III. UN CONTRÔLE DÉFAILLANT
3.1 UN CONTRÔLE A PRIORI TRÈS LIMITÉ
LA CHANCELLERIE N'A PRIS QUE RÉCEMMENT DES MESURES DESTINÉES À RÉPONDRE À L'ENJEU BUDGÉTAIRE QUI S'ATTACHE AUX FRAIS DE JUSTICE. ELLE A LANCÉ AU PRINTEMPS 2004 UN PLAN D'ACTION D'ÉCONOMIES DESTINÉ À AGIR À LA FOIS SUR L'EFFET PRIX, SUR L'EFFET VOLUME ET SUR L'ORGANISATION DE LA DÉPENSE. CE PLAN COMPORTE NOTAMMENT UNE RÉFLEXION SUR LES CONDITIONS D'UNE MISE EN CONCURRENCE DANS LE DOMAINE DES EMPREINTES GÉNÉTIQUES, DES NÉGOCIATIONS AVEC LES LOUEURS DE MATÉRIELS D'INTERCEPTION ET LES OPÉRATEURS DE TÉLÉPHONIE, ET LA POURSUITE DES TRAVAUX CONCERNANT LA SENSIBILISATION DES PRESCRIPTEURS (ACTIONS DE FORMATION, INSTAURATION D'UN SERVICE « RÉFÉRENT » AU SEIN DE LA CHANCELLERIE...).
QUELLES QU'EN SOIENT LES AMBITIONS (20,5 M€ D'ÉCONOMIES SUR DOUZE MOIS), CE PLAN SE HEURTE À QUATRE DIFFICULTÉS STRUCTURELLES QUI ONT JUSQU'À PRÉSENT RENDU VAINS LES EFFORTS DE CONTRÔLE DES DÉPENSES A PRIORI.
A) L'ABSENCE DE CONNAISSANCE PRÉALABLE DES COÛTS
LE CODE DE PROCÉDURE PÉNALE PRÉVOIT PEU DE MÉCANISMES TENDANT À AMÉNAGER LE CONTRÔLE PAR UNE JURIDICTION DU COÛT DES PRESTATIONS QU'ELLE COMMANDE. POUR LES PRESTATIONS NON TARIFÉES, L'ABSENCE DE CONNAISSANCE PRÉALABLE DU COÛT EMPÊCHE TOUT SUIVI DE LA DÉPENSE ET EXPOSE LE MINISTÈRE DE LA JUSTICE À DES ENGAGEMENTS INCONTRÔLÉS.
EN CONSÉQUENCE, L'ARTICLE R. 107 DU CODE DE PROCÉDURE PÉNALE FIXE À 460 EUROS LE SEUIL AU DELÀ DUQUEL LE PRESTATAIRE DOIT INFORMER LA JURIDICTION AVANT DE COMMENCER SES TRAVAUX. MÊME LORSQU'ELLE EST REQUISE PAR LES TEXTES, CETTE INFORMATION EST SOUVENT OMISE OU, SI ELLE EST PRODUITE, N'EST PAS COMMUNIQUÉE AU MINISTÈRE PUBLIC, QUI DEVRAIT POURTANT EN ÊTRE RENDU DESTINATAIRE À FIN D'AVIS. EN TOUTE HYPOTHÈSE, LE DÉLAI DE CINQ JOURS LAISSÉ À CE DERNIER PAR L'ARTICLE R. 107 POUR FORMULER DES OBSERVATIONS APPARAÎT BEAUCOUP TROP BREF AU REGARD DE LA COMPLEXITÉ D'ÉVALUATIONS QUI SOLLICITENT FRÉQUEMMENT UNE EXPERTISE TECHNIQUE QU'IL N'EST PAS AISÉ DE MOBILISER SI RAPIDEMENT. FIXÉE À UN NIVEAU TROP BAS, LA CONSULTATION DU MINISTÈRE PUBLIC EST BIEN SOUVENT ÉLUDÉE OU DE NUL EFFET.
PAR AILLEURS, LE DÉLAI DE RÉALISATION DES PRESTATIONS DEVRAIT ÊTRE CONSIDÉRÉ COMME UN CRITÈRE ESSENTIEL D'EFFICACITÉ, VOIRE D'ÉCONOMIE. RARES SONT CEPENDANT LES RÉQUISITIONS ÉMANANT DU PARQUET OU DES OFFICIERS DE POLICE JUDICIAIRE AGISSANT SUR INSTRUCTION DE CE DERNIER QUI FIXENT UN DÉLAI ET ENCORE PLUS RARES SONT LES PIÈCES PERMETTANT AUX JURIDICTIONS DE VÉRIFIER QU'IL A ÉTÉ RESPECTÉ. DE CE POINT DE VUE, LES PROCÉDURES DES MAGISTRATS DU SIÈGE SONT MIEUX FORMALISÉES 19 ( * ) .
LES MÊMES NÉGLIGENCES CARACTÉRISENT LES DÉCISIONS PRISES EN MATIÈRE DE SAISIE DES PIÈCES À CONVICTION. MALGRÉ LES TERMES DE L'ARTICLE 97 DU CODE DE PROCÉDURE PÉNALE ET LES DISPOSITIONS TRÈS CLAIRES DE LA CIRCULAIRE DU 13 DÉCEMBRE 1999, LES PROCUREURS PORTENT UNE ATTENTION INSUFFISANTE À LA MISE SOUS SCELLÉS D'OBJETS EN FAIT INUTILES À L'ENQUÊTE ; LA DÉPENSE INDUITE, PAR EXEMPLE EN FRAIS DE GARDIENNAGE, PEUT ÊTRE TRÈS ÉLEVÉE. PERDANT ENSUITE DE VUE LES DÉLAIS PRÉVUS PAR L'ARTICLE 41-4 DE CE CODE, LES PARQUETS NE VEILLENT PAS À LA RESTITUTION OU À L'ALIÉNATION DU BIEN ET LE CONSERVENT AINSI, AVEC LES FRAIS QUI S'Y ATTACHENT, DURANT DES DÉLAIS QUI PEUVENT ÊTRE ANORMALEMENT LONGS. LA LOI DU 23 JUIN 1999 RENFORÇANT L'EFFICACITÉ DE LA PROCÉDURE PÉNALE ENCOURAGEAIT UNE GESTION DYNAMIQUE DES SCELLÉS ; CELLE-CI N'EST QUE PEU PRATIQUÉE EN RAISON DU FAIBLE INTÉRÊT QU'Y PORTENT LES AGENTS, MAIS AUSSI DE L'INADAPTATION DES LOCAUX ET DE L'ABSENCE DE LOGICIEL NATIONAL POUR CETTE ACTIVITÉ.
B) L'ABSENCE DE COMPTABILITÉ D'ENGAGEMENT
LA TENUE D'UNE COMPTABILITÉ D'ENGAGEMENT PERMETTRAIT DE S'ASSURER À TOUT MOMENT DE LA DISPONIBILITÉ DES CRÉDITS, DU RESPECT DES SEUILS DE MISE EN CONCURRENCE DES PRESTATAIRES AINSI QUE, AVEC LA MISE EN PLACE D'UNE COMPTABILITÉ EN DROITS CONSTATÉS, DU RATTACHEMENT DES CHARGES À L'EXERCICE. LE MINISTÈRE DE LA JUSTICE N'A PAS MIS EN PLACE CET OUTIL, QUI EST POURTANT IMPOSÉ PAR LA LOI ORGANIQUE DU 1 ER AOÛT 2001.
EN PREMIER LIEU, AUCUNE JURIDICTION NE TIENT UN COMPTE, MÊME APPROXIMATIF, DES RÉQUISITIONS PRISES À L'OCCASION D'UNE PROCÉDURE PÉNALE. UN TEL RECENSEMENT PARAÎT POURTANT NÉCESSAIRE, COMPTE TENU DU NOMBRE ÉLEVÉ DE PRESCRIPTEURS ET DE LA MULTIPLICATION DES TEXTES AUTORISANT LES OFFICIERS DE POLICE JUDICIAIRE À AGIR D'OFFICE, ALORS MÊME QUE LA DÉPENSE S'IMPUTERA SUR LE BUDGET DU MINISTÈRE DE LA JUSTICE.
EN SECOND LIEU, MÊME LORSQU'ELLE EST OBLIGATOIRE, L'AUTORISATION PRÉALABLE DU PARQUET SUR LES MESURES PRISES PAR LES OFFICIERS DE POLICE JUDICIAIRE DANS LE CADRE D'ENQUÊTES PRÉLIMINAIRES FAIT SOUVENT DÉFAUT - AUQUEL CAS LA DÉPENSE N'A PAS ÉTÉ ENGAGÉE RÉGULIÈREMENT ET S'EXPOSE DONC SOIT À UN REFUS DE PAYEMENT PAR LE COMPTABLE, SOIT À UNE SANCTION PAR LE JUGE FINANCIER - OU N'EST EN TOUT CAS PAS MENTIONNÉE SUR LA RÉQUISITION. RARES SONT CEPENDANT LES PROCUREURS QUI RAPPELLENT LEURS OBLIGATIONS AUX SERVICES D'ENQUÊTE.
IL N'EXISTE PAS DAVANTAGE D'OUTIL DE SUIVI DE LA DÉPENSE PAR MAGISTRAT OU PAR GRAND SERVICE PRESCRIPTEUR (PARQUET, INSTRUCTION, SIÈGE HORS INSTRUCTION). UN TEL OUTIL EST CEPENDANT INDISPENSABLE. LES VOLUMES EN CAUSE 20 ( * ) NE PERMETTENT PAS UNE SAISIE MANUELLE OU PAR TABLEUR CLASSIQUE ET EXIGENT UN TRAITEMENT AUTOMATISÉ. LA SAISIE DES ENGAGEMENTS, QUI N'ÉQUIVAUT EN RIEN À CONTINGENTER LES DÉPENSES OU À LES SOUMETTRE À UNE PROCÉDURE D'AUTORISATION A PRIORI , CONSTITUE UNE ÉTAPE DÉCISIVE MAIS À CE JOUR NON FRANCHIE, Y COMPRIS AU SEIN DES COURS D'APPEL EXPÉRIMENTATRICES (VOIR PARTIE IV, CI-APRÈS), DANS LA CONNAISSANCE ET DONC DANS LA MAÎTRISE DES FRAIS DE JUSTICE.
C) LA NON MISE EN JEU DE LA CONCURRENCE
LA RÉQUISITION PAR LAQUELLE UN MAGISTRAT OU UN OFFICIER DE POLICE JUDICIAIRE DEMANDE À UNE PERSONNE, QUI N'EST LE PLUS SOUVENT PAS UN AGENT PUBLIC, D'ACCOMPLIR UNE PRESTATION DE FOURNITURE OU DE SERVICE, EXCEPTIONNELLEMENT DE TRAVAUX, EN VUE DE PERMETTRE LA MANIFESTATION DE LA VÉRITÉ, CONSTITUE UN ACTE UNILATÉRAL, NON SUSCEPTIBLE DE RECOURS ET QUI TRADUIT L'EXERCICE DE PRÉROGATIVES DE PUISSANCE PUBLIQUE. LA RÉQUISITION NE PEUT, PAR ELLE-MÊME, FAIRE L'OBJET D'UNE NÉGOCIATION OU AVOIR POUR SUPPORT UN CONTRAT.
NÉANMOINS, PAR LEUR MONTANT, LEUR FRÉQUENCE ET LA POSSIBILITÉ DE STANDARDISER CERTAINES PRESTATIONS, LES FRAIS DE JUSTICE REPRÉSENTENT UN COÛT ET DES CARACTÉRISTIQUES QUI JUSTIFIERAIENT UNE APPROCHE PARFOIS SYSTÉMIQUE DES MEILLEURES CONDITIONS DE PRIX, DE DÉLAI ET DE QUALITÉ DES PRESTATIONS. CETTE APPROCHE, QUI NE SAURAIT ÊTRE CONFIÉE AUX PRESCRIPTEURS, RELÈVE D'UN NIVEAU APPROPRIÉ, QUI SERAIT NATIONAL, RÉGIONAL, VOIRE LOCAL EN FONCTION DE LA NATURE DE LA PRESTATION ET DU DEGRÉ DE CONCENTRATION DU SECTEUR. DANS CE CADRE, ÉCLAIRÉ PAR LES RECOMMANDATIONS DU MINISTÈRE ET DE LA COUR D'APPEL EN MATIÈRE DE « BONNES PRATIQUES », LE PRESCRIPTEUR RESTERAIT LIBRE DE PRENDRE OU NON UNE RÉQUISITION. LES CONDITIONS D'EXÉCUTION ET DE RÈGLEMENT SERAIENT AMÉNAGÉES DANS UN CADRE CONVENTIONNEL, QUI POURRAIT REVÊTIR LES FORMES LES PLUS DIVERSES : MARCHÉ PUBLIC, PAR EXEMPLE SOUS LA FORME DE MARCHÉ À BONS DE COMMANDE 21 ( * ) , CONVENTION CADRE 22 ( * ) , BARÈMES...
La mise en concurrence des prestataires, le cas échéant sur simple devis, serait de nature à favoriser la constitution de prix plus contenus, notamment en matière de transports 23 ( * ) , de fournitures ou de location de matériels. La chancellerie semble avoir pris récemment conscience de l'intérêt d'une confrontation plus fréquente entre fournisseurs potentiels, en particulier dans les secteurs des empreintes génétiques ou de la location de matériel d'interceptions téléphoniques. Cette réflexion mérite d'être poursuivie, compte tenu de la vive progression des dépenses de ces postes, et d'être étendue à d'autres secteurs qui se prêteraient à une mise en concurrence nationale, voire internationale.
d) La non gestion des situations de monopole
LA MISE EN CONCURRENCE N'EST PAS TOUJOURS POSSIBLE, DU FAIT DE DONNÉES TECHNIQUES IMPOSANT LE RECOURS À UN PRESTATAIRE DÉTERMINÉ. TEL EST PAR EXEMPLE LE CAS EN MATIÈRE DE RÉQUISITIONS TÉLÉPHONIQUES, POUR LESQUELLES L'ETAT NE PEUT S'ADRESSER QU'À L'OPÉRATEUR DE LA LIGNE CONCERNÉE. CETTE SITUATION DE CLIENT CAPTIF NE DOIT PAS POUR AUTANT CONDUIRE LE MINISTÈRE, QUI EST AUSSI EN SITUATION DE MONOPSONE SUR CE TYPE DE PRESTATION, À RENONCER À TOUT CONTRÔLE A PRIORI . MALGRÉ L'ABSENCE DE CONCURRENCE, DES NÉGOCIATIONS PERMETTRAIENT DE DÉFINIR UN RÉFÉRENTIEL DES PRESTATIONS ET DE DÉGAGER AINSI UN JUSTE PRIX. CETTE DÉMARCHE CONTRACTUELLE RELÈVE DES ATTRIBUTIONS DE LA CHANCELLERIE ; ELLE POURRAIT ÊTRE REMPLACÉE À MOYEN TERME PAR UNE TARIFICATION DANS LE CODE DE PROCÉDURE PÉNALE.
LE BILAN DE LA POLITIQUE CONVENTIONNELLE MENÉE PAR LA CHANCELLERIE DEPUIS UNE DIZAINE D'ANNÉES N'APPARAÎT, À CE JOUR, GUÈRE CONVAINCANT. EN MATIÈRE DE TRANSPORT FERROVIAIRE, LE CADRE DES RELATIONS FINANCIÈRES AVEC LA SNCF, QUI REMONTE À UNE CONVENTION DU 31 JUILLET 1937, MÉRITERAIT D'ÊTRE MIS À JOUR, D'AUTANT QUE LES CONDITIONS COMMERCIALES RÉSERVÉES À L'ETAT SONT LOIN D'ÊTRE AVANTAGEUSES. QUANT À LA TÉLÉPHONIE, IL CONVIENT DE RELEVER QUE LE SECTEUR DU TÉLÉPHONE MOBILE, QUI REPRÉSENTE PLUS DE 80 % DES ÉCOUTES ET DES RELEVÉS, DEMEURE DÉPOURVU DE SUPPORT CONVENTIONNEL OU TARIFAIRE. CETTE SITUATION, PEU PROPICE AU CONTRÔLE DES COÛTS, S'EXPLIQUE LARGEMENT PAR LA RÉTICENCE DES ENTREPRISES ET PAR L'OPACITÉ DE LEUR GRILLE TARIFAIRE.
LA CHANCELLERIE SEMBLE AVOIR PRIS LA MESURE DES INCONVÉNIENTS QUI POUVAIENT EN RÉSULTER ET S'EST ENGAGÉE DANS L'ÉLABORATION D'UN RÉFÉRENTIEL DE PRESTATIONS COMMUNES, QUI, SEUL, PERMETTRA D'ÉTABLIR DES COMPARAISONS ENTRE DES GRILLES DE TARIFS JUSQUE LÀ NON HOMOGÈNES. CET EXERCICE A MIS EN ÉVIDENCE DES DISPARITÉS CONSIDÉRABLES ENTRE OPÉRATEURS POUR LES PRESTATIONS DE BASE. DANS UNE VISION PLUS AMBITIEUSE, LES PRESTATAIRES POURRAIENT CONSENTIR DES RÉDUCTIONS SUBSTANTIELLES SI, EN CONTREPARTIE, LE MINISTÈRE ÉTAIT EN MESURE DE PROCÉDER À DES RÉFORMES COMME L'AUTOMATISATION ET LA SIMPLIFICATION DE LA FACTURATION. IL EST CEPENDANT ASSURÉ QUE LES GAINS OBTENUS SUR LES PRIX UNITAIRES N'AURONT D'IMPACT SUR LA DÉPENSE TOTALE QUE DANS LA MESURE OÙ SERONT DAVANTAGE MAÎTRISÉS LE NOMBRE DES ACTES ET LES CONDITIONS DANS LESQUELLES LES RÉQUISITIONS SONT PRISES.
3.2 Un contrôle a posteriori inefficace
a) L'obsolescence du circuit de payement
Le régime financier des frais de justice est fixé par le code de procédure pénale, selon un dispositif dérogatoire aux règles de la comptabilité publique : si l'on excepte les dépenses qui font l'objet d'un ordonnancement central (franchise postale résiduelle, transferts des détenus et escortes, envoi de bulletins de casier judiciaire, transport des pièces à conviction), qui représentent 2 % du total, les frais de justice ne font pas l'objet d'une procédure de mandatement classique. Le circuit de payement fait intervenir tantôt un magistrat du siège sur réquisition du ministère public (procédure juridictionnelle de « taxation »), tantôt un greffier (procédure administrative de « certification »).
L'article R. 224-1 du code de procédure pénale soumet à la procédure de certification diverses catégories de dépenses, quel qu'en soit le montant (indemnités versées aux interprètes, jurés, délégués du procureur, garde des scellés, frais postaux...), ainsi que l'ensemble des dépenses d'un montant inférieur à 152,45 € 24 ( * ) . Les décisions de taxation ou de certification, bien que de nature financière, peuvent être contestées par la voie d'un recours devant la chambre de l'instruction parce qu'elles sont liées à un acte juridictionnel.
De même que l'ordonnateur réel de la dépense, au moment de l'engagement, n'est pas clairement identifié et désigné, de même, l'ordonnateur, au moment du payement, apparaît tout aussi transparent, donc absent. En effet, le magistrat taxateur, qui va arrêter le niveau de la dépense, est le président de la juridiction ou le magistrat qu'il délègue ; il agit sur réquisition du procureur. Or, sauf si le magistrat délégué est celui qui conduit la procédure, par exemple en qualité de juge d'instruction, il ne peut connaître l'affaire et les besoins qui ont justifié l'engagement des frais dont il va fixer le montant, pas plus d'ailleurs qu'il n'est lié en droit à la personne qui a initialement prescrit la dépense et qui en est donc, en partie, l'ordonnateur de fait. Si un rôle régulateur est reconnu au ministère public à trois moments du circuit de la dépense 25 ( * ) , l'enquête de la Cour sur les parquets a montré que cette fonction n'était en pratique pas assumée.
Ainsi, le magistrat taxateur, qui participe à la fonction d'ordonnancement, tire ses attributions de la délégation d'un magistrat, le président, qui n'a pas de pouvoir financier d'ordonnateur. Le décret du 24 mai 2004 qui confie conjointement le pouvoir d'ordonnateur aux chefs des cours d'appel n'améliore pas les choses, puisque ces derniers sont dépourvus de tout lien fonctionnel ou hiérarchique avec les prescripteurs, les taxateurs, les certificateurs - qui se partagent la réalité des fonctions d'ordonnateur - ou avec les payeurs. La situation des chefs de cour est d'autant plus insolite qu'ils n'ont pas, aux termes de l'article R. 213-30 du code de l'organisation judiciaire, le pouvoir de déléguer leur signature à un magistrat ou fonctionnaire d'une autre juridiction du ressort. La même confusion existe pour le greffier qui exerce, au moment du payement, des fonctions partielles d'ordonnateur, sans lien avec l'ordonnateur initial et sans être identifié comme tel.
B) L'IRRÉGULARITÉ DES DÉPENSES
Ce système complexe n'est ni cohérent ni efficace ; il ne garantit pas la régularité des payements. Comme les investigations sur pièces et sur place menées par la Cour l'ont montré, la faiblesse manifeste des contrôles exercés conduit à des irrégularités nombreuses et à des résultats aléatoires, tant pour ce qui est de la vérification du service fait que pour son évaluation financière.
LES PIÈCES JUSTIFICATIVES DE LA DÉPENSE PRÉSENTENT DE NOMBREUSES INSUFFISANCES. A VRAI DIRE, LA PRÉSENTATION DU FORMULAIRE « CERFA » N° 10 096 EST PEU RIGOUREUSE : LORSQUE LA DÉPENSE FAIT L'OBJET D'UNE CERTIFICATION, UNE MENTION PRÉREMPLIE INDIQUE QUE LE GREFFIER A « VÉRIFIÉ LA RÉALITÉ DE LA DETTE ». CETTE FORMULE, QUI PEUT ÊTRE REGARDÉE COMME VALANT CERTIFICATION DU SERVICE FAIT, NE FIGURE EN REVANCHE PAS EN CAS DE TAXATION. OR L'ARTICLE 13 DU DÉCRET DU 29 DÉCEMBRE 1962 PORTANT RÈGLEMENT GÉNÉRAL SUR LA COMPTABILITÉ PUBLIQUE S'APPLIQUE AUX DÉPENSES TAXÉES COMME AUX DÉPENSES CERTIFIÉES, CE QUI SUPPOSE LA CERTIFICATION DE SERVICE FAIT POUR LE SERVICE RENDU PAR LA PERSONNE OU L'ORGANISME REQUIS. POUR LES RAISONS PRÉCÉDEMMENT EXPOSÉES, LES ORDONNATEURS NOMINAUX (LES CHEFS DE COUR) NE SONT, PAS PLUS QUE LES PRESCRIPTEURS (ORDONNATEURS DE FAIT AU STADE DE L'ENGAGEMENT), EN SITUATION D'ASSURER LA FONCTION ESSENTIELLE DE CERTIFICATION DU SERVICE FAIT.
LA COUR A ÉGALEMENT CONSTATÉ L'ABSENCE FRÉQUENTE DE MÉMOIRES OU DE RÉQUISITIONS OU ENCORE LA PRODUCTION DE MÉMOIRES NON DATÉS NI SIGNÉS OU DE RÉQUISITIONS NON VISÉES PAR LE MAGISTRAT OU L'OFFICIER DE POLICE JUDICIAIRE, L'ABSENCE DE SIGNATURE DE LA PERSONNE REQUISE, LE PAYEMENT AU VU DE SIMPLES PHOTOCOPIES, L'INCOHÉRENCE DES DATES FIGURANT SUR LA RÉQUISITION ET LE MÉMOIRE.
PLUS GÉNÉRALEMENT, LA NATURE ET LE CONTENU DE LA PRESTATION NE FONT PAS L'OBJET D'UNE VÉRIFICATION ATTENTIVE. AINSI, IL N'EST PAS EXCEPTIONNEL, NOTAMMENT POUR LES DEMANDES ADRESSÉES AUX OPÉRATEURS TÉLÉPHONIQUES, QUE DES DISCORDANCES APPARAISSENT ENTRE L'OBJET DE LA RÉQUISITION ET LA FACTURE. DE MÊME, FAUTE DE CONNAÎTRE LEURS CRÉANCIERS, DU FAIT DE L'ABSENCE DE COMPTABILITÉ D'ENGAGEMENT, LES GREFFIERS NE PEUVENT SUIVRE LEURS DÉPENSES. OR, CERTAINS PRATICIENS REGROUPENT LEURS DEMANDES DE PAYEMENT, QUI PEUVENT AINSI SE TROUVER RÉGLÉES LONGTEMPS APRÈS L'EXÉCUTION DES OPÉRATIONS ET, DANS CERTAINS CAS EXTRÊMES, AU-DELÀ DU DÉLAI DE QUATRE ANS, SANS QUE LEUR SOIENT TOUJOURS OPPOSÉES LES RÈGLES DE LA PRESCRIPTION QUADRIENNALE. DE TELS CAS, HEUREUSEMENT RARES, SE RENCONTRENT POUR LES PRESTATIONS À EXÉCUTION SUCCESSIVE, NOTAMMENT EN MATIÈRE DE CONSERVATION DES PIÈCES À CONVICTION (GARDIENNAGE DE VÉHICULES ACCIDENTÉS OU IMPLIQUÉS DANS UNE INFRACTION).
SANS FORCER LE TRAIT, IL EST PERMIS DE PENSER QUE, AU STADE DU RÈGLEMENT, IL N'EST PAS VÉRIFIÉ SI LE SERVICE A ÉTÉ EFFECTIVEMENT RENDU ET ENCORE MOINS SI SA FACTURATION EN CONSTITUE LA JUSTE CONTREPARTIE, TELLE QUE POURRAIT L'APPRÉCIER LE PRESCRIPTEUR.
EN MATIÈRE D'ÉVALUATION FINANCIÈRE, QUI CORRESPOND À LA PHASE DE LIQUIDATION DE LA DÉPENSE, LES MÉTHODES SUIVIES APPARAISSENT NON MOINS ERRATIQUES. L'IGNORANCE DES COÛTS TAXABLES ET L'OBSOLESCENCE DES TARIFS, DÉJÀ ÉVOQUÉES, EN SONT LA PRINCIPALE EXPLICATION. MAIS IL EST AUSSI DES PRATIQUES À CORRIGER, CE QUE LA PROCÉDURE DE TAXATION PERMET EN PRINCIPE, POUR AUTANT QU'IL EN SOIT FAIT USAGE.
PAR EXEMPLE, LA PLUPART DES OPÉRATEURS DE TÉLÉPHONIE FIXE FACTURENT UNE MAJORATION INDIVISIBLE PAR MOIS SUPPLÉMENTAIRE LORSQUE LA DURÉE DE L'INTERCEPTION EXCÈDE DEUX MOIS. DE MÊME, LES OPÉRATEURS DE TÉLÉPHONIE MOBILE FACTURENT UN MOIS COMPLET POUR TOUTE PÉRIODE D'INTERCEPTION AU COURS DU MOIS CIVIL : UNE ÉCOUTE COMMENCÉE LE DERNIER JOUR D'UN MOIS ET ARRÊTÉE DÈS LE PREMIER JOUR DU MOIS SUIVANT DONNE LIEU À LA FACTURATION FORFAITAIRE DE DEUX MOIS. CES PRATIQUES, QUI NE SONT PAS CONFORMES À LA RÈGLE DU SERVICE FAIT, DOIVENT ÊTRE CORRIGÉES. DE FAIT, CERTAINES JURIDICTIONS LES ONT À JUSTE TITRE SANCTIONNÉES EN TAXANT LA DÉPENSE PAR RÉFÉRENCE AU NOMBRE DE JOURS EFFECTIFS DE PRESTATION .
DE PLUS, LA RÉGLEMENTATION RELATIVE AUX COTISATIONS SOCIALES APPLICABLES AUX COLLABORATEURS EXTÉRIEURS DU MINISTÈRE DE LA JUSTICE EST PUREMENT ET SIMPLEMENT IGNORÉE. L'ARTICLE L. 311-3 21° DU CODE DE LA SÉCURITÉ SOCIALE PRÉVOIT LE RATTACHEMENT AU RÉGIME GÉNÉRAL DES PERSONNES EXERÇANT À TITRE OCCASIONNEL UNE ACTIVITÉ POUR LE COMPTE DE L'ETAT. UN DÉCRET DU 17 JANVIER 2000 ÉNUMÈRE LA LISTE DES COLLABORATEURS CONCERNÉS, DONT LES EXPERTS AU PÉNAL, LES TRADUCTEURS ET INTERPRÈTES, LES MÉDIATEURS ET DÉLÉGUÉS DU PROCUREUR. LES RÈGLES DE COTISATION ONT ÉTÉ FIXÉES PAR UN ARRÊTÉ DU MINISTRE CHARGÉ DES AFFAIRES SOCIALES, EN DATE DU 21 JUILLET 2000. ENTRÉ EN VIGUEUR LE 1 ER AOÛT 2000, CE DISPOSITIF, D'UNE COMPLEXITÉ SANS DOUTE EXCESSIVE, N'EST PAS À CE JOUR APPLIQUÉ PAR LES JURIDICTIONS, QUI S'ABSTIENNENT DE DÉCOMPTER ET DE VERSER LES COTISATIONS, CE QUI CONDUIT L'ETAT À SE COMPORTER EN EMPLOYEUR IRRÉGULIER.
AU TOTAL, LE MANDATEMENT A POSTERIORI , QUE LES NOUVELLES RÈGLES BUDGÉTAIRES INSTITUENT ET PLACENT SOUS LA RESPONSABILITÉ DES CHEFS DE COURS D'APPEL, RESTE AVEUGLE, QU'IL Y AIT OU NON PAYEMENT EN RÉGIE : APRÈS UN ENGAGEMENT, NON SAISI DANS SA DATE, SA NATURE, SON VOLUME ET SES DÉLAIS, SUR RÉQUISITION D'UN AGENT NON HABILITÉ À PRENDRE UNE RESPONSABILITÉ FINANCIÈRE, LE PAYEMENT INTERVIENT APRÈS UN SERVICE NON CERTIFIÉ ET SANS LIQUIDATION SÉRIEUSEMENT ORGANISÉE, MÊME SI LE RESPECT FORMEL DES TARIFS EST GÉNÉRALEMENT SURVEILLÉ. AU DEMEURANT, L'IGNORANCE DES FACTURES À RECEVOIR ÔTE TOUTE VISIBILITÉ POUR L'ORGANISATION DES RÈGLEMENTS DANS DE BONNES CONDITIONS ET SELON DES DÉLAIS ACCEPTABLES. NOMBRE DE SERVICES, NOTAMMENT LES RÉGIES, CONNAISSENT UN ENCOMBREMENT IMPORTANT QUI FAIT OBSTACLE AU RÈGLEMENT DES MÉMOIRES DANS DES DÉLAIS RAISONNABLES.
* 19 Les formulaires utilisés par les juges d'instruction comportent systématiquement une rubrique fixant la date de réalisation des travaux et une rubrique précisant la date de remise desdits travaux, cette dernière devant être renseignée et émargée par le greffier d'instruction.
* 20 Plus de 75 000 mémoires en 2004 au sein de la cour d'appel de Lyon.
* 21 Il est possible de citer le marché concernant les transferts judiciaires par voie aérienne. Il serait d'ailleurs souhaitable que soient clarifiées les conditions d'application du code des marchés publics, qui ne réserve aucune exception en la matière, aux prestations financées sur frais de justice.
* 22 Comme celle qui existe depuis 1995 entre l'Etat et France télécom.
* 23 Le monopole de fait confié par la chancellerie au SERNAM pour le transport des pièces à conviction ne respecte ni les règles de la commande publique, ni les impératifs d'une gestion rigoureuse.
* 24 Les textes ne précisent pas si le seuil de l'article R. 224-1 s'applique au total du mémoire ou par prestation.
* 25 Avis sur l'engagement de la dépense (voir ci-dessus), réquisitions à fin de taxation, possibilité d'exercer un recours contre l'ordonnance de taxe.