C. LES QUESTIONS EUROPÉENNES ET INTERNATIONALES
1. Le Conseil de l'Europe et la politique européenne de voisinage de l'Union européenne
Le rapport défendu par M. Luc Van Den Brande (PPE/DC), au nom de la commission des questions politiques, a rappelé les objectifs fixés par la politique européenne de voisinage : établir une coopération entre l'Union européenne qui s'élargit et ses voisins de l'Est et du Sud.
Cette coopération vise à promouvoir la démocratie et le respect des droits de l'homme, domaines d'excellence du Conseil de l'Europe.
Le rapport insiste sur le rôle que doit jouer le Conseil dans la mise en oeuvre de cette politique.
Le premier orateur français, M. Marc Reymann , s'est félicité du contenu de ce rapport. Cette politique est l'occasion de mettre en pratique les résolutions adoptées lors du sommet de Varsovie, qui préconisaient une collaboration et une complémentarité entre le Conseil et l'Union.
« En 2004, l'Union européenne s'est agrandie. Elle compte aujourd'hui vingt-cinq membres et d'autres adhésions devraient intervenir en 2007, dont celle de la Bulgarie, de la Roumanie et, sans doute, de la Turquie, membre fondateur du Conseil de l'Europe depuis 1949.
La Bulgarie et la Roumanie sont devenues membres du Conseil respectivement en 1992 et 1993. On le voit, l'adhésion au Conseil de l'Europe est souvent la première étape sur le chemin de l'intégration européenne. C'est pourquoi le Conseil de l'Europe compte en son sein de nombreux pays qui aspirent à rejoindre l'Union européenne. Il compte également bon nombre de pays situés aux frontières géographiques de l'Europe.
C'est à destination de ces pays voisins de l'Est et du Sud que l'Union européenne a décidé d'initier une politique européenne de voisinage afin d'aider à leur stabilité politique et d'encourager la démocratie. Ce plan d'action couvre seize États, soit quatre cent millions d'habitants. C'est l'occasion de mettre en pratique les résolutions qui ont été prises lors du Sommet de Varsovie en mai 2005, qui visent à la collaboration et à la complémentarité entre le Conseil et l'Union.
Nous devons veiller à agir en complémentarité avec l'Union européenne dans la mise en oeuvre de ce programme, qui n'en est encore qu'au stade du développement. Par ailleurs, il convient d'éviter les concurrences inutiles, les doublons, qui sont à la fois inefficaces et onéreux.
Notre Assemblée est la plus à même de défendre les valeurs politiques du projet européen. En effet, adhérer à ce projet, c'est faire sienne les valeurs de la démocratie, de l'État de droit et du respect des droits de l'homme.
Force est de constater que notre Assemblée a d'ailleurs joué un rôle considérable auprès des nouveaux membres de l'Union européenne et a pleinement rempli son rôle d'école de la démocratie.
En effet, le Conseil de l'Europe ne s'est pas construit sur l'idée d'un grand marché économique, mais plutôt autour de l'idéal démocratique et des droits de l'homme qui ne connaissent pas de frontières. Il s'est acquis en ces domaines une grande expérience et une capacité d'expertise qui ne lui sont pas contestées, et il est toujours prêt à inciter ses partenaires à poursuivre leurs réformes pour s'approcher de cet idéal.
Le Conseil dispose pour cela d'un savoir-faire qui passe par la fixation d'un calendrier et d'une procédure de suivi lors de la mise en oeuvre de programmes. En outre, il oeuvre pour un renforcement du dialogue entre l'Europe, la Méditerranée et le Proche-Orient, dans la ligne fixée par la politique européenne de voisinage. Ainsi est-il prévu de nommer en son sein un coordinateur pour le dialogue interculturel.
L'Union européenne fait rêver ceux qui convoitent de la rejoindre car elle symbolise à leurs yeux à la fois la prospérité économique et l'idéal démocratique. Cela en dit long sur sa réussite malgré ses difficultés et des interrogations légitimes sur son avenir institutionnel. Accueillant en son sein cinq des seize pays visés par la politique de voisinage de l'Union européenne, le Conseil de l'Europe se doit d'y être particulièrement attentif.
Le rapporteur souligne fort justement le rôle clé que le Conseil de l'Europe peut jouer dans la mise en oeuvre de cette politique. On peut espérer que le rapport que doit remettre M. Jean-Claude Juncker sur les relations entre le Conseil de l'Europe et l'Union européenne en tiendra compte.
Monsieur le Président, mes chers collègues, je vous remercie de votre attention et je félicite notre collègue pour la qualité de son rapport. »
Mme Josette Durrieu a, elle aussi, soutenu ce rapport. Elle a tenu à orienter son propos sur la politique vis-à-vis des pays du Sud et du Moyen-Orient. Elle a notamment appelé à une relance du processus de Barcelone.
« Je remercie d'abord M. le rapporteur pour son travail. J'orienterai ensuite mon propos différemment, car de nombreuses choses ont déjà été dites et bien dites.
Le projet de politique européenne de voisinage visait initialement les pays de l'Est ; progressivement, les pays de l'Asie centrale ont été concernés et aujourd'hui nous devons nous préoccuper des pays du Sud, et notamment de ceux qui se situent au sud de la Méditerranée. La plupart de ces pays du Sud sont musulmans, leur population s'élevant à 1,3 milliard. Or celle-ci manque aujourd'hui de reconnaissance et peut être victime d'un «choc des civilisations». Nous savons bien que la pauvreté est la source de tous les risques, et notamment du terrorisme.
L'Europe est à la fois une référence et un modèle, mais elle est menacée par cette situation. C'est la raison pour laquelle elle doit s'engager pleinement - l'Union européenne et le Conseil de l'Europe - vers une politique européenne de voisinage. D'ailleurs, le processus de Barcelone, en 1995, était une excellente initiative qui fixait un cadre très large - allant de la Mauritanie à la Turquie et, au-delà, de l'Iran au Pakistan - de ce qui devait être la stabilisation de la paix, de la prospérité, de la démocratie, notamment. A savoir, tout ce qui doit constituer les bases d'un processus visant à éviter le choc des civilisations.
Le processus de Barcelone est en panne, en raison du conflit israélo-palestinien. Or, rien ne sera réglé dans cet espace tant que l'on ne mettra pas fin à ce conflit.
Si depuis 2004 émerge, à l'initiative de l'Europe, une nouvelle politique de voisinage, une politique américaine, appelée «politique du grand Moyen-Orient», et fondée sur les mêmes bases, a également été mise en place. Elle consiste à combattre le terrorisme en développant l'économie, la démocratie et le processus de paix. Or il convient de constater que cette volonté commune de faire bouger les choses et de mettre en place de nouvelles réformes donne des résultats. Le processus démocratique semblerait avancer puisque des élections, que l'on qualifie de «pluralistes», ont eu lieu en Égypte. Il s'agit d'un simulacre bien sûr, mais quelque chose a changé.
Des progrès plus marquants ont été réalisés en 2004 : au Maroc, le code de la famille a été modifié, en Arabie Saoudite les femmes ont obtenu le droit de conduire, et dans le Golfe le droit de voter. Alors il est vrai que les choses bougent, mais pas suffisamment.
C'est la raison pour laquelle l'Europe toute entière, à tous les niveaux et avec toutes ses structures, doit être au coeur de cette dynamique : aux côtés de l'Union européenne, le Conseil de l'Europe pourrait trouver là sa place.
Dans le cadre de cette politique de voisinage structurée, je tiens à insister sur notre combat d'hier, concernant ces infirmières de nationalité bulgare qui vont peut-être être exécutées. Elles sont condamnées à mort à Tripoli. Ce que nous faisons ne sera pas suffisant. Alors mobilisons-nous davantage pour tenter de les sauver ! Il y a six mois, je me suis rendue en Libye, je sais donc que la menace de leur exécution, dans les semaines qui viennent, est une réalité. Il s'agit donc d'un combat que le Conseil de l'Europe doit mener et j'espère qu'il va le faire de façon plus énergique : il faut sauver ces infirmières bulgares condamnées à mort en Libye et qui vont être exécutées. »
A l'issue de ce débat, la Recommandation n° 1724 a été votée .
Elle rappelle la nécessaire complémentarité entre l'Union européenne et le Conseil de l'Europe et demande que « l'expérience et les possibilités d'action du Conseil de l'Europe soient pleinement reconnues ... et mises largement à contribution pour appliquer la Politique européenne de voisinage (PEV) » .
Ce texte demande au Comité des ministres :
- de faire des propositions de coopération aux autorités compétentes de l'Union européenne en vue d'institutionnaliser la contribution du Conseil de l'Europe à la PEV ;
- de nouer des relations plus spécifiques avec les États non membres concernés par la PEV.
Il réclame le soutien du Parlement européen dans ce domaine, demande au Commissaire aux droits de l'homme et au Centre européen pour l'interdépendance et la solidarité mondiales de nouer des contacts avec les États non membres concernés par la PEV et souhaite que la Commission de Venise offre son assistance aux pays couverts par la PEV.
Enfin, cette Recommandation précise que l'Assemblée parlementaire du Conseil de l'Europe décide :
- de coopérer étroitement avec le Parlement européen dans ce domaine ;
- d'intensifier ses contacts et sa coopération avec les Parlements des États non membres couverts par la PEV ;
- d'inviter les délégués nationaux de pays membres de l'Union européenne à appeler leurs gouvernements à honorer les engagements pris au Troisième Sommet en ce qui concerne la complémentarité des organisations européennes.