B. UNE LIBÉRALISATION PLUS ADAPTÉE AUX PERDANTS POTENTIELS ?
1. Identifier les perdants
Les travaux de simulation du CEPII ont mis en évidence l'impact potentiellement inégalitaire de la libéralisation des échanges pour les pays en développement.
Dès lors, le traitement spécial et différencié dans le cadre de l'OMC doit obéir à une distinction plus fine que la simple distinction entre pays en développement et pays développés. Sur les 148 membres de l'OMC, plus de 100 sont considérés comme des pays en développement, sur la base d'une autodéclaration, alors qu'ils vont bénéficier de manière très inégale d'un accord dans le cycle de DOHA.
Faisant écho à la lettre diffusée par les Commissaires européens Fischler et Lamy en mai 2004, les négociations ont permis de dégager de tout engagement de libéralisation de leurs propres marchés les 50 pays les moins avancés (on parle alors de « cycle gratuit » pour ces pays).
Il s'agit d'une avancée importante dans la prise en compte de la vulnérabilité de certains pays à l'ouverture commerciale. Mais elle ne suffira pas à empêcher certains pays de souffrir d'une concurrence accrue sur les marchés où ils bénéficiaient d'un accès préférentiel. Par ailleurs, d'autres pays pauvres qui n'ont pas le statut de « pays moins avancé », en particulier quelques pays d'Afrique subsaharienne (Côte d'Ivoire, Cameroun,...) ou des pays méditerranéens, sont exclus de la protection de ce régime alors qu'ils seront également affectés par l'érosion des préférences commerciales dont ils bénéficient.
Une première approche doit donc consister dans l'identification des pays les plus touchés.
Les simulations du CEPII permettent de montrer que le problème d'érosion des préférences est limité à certains pays. Entre 25 et 30 pays, dont la baisse de revenu réel pourrait être supérieure à 0,5 %, sont ainsi identifiés par le CEPII.
Cette analyse est confirmée par d'autres travaux, même si du fait d'une prise en compte insuffisante de l'ensemble des régimes préférentiels, le nombre de pays considérés comme touchés par l'érosion des préférences peut être jugé trop faible : l'OCDE identifie cinq pays susceptibles d'être affectés (Bangladesh, Madagascar, Maroc, Tanzanie, Ouganda) ; le FMI, six pays à revenu intermédiaire (Île Maurice pour le sucre à destination de l'Union européenne ; Sainte-Lucie pour les exportations de bananes à destination de l'Union européenne ; Belize ; Saint-Kitts et Nevis ; Guyana et Fidji).
Par ailleurs, près des trois quarts de la valeur des préférences accordées aux plus gros bénéficiaires concernent deux produits : le sucre et la banane. Globalement, le nombre de « produits sensibles », sur lesquels sont concentrés les problèmes d'érosion des préférences, est relativement limité 32 ( * ) .
Ces travaux montrent donc que la question de l'érosion des préférences est concentrée sur un nombre limité de produits et de pays.
Vos rapporteurs en déduisent que cette question, qui perturbe les négociations en cours, pourrait donc être assez facilement résolue, sans nuire au schéma global de libéralisation, levant ainsi une hypothèque lourde sur le succès de ce cycle.
* 32 Le CEPII évalue à 2 % du total des produits le nombre de produits sensibles. Certains travaux (du MINEFI, par exemple) conduits sur la base d'une nomenclature plus détaillée des produits aboutissent cependant à un chiffre de 8 %.