b) Le désamiantage : une réglementation stricte et coûteuse
Compte tenu des risques sanitaires liés au désamiantage pour les travailleurs comme pour les occupants du bâtiment, les opérations de retrait de l'amiante sont encadrées par une réglementation très stricte qui a été renforcée en 1996 97 ( * ) : certification des entreprises, formation et surveillance médicale renforcées des salariés, notification des travaux à l'inspection du travail avant le début du chantier, mise en place de dispositifs techniques de protection.
Le décret du 7 février 1996 relatif à la protection des travailleurs contre les risques de l'inhalation de poussières d'amiante impose aux entreprises concernées la mise en oeuvre de mesures de protection à tous les stades du déroulement du chantier :
? Avant chaque chantier de retrait ou de confinement , l'entreprise doit établir un plan retrait ou de confinement de matériaux contenant de l'amiante (PRC).
Le PRC 98 ( * ) a pour objet de réduire au niveau le plus faible possible l'émission et la dispersion de fibres d'amiante pendant les travaux, d'éviter toute diffusion de ces fibres hors des zones de travaux, d'assurer les protections collectives et individuelles des travailleurs intervenants pour l'ensemble des risques et de garantir l'absence de pollution résiduelle après travaux.
? Pendant les travaux , afin de s'assurer de la protection des ouvriers, des occupants et plus généralement de la population voisine, une vérification périodique doit être effectuée, portant sur l'étanchéité du confinement et des appareils de protection, sur les rejets en air et eau et sur l'atmosphère (maintien du niveau d'empoussièrement inférieur à 0,1 fibre/cm 3 sur une heure de travail).
? A l'issue des travaux et avant toute restitution des locaux traités, le niveau d'empoussièrement doit être inférieur ou égal à 5 fibres/litre. L'article 7 du décret du 7 février 1996 précité précise que «s i les travaux ne conduisent pas au retrait total des flocages et calorifugeages contenant de l'amiante, les propriétaires procèdent à un contrôle périodique de l'état de conservation de ces matériaux résiduels (...), dans un délai maximal de trois ans à compter de la date à laquelle leur sont remis les résultats du contrôle ou à l'occasion de toute modification substantielle de l'ouvrage ou de son usage . »
Devant la mission, M. Gérard Larcher, ministre délégué à l'emploi, au travail et à l'insertion professionnelle des jeunes, a indiqué que, par cette réglementation, la France avait anticipé les règles communautaires adoptées en 2003 99 ( * ) sur le modèle français.
Si la réglementation est très stricte, elle est pourtant inégalement appliquée : de nombreuses entreprises, attirées il y a quelques années par le marché florissant du désamiantage, ne présentaient pas les compétences techniques requises et étaient peu respectueuses des mesures de sécurité.
Si le secteur semble aujourd'hui quelque peu assaini concernant le retrait de l'amiante friable 100 ( * ) (matériaux le plus dangereux), les milliers de petits chantiers portant sur des habitations privées et sur des matériaux considérés comme moins dangereux (amiante non friable) échappent à tout contrôle.
(1) Le « marché » du désamiantage : un secteur en voie d'assainissement pour l'amiante friable
Le président du SYRTA, a rappelé qu'à partir de 1996 101 ( * ) , attirées par un marché en fort potentiel de développement, de nombreuses entreprises s'étaient improvisées des compétences dans les activités liées à l'amiante : « Quelque 400 entreprises sont arrivées sur le marché à cette époque. Elles provenaient d'horizons différents : les métiers du bâtiment, du nucléaire, du nettoyage industriel, etc.... » .
Comme il a été vu, une réglementation stricte a été mise en place depuis 1996 pour endiguer ce phénomène : les entreprises qui traitent des matériaux friables ont désormais l'obligation d'obtenir un certificat de qualification, délivré par deux organismes certifiés (Qualibat et AFAQ-Ascert) qui se basent sur un certain nombre de référentiels homologués 102 ( * ) .
Par ailleurs, les efforts de certains professionnels pour autoréguler la « filière amiante » ont abouti au regroupement de quelque 125 entreprises liées à l'amiante (secteur friable) au sein du Syndicat de retrait et de traitement de l'amiante et des autres polluants (SYRTA), dont l'objectif est d'élaborer des repères communs en terme d'exigence et d'encourager à plus de rigueur dans l'emploi des techniques de désamiantage.
Son président a indiqué à la mission que les entreprises qui ont obtenu la qualification sont majoritairement issues des filières du nucléaire, habituées à une grande rigueur, et que celles-ci sont désormais mieux réparties sur l'ensemble du territoire : alors que la plupart se sont créées en Ile-de-France, on compte en moyenne à l'heure actuelle une entreprise de désamiantage par département.
M. Daniel Ferrand, de la SOCOTEC, a estimé que des progrès avaient été réalisés concernant la sécurité. Entre 1996 et 1998, notamment sur les premiers chantiers des lycées de la région Nord-Pas-de-Calais, « nous n'avions pas d'outils adaptés », a-t-il reconnu .
Le développement du marché du désamiantage a conduit les industriels à s'intéresser à ce secteur et des matériels plus sophistiqués ont été mis en circulation : « Aujourd'hui, les technologies utilisées dans les chantiers de désamiantage sont connues » a indiqué la SOCOTEC précisant que « certains appareils, comme les scies ou les perceuses sont capables d'aspirer les poussières d'amiante » .
* 97 Par le décret du 7 février 1996 relatif à la protection de la population contre les risques sanitaires liés à une exposition à l'amiante dans les immeubles bâtis.
* 98 Le plan doit être soumis à l'avis du médecin du travail, du Comité d'hygiène, de sécurité et des conditions de travail (CHSCT) ou, à défaut, des délégués du personnel. Il est transmis, un mois avant le démarrage des travaux, à l'inspecteur du travail, aux agents de prévention des Caisses régionales d'assurance maladie (CRAM) et, le cas échéant, à l'Organisme professionnel de prévention du bâtiment et des travaux publics (OPPBTP).
* 99 Directive européenne n° 2003-18 du 27 mars 2003 concernant la protection des travailleurs contre les risques liés à l'exposition à l'amiante pendant le travail.
* 100 D'après les professionnels auditionnés, une centaine d'entreprises spécialisées se partageraient aujourd'hui ce marché, évalué à environ 300 millions d'euros par an, en progression annuelle de 8 à 10 %.
* 101 Date de l'entrée en vigueur de la première réglementation concernant les risques liés à l'amiante dans les habitations.
* 102 L'arrêté du 26 décembre 1997 porte homologation des référentiels servant de base à la délivrance du certificat de qualifications.