D. UNE ÉVOLUTION GLOBALE MAL MAÎTRISÉE
Sous cette rubrique, la Cour des comptes évoque successivement la dérive des dépenses, une information partielle des parties prenantes et l'insincérité des dotations budgétaires.
1. La dérive des dépenses
Avec plus de 304 millions d'euros inscrits en loi de finances initiale pour 2005, les frais de justice pénale représentent 80 % de l'ensemble des frais de justice, contre 69 % en 2000 .
Après un doublement entre 1988 et 1995, les frais de justice ont connu une relative stabilisation jusqu'en 2001, résultant notamment d'une circulaire du Garde des sceaux du 16 avril 1996 prévoyant un système de « bonus » en crédits complémentaires de fonctionnement, en faveur des Cours d'appels ayant le mieux maîtrisé ces dépenses .
Une forte accélération a marqué les années 2002 (+ 13,3 %), 2003 (+ 21,2 %) et 2004 (+ 27,1 %). Dans certains ressorts, l'augmentation a dépassé 40 %.
Un tableau (page 3 de l'enquête) fait état de l'évolution des dépenses par rubriques principales, entre 1995 et 2004.
Les postes les plus touchés par l'explosion des frais de justice sont ceux portant sur les réquisitions des opérateurs de téléphonie (+ 59 % en 2004), la location des matériels d'interception téléphonique (+ 41 % en 2004) et les examens toxicologiques et biologiques (+ 38 % en 2004).
Au total, les frais relatifs à la téléphonie représentent plus de 21 % des frais de justice pénale, contre 11 % en 1995 .
2. Une information partielle des parties prenantes
La Cour des comptes constate que, depuis son référé au Garde des sceaux du 13 juillet 1991 relatif aux frais de justice, un effort avait été consenti pour améliorer l'information du ministère et des juridictions. Depuis la circulaire précitée du 16 avril 1996, chaque Cour d'appel est tenue de présenter à la chancellerie un rapport semestriel sur l'évolution de la dépense pénale dans son ressort. La chancellerie suit l'évolution de la dépense au niveau national, par nature de frais, sur la base des données communiquées mensuellement par l'Agence comptable centrale du trésor (ACCT).
Selon la Cour des comptes, les progrès ainsi enregistrés demeurent insuffisants.
L'information en provenance des juridictions, parfois tardive, est souvent approximative . Pour les frais de justice criminelle, des écarts de plus de 20 % ont été enregistrés entre les chiffres de certaines Cours d'appel et ceux de l'ACCT.
La nomenclature des frais de justice criminelle est peu adaptée au pilotage et au suivi de ces dépenses . Les tableaux de bord semestriels comportent 25 paragraphes , dont 11 ont représenté en 2004 une dépense inférieure à 4 millions d'euros, pour la France entière. A l'inverse, certaines rubriques apparaissent trop globales (« examens psychiatriques, médico-psychologiques ou psychologiques ») et, faute d'une approche plus fine, ne se prêtent pas aux études d'impact qu'appelleraient les projets de réforme pénale.
Au surplus, les chiffres se limitent à la dépense globale, sans précision sur le volume ou le coût unitaire des prestations . Selon la chancellerie, l'absence de données sur les volumes d'actes proviendrait de l'hétérogénéité des logiciels informatiques qui équipent les régies des juridictions. La maîtrise des coûts suppose donc au préalable, selon la Cour des comptes, un renforcement des moyens informatiques .