4. Une hausse du revenu réel en Europe ?
On peut voir dans le tableau ci-dessus que l'impact en termes de revenu réel d'une libéralisation agricole serait globalement positif pour l'Union européenne. Ceci correspond d'ailleurs à un résultat que l'on retrouve dans la quasi-totalité des simulations de cette nature. Les enchaînements « positifs » pour l'Union européenne décrits par ces exercices sont les suivants :
- la diminution des soutiens internes permet une réallocation des facteurs sur les productions plus rentables (ce qui est conforme au cadre théorique des avantages comparatifs) ;
- à l'inverse des pays pauvres, l'Union européenne, comme les autres pays riches, bénéficie d'une appréciation des termes de l'échange (elle est exportatrice nette des produits agricoles dont les prix montent) ;
- si les prix de production agricole montent, les prix agricoles sur le marché intérieur baissent en raison de la baisse des tarifs douaniers : le pouvoir d'achat des consommateurs augmente.
Par ailleurs, même si les simulations du CEPII présentées dans ce rapport ne fournissent pas ce type d'information 25 ( * ) , il est connu que l'impact d'une libéralisation agricole serait très différencié et inégal selon les produits et les pays :
- les produits soumis à une forte concurrence (lait, viande bovine, riz...) seraient affectés par une libéralisation agricole ;
- les zones ou pays (du Nord de l'Europe par exemple) spécialisés sur des productions très compétitives à l'exportation seraient gagnants à une libéralisation ;
- globalement, d'autres travaux (que ceux du CEPII présentés dans ce rapport) montrent qu'une libéralisation agricole de type « Harbinson » entraînerait une baisse de la valeur ajoutée agricole dans l'Union européenne et une concentration de la production 26 ( * ) .
Cependant, cet impact négatif pour les producteurs serait compensé par l'impact positif de la baisse des prix pour les consommateurs.
Vos rapporteurs souhaitent souligner la fragilité de ce dernier point.
Une baisse des prix agricoles sur le marché intérieur européen peut ne pas être perceptible pour les consommateurs : une étude 27 ( * ) conduite par les services du MINEFI montre que l'impact des fluctuations des prix agricoles sur les prix payés par les consommateurs est très atténué.
Une explication généralement avancée de ce phénomène réside dans la « captation » par les industries agroalimentaires ou la grande distribution de ces baisses de prix. En réalité, l'étude précitée montre que l'aval de la filière agroalimentaire semblerait répercuter correctement les évolutions des coûts de production agricole ; cependant, les prix des produits agricoles représentent une part de plus en plus faible de l'ensemble des coûts de production des produits alimentaires. Les coûts de transformation, de marketing et de distribution prennent une part croissante dans certains secteurs, ce qui explique la faible corrélation entre prix à la production et prix à la consommation dans le secteur agroalimentaire.
Dans ces conditions, le résultat relatif à l'impact positif en termes de revenu global pour l'ensemble de l'Union de la baisse des prix agricoles apparaît discutable.
* 25 Les instruments élaborés par le CEPII permettant cependant de réaliser des simulations au niveau fin des produits, il est parfaitement concevable qu'à l'avenir les instances en charge de ces questions au sein de notre Assemblée puissent commander au CEPII des travaux de ce type (que le CEPII réalise d'ailleurs actuellement pour la Commission européenne).
* 26 La concentration de la production et la diminution du nombre d'exploitations s'expliquent par la forte variabilité des prix agricoles liée au renforcement des mécanismes de marchés, qui fragilise les plus petits producteurs.
* 27 Voir document de travail n° 59 de janvier 2005 « Diagnostics, Prévisions et Analyses économiques ».