2. Réduction des soutiens internes et hausse des prix mondiaux de produits agricoles
Un scénario de type « Harbinson » implique la réduction des instruments de politique agricole. Ceci se traduit, essentiellement dans les pays du nord, par une diminution de l'incitation à produire, donc une diminution globale de l'offre de produits agricoles, et ainsi une hausse des prix agricoles mondiaux.
Les résultats des simulations du CEPII indiquent une hausse des prix mondiaux de 2,8 % en moyenne. Celle-ci modifie les termes de l'échange globaux, c'est-à-dire le rapport entre les prix des exportations et les prix des importations de tous les biens.
La hausse des prix agricoles est variable suivant les produits ; elle avantage ou désavantage les pays selon les produits sur lesquels ils sont exportateurs ou importateurs nets. Par exemple, la réduction des subventions à la production cotonnière, notamment aux États-Unis, provoque une hausse du prix mondial du coton qui est favorable à l'Afrique subsaharienne. En revanche, les pays méditerranéens voient leurs termes de l'échange se détériorer du fait, notamment, de la hausse du prix des céréales qu'ils importent.
Au total, quatre zones en développement sur six subissent une détérioration de leurs termes de l'échange ( tableau 4, page 35).
Cela signifie que pour les pays importateurs nets de produits agricoles, la valeur de leurs importations progresse plus vite que celle de leurs exportations (ce qui traduit un appauvrissement du pays) .
Ce phénomène peut être cumulatif : la hausse des prix agricoles entraîne, pour les pays importateurs nets de produits agricoles, une dégradation du solde de la balance commerciale. La contrainte d'équilibre des échanges extérieurs - prise en compte dans ces simulations - conduit les pays en développement concernés à se spécialiser davantage sur des produits manufacturés à bas coûts et à faible valeur ajoutée, ce qui accroît le phénomène de baisse des prix de ce type de biens. Ces pays sont ainsi dans un mouvement continu consistant à vendre des produits - manufacturés - dont le prix relatif baisse et à acheter des produits agricoles - dont le prix augmente. Sur ce point, les pays en développement dans leur ensemble sont perdants (-0,10 % en termes de revenu réel), notamment les plus pauvres (-0,15 %), au profit des plus riches (+ 0,06 %).
3. Évolution du revenu réel consécutive à la libéralisation agricole
L'évolution du revenu réel donne une mesure globale de l'effet de la libéralisation : elle combine l'impact de la modification des termes de l'échange et celui de la réallocation sectorielle des ressources induite par la réduction des distorsions créées par les tarifs ou les subventions (cf. tableau 4 ci-après). Cet impact global apparaît faiblement positif au niveau mondial. Compte tenu, dans ces zones, de l'importance des distorsions éliminées par la libéralisation, l'impact est également positif pour toutes les régions développées ainsi que pour l'Asie du Sud. En revanche, les autres zones en développement sont perdantes.
TABLEAU 4 - EFFET DE LA LIBÉRALISATION
AGRICOLE
(PROPOSITION HARBINSON)
Zones classées
|
Exportations agricoles
|
Termes de l'échange |
Revenu réel |
|
Niveau initial
|
Écart en % |
Écart en % |
Écart en % |
|
AELE |
6 428 |
2,7 |
-0,17 |
0,11 |
Asie du Sud |
7 513 |
6,4 |
-0,28 |
0,17 |
Asie développée |
5 716 |
11,8 |
-0,40 |
0,05 |
UE à 25 |
61 642 |
2,7 |
0,09 |
0,14 |
États-Unis |
69 969 |
0,8 |
0,39 |
0,05 |
Groupe de Cairns (développés) |
38 875 |
12,8 |
0,27 |
0,04 |
Groupe de Cairns (en dévt) |
54 934 |
10,4 |
0,17 |
0,00 |
Reste du monde |
35 074 |
6,8 |
-0,20 |
-0,10 |
Chine |
11 947 |
13,2 |
-0,10 |
0,15 |
Afrique subsaharienne |
12 420 |
4,7 |
0,01 |
-0,03 |
Méditerranée |
8 304 |
8,8 |
-0,57 |
-0,16 |
Monde |
312 822 |
6,1 |
0,00 |
0,08 |
Pays riches |
182 630 |
4,2 |
0,06 |
0,08 |
Pays en développement |
130 192 |
9,4 |
-0,10 |
-0,03 |
dont pays pauvres** |
19 933 |
5,4 |
-0,15 |
0,11 |
* hors Afrique du Sud
** Les pays pauvres sont ceux d'Asie du Sud et d'Afrique subsaharienne
Source : CEPII
Le tableau ci-dessus montre que l'impact global - au niveau mondial - de la libéralisation en terme de revenu réel pourrait être limité, inférieur à celui simulé jusqu'à présent (+ 0,08 % pour l'ensemble du Monde) ; cependant, la redistribution de la production agricole au niveau mondial n'est pas négligeable.