitement : « Les victimes qui sont regroupées dans une association nationale, ce qui n'est pas forcément le cas dans les autres contentieux - je pense à celui des accidents de la circulation, qui est beaucoup plus dispersé et pour lequel les victimes ne sont pas unies de la même façon -, font des comparaisons absolument insupportables ».
La solution avancée par la Cour des comptes consisterait à regrouper les appels dans une seule cour, afin de favoriser un traitement plus équitable des victimes.
Intéressante, cette recommandation pose cependant plusieurs problèmes de mise en oeuvre :
- se pose, en premier lieu, la question du choix de la cour d'appel compétente : l'ANDEVA propose de retenir la première chambre de la cour d'appel de Paris, déjà spécialisée dans les affaires de santé ; cette cour ayant tendance à accorder des indemnisations particulièrement élevées, un tel choix risque toutefois d'entraîner une hausse du nombre de recours, d'affaiblir le rôle du FIVA et de susciter une inflation des dépenses difficile à contenir. A contrario , le choix d'une cour d'appel moins généreuse serait perçu par les victimes comme une manoeuvre destinée à porter atteinte à leurs droits et serait donc très mal ressenti ;
- elle va, ensuite, à l'encontre de l'objectif de proximité entre les citoyens et la justice : le regroupement des dossiers dans une cour d'appel unique compliquerait les démarches des victimes habitant en des points éloignés du territoire ;
- elle oblige, enfin, à doter de moyens importants la cour ainsi désignée, sans quoi le regroupement du contentieux entraînerait un encombrement de la juridiction et un fort allongement des délais de jugement.
Ces considérations expliquent que la FNATH (Association des accidentés de la vie) soit hostile au principe d'une cour d'appel unique et plaide pour que « les victimes du travail soient traitées dans le droit commun de l'ordre judiciaire » . Elle souligne que « les aléas de la jurisprudence sont tels qu'il n'est pas certain qu'un regroupement aboutirait à un alignement sur la jurisprudence la plus favorable aux victimes. Telle cour d'appel peut être aujourd'hui la plus favorable, mais ne plus l'être demain. C'est pourquoi la FNATH ne souhaite pas prendre un tel risque et bousculer l'ordre judiciaire établi » .
La mission, pour sa part, ne souhaite pas écarter d'emblée l'idée de regrouper le contentieux dans une cour d'appel unique. Mais elle souhaiterait cependant que des mesures plus simples soient d'abord mises en application pour essayer d'homogénéiser les décisions de justice :
- une meilleure information des tribunaux sur le barème du FIVA et sur la moyenne des indemnisations judiciaires réduirait sans doute les disparités, par un simple effet de comparaison ;
- comme l'a suggéré M e Philippe Plichon au cours de son audition, un haut magistrat de la Cour de cassation pourrait, à l'instar des présidents de cour d'appel qui réunissent les présidents de chambre et de tribunaux pour définir un niveau d'indemnisation, réunir les présidents de cour d'appel pour tenter de dégager des positions consensuelles ;
Si ces mesures échouaient à contenir les disparités entre tribunaux, l'option de la désignation d'une cour d'appel unique devrait alors être à nouveau envisagée.